cherche ceux qui seraient inspirés par l'idée de créer et d'écrire coopérativement une gamme de wikipedias indépendants portables - c'est-à-dire que l'on ne soit pas obligé de passer par l'internet mais qui pourraient exister et se transmettre via des manuscrits, des transcriptions, des clés USB ...
INECODYN signifie :
"infrastructure écologique dynamique".
plus court encore "IED" ou "ied".
cv09, c'est chemin vert 09, une version précédente
Problématique écologique
Mettons que le problème est de réconcilier les intérêts particuliers avec l’intérêt général.
Dans un cadre numérique (que l'on soit d'accord ou pas avec), on crée une application algorithmique transparente qui soumet les données de chaque participant à des grilles d’analyse de leur valeur en termes écologiques. On peut utiliser des structures style "Git" ou le format assez standard "Media-Wiki" utilisé par Wikipédia pour que ce soit une œuvre commune. Actuellement le logiciel "Yeswiki" est utilisé pour être solidaire avec les acteurs plus locaux - il est facile et intuitif, dans l'utilisation. On peut utiliser des logiciels style "shop" - des feuilles de calcul - pour calculer des bilans.
On peut appeler ces grilles de lecture des bilans écologiques, ou des bilans socioécologiques, sociaux, ... Selon les critères selectionnés et le poids relatif qu'on les accorde, ces bilans sont plus ou moins écoligiquement négatifs ou positifs.
En fait, cela existe déjà, mais comme il y a plusieurs arguments qui peuvent être utilisés pour justifier différents actes, il est très important de pouvoir comprendre cette affaire - pour cela il serait intéressant de s'y pencher au lieu de regarder des "black box" faire des computations opaques.
Pour l’individu, c’est un peu comme un jeu. Il connaît les buts du jeu : il doit chercher comment faire que ses intérêts particuliers, de bonne santé, d’intégration sociale, familiaux, etc. soient compatibles avec l’intérêt général – tout en en faisant partie, bien sûr.
Il est fort probable qu’il s’allie avec d’autres, en réseau ou en groupe, pour pouvoir être socialement efficace, puisque cela lui fait gagner des "points" dans le jeu. Ce jeu permet de proposer et de tester les stratégies de vie pour voir ceux qui marchent le mieux. Comment donner une valeur quantifiable à la valeur d’innovations spécifiques qui font gagner énormément de points dans l’intérêt général, même si la personne concernée ne pratique aucunement une vie écologiquement recommandable ? Est-ce que cela échappe au quantifiable? La question a la mérite d'être posée.
Il peut y avoir plusieurs modèles d’analyse – des projections alternatives, comme pour le climat. Qu’ils soient quantifiables et analysables – que ce soit visible. Il y a aussi le dilemme de Big Brother - comment faire qu'on ne termine pass téléguidés comme les chinois, tout en utilisant les instruments numériques pour des projets collectifs.
Ici vous trouverez les liens aux affiches pour la tournée cévenole, printemps 2024. Une tentative pour nous mobiliser ensemble pour créer une petite logistique à bilan carbone positif.
N'hésitez pas à rentrer en contact via le mail inecodyn@singularity.fr
initiative VéloTransport, entre les marchés de Florac et de Sainte-Croix-Vallée-Française (février 2024)
Lorsque j’y réfléchis, en attribuant la valeur « friche » à un endroit, on
l’abandonne, en lui conférant le statut de « nature »,
sous le label de « réserve
de la nature », il n'est pas de notre monde, sinon celui des experts. Mais le jardin, on continue de le cultiver, pareil.
En ceci, les anglais et les japonais varient quelque
peu : ils soignent « la nature » mais toujours dans
le but de la rendre plus « naturelle » ;
« wilderness » est la catégorie anglaise de la nature
non-soignée.
En écrivant ceci, je pense à un sous-bois, au bord
du Canal de Midi, où j’ai été horrifié de trouver un campement
abandonné contenant tous les déchets et immondices du monde
moderne, à quelques encâblures d’un collectif dédié à
l’économie circulaire – le recyclage des déchets.
Tellement j’en étais dégoûté que j’ai passé
des journées entières à désincruster piles et batteries du sol, à
ramasser des fragments de plastique, à enlever des couches
sanitaires, des slips souillés, des seringues … et ainsi de suite.
Comment se faisait-il qu’on avait laissé pourrir sur place si longtemps
ces objets – au moins deux ans selon l’étendue
de la mousse et du feuillage qui s’y étaient superposés ?
Dans ce bois de beauté en régénération ?
Comme le secret honteux du coin ? En fait, je perçois que
c’étaient des déchets, des rebus, cela n’existait plus, comme
une crime enfouie dans l’amnésie – la mémoire traumatique.
« Nettoie ta merde, ce n’est pas la mienne, je l’abjure »,
quelque chose de la sorte.
On fait pareil, finalement, dans plusieurs domaines,
la pollution sonore cesse d’avoir de l’importance hors monde
humain, les périmètres de l’intolérable rétrécissent, la
nature ne réclame pas ses droits, noyée dans le vacarme du
transport routier.
Si chacun prend sa petite responsabilité, le monde
s’améliorera, n’est-ce pas, petit colibris, petite merde ?
En fait non. La friche, c’est la rage contre
l’inachevé des autres, la culpabilité non-reconnue de l’échouage
collectif. C’est la liberté de faire ce qu’on veut, cette
friche-nature. Y attirer l’attention, c’est inviter des emmerdes.
recycler ...?
Le recyclage de l'industriel est en train de devenir une industrie en soi, la recyclerie via la ressourcerie. Elle bénéficie de beaucoup d'espace dans l'ancien industriel, les hangars et usines, et de subventions d'état.
Cependant, il ne faut qu'un moment de reflection pour constater que tout ne brille pas dans ce monde apparemment vertueux. En favorisant l'essor d'un nouveau champs industriel - la récup et remise en forme de matériaux industriels, on crée un nouveau marché pour l'industriel. On perpétue l'industriel.
Deuxio, l'amplification de ce secteur, au dépens d'autres secteurs, exemple : l'humble potager à légumes, peut faire perdurer l'industrialisme, là où nos intérêts écologiques tirent plus vers notre réintégration à une vie moins industrialisée. Or, on risque de retrouver à cette époque critique bien peu de jardiniers mèlés avec beaucoup de bricoleurs, de maçons, de charpentiers, d'éléctriciens, tous avec des savoirs faires et des intérêts dans l'industriel et le toujours plus.
La voix de la nature se fait entendre dans la voix des jardiniers expérimentaux, qui sont si peu et si peu soutenus, lorsque l'industriel et ses succursales prennent presque tout. Les jardiniers sont des connaisseurs intimes de la nature, qu'ils sachent aménager la terre (écologiquement, hydrologiquement, à main) ou qu'ils connaissent la culture des plantes. Où est leur voix? Ces métiers, plus ceux de la transformation et la mise sur le marché des produits de la terre, doivent croître, surtout à petite échelle et au niveau local.
C'est dans cette infrastructure écologique dynamique que nous pouvons trouver les plus grandes transferts de l'industriel, avec ses énormes surcoûts énergiques, au post-industriel - l'usage intelligent de ressources naturels qui viennent de notre milieu de vie. Nous ne pouvons pas, en toute bonne conscience, continuer de gonfler artificiellement nos besoins physiques en énergie, alors qu'en utilisant notre intelligente coopération collective nous pourrions nous en sortir avec plusieurs fois moins.
« Peur du totalitarisme » contre « Peur écologique »
Preuve de l’existence de l’espace-temps, l’avenir n’est plus un refuge à l’usage exclusif des technophiles. Une autre science est dorénavant possible.
Les pays lointains, imaginaires, d'ailleurs, du passé, de l’avenir s’imposent, se sur-imposent sur les « affres du présent ».
« Mène ta bonne guerre dans le corps et l’esprit d’Arnold Schwarzenneger ». Crée ta réalité, ton metavers ».
Le CyberPunk
« La déliquescence sociale généralisée » avec des compléments techniques [et mafieux]. »
Post-apocalyptique
« Qu’y a-t-il après un éffondrement sociétal ? »
Optimiste, constructiviste, pas fermé
Là, je vais passer à la vitesse supérieure
A la radio, j’entends 2 nouvelles garanties à nuire à tout optimisme, ils sont doués pour cela.
Le cerveau de l’être humain a commencé à rétrécir il y a 300 000 ans, selon des analyses plus repoussés. On a pensé auparavant que ce rétrécissement est venu avec le néolithique, il y a 10 000 ou 3 000 ans.
Les machines produisent 200 fois plus que les humains. C’est-à-dire, il faudrait 200 humains à la place d’une, sans machines. Sous-entendu qu’on devrait travailler comme des bougres pour avoir le même niveau de vie qu’aujourd’hui, s l’on perdait l’usage des machines.
J’adore ce genre de statistique, … pas. Si c’était une question d’intelligence collective, comment se fait-il que sur les médias ils parlent de « productivité » de cette manière, comme si c’étaient des fait avérés, incontestables ?
Au contraire, on vit avec la productivité comme avec un mauvais voisin, de plus en plus. Depuis quand la productivité ne se mesure-t-elle qu’en unités énergiques ? La machine humaine « pèse » soixante watts. Elle produit soixante watts. Elle peut faire un tas de choses, à moindre prix énergétique que la machine machine.
Comme moins voyager, ou voyager moins loin, par exemple. Ou bien plus. Une bonne promenade, au moins une fois par jour, fait généralement du bien. Plus de voiture, encore plus de bien. La réduction du dépens énergétique nécessaire à l’existence de chaque humain serait énorme si cela eut lieu.
Qu’est-ce que produisent exactement les machines ? Plus de travail pour les machines, peut-être, mais qu’est-ce que cela a à voir avec nous alors ?
Quel est le « coût-bénéfice » (cost-benefit) – à qui se rapporte-t-il ?
Si j’achète une voiture, je fais la bénéfice de ceux qui font et vendent les voitures, ceux qui font les routes mais à moi-même ? La bénéfice est de rouler en voiture. De pouvoir se déplacer plus loin. A quel but ? Ces pistes de réflexion ne révèlent aucune bénéfice énergétique pour l’humain, par le sur-usage des machines. Les statistiques révèlent une surproduction est une surconsommation d’énergie massives, mais la logique de leur utilité, pour nous, est une logique de l’économie circulaire des machines, on produit des voitures pour aller plus loin, on consomme donc plus d’énergie pour aller plus loin, mais « il faudrait 200 humains pour aller aussi loin, avec autant de poids sur le dos » ou « on ne pourrait pas vivre comme maintenant, dans des maisons en parpaings et béton, sans le transport routier ».
Le lien causal n’est pas démontré, ni même tenté entre le « coût » de l’usage des machines et la « bénéfice » à nous, humains, il est basé sur une auto-référence, créant ainsi une définition de la croissance économique sans base sociale. Les cadres de référence logiques sont choisis pour la mise en valeur de la machine. La tentative de rattacher ce monde de logique circulaire au monde physique humain se fait par le mot « productivité » – l’homme fait « plus » avec une machine entre les mains – plus de quoi, pour qui ?
Pour compléter cet analyse, non sans intentionnalité ironique, je retourne l’idée de ma petite tête, face aux géants intellectuels d’antan. Cela me fait doucement rire. L’hypothèse qui s’est présenté, c’est qu’il leur fallait faire avec plus, parce qu’ils avaient moins d’entre-nous. Et puis … ?
Si l’on ne s’aime pas, comment vouloir se défendre ?
Est-ce
qu’il y a des bonnes raisons pour vouloir se défendre ?
Pas encore …
Les gens vivent cachés. Pas de signe visible de vie … et son
revers qui resurgit, le clannisme ostentatoire, des fois qu’on ose,
...
La place publique déserte, que des voitures et leurs intendants
sur la voie publique. L’espace privé, un autre monde. À huis clos on s’épanouit, on se le défend, férocement. Les foules
réprimées, l’ordre publique entretenu comme une pelouse sans
accident.
Chez soi, la subjectivité
tout embrassante, donc. L’autodéfonce contre les excès, les abus
du toucher, objets brûlants du dernier renfort.
L’entre-soi à part, la séparation consolidée. Il n’y a pas
de retissage social possible, juste des isolats pragmatiques qui
attendent la reliure qui ne vient pas d’ailleurs.
Les franco-résidents ne sont pas racistes. Tout individu, vert,
noir ou blanc, peut attirer leurs foudres – a-t-il lieu d’être,
ici ? Ôte ton ombre de ma lumière !
vendredi 27 août 2021
Rêves d’un futur vivable
C’étaient les modernes
Je pense aux mouvements monastiques du treizième, quatorzième siècles. La modernité est un concept vieillot.
La langue-pensée
Et la langue humaine, contre la pensée en parallèle des ordinateurs, est-elle devenue caduque ? Sommes-nous « surplus to requirements » ?
S’Éffondrer
Trailblazers
Plus que Plein Emploi
Ce n’est pas nous, mais la civilisation proto-industrielle et industrielle qui disparaîtra.
Une longue fleuve agitée. Neutraliser l’espace n’est pas
efficace. Le temps ne s’arrête plus pour nous.
Les Trailblazers découvrent et balisent les chemins de la
nouvelle économie, au concret.
Le sous-emploi sous-traitant, obtenu par la sur-classification des
millions de citoyens en « sans emploi », handicapés,
maladifs de longue durée, fragiles, retraités, se verra remplacé
par le travail humain d’« exister », non-assisté, de
reconnexion terratoriale.
(09h04 8.9.21 : « défense des piétons en ville » … entre banlieues … finalement ils ont compris … et à la campagne les carrossopelléteuses feront briller notre nature?)
Le système de « voies vertes » aura comme critère le
bilan écologique et énergétique net positif des œuvres.
Society-société
L’air est pesant de l’odeur de la récolte – des effluves de
maïs, de fourrage, tout azote, de masse de raisins, de pommes
pressées.
On parle de la Belle France à la radio. Je n’ai jamais vu
autant de laideur. La beauté ne se manifeste qu’en ruination,
incrustation, lichenisation, émoussement, végétalisation, mais les
dessins architecturaux monumentaux, les milliards de parpaings, le
crépis, la dalle – qu’ils crèvent, tous !
samedi 28 août 2021
Le Tarn, grand et gros. Je n’ai pas mentionné la Cathédrale
d’Auch, qui me semble un rare exemple du réussi dans le genre
bâti, avec ses colonnes mi-doriques élancées, massives, quiètes.
Je suis devant d’autres massifs d’artifice – à Villemur-sur-Tarn, son pont en suspension, son château en briques.Le
bâti, manifestation physique de la dominance humaine, dépassée par
les événements, reste largement et longtemps inusitée, attend sans
lendemain.
Devant ce château, sous un saule pleureux, je vois, amusé, une
rectangle non-fauchée non-fardée, où poussent toutes les
adventices du coin, comme des hooligans, la chicorée, le chardon, le
larbin. On parle de parcs naturels URBAINS à la radio. Architectes,
démissionnez !
Le mouvement du décrépit, des squats, des photographes de
l’abandon, fait naître la question des sans-abris, complices en
désuétude.
Qui le veut ? Le mobilhome utérin attire la vieille
génération comme une exosquelette, la camion/nette les âges
moyennes, les trentenaires, les quadragénaires, dans leurs délires
« travellers » du grunge. Les jeunes ne s’y retrouvent
nulle part, la mode réfugié – portable, chaussures de sport,
pantalon de sport, T-shirt, trottinette et basta – surgit des
cendres. Comme les ruminants, ils trouveront de quoi s'en sortir, sur le chemin, à l'arrache.
Being there
Après tout, le bonheur se troue dans les interstices du
croisement des réseaux sociaux – plus que désincarnés, très
humains, réduits à l’essensoriel – on n’aspire plus au massif
matériel sinon à la liberté corporelle sans attaches visibles. La
liberté mentale est déjà acquise, dans la seule « possession »
qui compte, l’appui social, sa secrétaire soumise, le téléphone
portable, sans lequel on n’existe nulle part.
La réphysicalisation qui se propose, d’urgence, existe dans ce
contexte d'un monde contenu dans un petit objet de pouvoir. L’espoir est que la dynamie restante nous devienne le bien le
plus plus précieux – comme pour les réfugiés. Pour qu’un
réfugié se sente chez lui, la voie est claire – il lui faut de
l’accueil – où qu’il va – ce facteur lui devient gouvernant. À défaut d'autre solution, l'essence lui achète l'autarcie illusoire en forme de voiture-bulle.
Le téléphone portable va-t-il arriver à relever le
défi, face aux détenteurs de propriété et de biens massifs
terrestres, des lits, des lieux, de la voirie?
Fiché, fichu
Une vie simple, en mouvement, par contre, celle d’un réfugié
climatique, offre cette condition nécessaire. C’est déjà
beaucoup pour cette génération naissante, bloquée de tous bords
par ces vieux hippies irrécupérés de la surconsommation, de la
malbouffe, de la toxicomanie. Si les jeunes à la rue
s’invisibilisent – et les confinements ont servi de bon
entraînement à cette fin, c’est que leurs portables, jumeaux
siamois, les permettent des associations, des rassemblements de cœurs
– un tissu social – malgré ce qui ne peut qu’être aperçu
comme une volonté de fer en velours de la part de leurs aînés de
les « encadrer », de les insérer comme des ampoules dans
une société d’aliènes. Sans GPS, où sont-ils?
Soumis en extérieur, ils s’en fichent à l’intérieur :
« Never a frown, with golden brown » serait l’expression
équivalente de la génération « punk psychédélique »
qui régit nos vies actuelles.
On peut plausiblement s’imaginer une future vélorution sur ces
bases. Des routes devenues des pistes minuscules, peuplées de
trotinettistes en relais, en « snatch » social passager,
relié ou non par des cordes invisibles.
Comme le cam des soixante-huitards, le portable de la génération
CoVIDE n’est qu’un véhicule à passager des fantaisies modèles.
Ce n’est pas qu’on veut abandonner sa drogue, c’est qu’il se
peut qu’elle ne sera plus de mise. Bouger son cul fait plaisir en
soi. Et au proche avenir, qui voudra un portable, si on l’a, tout
entier, dans sa boucle d’oreille – au plus près de sa tête ?
Le visuel, l’écran mental, est assurément matériel encore, mais
l’auditif en est un autre mental, en ondes.
Pour cela, par analogie, la régie « dynamie » prend
toute sa résonance avec le proche-avenir probable.
On aime voir et caresser les choses qui nous sont chères, mais
pour entendre, pour transmettre, on a besoin d’être audible et
caresser avec sa voix.
L’écran tyrannise et inflige. Il permet peu la lecture – les
mots redeviennent sigles – des signes visibles, des simulacres de
substance. On redevient jaloux des oiseaux libres dans leur envol –
je vois des pigeons percher au grès sur un tronc coincé au coin de
la retenue riparienne. Ils sirotent les eaux poissonneuses à délice.
Il m’arrive de penser qu’à l’époque du portable, ce
serait plutôt mieux d’afficher sur le front un petit panneau
« non-disponible » que de le mettre sur le téléphone,
comme cela on ne risquerait pas de parler avec quelqu’un en
présentiel lorsque sa pensée était avec les virtuels. Juste en termes
de politesse et de clarté ...
Nous sommes qui pour ne pas être jaloux des drones ? Lorsque
la vie réelle de sédentaire statique devient insupportable, il faut
se faire bouger dans ce bel monde. Belmondo pirouette en patinant sur
le mur de la retenue, tout en grâce, vers la fabrique en briques,
1930 écrit dessus, sifflant sa fierté hydraulique d’industrielle
insoumise.
Il faut mentionner ces bruits. Les bruits de l’industrie. J’ai
entendu toute une émission sur la nuisance sonore, qualifiée par
ses décibels, comme si l’on pouvait qualifier la puanteur de la
merde en points sur l‘échelle de Richter !
C’est quand qu’un bruit devient insupportable ? Chaque
voiture qui me dépasse m’offre un son devenu insurmontable, crée
des milliers de concaténations de caoutchouc contre granulés
bitumineux. Le pays tapi de goudron et d’échardes de terre
brûlée ! Je veux le velours de la prairie douce, prête à
caresser mes plantes de pied souples et nues. La nature, je me la
veux douce, même dans sa sauvagerie.
Je veux renoncer à être exploitant, destructeur, pour devenir
intégrateur, fédérateur, ensemble avec mes pairs.
Pourquoi ne peut exister cette Utopie ? Qui dit non ?
Elle ne vient pas de nulle part, elle est juste malaxée partout.
Ces Utopies non-brutes deviennent l’aspiration – la mode –
c’est en cours. En France métropolitaine – la vaste métropole
rurale urbanisante que nous nous sommes créée, comme des cons, peut
devenir notre monde à l’infini de demain. On peut la mesurer dans
la transformation de notre bâti en harmonie et en intelligence
naturelles, pas en délimiteur artifice-nature.
Premier jour hors Ariège depuis trois ans peut-être
À célébrer ? J’ai dormi auprès d’un lac à Le Fauga, en
route à Toulouse. Que des bétonniers, / trains / autoroutes /
truites / moustiques – et la chaleur. Il y a trois jours j'étais près de Sentein, à 1800 mètres. Ah, la plaine!
Diary lundi 19 juillet 2021
Là, j’arrive au Pum. Des énormes hangars pas loin de
Compans-Cafarelli. Cela me fait penser à un squat où j’ai passé
la nuit à Bilbao. Avec un autre, on était enfermé pour la durée dans un
énorme local. Peut-être en 2002. On nous a essentiellement laissé
occuper l’espace, sans direction. Le décor et la manière de faire
sont à peu près identiques ici - mais il y a des gens chaleureux. En réalité ce lieu est dans sa sénescence, il attend le coup fatal de l'expulsion, il reste l'équipe de veille. J’ai été reçu par quelqu’un
qui a ensuite disparu, il est en train de soutenir une conversation
marathon avec sa sœur dans un pays de l’Est. Plus tard, malgré la
barrière de la langue, j’ai tenté de lui avancer la thèse que
l’écologie est incarnée, physique, mais que nous, nous sommes devenus des
machines à rayon indiscriminé. Il en va de son séjour en France –
s’il ne connaît ni la langue, ni l’histoire du pays dans lequel
il se trouve, il risque de se faire virer, avec ces nouvelles épreuves chauvines. Mais si les réfugiés sont malaxés par l'administration, ils ont toujours le recours à leur communauté humaine - les outils virtuels les soudent parce qu'ils favorisent le diaspore, tandis que le sédentaire n'a que son manque de paysage humain d'ailleurs. En fait les gens qui se tiennent à distance, surtout dans l'après-virus, subissent l'effet ricochet. Se sentant eux-mêmes isolés, ils s'isolent, pourque la bulle de chaleur humaine perdure mieux dans leurs têtes.
Je ne sais pas pourquoi on ne le fait pas plus remarquer. La culture
« squat » est l’une des cultures les plus stables, les
plus inchangées, les moins évoluées, depuis au moins les années
1970. Je n’y comprends pas grand-chose – pourquoi des lieux qui
se veulent progressistes, développementaux, où toute liberté est
assurément donnée à créer et à innover, est-ce que le résultat
est si copié-collé? Peut-être on se laisse influencer, opprimer même? Et les moyens de bord sont à peu près pareils. On m'accuse de présomptivité. Il est vrai que ces observations pourraient provoquer de la colère, alors que je suis plutôt souriant du plaisir de la retrouvaille de lieux si familiers. L'engagement que j'apporte est, de ce fait, d'abord critique.
On peut faire des hypothèses. L’Intelligence Collective,
décrite par Joseph Henrich (Harvard, 2016) et que je préfère
appeler la stupidité collective (l’une ne va pas sans l’autre) a
besoin de « turnover », de brassage, de traces lissées. Or, le désir et
l’enthousiasme des nouveaux squatteurs est de faire eux-mêmes, comme les enfants qui construisent des
cabanes dans les bois. Le caractère d’un squat est d’accumuler
de vastes quantités de matériel, de récup et de bouffe, de
l’organiser dans l’espace, de commencer des œuvres d’art qui,
étant donner le caractère impermanent d’un squat, sont éphémères.
L’intelligence collective n’existe que dans la transmission de la
technique "loge", avec les moyens à bord. Le collectif n’est, dan les faits, pas collectif. Le
savoir de la bricole - et que de la bricole - se transmet de la génération d’avant, sans opposition –
c’est le seul savoir cohérent. Il en surgit des chefs d'oeuvres, un dialecte, des futurs systèmes sociaux, par des bribes et des brins. Et l’adolescence est à
perpétuité, amen.
En arrière-pensée, je sais que ces mêmes gens, s'ils se trouvent dans un lieu de savoirs fementés, un jardin par exemple, où les plantes poussent sans craindre l'abattage, ils s'appliqueront aussitôt aux exigences du devenir de ce lieu-là, qui n'est pas plus figé qu'un squat, mais qui a sa propre temporalité. Il est difficile de s'avouer qu'on est touché par les traces visibles de l'impermanence, de la destruction anticipée. Mais j'ai une conviction croissante que c'est de cela que ça traite - notre destruction de notre environnement est codifiée, comme une expiation céremoniale des traumatismes récurrents. Le squat est une oeuvre à clef.
L’infrastructure dont il se traite est une infrastructure
écologique dynamique – qui remplace de manère incrémentale l’infrastructure
routière et industrielle présente. Il y a des écrits détaillés à ce propos
ici : www.cv09.toile-libre.org
mais il faut avouer que cela se passe dix fois mieux à vive voix et
en actes. Ces écrits de référence donnent un coup de pouce aux flux de communication dynamiquement stables - le prérequis du consentement informé.
Le but, étant ici sur Toulouse, est de chercher des
co-activistes. Avec un bon sens du timing : c’est précisément le
moment où tout le monde se sauve à la campagne. Peut-être qu’il
ne reste que des inactifs, des décrépits et des frustrés ! On
se fera bonne compagnie. Le progrès se fait toujours aux marges.
Il faut s’imaginer qu’il y a un ferment d’énergies sociales
réprimées – qu’à la campagne se fera le point rencontre de
rupture, en cet été urbain co-vidé. Mais moi, je ne me fies pas
aux apparences, je veux des preuves ! Je pense à ma ville
balnéaire d’enfance – Swanage dans l’occurrence – qui
pullulait d’ados français d’une impolitesse exécrable en été
– et qui, en hiver, devenait le lieu de rencontre par excellence
des jeunes du coin. On avait un nom pour les touristes estivants :
les groks. Je n'ai pas l'impression qu'ils arrivaient à faire quoi que ce soit pour retisser des liens durables, pas basés sur l'appât du gain.
La Transhumance
Cette transhumance en meute – une affaire de porcins plus que
d’ovins. "Si tu subis ou tu es témoin d'une oppression, permets-toi de casser l'ambiance - elle est sûrement déjà pourrie". C'est une citation de pancarte qui se trouve ici - je me permets de vous offenser sur cette base de non-affabilité amicale.
J’essaie d’y mettre un tilt. Un pas de côté. Les lignes de
force sont extensibles, même en été. Pourrions-nous faire de nos
voyages individuels des retissages de réseau, cette fois-ci pour
donner une vraie place aux pauvres, aux voyageurs et aux frugaux -
les pratiquants de l’économie écologique à venir ? Laisser
des traces positives derrière nous, pour tous ceux qui suivent dans
nos pas ? Sans être figés nous-mêmes, est-ce que nous
pourrions bâtir les fondations d’un entre-nous qui permette à tout
le monde de voyager, de travailler, de trouver sa place en mouvement,
en non-sédentarité ? Il suffit de si peu de choses,
maintenant, pour que cela devienne réalité.
J’espère que la crispation de ma voix en symboles ne se fait
pas trop sentir. Cela fait des années que je travaille à ce but. Je
vois des signes d’espoir, beaucoup d’espoir, en ce moment-même.
Les gens bougent – ils s’éparpillent partout. La difficulté
primaire, de réfléchir ensemble sur un projet, d’en décider et
finalement de se mettre en chemin, enfin de se déconfiner, n’est
plus de jour. Là, il faut sauter sur le cheval à galop.
Le plus difficile pour moi est de narrer le banal – banal pour
moi, inconnu des autres encore. Pour arriver à contester une
infrastructure – l’industriel dans lequel on nous a macéré ces
longues années, il en faut une autre, sans industriel, qui se
tienne. Cela se fait par des actes d'accueil, des préparations de chantier pour les autres - l'homme à tout faire n'étant pas de mise.
Pour une bonne partie d’entre nous, c’est à peu près à ce
point-là que surgit la phrase « mais on ne peut pas revenir en
arrière comme ça ».
Pour moi, le passé est industriel,
mécanique, fait de pétrole, de métal, de superhéros mécaniquement assistés. L’avenir se trouve dans
les sciences du vivant, de la mixité, d'un domaine dans lequel les avancées ne
cessent de croître, tandis que le mécano-physique est plutôt dans
une période de stagnation. Il se peut que bientôt même nos outils
informatiques seront construits d’ADN – ou plutôt
auto-construits, ou « poussés ». Le physique, c’est le
vivant, maintenant plus que jamais. Il y a cette convergence, là où il n'y avait que divergence.
Notre civilisation se caractérise par la surconsommation
d’énergie, jusqu’à il y a peu doctement inépuisable. En
regardant de plus près le vivant, on observe l’adresse avec
laquelle il économise ses moyens, l’élégance des solutions qu’il
trouve face aux obstacles. Nous en faisons partie. Nous en faisons
dorénavant la plus grande partie, nous et nos bêtes, nous et nos
céréales. Il en va, maintenant, du monde du vivant, dont nous, dont
nous surtout.
L’industriel est déjà du passé, il ne peut nous donner des réponses satisfaisantes à
l’avenir. C'est une divorce sans faute, mais nécessaire à nos vies. Si l’on dit « un autre industriel est possible »,
sûrement, on ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. Mais c’est
un industriel qui risque d’être méconnaissable sinon l’antithèse
de ce qui existe à présent. C’est-à-dire qui respecte l’échelle
du vivant, qui rephysicalise nos rapports, dans un mosaïque de
contacts entre échelles, puisque nous, êtres physiques, vivons interpénétrés d'une nature également physique dans toutes ses dimensions, une réalité que nos artifices nous épargnent sans rien résoudre.
L’industriel nous a invité, selon l'expression bien connue, à faire « des économies d’échelle ». Je
traduis : il est prêt à tout niveler, tout uniformiser, pour
la plus grande utilité de machines chaque fois plus gargantuesques, ou en
tous cas plus ubiquiteuses, qui nous remplacent, qui mutile et rend inutile la
majorité vivante.
De manière plus indirecte, insidieuse, nos déplacements et nos
communications à distance font le boulot de l’industriel en nous
détachant des réalités physiques des êtres naturelles qui nous
entourent, autant humains que non-humains. Les groupes sont
statiques, pas dynamiques, dans ce monde de course poursuite à haute
vitesse.
Prenons l’exemple d’un village type de cent habitants à la
campagne. 30 font la navette chaque jour à des boulots à 50km
autour, sinon plus loin, en voiture. Ils ne connaissent que les noms
des bleds par lesquels ils passent, en chronomètrage. 10 font du télétravail – ils
ne sortent guère de chez eux. 30 sont des retraités ou des malades
chroniques – auxquels on donne de l’aide à domicile, venu de loin, en voiture. L’école
primaire est dans le prochain bled – on y va en voiture. Les ados
sont en pensionnat, au lycée pendant la semaine - c'est le car. Tout le monde va
aux grandes surfaces – à 30 kilomètres de là. 5 personnes
cultivent la terre et en gagnent leur vie, il n’en faut pas plus
pour servir les machines qui fournissent le gros du travail. Une partie des
maisons reste inoccupée neuf mois sur douze, ce sont les maisons de
campagne des riches urbains.
Et tout le monde, mais tout le monde, dans ses heures libres, fait
tourner la débroussailleuse pour réduire sa nature à des
proportions gérables. Le jardinage se rédéfinit, à son tour, à un seul geste. En fait, la débroussailleuse, elle broie plus qu’elle
ne coupe. Peu sont les insectes – et leurs œufs – qui s’échapperont du carnage. Une faucille, une faux, elle ne fait pas ça. Je note
qu’il y a de plus en plus de machines qui broient – qui
déstructurent et gazent la vie. Que les nuisances sonores, surtout en pleine
campagne, se déchaînent, comme si l’humain avait horreur de la
nature qui s’écoute.
La révolution post-industrielle sera donc composée fatalement de notre
silence mécanique, pour que la nature retrouve sa voix - et nous notre chant, notre chantier, notre sentier de vie.
On aurait du le voir venir. On, c’est au moins moi, bien
entendu. Avec tous ces verbes censés faire du sens, singuliers,
pluriels, faits pour interpeller et instrumentaliser, il n’est pas
facile de se fondre dans la masse. Et pourtant, on fait masse,
peut-être comme jamais auparavant. On n’a que peu de prise sur la
masse, finalement. Les chiffres ne font pas masse, mais blocs et
tendances. Je ne sais pas pourquoi on ne le fait pas plus remarquer
(si je le sais je ne le dis pas). Les chiffres sont quand même à la
base de notre démocratie. Peut-être c’est pour ne pas être
accusé d’hérésie qu’on ne le dit pas ? D’un côté, les
riches et les puissants, qui avec leur libre arbitre décident, de
l’autre côté « les masses », faisant offre
chiffrée. Les élections passent. Avec étonnement las, les commentateurs
notent qu’ils ont de nouveau totalement foiré les prédictions de
tendance. Lorsque le modèle ne fonctionne plus, est-ce que l’on
peut se permettre d’en inventer un autre ?
J’en ai un ! La vie est exponentielle. D’un moins que
rien, tout peut naître – la singularité peut vite devenir la
norme. Les tendances ne fonctionnent, tant soi peu, que lorsque le
vaisseau atteint sa vitesse de croisière. Toute autre interprétation
est tendancieuse.
Si l’on y réfléchit un peu, une masse d’humains numérotés
est composée de petits amalgames sociaux, ce ne sont pas des atomes,
mais des grains. On les divise avant de reconstituer la masse à une échelle
supérieure, la gagne-pain que l'on appelle la démocratie, mais dans la vérité
historique, ces mêmes humains ont eu plutôt tendance à agir en
« bandes organisées » qui se cumulent pour passer au prochain rang. Tandis qu'émane de la démocratie une sorte d'absence de structure sociale définie. Selon la rhétorique unitaire, la liberté est absolue parce qu'individuelle, mais dans ce cas, on a une machine à broyer
l’humain social. Si l’on y rajoute des portables et des
identifiants universels uniques (les « prime keys » des
bases de données), on s’est créé un monde où la
résilience et l’autonomie sociales sont mortes. L'individu est massifié, son identité, aussi unique qu'elle soit, ne l'est que par rapport aux géants. Si l'on devient obsédé par les catégories sociales, c'est plus comme stigmates qu'en donneuses d'une autonomie quelconque.
Il est assez facile de prédire, à partir de cette analyse, nos
comportements actuels, d’apparence autonomes, dans leur réalité
plus dépendants que jamais. L'enfant se sent libre, mais est-il observé par un adulte? Ce n’est absolument pas au plus grand
nombre de décider – les choix qui lui sont présentés sont
infiniment peu divergents des normes en vigueur. La démocratie aménuise et amortit le risque de divergences politiques. Le corps social
débat par tête parlante interposée, les têtes sont
interchangeables, font une, même dans leur diversité.
Unnatural : pourquoi l’écologie n’est pas la défense de la seule nature
« L’humain et ses œuvres représentent 80 % du poids
de la vie sur terre. » Je cite, encore une banalité
d’aujourd’hui sans attribution, qui donne un ordre de magnitude
au moins. Nous sommes autant endogènes qu’exogènes partout. Il ne
faut surtout pas nous séparer de notre environnement – ni notre
environnement de nous – les effets risquant de devenir également
nocifs des deux côtés. Et on l’a fait, et on tente encore de le
faire. Les animaux et les plantes qui nous côtoient, qui nous
guettent, qui profitent de notre présence pour exister – seraient
plutôt d’accord avec le point de vue que nous sommes là et ils en
dépendent, pour le meilleur et pour le pire. En Europe, ce sont ces
animaux, ces plantes, ces « écosystèmes » les seuls qui
nous restent. Nous sommes tous sous le joug de la « domestication »,
prédateurs prédatés.
Le bon environnementaliste qui crée des réserves de la nature
sans humains peut être comparé à l’eugéniste, le spéciste, le
raciste, le tribaliste, …
Il est assurément vrai que c’est l’intégration de l’humain
à son environnement qui est le sujet brûlant, mais cet
environnement est autant humain que non-humain – et même bien plus
sujet à l’humain que toute autre chose. Il s’ensuit que c’est
à travers la réussite de la convivance humaine à toute échelle
que les solutions d’équilibre humain-non-humain vont donner les
meilleurs résultats.
Vœux pieux
Pour moi, la croissance de l’agenda « Conservation de la
Nature » au cours de ces dernières années est atavique – on
se croirait à l’époque des grandes péroraisons télévisuelles
d’à partir des années 1960-80, Cousteauesques, Attenboroughistes,
eux-mêmes les héritiers de la tradition de John Muir et de sa
Sierra Club à la fin du dix-neuvième siècle – les réserves
nationales, la beauté de l’ordre naturel, l’œuvre des dieux de
l’animisme algorithmique qui éternellement nous échappe.
Mais plus prosaïquement, je maintiens que c’est dorénavant la
géographie humaine qui est notre objet d’étude écologique
obligatoire. Elle domine très largement sur la sphère naturelle,
elle se fait comme jamais auparavant englobante. Ici, je reprends le
mot « localisme » pour le traiter à sa juste échelle :
qu’elle soit paroissiale, nationale, continentale, … Cette
question territoriale n’est autre qu’un terme propriétarial, qui
réunit les « intéressés » et exclut les autres par
assignation – par rapport de force. Il est peu probable que
l’écologie mondiale s’en sortira en traitant « certains
animaux » et surtout certains humains comme des
« externalités ».
Ce matin, j’écoute une émission sur l’abominable
colonialisme des français au Sahel, son thème étayé par des voix
radiophoniques chancelantes, absurdes, racistes, dénigrantes, des
années 1950. L’une des fautes de ces colonnes d’envahisseurs a
été de ne pas informer le Cheikh local de leur passage, dans le
contexte du vaste Sahara, alors qu’ils avançaient, assoiffés, en
dévorant tout comme une nuée de locustes !
Pour que le « capital vert » ait un sens, il faut
définir les axes, les paramètres de sa matérialité, on ne sort
pas des paradigmes de la croissance en lui attribuant une valeur
universelle exponentielle. Les territoires sont fixés par des
routes, parcourus par des fleuves, navigués par des oiseaux, la
route de la soie est faite de composants à toute échelle. En fin de
« compte », l’économie ne se définit pas en termes
comptables conventionnels, sinon en termes d’entropie et d’ordre,
le critère gouvernant étant l’intérêt général – et plus
particulièrement celui des humains, en ce qui nous concerne. La
critique de fond de la « croissance économique » ne se
saisit pas en poursuivant son opposé – la décroissance (les
« négawatts »), ni par la « croissance verte »,
l’erreur est plus profonde que cela. L’universel (terrien) est
composé d’éléments intercalés qui ne sont pas capables de
définition universelle, sinon contextuelle, c’est-à-dire qui
peuvent dans un contexte être considérés positifs et dans un autre
négatifs, comme l’azote.
Dans ce cadre logique de pensée, des mesures telle que « le
réchauffement climatique » et « la biodiversité »
ne communiquent rien du bien et du mal -ils indiquent la fin du
chemin. Seulement une analyse dynamique, multidimensionnelle, qui
accommode la possibilité de l’émergence en temps réel de
phénomènes non-anticipés, pourrait aboutir à une saisie des faits
pertinents, sauf que la synthèse universelle de telles données,
fournies par exemple par des satellites en cluster et travaillés par
des super-ordinateurs reliés, ne ferait que détruire les
fonctionnalités autonomes des composants du système « vie »
qu’ils seraient censés soutenir. Le monde « bloc »
serait bloqué par ces tentatives de synthèse, le monde « mailles »
pareil.
La réductionnisme et la synthèse conceptuels qui, pour nous,
représentent les outils de base de notre science et de notre
rationalité, se montrent défaillants face au multivers terrestre –
ils nous mettent dans une camisole qui mine notre propre
fonctionnalité. La recherche de mesures convaincantes – dans le
sens qu’ils nous parlent avec force des dangers qui nous font face,
a donné ses fruits, nous savons que nous allons droit dans le mur,
mais leur simplicité même nous a confondu, la voie paraît sans
issu.
Trouver les remèdes, c’est paraître vouloir miner ce pyramide
de savoir et de croyances, s’attaquer aux savants, corrompre le
corps social. Ce n’est pas le cas, mais la décomposition canonique
d’une édifice de croyance, qu’elle soit religieuse ou empirique,
est difficile à négocier.
« nos relations mises en danger – [à travers la covide]
nous nous sommes conscientisés à ce problème »
« augmentation de vente de livres [en librairie, au cours de
l’épidémie] »
Ce sont des notes très fragmentaires pris lors de l’interview
radiophonique d’un cinéaste de dessins animés japonais ce midi.
Hier, j’ai pu écouter une émission sur les méthodes
« haptiques » (du « toucher / sentir » -
anglais « touch / feel »). On a parlé de l’application
en micro-chirurgie du principe de la pantographie, du chirurgien et
de son besoin de sentir ce qu’il fait, à travers une machine. On a
parlé aussi de son application dans les mondes virtuels.
On peut voir le progrès de la civilisation comme « le grand
remplacement » de l’être humain social, dans ses
fonctionnalités. A posteriori, on peut comprendre que c’est le
geste de l’écrit et du dessin qui représentent le premier pas
envers notre extinction. On pourrait aussi commencer par les signes
et les symboles, la langue articulée. Même les outils deviennent
problématiques. C’est quoi, la nature de l’être humain, dès
qu’elle s’identifie, elle se fait dissoudre, en objets et
appareils ? C’est cela, la flexibilité ? Sommes-nous les
premières machines tabla rasa, conçues pour être
programmables ? Si l’on en juge par nos réactions violentes à
cette accusé de réception identitaire, il y a de quoi s’en
douter.
Mais mes cogitations n’ont pas commencé là, à vrai dire. J’ai
juste rêvé de la liberté, à travers la mienne, pour constater
qu’à peu près tout ce qui m’a rendu libre de mes actes et mes
associations plus jeune, et même il y a cinq ou dix ans, m’a été
coupé, sous les pieds. Même sans virus, le virement vers la
dépossession collective a déjà lieu – cela ressemble à la
dictature.
J’ai deux bouts de théorie, mais le pont entre la preuve
physique et le concept a été emporté par la crue.
jeudi 2 décembre 2021
Divergences
Un nouveau pont se fait construire, avec des matériaux nouveaux,
se rajoutant aux restes de l’ancien pont comme une prothèse qui
s’ajoute au moignon d’un manchot.
Le manchot social est collectif. Au singulier et au pluriel. Les
pronoms et noms collectifs prennent des coups en ce moment, exemples :
« le vivant » et non pas « la Vie »,
« l’humain » et non pas « l’Homme »,
« iel » et non pas « il » et « elle ».
Pour ne pas offenser, en retenant la clarté du flou, en se
focalisant sur le contenu … mais gare à celui qui dit que cela est
dû à la pénétration de l’anglais, puisque l’anglais en a été
pénétré lui-même il y a bien des siècles … et par qui, par
quoi, … donc ?!
Je parle de ponts plurivalents, à la fois spécifiques et
génériques, on l’aura noté. Je suis à la confluence de la
Garonne et l’Ariège et un peu plus loin de la Lèze et la Garonne.
Il y a trois « médiathèques », celle de Pinsaguel, avec
son Château des Confluences, de Roques, avec son Moulin et celle de
Portet-sur-Garonne, avec sa Salle du Confluent. Ces trois communes
sont littéralement tronçonnées en lamelles par une infrastructure
respectivement routière, ferroviaire et fluviale auxquelles se
rajoutent de vastes surfaces supermarchandes – le bruit de fond de
la circulation, jour et nuit, la pollution de l’air, font de cette
confluence une sorte de vaste expérience vraie-vie des limites du
tolérable de l’industriel.
Cela vaut le coup, donc, de jeter un coup d’œil
mi-anthropologique sur l’affaire. Premier constat, la cartographie
des imprimés de chaque petite ville laisse des vides là où se
trouvent les maints centres commerciaux, c’est comme s’ils
n’existaient pas, humainement. On a l’impression d’être en
péri-urbain existentiel, les endroits de pavillonage préférés se
juxtaposent au rives et aux « réserves naturelles » qui
suivent sans faille les rubans des rivières. Chacune des trois
communes « mène sa barque », autant que possible, sans
référence à ses commisérants – tout au moins selon les dires de
ses fonctionnaires – ce qui fait que les riverains trouvent trois
médiathèques simultanément fermées ou ouvertes, sans aucune
semblance de coordination. Les communautés elles-mêmes ont ainsi
chacune son aspect hermétique, impénétrable, du genre « on ne
peut pas accueillir toutes les misères du monde » avant le
fait, toute tendance politique confondue – les appels d’air sont
également dépréciés, les emplacements des instance sociales
soigneusement écartés des « résidences légitimes ».
Ce sont, en quelque sorte, des zones transfrontalières, pour ne pas
dire transpercées, en mal d’identité, en recherche d’affirmation
de soi par le haut.
Anti-survivaliste
Oui, je serais plutôt anti-survivaliste, dans la forme que cela a
pris, dans nos imaginaires. Mais le survivalisme, pour moi, est aussi
ce que je viens de décrire dans le paragraphe ci-dessus – « la
perception de la nécessité de l’auto-protection comme valeur
sociale primordiale ». Rien n’est moins sûr. En anglais
« right-hand man » signifie celui sur lequel on peut
compter dans la bataille, qui protège son côté le plus exposé.
Cette logique combinatorielle pourrait même expliquer la
prédominance massive de droitiers sinon d’ambidextres. Quelle est
la fonction du gaucher dans la société ?
La croissance de dogmes d’auto-défense est une évidence, on
manque de sécurité, on se replie sur soi. On n’a jamais eu autant
de moyens de se défendre ! On en veut plus. Les ressources
commencent à manquer – on veut sa part. Les autres menacent de
s’en accaparer, ils nous menacent de ce fait.
« Notre maison Terre brûle » - Jacques Chirac, 2001
en Afrique du Sud
C’est un concours. Enfin je propose un concours, pour trouver ou
inventer un mot ou une expression plus heureuse que « l’écologie »
pour décrire notre rapport avec la terre et la vie – le savoir
vivre sur la terre. Je n’exclus pas le soleil, pour autant.
C’est que Jacques Chirac avait raison, en termes de l’origine
grecque du mot écologie, il a la même origine que le mot économie.
« Oikos » en grec, qui signifie « maison »,
les deux suffixes signifient respectivement « la logique de »
et « le calcul de ».
L’économie n’a, en principe, pas grand’chose à voir avec
l’argent – le moyen d’échange, c’est juste une manière de
dire « la gestion de la maison ». Il faudrait rajouter le
mot « mondial » ou « global » ou
« terrestre » au mot écologie pour encapsuler le concept
de l’écologie, tel qu’il est utilisé aujourd’hui.
« L’écologie terrestre ». « Notre maison
terre ».
Mais ce n’est pas vraiment là ma dispute avec le mot
« écologie ». C’est dans l’idée que cela concerne
une maison, un habitat. Même le mot « logique » est très
près du mot « logis », bien que l’étymologie n’a
rien à voir. C’est fixe. C’est fini. Nous ne sommes pas fixes et
partir du principe qu’on est foutu, ce n’est pas bon pour le
moral.
« I’m not homeless, I’m just houseless » - je cite
la pub pour un film du moment sur une femme qui, aux États Unis,
choisit de prendre la route en camping car parce que sa maison est
devenue trop chère. Sans avoir vu le film, j’imagine que
thématiquement on peut lui faire sentir un sens de « dépaysement »,
de vivre dans les limbes, mais qu’en fait elle est chez elle
partout.
Par contre, du point de vue écologique, son mode de vie est
nulle, ce n’est même pas un pas en avant.
Désolé de le dire comme ça, mais ce serait beaucoup mieux si
elle pouvait se déplacer sans camion et vivre chez l’habitant,
plutôt que de se balader avec des tonnes de matos en cramant
l’essence. Pour des raisons écologiques, il est impératif de
voyager en laissant des traces positives et non pas « sans
laisser de traces » sur son passage. C’est un peu comme
l’effet observateur-observé – l’observateur n’est jamais
exclusivement observateur, il influence son environnement en étant
là. Dans le cas d’une voiture ou un camping car, il émet des
gazes infectes de son pot d’échappement déjà, mais c’est
surtout ce que sa présence et son déplacement exigent comme
infrastructure qui cloche : la route, avec comme commodités la
police routière, les ambulances, les stations services, les
matériaux et la main d’œuvre nécessaires pour la construction et
l’entretien de son véhicule, des puits de pétrole, des pipelines,
la liste s’étend, ou presque, à l’infinie et ne contient rien
d’agréable.
Même l’idée de l’oikos (maison) et par extension de
l’œcumène (ce qui est autour de la maison et dont dépend la
maisonnée, le ménage ; l’univers en tant qu’habitat) est à
mettre en doute. Une maison et ses dépendances, ce n’est pas une
station spatiale ou une bulle autosuffisante. Ses « habitants »
sont fréquemment ailleurs. Lorsqu’un être humain marche, est-ce
qu’il a besoin de marcher « dans une maison » ? Je
dirais plutôt le contraire. Il marche à la découverte de
l’altérité. Il marche sur des lignes, logiquement, de point à
point. Ni une ligne de marche, ni un point d’arrêt se doit d’être
« une maison » et de vouloir réclamer tout l’univers
comme sa maison, c’est de l’hubris.
On trouve parfois sur les anciennes steppes des époques glaciales
des côtes de mammouth qui ont été arrangés par nos ancêtres pour
façonner des abris de passage (des « bivouacs »
dirait-on aujourd’hui, des laubja [loges] aurait-on dit en
francique). On peut supposer que nos ancêtres étaient en
déplacement – ils suivaient les troupeaux, ou ils se déplaçaient
à des endroits pré-arrangés pour dépecer leur proie près des
guets-apens sur les routes de transmigration des troupeaux – des
rennes dans le cas des steppes de Narbonne.
Ces gens-là n’allaient pas se balader avec des os de mammouth !
C’est lourd une côte de mammouth. Ce n’est pas une question
d’être « civilisé » ou « primitif ».
Lorsque je vivais au Pérou, le terme employé pour les touristes
européens qui arrivaient, toujours en avion, c’était
« mochileros » – de « mochila » –
sac-à-dos. Ils voyageaient avec « la maison sur le dos »
- ce que ne faisait jamais un péruvien. Or, certains mauvais
péruviens avaient l’habitude de guetter leur arrivée et
lorsqu’ils sortaient de l’aéroport, de couper des ouvertures
dans les sacs à dos pour récupérer les contenus qui en tombaient.
Il fallait expliquer aux nouveaux arrivants 1. qu’ils ne devaient
pas sortir de l’aéroport à pied, 2. qu’ils portent leurs
sacs-à-dos sur le ventre, pas sur le dos. Mais à vrai dire, avec un
tel poids sur le dos, et avec une forme physique d’européen, ils
restaient une proie facile. Et, bien sûr, on ne leur expliquait rien
du tout.
Il y a une logistique du voyageur qui s’échappe souvent à
notre compréhension aujourd’hui. On continue, cependant, de se
déplacer … et comment ! C’est le propre de l’humain. Mais
même avant la pandémie Covid, on voit que nous essayions de
dissimuler ce fait. Un voyageur qui s’assoit dans la rue attire
l’attention, mais derrière les vitres de verre fumé de sa
voiture, il ne pose aucun problème. Et en Europe, le nomadisme a
toujours été mal-vu – obligeant ceux qui se déplaçaient de le
faire avec tout l’outillage nécessaire à la vie contenue dans des
roulottes, des maisons ambulantes, à moins qu’ils n’aient assez
d’argent pour se payer l’hôtel, l’auberge, etc. « Pas de
place à l’auberge » et « on va assassiner vos
enfants », c’est le message central de la nativité, après
tout – on ne peut pas nier que cela nous a été important, il y a
une fois dans l’est.
Le nomadisme des riches – le tourisme, n’a pas posé problème.
On peut résumer cette affaire en disant que plus on est nanti, plus
on est en droit de voyager. Plus on se balade en démontrant des
signes visibles d’opulence, mieux on est reçu. Par contre, pour
les « fellow travellers » plus on peut s’invisibiliser,
mieux c’est. On doit toujours paraître « domicilié »
quelque part, même si en réalité on est juste de passage, d’autant
plus si on voyage groupés.
Ces constats expliquent ma réticence sur l’emploi du mot
« écologie » pour décrire notre manière de nous
intégrer à la vie sur terre. Souvent on pense qu’en mettant les
gens dans des « cases », on réduit leur impact
écologique. Pour l’exercice physique, on leur donne des salles de
sport ou des bicyclettes statiques chez eux ! Pour la
motivation, des coaches. Pour les soins et les maux de dos du fait
d’être assis la plupart du temps, des hôpitaux. Pour réduire les
déplacements, des services de porte-à-porte ou des visites à
l’hypermarché en voiture, bon vous voyez le scénario. Cela ne
peut que coûter beaucoup plus cher pour l’environnement et pour
nous tous que de se déplacer soi-même, sans assistance. 70 kilos
contre deux tonnes métriques, pas photo.
On parle de l’effet « baignée » ou « donut »
d’après des observations récentes que les gens choisissent
massivement en ce moment de déménager vers les villes moyennes, ou
de vivre de plus en plus en banlieue, en péri-urbain. On vient de
dire à la radio (Hervé Gardette) qu’à la campagne on est
beaucoup plus résistant à l’écologie – et à la venue
d’étrangers – qu’en ville. L’espacement social, j’en
déduis, fait qu’il ne reste que les villes de taille moyenne où
on peut se sentir à peu près à l’aise, l’autre possibilité
étant de se fondre dans l’anonymat du péri-urbain, en abandonnant
tout espoir social. Ou, à défaut de toute autre possibilité, de se
mettre dans sa maison en déplacement (son véhicule).
J’ai passé 13 ans ici en France à essayer d’attirer
l’attention sur la nécessité écologique d’accommoder dignement
les gens en déplacement à pied, entre autre en leur donnant des
travaux utiles pour compenser les frais putatifs de leur passage. A
essayer d’expliquer que cela veut dire favoriser les mouvements de
populations à moyens réduits – parce qu’en fait, il faut
réduire notre empreinte énergique, surtout dans les secteurs
transport et logement, pour des raisons écologiques. Longtemps avant
la fabrication de toutes pièces de l’En Marche factice, j’ai
employé, à bon escient, des expressions associant le concept de
marcher avec marché pour expliquer ma démarche.
Que de la sourde oreille de la part de nos décisionnaires,
jusqu’à là, sauf pour piquer des expressions – c’est
systématique. Et ceci en partie parce qu’ils cherchent à aller
dans le sens inverse. Ce n’est pas exactement ce qu’ils veulent
entendre. Dans l’économie telle qu’elle est envisagée par nos
gérants, pour qu’il y ait croissance « économique »
il ne faut surtout pas réduire notre consommation d’énergie –
l’énergie c’est l’argent. Le problème, tel qu’il se pose
dans la tête de ces gens-là, c’est « comment faire qu’on
puisse continuer à surconsommer et à surproduire, mais
autrement ? » On ne vit pas dans le même monde … mais
si, quand même.
Pour cela qu’il n’est pas si bête d’ôter au moins le
symbole conceptuel (« logos » en grec, = « mot »,
= « concept » ou « logique ») du préfixe
« éco » (grec « oikos » = maison) de notre
analyse. « Home » (= « chez nous »), n’est
pas partout, c’est là où nous nous trouvons, chacun d’entre
nous, et si nous sommes sur la route, c’est probablement chez les
autres. Chez moi chez vous. Je le dis. Je n’ai pas le droit. Je le
dis quand même.
Tant mieux. Cela me fait du bien. Et j’y vois une nouvelle ligne
d’attaque. Nous devons tous devenir « le devin » -
d’après le livre « Asterix et le Devin ». Celui qui
est malvenu, le prédateur de l’hospitalité des autres. Le mauvais
étranger, de mauvaise foi. Le colporteur de commérages contre son
hôte. Cela foutra bien le bordel dans l’entre-soi sans lendemain.
Est-ce qu’Uderzo et Goscinny savaient vraiment ce qu’ils
façonnaient avec ce petit livre malicieux – je ne sais même pas
si c’était eux qui l’ont fait à cent pour cent ? Le
deuxième degré, l’était-il vraiment ? Est-ce qu’un membre
du Rassemblement National est capable d’apprécier, pleinement, ce
deuxième degré alors que le premier lui est souvent un obstacle
insurmontable ?
Est-ce qu’on a, de fait, assassiné cette socle francophone
culturelle de la bande dessinée ? Ce n’est pas du
rélativisme, ça.
Je ne suis pas le mieux placé pour le savoir, je ne sais pas ce
qui se passe dans la tête des gens. Il faut qu’ils nous le disent,
mais ils ont tendance à ne pas nous le dire, sinon de nous le
laisser déduire. Vas voir ce que cela signifie, si t’as pas fait
ton psychanalyse, ce n’est pas de ma faute !
En tout cas, j’ai défendu le mot « écologie »
depuis bien des années et je suis trop content qu’il a, au moins,
remplacé les mots « environnement » et
« environnementalisme ». On s’en fout de
l’environnement … mais vraiment. Et ceci dit, je pense que
« l’écologie » est morte, comme usage. Il reste ce
besoin de ce nouveau mot. Climat, c’est juste bête. Biodiversité,
c’est une connerie – on ne peut pas vivre du bio seul. Et
l’amalgame des deux, c’est un aveu de faiblesse – le message ne
passe pas, cela veut dire – j’interprète. Ce qui vit, ce qui ne
vit pas et ce qui n’a jamais vécu, ni vivra, c’est impossible de
les séparer et le soleil dont on dépend, ce n’est quand même pas
terrestre. L’espace-tempisme ? La findesharicots-isme ?
L’anthropofuge ? J’ai vu un panneau d’avertissement, pour
rouler lentement au village à cause des enfants. Il y était écrit :
« Roulez tout doux ! Villlage d'enfants sa***ges ». Nous sommes tous
des sauvages sages, très sages. Mais ce n’est pas très civilisé,
l’ensauvagement, même si c’est de mode.
« L’économie » ? C’est pas mal, puisqu’on
n’aime pas les néologismes, dans le coin. On peut tenter de
récupérer l’économie. Le problème étant que les gens ont un
peu ras le bol de l’économie. « Demos », cela a été
chopé par des ultra-libéraux de gauche anglais, mais ce n’est pas
l’idéal, on a ras le *** de tout ce qui commence par « demo »
aussi.
C’est un peu l’esprit de l’époque, il ne reste plus rien de
réutilisable qui vaille et on n’accepte pas les néologismes.
« Tiers-mondisme » … pourquoi pas le monde entier ?
« Impasse » ? C’est juste, mais pas très
optimiste. « Impassiance », c’est encore plus juste, et
encore moins constructif. « Empowerment », c’est
franchement intraduisible. Convivance, concertation, conplicité,
tous les mots avec con dedans sont …
Même si on le réduisait à deux lettres, tous les mots
commençant par « co » sont intolérables :
coopération, collaboration, coordination – vous voyez que cela ne
marche pas !
« Savvie », c’est pas mal. « Savoir vivre »,
mais « intelligent » en argot anglais aussi. C’est ta
vie aussi, merde ! C’est un peu comme une allusion maçonnique,
c’est un anglicisme, cela devrait bien marcher en France, donc. Et
cela peut tuer dans l’œuf le survivalisme (= le
« sauvequipeut-isme »).
Bon, si vous avez des idées … c’était juste pour lancer le
débat (= « monologue » - mono, 1 + logos=mot) de fin.
Pour accélérer les changements de nos sociétés suffisamment, il y a
besoin de proactivité.
Prostrés devant le système actuel, cela ne va pas se faire – nos administratifs
ont montré jusqu’à quel point ils se trouvent immobilisés par
les crises.
Le mot
« précarité » est entré dans le vocabulaire, et
l’expression « insertion sociale ». Or, pour vivre une
vie écologiquement cohérente, il nos faut consommer cinq fois moins
d’énergie que la moyenne française. Il faut abandonner la
voiture, cesser de chauffer des espaces de vie intérieure
mal-isolés, jusqu’à renoncer à la vie sociale.
La précarité et
la désinsertion sociale … la vie écologique ? Qui la voudrait ? C’est cette perception qu’il faut changer. Gardons les yeux grand
ouverts : jusqu’à là, c’est la richesse qui a acheté
l’écologie – les voitures électriques sont hors de prix, les
cabanes dans les bois condamnées et détruites, il n’y a
finalement que ceux qui peuvent s’acheter un pied-à-terre à la
campagne qui peuvent prétendre à une profile d’énergie consommée
à peu près respectable – avec de l’argent gagné d’une vie
industrielle.
Mais il faut le
dire haut et clair, ce n’est pas une infime minorité à la
campagne qui va changer notre destin écologique.
L’entraide
écologique est forcément collective. On ne peut pas laisser la
plupart de la terre aux riches – il nous faut trouver notre place à
la campagne, il nous faut « quitter la ville ».
C’est un
changement de modèle qui devient pressant. La campagne actuelle est
conçue un peu comme une chasse gardée – que ce soit par les
lobbies des agriculteurs, des naturalistes ou des peuples indigènes – tous représentants d'une campagne riche en ressources, là où les pauvres arrivent à peine à se tenir.
Ceux des villes
désireux du contact avec « la nature » sont encouragés
à venir avec leurs voitures et autant d’argent que possible pour
faire le touriste – un rôle essentiellement passif - ceux qui ont
des moyens réduits se trouvent cantonnés dans les campings privés
et les visites d’un jour.
La plupart des
tâches rurales dépendent maintenant des machines :
débroussailleuse, tronçonneuse et tracteur participent à la
destruction de la biodiversité, y inclus la présence
potentiellement bénéfique humaine, créant le désert rural. Le
rythme de changement envers une campagne de jardinage et de petit
maraîchage est tellement lent qu’il ne compense aucunement le
mouvement simultanée de destruction industrielle qui se
perfectionne. La culture de la débroussailleuse et de la
tronçonneuse fait partie intégrante de la ruralité, tout comme le
culte des animaux de ferme et de compagnie.
On peut déjà
avancer quelques conclusions sommaires, mais évidentes.
- Il faut beaucoup
plus de présence humaine pour changer cette culture rurale
si négative, écologiquement. Si on veut remplacer les
machines, il faut plus d’humanité, physiquement active et
productive.
- Ces
« néoruraux » doivent pouvoir venir sans voiture –
sans empreinte écologiquue tellement contreproductive qu’elle annule
l’utilité de leur présence.
- L’organisation
présente de la campagne, en petites communautés qui ont tendance à
pratiquer une politique d’exclusion des pauvres et des problèmes
sociaux, ne permet pas une plus grande présence humaine. Au
contraire, ceux qui viennent apporter de l’aide à une population
âgée mais relativement riche, font la navette, du périurbain au
rural, en voiture.
Pour ces raisons,
il est nécessaire de créer des réseaux d’entraide écologique,
capables de résister à la dominance industrielle – à la
dominance des riches.
Il y a un exemple
qui vient à l’esprit, qui est symbolique du problème. A la ZAD de
Notre Dame des Landes, en 2011-12, après une période d’intense
activisme, on a tenu une « FestiZad », qui a réduit une bonne
partie de la ZAD en boue. Ce FestiZad a permis l’accumulation d’un
certain capital. Lorsqu’il a été question de décider de son
usage, ceux qu se sont insérés dans des positions de pouvoir ont
décidé d’acheter … un tracteur.
On ne sait pas
s’il faut rire ou pleurer. Mais c’est un exemple donné pour
expliquer le niveau du problème – même des gens qui se veulent
écologistes se rendent vite aux normes industrielles de la campagne
actuelle. Tenons bien en compte que la Terre ne pardonne pas des
erreurs aussi grossières – la moyenne de la surconsommation
d’énergie française est cinq fois trop, mais en campagne, la
moyenne de surconsommation est plutôt de 25 fois trop. Les distances parcourues sont démultipliées, par rapport à la ville. L'automatisation des tâches agricoles réduit le savoir faire humain, élimine les travailleurs agricoles, fait que même pour le plus menu des tâches, on a recours à une machine. La campagne
est en réalité la partie de la France la plus industrialisée qui
soit. Pendant des décennies, à force de vouloir se rendre « compatibles » avec une société rurale imaginée, des séries de praticants du RealPolitik ont subverti et se sont accaparés du sujet de l'écologie. Leur incohérence écologique a rendu facile le démontage de la crédibilité écologique. On peut dire que les premiers à pratiquer le « greenwashing » ont été les écologistes eux-mêmes.
C’est à cette
montagne que des écologistes modérés doivent s’adresser. Une
fois qu’il commencent à comprendre l’échelle du problème, ils
peuvent être heureux qu’il existe des solutions, des solutions qui
favorisent ceux qui ont les ressources les plus modestes.
Comme il a été
dit, les déplacements doivent, pour être cohérents, se faire à
pied, à vélo, en tous cas sans essence. L’être humain est
physiquement très bien adapté pour ce faire. Il existe des alliés
à la campagne – des groupes de gens motivés et clairs d’esprit
peuvent créer des jardins et des vergers pour desservir ceux qui sont en déplacement, chez des
particuliers où dans des communes de bonne volonté – à ce
moment-là les voyageurs sont en mesure d'apporter du travail humain qui est normalement hors
de prix. Du fait qu’ils voyagent sans essence et sans voiture,
leurs besoins en argent sont vastement réduits – on peut gagner sa
vie de cette manière.
Se déplacer pour
s’intégrer à la vie – en produisant des fruits et légumes –
est finalement à la portée de tous – c’est même rentable. Le
fait d’aller à la rencontre de l’altérité ouvre nos
possibilités sociales et nous permet d’entretenir la liberté de
mouvement qui permet la liberté d’association. La puissance
exploitante des lobbies et des élites dépend, en réalité, d’un
manque de communication et de cohésion des populations – mais des
mouvements réguliers en circuit local cassent cette tendance des
petites communes à devenir sectaires et bornées.
Pour qu’une
démocratie libre fonctionne, ces mécanismes doivent exister.
L’internet, les réseaux sociaux, les portables et les voitures ont
dématérialisé nos vies sociales, ce qui est devenu parfaitement
clair à tout le monde, grâce au Covid. En sortant de cette
pandémie, pour positiver l’extrême négatif vécu par plusieurs
d’entre nous, quoi de mieux pour canaliser ces énergies ?
Avec la
reconnaissance dans les échelons les plus hauts du pouvoir mondial
(l’administration Biden aux états unis – avec des
investissements en argent déjà massifs) du défi écologique –
chiffré – il est possible d’affirmer que ce n’est pas du
radicalisme de chercher des moyens, aujourd’hui, de réduire par
cinq notre consommation d’énergie et de nous mettre à multiplier,
d’urgence, la biodiversité. L plus grande partie de la surface est rurale, c'est là que se trouverait, normalement, la plupart de la biodiversité. En toute logique, c'est là qu'il faudrait commencer.
Pourquoi donc en
France, est-ce que cela ne paraît pas politiquement faisable ?
L’une des
raisons principales est le manque d’activisme audacieux de base,
comme ce qui est proposé dans cet écrit. De ce fait, il n’y a aucun
fait matériel auquel s’attacher. Soyons clairs, la fonction de
l’activisme écologique n’est pas de se faire élire, sinon de
rendre possible aux politiques de se faire élire en indiquant les
exemples que nous avons créés. L'histoire souvent sombre du développement rurale a créé des antécédents qui se sont enracinés - les liens politiques campagne-ville s'y sont adaptés au niveaux des élites. Il faut maintenant retisser ces liens au niveau de la population générale, pour que l'équilibre des pouvoirs se rétablisse.
Une
ré-humanisation de cette affaire est urgente – nous sommes tous
dans le même bain, en ce qui concerne l’écologie, le climat et la
perte de biodiversité. Les termes employées ici sont celles qui
sont à la mode, mais il faut être exceptionnellement bête pour ne
pas constater que le monde du vivant est en train de mourir, de
manière accélérée – et qu’il faut agir de manière solidaire
si nous voulons nous en sortir. Parler de l’Amazonie est absurde si
nous n’abordons pas ce qui se passe ici – où la situation est
tellement pire que nous n’avons déjà presque plus de nature et où
nos habitudes industrielles sont tellement fortes que la plupart de
la surface du pays est polluée – et continue de l’être. Ce sont
NOS puits et NOS lavoirs qui sont pollués à l’azote – par NOUS.
La première
victoire est donc celle où nous réussissons à convaincre à nos
concitoyens de la faisabilité du projet – ouvrant la porte à une
politique pro-écologique, pas purement rhétorique.
Le sujet est
l’infrastructure, ce n’est pas quelques bonnes nouvelles, par ci
par là, mais une vraie mobilisation et changement de projet
systémique, où chaque élément trouve sa place et où nos
fonctionnaires, surtout nos fonctionnaires, arrêtent de faire
l’inverse du nécessaire.
C’est seulement
à ce moment-là que nous pouvons convaincre à des citadins des pays
comme le Brésil qu’il existe d’autres manières de faire. Pour
être clair, les énormes fermes de bétail de l’Argentine, de
l’Uruguay, du sud et du centre du Brésil – catastrophiques
écologiquement et en train d’envahir tout le pays, n’existent
que parce que le commerce international de ces viandes (et ensuite du
soja transgénique, etc.) a été rentabilisé à l’époque
coloniale. L’existence de cet énorme cheptel de bovins (mais en
fait de toute viande et produit laitier industriels) en France et
ailleurs en Europe est conditionné encore par les aliments importés
des pays qui continuent de tuer leur biodiversité à notre service.
Et pourtant, en
maraîchage, à l’échelle humaine, la France a la capacité non
seulement de se nourrir elle-même, sans subvention, mais d’augmenter
sa propre biodiversité, de dépolluer ses propres sols, et de créer
un véritable modèle d’avenir pour tous. Pour ce faire, il suffit
de favoriser l’inventivité et le savoir faire qui ont étés,
autrefois, la fierté de ce pays, et de créer une mobilité physique
réelle qui pénètre le désert rural.
Tester les barreaux de notre prison « terre industrielle ». Essayer de faire de l’entre-nous l’infrastructure. Il y a besoin de trouver des méthodes et d’y aller vite. Défi systémique cherche solution systémique. Nous sommes très divisés parce que le système a appris à se nourrir de ces divisions.
Beaucoup dépend de la volonté des gens de prendre la route, de travailler sur la route, d’en faire leur domicile, bien que ce soit temporaire. On crée des modules génériques – accueil, accès numérique, cuisine, jardinage, légale, vélo-mobile, média ... Il est recommandé que les gens se mettent en binôme ou en groupe pour voyager. L’accueil, c’est les endroits qui servent de bases pour dormir et se nourrir. Le contact, c’est la place publique, la voie publique, le marché – des points rencontre réguliers entre ceux qui se déplacent et ceux qui sont ceux place.
Ces modules sont des ensembles fonctionnels, c’est un peu de la rétro-ingénierie du monde de l’informatique et du logiciel libre. Le digital se pense de plus en plus biomimétique. Les nudges, ce sont à l’origine des comportements humains. Nos perceptions culturelles se construisent avec cette pensée, tout comme à l’époque industrielle on a crée une langue structurante mécanique.
... est une phrase que je viens d’entendre, avant d’éteindre la radio.
Est-il possible de se recomposer écologiquement ? C’est en
tous cas faisable.
Gilbert Cochet : Le « ré-ensauvagement ».
« Quand on laisse faire la nature », … « L’homme
qui passe et ne laisse pas sa trace »
« L’homme contemplatif »
« La pratique de l’homme. » « L’artificialisation
des sols. » « L’étalement urbain. » « On
va récupérer des maladies alors qu’on n’a rien à y chercher. »
Je note des phrases pendant que la radio elle parle. On croirait
que les êtres humains ne savent que venir chasser ou abattre des
arbres avec des tronçonneuses. Que la nature sait très bien faire
toute seule. Tout est amalgamé.
Alors les confinements ont fait que la nature reprenne et qu’elle
s’approche de nous. Ce n’est donc pas notre présence qui pose
problème, c’est nos actes. Il est totalement illogique d’essayer
de créer des réserves, alors que nous avons surtout besoin d’action
humaine en faveur du vivre ensemble.
Ce qui est détressant est que le représentant du parc régional
naturel des Vosges, dans cette émission sur l’environnement de
France Culture, n’était pas dogmatique, mais il utilisait le
langage de la polarisation. Ce qui se dessine est un duopole de
naturalistes et d’agriculteurs qui engagent une bataille sur
l’utilisation de la campagne. Ils se réunissent cependant dans
leur désir commun d’en exclure les humains.
C’est cet embouteillage, cette distraction qu’il faut
débloquer.
Naomi Klein, Tout peut changer : capitalisme et changement
climatique, p502
On qualifie parfois ces processus de « résilients »,
mais « régénérateurs » serait sans doute plus
approprié. Or la résilience, bien qu’elle soit l’une des plus
grandes facultés de la nature, est un processus passif, qui implique
d’être capable de se relever après un assaut. La régénération,
en revanche, est un processus actif, où l’humain peut participer
pleinement à l’épanouissement de la vie sous toutes ses formes.
Idée : débat blog
J’ai l’idée de préparer une présentation-sujet chaque jour
– cela s’appelle un « papier » ou un « article
d’opinion ». Cela pourrait agir comme base pour un débat,
chaque jour, où on détermine les bases pour une prise de position
commune.
Là, par exemple, le sujet du jour dans « La Terre au
Carré » traite des aspects écocidaires de notre monde dans un
cadre juridique qui ne permet pas de s’adresser aux vrais
problèmes. Le « délit d’écocide » dans la nouvelle
loi du climat n’est pas compatible avec la crime d’écocide en
train de se définir au niveau international. Bref, il n’y a pas de
« petit écocide » - ce serait comme dire « un
petit mort » pour décrire la mort d’un individu.
Il y a les espèces protégées – qui est une définition
anthropocentrique, vaudrait mieux des milieux naturels protégés ou
des écosystèmes protégés.
Un interlocuteur dispute cette idée un peu plus – il dit que
nous tous faisons partie des écosystèmes et que ce sera nous,
l’espèce protégée un jour. Qu’il faut considérer notre
symbiose.
La juriste se relance sur les signes d’espoir au Québec, où
les nations premières ont pu établir certains droits de défense de
la nature dans leurs territoires ancestraux. « Le citoyen
connaît son territoire », on dit.
J’en suis très douteux. On mélange une chose avec l’autre,
là. Qui dit que les gens locaux vont mieux faire que les gens
d’ailleurs ? La pratique de la loi, jusqu’à là, en France
spécialement, suggère que la victoire ira à ceux qui ont plus de
ressources – des moyens qui serviront à payer pour le travail des
avocats. Cela ouvre un autre aspect – l’économie de l’attention.
Non seulement est-ce que les gens plus pauvres auront moins de temps
et d’attention disponibles, mais il y a aussi la question « sur
quoi est-ce qu’on est attentif ? ». Dans le cas d’un
territoire, par exemple, on ne donnera priorité d’être attentif
au territoire que dans la mesure qu’on le parcourt dans un contact
interdépendant (symbiotique) ou que les conséquences territoriaux
se font sentir chez soi.
Cela donne lieu à : « ils parlent de la fin du monde
mais pour moi, c’est la fin du mois qui compte ».
Pour les peuples premiers du Canada, c’est parce qu’ils
parcourent leurs territoires en chasseur-cueilleurs qu’ils peuvent
représenter les intérêts de la nature. Ceux qui s’affilient à
la lutte sont souvent des gens qui ont, eux aussi, des héritages de vie et de tradition, ou d’autres gens encore qui se font un métier dans l’écologie.
Cela laisse la vaste majorité des gens dans un pays industriel
non-investis - sédentarisés dans le monde artificiel.
Je propose que le schéma d’économie d’attention doit être
reformaté pour qu’il y ait un vrai investissement populaire et
intellectuel au sujet de notre engrenage au naturel.
Pour que les gens y prêtent attention, on cherche de multiples
rattaches, capables de se générer dynamiquement. Les échelles :
locales, nationales et internationales doivent s’articuler
fonctionnellement. Sans quoi, on rique de se trouver dans une situation de non-participation
démocratique.
Bon, j’espère que l’exposition est claire. Il est maintenant
possible d’en faire une synthèse – une solution synthétique.
pour prêter de la vraie attention à un milieu naturel, à toute échelle, il faut la connaître, y vivre, en vivre soi-même.
pour prêter de la vraie attention à un milieu naturel, il faut donc une mode de vie qui fait qu’on y prête attention.
il faut aller plus loin que la défense, à différentes échelles, de la nature – dont nous, pour arriver à s’y intégrer en symbiose.
notons que trois pour cent du vivant échappe à nous, maintenant, et que nous avons beaucoup de chemin à rattraper pour que le coeur et le poumon de notre planète se remettent de leur maladie - nous et nos méthodes.
les échelles de cette symbiose impliquent une articulation, dans tous les sens
à l'échelle individuelle, en rapport avec le milieu
à l’échelle horizontale, entre les milieux environnants, avoisinants
à l’échelle verticale, entre les milieux interdépendants
à l’échelle verticale, entre l’individu et les individus et groupes locaux, régionaux, nationaux et globaux
Lorsque vous pensez
prendre l’avion ou le train ou la voiture pour aller interviewer
quelqu’un, ne faîtes pas ça ! Cherchez quelqu’un du coin
qui peut faire l’interview pour vous. Ou cherchez un remplaçant,
pour la durée de votre voyage en vélo.
Agriculteurs : embauchez !
Lorsque vous pensez
que le meilleur boulot c’est celui qu’on fait soi-même, avec une
machine à la main, avisez-vous ! Il y a des gens actifs qui ne
cherchent qu’à vous aider à faire le travail. Investissez dans
les gens, pas les machines !
Capitalistes : créez des baux !
Lorsque vous ne
savez pas quoi faire avec vos terres, créez plusieurs baux pour
permettre aux gens actifs d’y faire des jardins, des vergers et de
la biodiversité. Comme cela, vous aurez légué de la vie à la
prochaine génération et pas la mort.
Voyageurs : voyagez moins pour voyager plus
et mieux !
Ne sautez pas
d’endroit en endroit, comme l’envie vous prend. Ne prenez pas la
voiture, pour rentrer chez vous le soir. Faîtes naître des milieux
de voyage, ou les gens traversent le pays sans essence – laissez
des traces positives.
Téléphoneurs : partagez vos appareils !
Essayez de faire
qu’il y ait au moins une connexion internet ou portable accessible
à tous ceux qui sont là, ne vous laissez pas atomisés par les
géants de l’internet.
Où en est l’évolution des technologies susceptibles de réduire l’impact climatique ?
Aujourd’hui, aucune n’est acceptable au regard de l’urgence
climatique. Tabler sur des techniques qui sont encore de l’ordre de
prototypes, telles les technologies de séquestration
de carbone, relève d’un pari très risqué. La technologie ne
réglera pas la problématique climatique !
Il y a deux types
de technologies : les méthodes artificielles, qui consistent à
pomper le carbone de l’atmosphère et à le stocker sous
différentes formes. Elles ne seront pas disponibles avant quelques
décennies et des défis subsistent — passage à l’échelle,
minimisation des risques de fuite, etc. Il y a aussi des techniques
moins intrusives, qui consistent à utiliser les puits naturels de
carbone comme les forêts ou la biomasse pour capter le carbone. Les
dernières études montrent que plus le réchauffement global
s’accroît, plus cette capacité naturelle à pomper et stocker le
carbone s’affaiblit. Le stockage dans les forêts est aussi à
risque, car le CO2 peut être relargué dans
l’atmosphère lors d’incendies massifs, comme c’est arrivé en
Californie et en Australie en 2019 et 2020. Compter sur les
écosystèmes pour limiter la perturbation humaine, via les gaz à
effet de serre, est donc un pari très incertain. Cela questionne
aussi les initiatives de « compensation carbone » qui ne
sont clairement pas des solutions.
L’action la
plus sage, c’est de diminuer dès maintenant les émissions de gaz
à effet de serre, pour en pomper le moins possible si — au mieux
quand — nous disposerons des technologies. Il y a des études très
intéressantes faites sur la sobriété, qui aujourd’hui semble
incontournable. La sobriété impose une évolution de nos modes de
vie, de notre rapport au monde et du faire société.
Personnellement, je suis convaincu que sans sobriété nous n’y
arriverons pas, considérant l’ampleur des contraintes de réduction
sur les gaz à effet de serre qui sont nécessaires pour limiter le
réchauffement.
Commentaire
Il y a une anomalie
dans cette logique – Tout ce qu’on fait est « technique »
et on ne peut pas se séparer des écosystèmes, donc « compter
sur les écosystèmes pour limiter la perturbation humaine »,
c’est compter sans nous, ou comme si nous étions toujours néfastes
dans nos interactions avec l’environnement. La sobriété –
c’est-à-dire la réduction de nos émissions, peut même devenir
un bilan positif – où nous convertissons notre nuisance en
bienfaisance. Cela est une « perturbation humaine »
aussi, si l’on veut.
Si nous plantons des
haies et des arbres fruitiers, nous aidons à garder plus d’humidité
– à générer plus de précipitation aussi. Ce n’est pas
obligatoire de les planter dans des forêts vierges – c’est même
impossible en Europe, on n’en a plus. En remplaçant le fil
électrique et l’élevage, on bascule de bilan négatif à bilan
positif, ce n’est pas une réduction sinon une conversion. Ceux qui
en vivent ont un bilan positif, contre un bilan négatif. C’est
plus productif, pour nous, en termes de valeur nutritif par hectare,
aussi. Chaque être humain a besoin de moins de surface. Nous n’avons
rien perdu, avec cette approche – c’est un net gain.
Donc, ou bien j’ai
manqué de comprendre quelque chose, ou bien la trame logique du
débat ne tient pas, dans les dernières trois paragraphes de
l’article.
Je peux hasarder une
explication – en deux temps :
tendances : si
on regarde ces choses en termes de « tendances »
statistiques, il y a de quoi se résigner à l’inévitable.
nature : sin on
raisonne dans des termes de nature sauvage contre agriculture, gros
plan, il y a aussi de quoi se sentir désemparé.
… mais si on vie
en Europe de l’Ouest, on sait que le bocage marche très bien –
qu’il existe des cultures pérennes mélangées avec de l’habitat
humain qui marchent.
La même trame
analytique peut s’appliquer au manque de accès au logement, au
périurbain et aux « exploitations » agricoles. Cela m’a
pris un certain moment pour me délaver le cerveau là-dessus, parce
que personne n’en parle de manière claire – chacun de ces débats
est cloisonné.
Quelqu’un qui
habite un jardin de 1000 à 3000 mètres carrés est en droit de
penser qu’il peut en tirer de quoi vivre – et en plus se créer
un bilan positif au niveau de la biodiversité, l’humidité, la
régénération des sols – le « climat » vient de là.
Je ne pense pas qu’il est nécessairement plus sobre ou plus frugal
pour autant. Mais il a disparu des chiffres des gens qui, par leur
mode de vie, sont en train de tuer le monde.
Si l’on vie en
zone rurale, le principal défi est d’avoir accès à ces terres –
et de pouvoir y vivre, dignement. Les problèmes ne sont pas de ne
pas pouvoir se construire un logement à bilan carbone positive, ni
de se faire pousser de quoi se nourrir, ni de s’occuper de la
biodiversité – on peut faire cela. Les problèmes, ce sont les
lois, les propriétaires et l’ignorance.
Ce serait mieux que
du périurbain, ce serait partout. On n’est pas en train de
bétonniser, on n’est pas en train de prendre de la terre agricole
pour la détruire, on est en train de convertir des vies humaines et
des tracts de terre agricole industrielle, actuellement destructrices
de l’environnement, en environnements sains et vies d’utilité
écologique. On est en train de donner à l’économie, pas de
prendre.
Ce qui m’irrite
intellectuellement, c’est qu’on penserait que c’est à moi de
construire ce cas, et pas à ceux qui détruisent la terre, qui
financent l’agriculture industrielle, qui donnent des prêts à des
entreprises industrielles, … de se défendre. J’attends de faire
un travail d’utilité écologique. C’est où le problème ?
– lire, corriger, analyser, créer et reproduire tracts et
présentations de pratiques écologiques – à l’oral, au crayon,
etc., en petit groupe
– codécider des sujets à préparer pour la prochaine classe –
et de qui fait quoi
Deuxième section
– discuter d’un thème, appuyé par des documents et/ou des
témoignages
Troisième section
– Récapituler, planifier, décider de et organiser actions et
devoirs ayant lieu avant la prochaine classe, dans un cadre
relativement informel – codécider de qui fait quoi
Notes de bas de page :
– périodicité initiale des classes : une fois par semaine
– présentielles, durée et lieu à codécider
* l’écologie active est un terme que je viens de choisir,
assez spontanément, pour fusionner pourparlers et pratiques et pour
essayer de faire comprendre que l’écologie n’est pas autant ce qu’on
fait soi-même chez soi mais sa contribution à l’universalisation de
pratiques à bilan écologique net positif à très court terme et
partout - au moins jusqu'à ce que nous reprenions collectivement la main là-dessus. Relativiser en disant « c’est ton avis et ton
chemin » n’est pas du tout à l’ordre du jour ; « quel
bout de chemin ensemble, comment et pourquoi ? », c’est
l’ordre du jour de départ de ces classes – ce sont des classes d’écologie active, pas
des classes de philosophie, bien que la philosophie autant que tout
autre sujet peut y être pertinente. Et « je ne veux pas parler
politique » est, à l’avis de l’auteur, la prise de
position politique la plus forte, censoriale et autoritaire qui soit,
tandis que « je ne veux pas parler de la politique
politicienne » est tout autre chose. Tentons d’être aussi
précis que flou qu’il faut, dans notre usage du langage. Les mots,
ce sont des outils, des actes et même des armes.
Ceci est une explication renouvelée des propositions et pratiques donnant chair à une organisation sociale humaine qui remplit les critères écologiques de viabilité que nous cherchons tous.
Je récupère le mot
« technique » pour indiquer qu'il se traite d'une ébauche de solution
technique à la crise écologique, mais dans le sens strict du mot
« technique » - les moyens dont on s'occupe, dans la technique proposée,
sont exclusivement humains.
En ce qui concerne nos rapports avec la nature, nous sommes
devenus des sédentaires mécanisés. Lorsque nous pensons à faire
des jardins, c’est chez nous où dans des jardins partagés
auxquels nous accédons grâce au fait que nous sommes des locaux ou
des dépendants des locaux. Lorsque nous pensons à les faire chez
les autres, le déplacement se fait en voiture avec une panoplie
d’outils mécaniques, surtout faites pour nous « épargner »
l’effort du travail et augmenter « notre » rendement.
De telle manière qu’étant jardiniers, nous nous trouvons isolés
et marginalisés, si ce n’est que par le bruit de la
débroussailleuse. C’est très paradoxal, étant donné la
conjoncture écologique.
Il y a donc besoin de développer une méthode qui met ceux qui
sont capables et volontaires pour entretenir une économie basée sur
le jardinage ensemble avec des gens qui ont les terrains, l’outillage
à main et le savoir faire. Je l’appelle « jardinage
mobile ». Le woofing paraît être la solution et existe déjà.
S’il n’est pas devenu « mainstream », c’est qu’il
donne peu d’initiative et d’autonomie aux woofers par rapport aux
propriétaires des terrains et a tendance à se réserver à une
clientèle très restreinte de privilégiés. L’infrastructure qui
assure la mobilité – les gîtes de passage, les chemins réguliers,
l’alimentation de base, le cadre social, ne sont pas centrals au
woofing. C’est un système morcelé et donc hasardeux, on dirait
intentionnellement, qui ne favorise aucunement l’égalité de
dignité des participants. Ceci dans un cadre, bien entendu, qui est
massivement en faveur des producteurs industriels, chez lesquels les
woofers vont forcément se retrouver en leur grande majorité.
La méthode
Pour s’adapter à la croissance écologiquement et
économiquement nécessaire de ce secteur, il y a besoin de clarté –
de prévisibilité, de ce qu’on appelle actuellement « la
transparence ». Je propose (et je pratique) que l’on
s’adresse d’abord à l’infrastructure de transport et de
communication qui nous permet d'identifier et de nous déplacer envers les lieux de
travail et de ravitaillement.
Le cadre logique
Le cadre dans lequel ce système opère est celui de la vraie vie,
aujourd’hui. C’est un système ouvert à tous, sans
discrimination. On s’impose d’avoir un bilan écologique net
positif, dès maintenant – on le mesure. Comme pour les entreprises
géantes du pétrole, cela signifie que nous arrêtons immédiatement d’utiliser
ou de contribuer à ce qui ne peut pas donner un bilan écologique
(net) positif. Nous n’utilisons pas de voitures, pas d’essence,
pas d’informatique antisociale. Nous créons de la biodiversité,
de la dignité humaine, des rapports sociaux de respect et de force
égaux entre les partenaires – qui sont ceux qui sont physiquement
là, y inclus les voyageurs. Là où nous nous trouvons bien obligés, pour des questions de survie et de communication sociale à but de réaliser nos projets (comme dans le cas actuel de cet écrit), nous opérons une analyse bénéfice-risques qui nous permet de le calculer - le bilan écologique net positif que j'ai nommé. Dans d'autres écrits je rentre dans les détails de comment faire ce calcul quantitatif et social.
Le cadre physique
La communication – l’information – passe avec les voyageurs,
qui se déplacent sur des circuits rythmés par la vie hebdomadaire
de la localité. Ceci veut dire, habituellement, les marchés à ciel
ouvert hebdomadaires du coin. Ce sont des circuits parce que
l’objectif est de ne pas faire des allers retours motorisés entre
chaque marché et son lieu de résidence, sinon de passer la nuit sur
place avant de prendre la route pour le prochain marché. On devient
soi-même véhiculaire – de l’information et des affaires qui
vont sur les marchés. De par l’expérience, il est conseillé de
n’entreprendre que de se déplacer entre trois marchés (trois
jours) par semaine, ce qui laisse deux ou trois jours pour un travail
appliqué, deux ou trois jours pour le repos et le divertissement. La machine que nous entretenons est nous-mêmes, le but n'est pas de s'exténuer sinon de se rendre performants sur la durée.
En résumé, ce plan de vie impose d’avoir des points
information à la fois sur les marchés et des gîtes ou jardins de
passage près des marchés ou sur les routes entre les marchés
disponibles à ceux qui font ces circuits. J’ai inventé des noms
génériques pour ces entités conceptuelles, pour qu’on les
visualise mieux. Les circuits s’appellent des « boucles de
marché ». Les voyageurs s’appellent des « domiciliés
boucle ». Les points infos sur les marchés s’appellent des
« espaces de partage ». Les lieux de ravitaillement,
d’hébergement, de production, transformation et stockage s’appellent des « gîtes de
passage ». La date de création/formalisation de cette idée
est à peu près 2012-13 et elle a été pratiqué pendant six à sept
ans en continu.
Le cadre économique
Le cadre économique est plus que viable pour tous ceux qui y
participent. ôter les frais de voiture – ôter « l’essence »
de l’équation, est une révélation en termes économiques –
tout ce qui est gagné peut aller directement aux êtres humains et à
la nature concernée. Le contact social nécessaire à tout être
humain est assuré par la participation au circuit. Un étrange sens
de liberté se produit. Si l’idée « prend », elle est
auto-régulatrice, elle peut faire boule de neige tout en maintenant son
intégrité structurelle. Ses composants (nous) peuvent prendre de décisions et les mettre en oeuvre de manière autonome et immédiate. L’expérience de base s’est faite à
l’échelle d’un département – l’Ariège, elle est donc
extensible et adaptable – réproductible à l’échelle de tout
département français métropolitain, en se greffant sur l'infrastructure pré-existante.
Le cadre théorique proche
Comme on le sait, on peut voyager intellectuellement sans bouger
physiquement de son fauteuil. Il suffit d’être connecté au
« monde qui bouge » – par exemple parce qu’on reçoit
ses petits enfants venus de loin – pour se sentir faisant partie du
grand monde. Le problème est que ce sens d’inclusion se fait à
distance indiscriminée, moyennant des coûts énergiques hors de raison. Les géographes observent que ceux qui se
sentent vraiment partie de leurs communautés locales se trouvent
plus en ville qu’à la campagne maintenant, de ce fait. Les
transports à distance et de grande vitesse ne nous rendent pas plus
proches socialement, sinon plus loin les uns des autres et servent à
exacerber les différences entre ceux qui sont socialement inclus et
ceux qui sont socialement exclus. La campagne devient un désert social sauf pour les riches et leurs dépendants. C’est un cercle vicieux. Il est
évident que des circuits tels que ceux que je propose s’attaquent
bien à ce problème, en réhumanisant à la fois la transmission
d’information et en faisant que les messages courent entre
environnements avoisinants et non pas entre interlocuteurs centraux
et leurs envoyés, par-dessus la tête de la majorité de la
population réelle. En donnant la possibilité présentielle à des sociétés écologiquement frugales de nouveau, on fait vivre de nouveau le désert rural, à bénéfice mutuelle.
Le cadre théorique lointain
Selon certains – dont je fais partie – notre déroute
écologique a commencé au néolithique, lorsque nous avons commencé
à stocker systématiquement des denrées et des semences, lorsque
nous sommes devenus des pastoralistes et des agrariens, plus que des
chasseurs collecteurs. Avant nous pouvions, comme tout animal, nous
déplacer en groupes à volonté – lorsque les populations
devenaient trop denses, nous allions plus loin. Le monde était vaste
et nos populations infiniment petites par rapport à maintenant.
Notre fertilité était subtilement réactive à cette situation –
en déplacement, ou lorsque les sources d’approvisoniemment se
faisaient maigres, nous ne concevions pas ou peu d’enfants. Dans les
années grasses, lorsque nous nous posions un temps dans un endroit
clément, nous pouvions mener des grossesses à terme et créer des
conditions propices à la survie des nouveaux nés.
En se sédentarisant et en domesticant des espèces « sauvages »
(nous-mêmes en premier), nous avons transité de l’état
d’équilibre que je viens de décrire à un état où nous devions
dépendre de la formalisation de nos rapports socio-économiques, à
la fois entre nous et avec les environnements qui nous entouraient.
Nous en avons fait des « systèmes ». Ces procédés
d’apprivoisement furent assez binaires – il s’est créé une
division très nette entre l’artificiel et le naturel, au moins
dans nos têtes. Nous sommes devenus des terraformistes d’abord,
plutôt que des interacteurs avec la terre d’abord – nous sommes arrivés à chercher à imposer
notre volonté sur une nature qui avait été conçu, auparavant,
plus en partenaire munificent.
A présent, nous sommes toujours dans ce processus d’apprendre
« comment faire système » avec la nature, souvent contre-nature. Nous n’avons
guère commencé – le « néolithique » existe depuis à
peine 10 000 ans, l’homo sapiens moderne depuis 300 000 ans, en
chiffres ronds. Les grands changements lents des écosystèmes néolithiques
ont souvent été assez invisibles à l'échelle d'une génération à l'autre,
l’assèchement et la salinisation des terres, la destruction de la
biodiversité au cours des siècles ont nécessité une transmission
orale et ensuite écrite de plus en plus réussite pour rendre
détectable nos erreurs, qui ont eu une périodicité de centaines et de milliers d’années. Ce n'est que très récemment que nous arrivons à lire dans le couches successives de glâce et par d'autres méthodes les traces de notre passage sur la terre pendant cette période, qualifiée d'anthropocène.
L’artificialisation de nos vies s’est manifestée dans notre
obsession avec nous-mêmes, à l’échelle de nos courtes vies, de
celles de nos proches, de celles de nos aïeuls et notre fratrie,
malgré et parfois à cause de la sagesse collective qui naissait
avec la manifestation de ces nouveux problèmes. Il faut que nous
ôtions nos chapeaux devant l’intelligence de nos ancêtres, étant
donné le peu de vraie information qui leur était disponible. Mais la
sagesse de l’un est souvent converti en dogme par l’autre –
l’élargissement conceptuel de l’histoire de l’humanité à des
milliers d’années par des écrits comme la Bible pouvait toujours
devenir une interdiction littéraliste de concevoir que le monde
avait une histoire beaucoup plus longue, en réalité, par des bornés
d’hier et d'aujourd’hui. Ceci peut nous servir de rappel à l’ordre –
le projet technique que je propose est d’abord une étude de
faisabilité écologique, toutes les questions amères de dominance,
de cruauté, de brutalité et d’indoctrination humaines sont
subsidiaires à cette question centrale. Il faut un cadre référentiel pratique
viable pour penser clair là-dessus. C'est ce que je tente de provoquer.
Ce cadre s’impose à nous que nous soyons des « amateurs
de la nature » ou des amateurs de la civilisation dite
« artificielle », de par notre très grand nombre et
notre très grande capacité de nuisance mutuelle. La survie du plus
apte, dans notre cas, doit être conçu comme la survie de tout le
monde pour ne pas mettre presque tout le monde à dos. C'est ce que les prétendus écologistes n'ont absolument pas réussi à faire jusqu'à maintenant. Nous ne sommes
plus capables, socialement, de vivre de la chasse et de la
cueillette, bien qu’individuellement en petit nombre nous le
soyons. Mes propositions s’addressent à la résolution de ce
problème systémique, infrastructurel, plutôt qu’à l’importance
des menus détails de la vie préférentielle d’un groupe ou un
autre. Ces détails, il y en a d’autres qui s’en occupent déjà
très bien. La réalité humaine est que les libertés individuelles
(l’autonomie) augmentent lorsque le cadre ou enveloppe environnant
le permet, et diminuent lorsqu’on ne pense qu’à ses propres
intérêts, en trépignant sur les intérêts des autres.
Il reste que la dynamique entre populations en mouvement et
populations sédentaires continue d’être le nerf de la guerre en
termes de notre convivance mutuelle. Dans le sphère de la
géopolitique, on utilise un modèle qui articule une polarité
« haut-conflit – bas-conflit ». Le bas-conflit est une
convivance heureuse et complémenaire entre « saisonniers »
et sédentaires. Le haut-conflit est le déplacement de forces armées
qui pillent et mettent à ras les structures des sédentaires sur leur chemin. C’est
la négoce entre ceux qui bougent et ceux qui restent sur place qui
devient le point critique, dans ce genre d’analyse.
La notion de tributs et d’exactions de ceux qui bougent et qui
sont capables d’infliger leur volonté sur des population locales a
son contrepoint dans la taxation des voyageurs par ceux qui arrivent
à canaliser leurs mouvements. Il en émerge, logiquement, une fusion
territoriale des deux intérêts. Ceci a tendance à produire une
fixation des populations sur place, ou au moins dans le territoire
auquel ils sont identifiés, ne laissant qu’à une population
d’élite (et ses dépendants, et ses facilitateurs) la vraie liberté de mouvement.
Mais même une étude très simple est révélatrice de la superbe
efficacité énergique et matérielle d’une vie en mouvement,
spécifiquement pour les êtres humains, qui sont à la fois
physiologiquement (somatiquement) adaptés à cette mode de vie et
adaptatifs aux intérêts de la sphère naturelle dans laquelle ils
vivent. Si nous parvenons collectivement à « vivre en
mouvement », notre empreinte écologique devient net positive,
même avec les populations énormes existantes. De nous en empêcher
est à la fois anti-écologique et génocidaire. Nos systèmes
se doivent, au nom de notre survie collective, d’être
« dynamiques » (en mouvement). La question spécifique est "comment?" et elle est très pointue. On peut déjà observer que cette question n'a rien d'Utopienne, tandis que la société productiviste de surconsommation nous tue.
Des arguments pour moi spécieux peuvent être avancés contre le
mouvement arbitraire de populations sans justificatif. Il vaut mieux
réorienter les termes du problème. Est-ce qu’on a créé l’infrastructure
– la « motivation » pour cette mobilité? Est-ce qu’on a
des récoltes à récolter, des récoltes à transformer, des
récoltes à transporter, là où en ont besoin ceux qui s'y trouvent ? Avec le
mouvement régulier en circuit, sans assistance énergique des machines, la redistribution efficace se fait sans
peine par intérêt – il est normal de chercher à distribuer des vivres sur le
chemin, plutot que de transporter des poids innécessaires avec soi.
Les fonctionnalités des sédentaires et des voyageurs se
complémentent.
J’ai évité d’employer le mot « nomade » parce
que, tout simplement, il ne convient pas. Dans notre folklore
collectif, le nomade voyage avec sa maison sur le dos, comme s’il
était coupé du monde qu’il traverse. Ou bien, s’il est riche,
sa carte de crédit ou téléphone fait voyager tous les biens qu’il
désire jusqu'à lui, comme par la magie. Pour moi, les codes réciproques de
l’hospitalité évitent ces éventualités - j'essaie de ne jamais porter ma maison sur le dos mais de chercher des interactions de bénéfice mutuelle avec ceux qui sont sur mon chemin et j'exècre l'autarcie dont je suis, cependant, obligé d'être un passé mâitre, tellement les positions des populations en déplacement et ceux qui se qualifient de résidents deviennent retranchées, à cause de la pression démographique que notre surconsommation nous fait sentir.
Si j’ai évité
de donner des conseils de contraintes rigides, à part l’exigence d’un bilan
écologique net positif – qui paraît déjà énorme pour une
population de surconsommateurs – c’est que
l’infrastructure minimale proposée en haut de cet écrit, une fois
intégrée aux us et coutûmes des gens qui interagissent, sera dans les mains des participants aux circuits, bon gré mal gré. C’est-à-dire les interactions entre les voyageurs et les administrations locales
(qui se chargent par exemple des aménagements des campings municipaux ou privés), les particuliers (qui résuscitent la convention de la place de
l’étranger réservé à la table de l’hôte) et les entrepreneurs
(restauration, transformation, transport) du coin ou de passage. Je
mentionne en passant qu’évidemment, ces circuits locaux se
rencontrent, il est tout-à-fait pris en compte qu’un voyageur à
grande ou à courte distance peut laisser des traces positives sur
son passage. Le voyageur est forcément domicilié sur la boucle
locale qu’il parcourt, qu'il soit sur un voyage long ou court, que ce soit sa mode de vie ou son moyen de se déplacer pour des raisons ponctuelles. La voie
publique – le concept de la voie publique, est de cette façon entretenue par l'usage. Notre accommodation de l'altérité également.
Un autre élément à souligner est que, contrairement à ce qu’on
pourrait supposer, ce projet est conçu comme un projet très
pratique d’application immédiate, un projet qui accélère et qui
est à la portée de tous – la conjoncture écologique l’exige.
Pour cela que l’un des problèmes majeurs – la crédibilité de
l’entreprise – a été adressé par le fait que je l’ai déjà
fait, pendant des années, de manière strictement scientifique, en
éliminant au maximum les facteurs qui pourraient fausser les
résultats, comme l’argent et la dépendance sur l’infrastructure
industrielle existante. Le bilan écologique net positif est un fait
accompli.
Problèmes et faiblesses de la technique
Le mot « problème » en dit loin sur la faisabilité
de tout projet écologique. Suuposons que l'on me fait subir les conséquences d’un
acte – est-ce donc moi qui ai le problème? Assurément. Mais l'origine du problème
est l’acte qui le crée, c’est donc celui qui commet
l’acte qui a le problème.
Il est évident que si on crée un monde propice à l’industrie
agro-alimentaire, principalement en éliminant sa compétition - en rendant la vie impossible à tout
indépendant de taille mineure, de toute tentative d'étoffer des modèles alternatifs, on ne peut pas ensuite accuser ce dernier de
défaillance. C’est cependant ce qu’on a fait et ce que par inertie conventionnelle on continue de faire, malgré toute pédagogie raisonnée qui est tentée pour contrer cette tendance. Si les gens cherchent les extrêmes dorénavant, c'est parce que la raison n'a pas prévalue - même la raison électorale. L’agriculture de grande échelle qui utilise des
machines n’est ni plus productive ni plus efficace que les petits
jardins qui utilisent le travail non-machine-assisté des humains. Elle est
tout simplement plus subventionnée et non-tenue responable pour ses conséquences dévastatrices sur la nature. Là où ça ne lui permet toujours pas d'avoir le dessus, la législation qui interdit au petit d’en
faire sa vie prend le relais.
Mais il faut encore mieux poser le niveau qu'a atteint ce problème. C’est lorsqu’elle
menace de réussir qu’on va attaquer l’entreprise écologique. Le
système pro-industriel « aime » les petits qui ne
réussissent pas et qui ne promettent jamais de le faire. Attention !
Il faut pouvoir détecter les implications. C’est là où on
détruit une entreprise écologique qu’on signale son risque de réussite.
Si elle a l’air de réussir, c’est probablement parce qu’elle
n’est pas écologique - la taréture de la situation est arrivée à ce point-là, puisqu'un entrepreneur qui ne veut pas s'endetter ou qui n'a pas de l'argent à brûler est interdit de participer à l'affaire.
C’est pour cela que je me suis concentré sur la modélisation
d’une infrastructure qui est susceptible de pouvoir rassembler et concentrer suffisamment de gens pour être fonctionnellement capable de soutenir et défendre des
tentatives vraiment écologiques avant qu'elles ne soient déracinées ou tuées dans l'oeuf.
éléments statiques - jardins collectifs
Les jardins collectifs indépendants (autonomes) sont intéressants s’ils
réussissent à générer l’adhésion et la participation de plusieurs membres d'une
communauté. Pourquoi ? Parce que si l’on s’y attaque, les
conséquences politiques peuvent être très graves pour l'attaquant. Le fait d’avoir
un département d’université ou la CNRS, un membre de chaque
communauté noire, blanche et verte des alentours, chacun qui cultive son lopin de
terre, fait qu’il devient très risqué de s’y attaquer. Un
jardin collectif, avec des petites parcelles très autonomes, devient
ainsi un point de rassemblement et d’organisation écologique très
fort. Par contre, si le jardin collectif n’est pas ou peu
parcellisé, avec beaucoup de règlements et obligations de faire des
travaux collectifs ensemble, si le jardin est en réalité sous le
joug d'un monopole ou d'une administration locale, d’un groupe ou d’un individu
trop enclin à dominer, il est peu probable qu’il peut effectuer
une influence écologique positive.
J’ai formalisé ou encapsulé quelques concepts là-dessus. De
tels jardins, à part les critères d’être à bilan écologique
net positif (ce qui est sous-entendu dans toutes les propositions qui
se trouvent dans cet écrit), peuvent s’appeler des jardins
« pluri-cultures » du fait que les gens sont encouragés à
partager leur savoir faire, leurs semences et leurs plants, tout en
retenant à eux le pouvoir décisionnaire sur ce qu’ils font ou ce qu'ils
ne font pas sur leurs parcelles et le niveau de participation qu’ils
ont dans le collectif global.
Jardinage Mobile
Le jardinage mobile apporte à la fois de la main d’œuvre et
des compétences aux habitants de tout coin et la possibilité de
créer des jardins linéaires sur les parcours réguliers qu’on
fréquente. Il permet aussi un fort composant pédagogique d’interactivité avec le monde naturel à l’échelle du pays par
lequel on passe. Le jardin-monde dont on a
tant besoin est ainsi visualisé en vrai, aussi bien que l'auto-suffisance mutualisée de ceux qui
y participent. Dans le monde d’aujourd’hui, le jardinage mobile crée des conditions pour l'émergence de lobbies composés de plusieurs types de membres
de la société civile. Ceci parce
que la voie publique, par laquelle on passe et auprès de laquelle on
fait ses jardins, est propriété publique et pas privée. On peut
par exemple déléguer l’entretien des bouts de bord de route à
des entités particulières – des gens, des individus, des écoles,
en remplaçant le système de cantonniers présent. Ce n’est pas
pour autant que le vaste contingent d’employés municipaux et
autres doivent se sentir personnellement menacés, bien que leurs
machines, de ce fait, deviennent caduques. Au contraire, leur
pragmatisme, leur effort physique et leur conversion à des critères
écologiques est une nécessité primordiale. C’est donc un projet
d’intégration et d’apprentissage mutuel qui est de mise.
Le jardinage mobile est donc un flexi-outil, très adaptable aux
ouvertures qui se présentent et on espère instoppable de ce fait,
puisque il s’adapte à ceux qui s’y investissent.
On peut même le pratiquer seul et contre tous, ou en petit groupe de
collaborateurs. Le monde est vaste – surtout le monde linéaire, ce
qui rend très difficile de détruire des jardins ainsi créés –
on doit parcourir des dizaines de kilomètres et pouvoir identifier
des signes de « culture sauvage » pour ce faire, alors
que ceux qui s’occupent d’un ou de plusieurs jardins linéaires
savent précisément où aller et n’y sont presque jamais. Dans la
mesure que ce type de jardinage devient populaire, on peut espérer
que de plus en plus de gens, y inclus ceux qui s’y opposent,
apprennent, au moins, les méthodes de jardinage qui sont pratiqués,
qui étant essentiellement bénignes, peuvent créer une certaine
attitude positive, surtout parmi les plus
dogmatiquement formatés et idéologiquement opposés.
par voie de conclusion
La libre-circulation tant challengée par la crise covide est à
la fois essentielle pour des telles entreprises et soutenue par leur
pratique.
L’un des points délicats et relativement non-exploré, jusqu’à
là, par ces méthodes proposées et en partie déjà mises à
l’épreuve, c’est leur susceptibilité à tomber sous la
domination de ceux qui ont des desseins antithétiques à celui qui
est recherché. Des zones de non-droit, de désobéissance civile et
de liberté sont souvent des zones plutôt dystopiques qu’utopiques
pour ces raisons.
C’est pour ces raisons que j’ai pris tant de peine à créer
cette proposition sous sa forme présente, la croyant très costaude
par rapport à ces enjeux. Le fait qu’elle est construite en
circuits, avec des gens qui font courir des bruits qui sinon
resteraient secrets, de gens qui ne sont pas cantonns mais libres
de leurs mouvements, milite contre la formation de sectes et de
centres de pouvoir hermétiques. La liberté de mouvement physique
est en réalité le prérequis d’une autonomie sociale réelle –
toutes les autres libertés et responsabilités en écoulent. En
contrebalance, la recherche d’un engagement dynamique entre
citadins du coin et voyageurs permet de souder de multiples
alliances, plutôt que de créer une domination ou un clique basé
sur le fait d’être sédentaire ou voyageur, riche ou pauvre. Ces
écrits sont destinés à servir de point de repère à cet égard –
l’intentionnalité et les buts d’origine sont exprimés, si
l’interprétation qui s’en enchaîne paraît diverger, il y a la
possibilité de comparer tenants et aboutissants sans la présence de
l’initiateur, sans l’imposition d’une dogme et sans devenir
réactifs plutôt que proactifs.
Plusieurs questions sont donc laissées ouvertes, délibérément.
Par exemple, des questions de démocratie représentative et ou
participative sont vues plutôt comme le propre de ceux qui
participent à ces boucles et leurs interlocuteurs. Même
l’aboutissant est dépersonnalisé – on suppose qu’il existe
une intentionnalité non-suicidaire écologique, on propose une
solution, une vraie solution, générique. Il faut pourtant se méfier
des vérités communes pour accéder à cette connaissance – par
voie d’exemple, je cite une émission principale sur l’écologie
(France Culture) où, ayant présenté Tinkers’ Bubble, un
collectif d’intellectuels et économistes centristes qui vit dans
les sous-bois du Sud-Ouest de l’Angleterre depuis près d’un
demi-siècle, comme la révélation du moment d’une communauté
ensauvagée et tendancieuse, la journaliste dit « mais tout le
monde ne pourrait pas vouloir vivre comme ça ! » Ou des
mots à cet effet. La réponse est simple – si la plupart des
endoctrinés (par les nudges des gens comme elle) tentaient l’expérience, et
de par leur présence assuraient une socle sociale plus grande en
envergure, il est probable qu’ils ne voudraient plus revenir en
arrière. Ce qui est interprété comme inconfort et stress par les
occupants du monde industriel donnerait la pêche et la joie de vivre
à la plupart d’entre eux. Le problème est plutôt la traduction
d’une culture qui y est radicalement opposée en une culture qui
lui devient acquise, ce que certains appellent « la Transition ».
Ce problème est à ne pas sous-estimer, mais il n’est pas non plus
à se faire désespérer. Apprendre à nager, surtout à une certaine
âge, est difficile, mais la peur obsessive de le faire, jusqu’à
ne jamais tenter, a un nom en psychiatrie – la paranoia – parce qu’elle est
pathologique – infondée et exagérée. Soyons contents que je l’ai déclaré –
l’émission de France Culture sur l’écologie fait exprès de
nous induire la paranoïa de la vie écologique – par subterfuge,
en plus. Ceux qui ont fondé Tinker’s Bubble sont, si je me
souviens bien, les fondateurs de la célèbre revue The Economist
– c’est comme si elle accusait Bernard Maris d’être un
extrémiste psychoriide. Non – quelqu’un qui réfléchit et qui a essayé de
dire vrai, avec beaucoup de chaleur, d’honnêteté et d’humour,
ne peut pas être qualifié d'un tel épiphète, même ellitiquement, en toute logique.
Je ne souscris pas aux théories du complot, mais je comprends que le paternalisme/maternalisme déplacés existent bel et bien et
j’apprécie que l’auto-censure et l’auto-aveuglement se
présentent de plus en plus comme des bonnes manières d’avancer ou
au moins de préserver sa carrière personnelle. Je questionne sévèrement la bonne foi d’une société qui est clairement plzin dans des
pratiques anti-écologiques et qui réfuse de se culpbiliser, demandant à être charmé pour adopter des modes de vie qui assureront la survie de ses enfants.
Il nous faut
comprendre que ceux qui se prétendent écologistes dans l’œil
publique ne le sont point, en général, que le climat social et
politique est construit pour tuer dans l’œuf presque toute
expérience véridique de l’écologie, et que ceci fait partie d’un
processus organisé continu depuis que De Gaulle l’a adopté – « il
faut couper le paysan de sa culture vivrière en l’endettant »,
a-t-il dit, c’est un résumé de la citation extrait d’un œuvre d’Alain
Peyrefitte, son porte-parole de l’époque. Prenons l'usage du métaphore
de la guerre par rapport à la situation écologique, c’est peut-être une erreur, bien que dans le sens de la gravité de la situation, ce n'et pa de l'hyperbole. Dans une guerre, c’est le vainqueur qui écrit l’histoire, mais
dans ce conflit mondial écologique, il n’y a pas de vainqueur
humain pour l’écrire. Ce n’est pas de généraux et de
politiciens qui arrivent toujours à survivre, politiquement, en
tirant leurs épingles du jeu, dont on a besoin, pour solutionner
cette crise. Notre meilleur espoir est de commencer nous-mêmes,
les chefs prendront leur courage de notre exemple.
vous pouvez cliquez les images pour voir les différentes calques et visualiser le jardin. C'est juste une esquisse pour le moment - vous pouvez sauvegarder la page et substituer vos propres dessins.
La biodiversité est normalement un produit du jardinage. Les
bassins, les écoulements d’eau et les différents terreaux qui
accommodent les différents espèces de plante, élargissent la gamme
de niches écologiques et augmentent la biomasse.
Les facteurs délimitants, ce sont ces mêmes espèces qui
fréquentent le lieu – des herbivores, comme le chevreuil ou la
chèvre, peuvent dévaster la biodiversité d’un lieu.
Pour cela, l’attitude et les préceptes des êtres humains vont
être déterminants – clôture ou pas clôture ? Haie ou pas
haie ? Il est vrai que si on laisse faire la nature, elle va à
la longue établir ses propres équilibres – au cours des décennies
et des centaines d’années, des arbres tomberont, ouvrant des
clairières, créant des endroits humides et des accidents de
terrain.
Cela n’empêche pas l’être humain d’essayer de faire
l’équivalent, à son échelle de temps. Au contraire, dans la
présence humaine, il est de notre devoir d’assurer la préservation
et l’encouragement de la biodiversité. Si l'on vit dans l'anthropocène, c'est-à-dire l'ère où l'influence humaine s'imprime sur la géologie du monde plus fortement que toute autre chose, l'un des aspects est que son échelle de temps s'y imprime, aussi. Dans la mesure que son influence prévaut, le temps (géologique) se comprime et s'accélère - un peu comme si on était un grand météorite qui frappait la terre. Ici-bas, j’essaie de donner
quelques indices – quelques règles d’or, pour faciliter
l’analyse de ce processus. Mais commençons avec une citation.
François Terrasson : La Peur de la Nature (2012)
Les haies autour des parcelles, caractéristiques du bocage,
seront des clôtures utiles, des coupe-vent, des pourvoyeuses de bois
de chauffage et de piquets, voir de fruits sauvages.
Ou bien des pieuvres conquérantes lançant leurs ronces à
l’assaut de la civilisation qui a le devoir de s’en défendre. La
vision tentaculaire et inquiétante du foisonnement végétal
s’oppose comme plus moderne face à l’acceptation du paysage
ancien. Elle arrive portée par un courant culturel urbain. Des
idées, un style, une façon de faire et d’être dont l’origine
se révèle urbaine.
Je ne suis pas d’accord que l’origine de cette
vision soit urbaine. L’élevage est les cultures de vastes champs
de céréales sont, eux aussi, problématiques, en termes de la
perception de l’utilité des haies. Terrasson le dit aussi, plus loin, il s'est peut-être laissé allé dans une bouffée d'éloquence réductrice, ici ? Il y a des genres de ruralité
« urbaines » comme les mouvements de masse et les transhumances qui font fi du petit détail. A cela peut se rajouter l’utilisation
habituelle de tracteurs et de toutes sortes de machines, typiquement
des débroussailleuses, des tronçonneuses et des girobroyeuses, pour
mettre à néant des vastes tractes de paysage/bocage, saans aucune prévisibilité et donc sans aucun possibilité d'autonomie pour l'intelligence animale et végétale du coin. C'est comme une campagne de bombardement aléatoire, partout, maintenant. Il y a un rustique industriel. Il y a un pré-industriel purement productiviste - d'autant plus qu'il produit moins, que la nature est éternelle et débordante sur ses cultures - en cela il y a continuité et non rupture entre le monde d'avant et après la révolution industrielle, et on peut supposer que certaines normes profondément nuisibles ont perduré des siècles voire des millénaires. (il y a plusieurs écrits sur ce site qui élargissent le champs et rentrent dans le détail de ces processus, pour le moment un peu dans le désordre et avec maints fautes d'ortographe et de rédaction que je corrige progressivement ;()
Deux anécdotes pour illustrer ce point. Vers 1992, j'ai rencontré un député vert, dans l'ancienne Allemagne de l'Est, avec lequel on a passé la nuit à étudier des anciennes cartes des montagnes des Herz, au centre de l'Allemagne. La révolution industrielle qui a bénéficié à partir du 18iême siècle, de l'eau, du bois et du charbon du nord de l'Angleterre (England, Pennines) a suivi sensiblement le même chemin dans les montagnes des Herz. En France, un profil similaire existe pour l'Ariège et dans d'autre massifs montagneux. On a brûlé le bois, miné les minérais, fait brouter le bétail, on a créé un genre de destruction écologique du sol, mais qui s'est parfois étalé au cours de cinq siècles et plus - donc qui a été difficile à détecter à l'échelle de quelques générations. Moutons, charbon, minérais. Argent, commerce, laine. Lombardie, Pays Bas, Angleterre. Les grands axes de la destruction écologique proto-industrielle.
Le deuxième exemple vient d'un ami espagnol, passionné de botanie, qui a amené et planté chez sa grand-mère en Téruel (arrière-pays désuet de Valence) un sapin indigène. Quelque temps après, il est repassé chez elle. L'arbre a disparu. Il lui demande ce qu'il en est - elle répond qu'elle l'a arraché, puisqu'il n'était bon à rien. En Espagne, sur la Meseta, j'ai observé plusieurs kilomètres carrés d'amandiers, où on a gratté la terre - pour que l'herbe n'y pousse pas. Dans les deux cas, les terres sont exceptionnellement arides - le manque de couverture végétale crée et exacerbe la sécheresse.
On peut rajouter qu'en Espagne, on a décidé de cesser (au 19iême) la transmigration massive traditionnelle des brebis (la Mesta), vu les dégâts tangibles et cumulatifs que cela infligeait sur les terres de passage et leurs habitants. Ces mêmes souffrances de la biodiversité sont présentées, en France, comme la conservation d'une culture traditionnelle qui "maintient" le paysage. Au contraire - et c'est l'histoire longue qui le prouve - de quelle tradition parle-t-on, donc ? Et peut-être si la grande-mère arrache l'arbre et tout ce qui vit, c'est pour que le bétail en transhumance n'y passe pas, pour manger ses fruits aussi? Qu'à l'origine de sa supposée incohérence, il y a les mesures qu'on est obligé d'adopter si on est pauvre et opprimé ? Au Portugal sous Salazar ou bien à Tetochlan sous les Aztecs on a fait pousser des arbres et des légumes alimentaires au bord des chemins - pour les pauvres. Mais si ces cultures sont conçues surtout comme des biens marchands, on fait exprès de ne pas les faire pousser au bord du chemin et d'interdire leur récolte aux pauvres - parce que dans ce cas ils ne les acheteront pas aux propriétaires. D'autant plus aujourd'hui si leurs proprios ont des tracteurs et n'ont pas besoin de main d'oeuvre. On préfère souvent laisser pourrir les fruits sur le chemin, ce qui fait que les autorités locales font arracher les arbres surplombants pour éviter les ennuis.
Le jardinier urbain, vu les espaces limités qu’il jardine, fait
souvent manuellement ce qui se fait avec des machines à la
campagne. En campagne, ce sont des pratiques agricoles qui sont
ensuite transférées à l’échelle du jardin, plus que l’inverse. L'humain est mieux outillé et équipé que les machines qu'il emploie actuellement, pour le jardinage. Lorsqu'il le pratique comme activité de loisir, sans indoctrination agricole, il ne va pas investir dans des machines, mais tomber naturellement sur la méthode écologique - efficace en termes d'énergie investie contre énergie produite. Lorsqu'il va a la campagne, on va lui mettre une débroussailleuse à la main et lui dire "on fait comme ça ici, on est professionnel", même pour le plus petit lopin de terre. Je vois fréquemment des agriculteurs à la retraite sur des tondeuses massives qu'ils ont achetés ... pour tondre 200 mètres carrés de pelouse autour de leur petites maisons normandes. Il y a peu de temps, leurs parents auraient utilisé des faucilles - un outil qui existe depuis le temps des gaulois. Chaque problème énuméré ici tient une solution tout-à-fait banale, qui se trouve dans ces écrits, à application facile immédiate. Bien que le rendement ne soit pas le problème, le rendement est énorme - ce qui laisse à voir le vrai origine du non-faire - la condensation en peu de mains de ce qui pourrait être à la portée de tous.
Haies à dénivelé
Les épineux du coin résistent au broutage. En créant des
terrassements qui suivent les lignes du dénivelé à l’horizontal,
avec des haies denses de chaque côté, on peut les employer successivement pour faire
brouter les bêtes, pour la récolte des fruits des haies et « fermer » une ou autre ligne de
dénivelé pour des usages potagers. Une fois les haies bien
établies, ce sont les herbivores qui les entretiennent en mangeant
les jeunes pousses – et qui amendent le sol au passage. C’est une
manière de réconcilier les usages. On rajoute que ces haies
peuvent servir comme habitat pour les petits oiseaux qui co-jardinent
avec nous et que la méthode se prête bien aux bords de chemin/route aussi.
Le principe de « chemins »
L’origine de multiples problèmes, sur une surface donnée,
c’est le manque d'acheminement clair – c’est le cas avec une
surface récemment débroussaillée, plate et sans accidents. Créer
des chemins clairs, c’est éviter de piétiner partout, ce qui
permet aux sols de « bouffir » et d’élaborer leur
propre complexité.
Typiquement, ceux qui viennent à la campagne, lorsqu’ils
occupent une surface, coupent les chemins d'accès, sauf un, pour la sacrée voiture, ce qui rend moins
accessible leur terrain. Ils devraient, au contraire, créer de la
lisibilité - des bons chemins avec des bonnes haies, ainsi
facilitant le passage à travers ou à côté de leur terrain, sans y
faire intrusion.
Les cervidés ne font que cela – ils créent des chemins
habituels qui leurs permettent de s'éloigner vite en cas de besoin et avoir un accès commode aux plantes qu'ils mangent.
Il est donc possible d’envisager un paysage densément peuplé –
d’humains, de leurs animaux et plantes, de vie sauvage, animale et
végétale, si l’on réfléchit bien sur l’acheminement et la
parcellisation. Plus il y a de bons chemins, moins il y a de besoin de surface pour un bon rendement - on ne doit même pas y penser. De cette manière, la flore et la faune typiques d’un
milieu forestier peuvent coexister, derrière des haies, avec des
milieux fréquentés par des ânes, des vaches, des chèvres, des
moutons, des canards ou des poules et des milieux où on fait pousser les plantes domestiques.
Jardins évolutifs
Un autre facteur à tenir en compte est le caractère
naturellement évolutif d’une culture ou d‘un jardin. Certains
légumes peuvent tolérer d’être plantés dans un sol perturbé,
ou récemment mis au service du potager. D’autres font mieux dans
des sols maraîchers adaptés au cours des années. D'autres apprécient des sols arides, non-labourés ou avec peu de nutriments. On peut penser
que les premières années, des annuelles comme les patates
prédominent, mais qu’on aura déjà repiqué ou laissé pousser, aux bords des
chemins, des cassis, myrtilles, fraisiers, groseillers, églantiers (qui
commenceront à atteindre une maturité productive dans un délai de cinq ans), aussi bien
que des arbres fruitiers, pèches de vigne, pommiers, noyers et
autres (qui dans un délai de 5 à 12 ans deviennent productifs).
Avec la maturation de ces essences, l’espace de jardinage à
l’horizontal s’amoindrira et s’assombrira, créant des niches
pour d’autres légumineux (exemple rhubarbe, framboisier). Une
autre parcelle d’annuelles prendra le relais pour les légumes annuels et progressivement ce
qui était jardin de maraîchage deviendra verger et ensuite sous-bois. Or, actuellement, on voit peu de jardins vraiment matures (et donc très productifs déjà, sans intrants et sans labour), parce que tout le monde s'est habitué aux annuels, au mis-à-ras annuel. On pourrait dire que c'est tout ce qu'on sait faire maintenant. De là l'erreur de penser qu'il y ou la nature, ou la présence de l'homme. Oui, mais quel homme, avec quel outillage, quel savoir faire et sous quelles conditions de coercition sociale et administrative ? Ce n'est pas la peine de demander à un vrai jardinier de passer des années à créer un jardin forestier qui vaille le nom avec la quasi-certitude qu'on obliterera tout dès qu'il est parti ou pour des raisons de "protection du milieu naturel et des traditions rurales".
Jeu d’échelles
Un autre principe à prendre en considération est celui de la
taille ou du jeu d’échelles de ce qu’on fait. Certains arbres –
par exemple le noyer ou l’eucalyptus, ont un effet toxique sur les
autres plantes – et leur taille et envergure peuvent devenir
considérables très vite. Sans parler de la compétition pour l'eau de surface des racines. D’autres
essences peuvent plus facilement cohabiter à proximité des jardins.
Le bénéfice d’avoir plusieurs variétés de plante à proximité
est d’augmenter considérablement les rendements par unité de surface et la longueur de la saison. Un exemple serait le thym-serpolet, un
aromate qui occupe et se répand dans des endroits secs, produisant
une abondance de fleurs mellifères très tôt dans l’année (à partir de mars/avril), ce
qui favorise considérablement les insectes butineuses et tous ceux qui en dépendent.
Jardinage n'est pas maraîchage
Le jardinage diffère du maraîchage dans le sens du détail déjà. Lorsqu'on travaille sans machines à petite échelle, on a tout intérêt à s'épargner au maximum le travail - un jardin intelligemment construit laissera la plupart du travail à "l'équipe" - les plusieurs animaux et plantes qui y vivent.
Quelques exemples : on aura intérêt à mettre le compost dans un endroit plus humide, assez éloigné des semences tendres - les limaces auront plus de chemin à parcourir et elles sont contentes déjà là où elles sont. Il est intéressant d'expérimenter avec le paillage et les engrais verts, pour éviter de tourner et casser la terre, tout en favorisant la germination des nouvelles pousses (qu'on n'a même pas du semer). En favorisant les coléoptères (murs secs, détritus), on favorise l'élimination des oeufs de limace. Certains purins (orties, prêle) appliqués sur les plantes à des époques sensibles repoussent les insectes et autres nuisibles, si ce n'est qu'à cause de leur goût amère et leur aspérité silicieuse.
Il est possible de pousser assez loin le concept de l'auto-entretien. Aprés avoir fait l'aménagement "structurel" du terrain, au bout de peu d'années, l'instrument principal devient la main, qu'on utilise pour tirer selectivement les adventices qui prendraient sinon le dessus sur les plantes qu'on choisit de laisser pousser. Ce genre de jardin très polyculturel est parfait pour la transformation de petite échelle - en fruits et légumes secs, en bocaux, aromatisés aux fines herbes. Dans le maraîchage on envisage de vendre sa production - il faut produire ce qui se vend - tandis que dans le jardinage proprement dit, on vit du jardin, on cuisine, on transforme, on mange - tout comme on le ferait avec des denrées achetés, mais sans devoir aller jusqu'au magasin ou générer de l'argent. Là où il y a des surplus, on peut les échanger ou les vendre.
Archi-jardinage
Du fait que notre alimentation est devenue un "secteur productif" à part, la culture humaine a tendance à percevoir cette production de manière assez dépourvue de poésie - et pleine de fonctionnalité non-frivole. Mais un jardin sert aussi de lieu de vie - de choix, pour plusieurs d'entre nous. Il mérite donc une considération ésthetique et en termes de loisir. Dans la mesure qu'un jardin produit "notre bonheur", il nous épargne le besoin de chercher ce bonheur ailleurs. Des jardins partagés, des jardins publics, des bords de chemin jardinés, des terrains intégrés où on peut pratiquer les sports, tous font partie de l'habitat horticulturel - et des lieux de libre-association pour tout le monde.
On peut rajouter que si le/les gouvernement/s/ants, entrepeneurs privés / ONGs divers continuent de financer exclusivement les industriels et leurs machines, alors que le peuple mange et vit autrement, ils n'auront bientôt plus d'électeurs/ clients / bénéfacteurs - cela peut se passer très vite. C'est pour cela que la plupart des propositions dites écologiques adoptées par les gouvernements cherchent en réalité à ralentir la transition en cours plus que de l'accélérer - c'est leur propre crédibilité / pouvoir / sécurité et niveau de vie qui est en jeu. Parler d'argent tout le temps permet de convertir toute discussion de cette réalité pratique en hiéroglyphes - tandis que l'écologie c'est l'économie et le bien-être tangibles ... et son aspect social c'est nous tous.
Nous pouvons très rapidement créer un réseau en technologie
alternative où nous ne sommes plus obligés d’accepter de stocker
ou transformer nos données sur des appareils autres que les nôtres.
Les clés USB sont maintenant largement assez volumineuses pour stocker
les données et les logiciels qui nous sont nécessaires.
Il existe des systèmes hors internet qui peuvent remplir les
fonctions du Cloud et il existe des langues de programmation (comme
JavaScript et CSS) qui ne nécessitent aucun serveur. Il existe des
logiciels complexes, gratuits, sans cookies, en logiciel libre et
Open Source (licence GPL – sans profit, open commons), faits en
Europe (Linux, LibreOffice, Wikipédia).
Il existe donc des systèmes sans algorithmes, sans traçage et sans
cookies. Par contre, avec l’ascendance de ces méthodes de traçage
banalisé, il existe peu de motivation de ne pas utiliser les
cookies, même pour ceux qui n’essaient pas de profiter de nous. On
peut prendre l’exemple d’un logiciel libre comme Libre Office qui
va interroger votre ordinateur pour savoir si vous avez la version
courante et installer la nouvelle version sinon, tout sans que vous
en soyez conscient. Si chaque logiciel vous demandait de telles
choses tout le temps, ce serait plutôt irritant. Par contre, si vous
aviez opté pour la solution « sans cookies », avec des
sessions de « update » programmés, il y aurait des
motivations fortes, pour ceux qui font le logiciel, de ne pas vous
déranger trop fréquemment et d’eux-même organiser leurs systèmes
de manière plus harmonieuse avec votre emploi de temps. Ces options
alternatives devraient être développées, pour qu’une économie
numérique « tout cookie » ne soit pas la seule
alternative aisément accessible. Cela devrait être au program de tout enseignant.
Il n’est plus suffisant que le gouvernement nous annonce qu’il
est en train de parler avec les GAFFAMs pour qu’ils arrêtent de
conditionner leurs services par notre acceptation des ces espions de
traçage chaque fois plus intrusifs – où par l’utilisation de
publicités si on ne paie pas pour ne pas les avoir – qui nous
conditionnent et qui nous coupent de l’altérité réelle, qui nous
empêchent d’utiliser nos propres cerveaux pour déterminer nos
actes, qui violent notre vie privée en nous mentant là-dessus.
Le gouvernement peut continuer de
leur parler, mais il faut qu’il nous fournisse d’abord des moyens
alternatifs. D’ailleurs il est un peu illogique de donner aux
riches (ceux qui achètent) la possibilité de ne pas recevoir des
publicités, en obligeant les pauvres (ceux qui n’achètent pas)
d’en recevoir. Une attitude socialement progressive serait de faire
payer aux riches le libre accès aux pauvres à ces outils numériques
de première nécessité. C’est, en effet, le principe du logiciel
libre. Il est d'ailleurs évident que l'entreprise "cookies" est tentaculaire et qu'on est tout à fait capable de pénétrer et d'influencer nos réseaux sociaux humains, par l'effet de levier, déjà. Les influenceurs sont, de ce fait, les premiers influencés.
Cependant, il ne suffit pas de laisser la situation se gâter sans
tenter d'avancer dans l'autre sens. Ci-bas des propositions, toutes les propositions cherchent à nous pourvoir d'un accés égal légal de base, sans paiement aucun, et la provision obligatoire d'une alternative non-numérique, par loi :
- l’utilisation systématique de logiciels libres dans les
services publics (il y en a, parfois...)
- l’accès libre à tout service numérique sans aucune
obligation de s’identifier individuellement devant une machine –
sans aucun cookie, ni traçage, ni enregistrement, ce qui revient à peu près au même
- la possibilité d’identifiants groupés, non-individualisés, accessibles à tous, à l'instar du téléphone fixe
- la possibilité de travailler hors réseau, avec relais via hub
pour des communications à distance
- la provision de listes de services et de logiciels qui nous
permettent l’accès indépendant à ces services, selon notre jugement, des listes
faciles à obtenir et des logiciels faciles à installer – si
nécessaire avec l’aide gratuite de personnel professionnel formé.
Il n’est pas acceptable qu’il faut être un génie du code pour y
parvenir. Les gens ont autre chose à faire de leurs vies.
- la recherche publiquement financée pour créer des machines au service des humains et pas des humains qui sont obligés à s'adapter aux machines, dans le périmètre des critères définis ci-dessus
Le siphonnage des réseaux sociaux
L’existence réelle de ces alternatifs nous laisse un choix
réel. Sinon l’expérience nous démontre que les GAFFAMs vont
toujours trouver un moyen de nous devancer. Il faut un contrepoids
pro-actif et déterminé. Il serait ainsi possible pour des populations
entières de dépeupler les réseaux sociaux existants, une sorte de
« reverse engineering » bien mérité. Il est difficile de voir le modèle économique des grandes entreprises numériques si une telle situation existait, ce qui pose la question : est-ce que, pour être viables, ces grandes entreprises doivent nuire aux intérês de leurs clients, dans le fond ? S'en nourrir, en les fragilisant ? Les intérêts du petit peuple ont toujours été subordonnés aux intérêts des grands pouvoirs d'état, si cela était possible. Il est difficile de voir la différence par rapport à ce qu'on appelle les GAFFAMs.
Le lecteur attentif sera conscient qu’un monde sans traçage
numérique centralisé comme celui qui est proposé permet autant à
l’extrême droite, aux réseaux terroristes, criminels ou
pédophiles d’agir en secret que l’honnête citoyen.
La situation actuelle paraît
préférable, dans une démocratie consensuelle et non-corrompue,
c’est à dire un contrôle positif des données retenues, des
cookies qui ne sont fonctionnels que pour les opération spécifiées,
sans partage entre fonctionnaires, une gestion par niveau de
confiance, des pare-feux, la destruction d’information personnelle
après usage, l’utilisation préférentielle de systèmes nationaux
qui remplacent la fonctionnalité évoluée par les GAFFAMs et les entreprises internationales.
Le paradoxe est cependant là. Il est probable que la police a
moins d’accès à nos données et d’intelligence sur qui nous
sommes et ce que nous faisons que des entreprises lointaines,
étrangères, bien financées, non-identifiées et sans limites
effectives déontologiques (cf. Cambridge Analytica). Comme la
bureaucratie ne peut pas pleinement utiliser la fonctionnalité
potentielle de ces technologies, elle est finalement moins efficace
que les institutions privées qui nous font marcher – et peut même
trouver intéressant d’utiliser les services mieux développés de
ces acteurs anti-déontologiques en cas de besoin.
Précisément.
L’indéterminisme d’échelle et de vrai interlocuteur qui a
lieu sur l’internet actuel fait qu’on peut exercer beaucoup de
pouvoir sans responsabilité – c’est-à-dire être puissant sans
être tenu responsable. Ceux qui essaient d’agir responsablement sont
pénalisés, relativement aux abuseurs et profiteurs du système. Ou
bien, si ces organismes sont distants et ont la capacité d’atteindre
des millions et des milliards d’individus, peu importe les droits
de ceux qui ont le moins la possibilité de les faire valoir.
Si, par contre, on rend le pouvoir décisionnaire sur l’anonymat
numérique au citoyen, qui agit localement et de manière groupée,
on est en train de militer en faveur de cette échelle d’interaction,
une interaction rattachée à l’échelle humaine sociale. On peut
faire des saisies de matériel numérique physique, dans le cas de
certaines infractions. On peut identifier le hub qui a été utilisé.
Néanmoins, cette information n’est pas accessible à grande
distance, sans présence physique locale. Le traçage systématique aura cessé, de ce fait, d’être pervasif, permanent et omniprésent.
Le citoyen peut, quant à lui, récupérer le droit présomptif réel à
la vie privée et à l’auto-détermination en interaction avec les
personnes physiques présentes dans son entourage immédiat et
environnant, sans devoir s’absenter des bénéfices, putatives ou
autres, de la citoyenneté numérique. L’autorité publique aura
moins à traiter par obligation avec des acteurs hors sphère, qui
agissent sous des lois différentes, ou à chercher à faire
appliquer des lois complexes de coopération internationale pour
atteindre un but à proximité.
Finalement, un tel système agit plutôt en défaveur des agents criminels et autrement nocifs, en redonnant le pouvoir aux humains dans un contexte humain, tout en étant pro-liberté/privacité personnelle..
Il est probable que ce qui est proposé ici deviendra la norme
dans le proche-avenir, puisque le développement de la technologie le
rend déjà faisable et il y a maturation du savoir culturel dans ce
sens. Dans la mesure que les autorités publiques n’anticipent pas
ce changement et n’aident pas les citoyens à le mettre en place,
ils perdront leur autorité, pratiquement et éthiquement. Il est néanmoins difficile pour les
héritiers d’un système centraliste de surveillance de s'emparer de cette logique et de changer leur culture à un tel point, dans un délai si court. La sévérance est pourtant nécessaire.
Version synthètique imprimable du système dynamique "boucles"
Ci-dessus, en une page imprimable, vous trouvez l'essentiel d'une infrastructure non-utopienne à la portée de tous maintenant pour répondre aux exigences écologiques. Ce système nous réintégre à la nature, à bénéfice mutuelle.
Ci-dessous, l'affiche sommaire du projet, lors du lancement des transhumances hébdomadaires (décembre 2013). En marchant le double (220km en une semaine) du circuit proposé (120km en 3 étapes à vélo par semaine), je mettais la barre haute, cela montrait bien la faisabilité de l'idée.
Ensuite, j'ai pratiqué cette boucle, en total ou en partie, chaque semaine, pendant plusieurs années, parfois accompagné d'autres gens, sinon seul. Ce sont les années de cristallisation, autours de moi, de la compréhension des défis et des antagonismes latents dans la société en général, autour de ces questions "écologiques". J'ai appris surtout que les gens en général sont bien au courant des arguments - il ne faut pas les prendre pour des sots malinformés - mais qu'il manque singulièrement d'exemples d'infrastructure alternative qui donnent les cadres d'expérimentation sociale nécessaire. On pourrait même dire qu'on fait exprès, basé sur le principe que sans alternative, on est bien obligé à s'y faire avec l'ordinaire.
Autant que possible, cette présentation est donc basée sur l'expérience - le vécu, d'une réalité alternative pendant une décennie ((2011-21). Trop souvent on nous parle en général de ce qui pourrait se faire pour réinvestir le monde naturel en utilisant d'autres modèles, sans donner de méthodes pratiques précises, ce qui va de soi puisqu'on ne les a pas pratiquées, en général. Trop souvent, on parle de solutions individuelles, de petit groupe, sans mentionner que tout se fait en dépendant des voitures, des supermarchés et des subventions - que dans le fond ce n'est pas sérieux.
De ce fait, chacun a son échelle ne fait que compenser les dégâts du train de vie qui lui a permis de faire des petits pas écologiques. C'est comme si un financier de pètrole du City (commodities market) venait acheter 50 hectares pour y faire un paradis pour lui et sa famille. Cela n'a aucun sens écologique, son bilan écologique de départ ne sera jamais compensé ainsi, et le temps presse. Le financier, s'il a la tête froide, devrait donner en bail dix de ses 50 hectares à des gens qui savent faire autre chose que gagner maint argent en dépouillant la planète.
En faisant cette expérience d'immersion et en transmettant l'information si durement acquise, j'espère gagner du temps pour ceux qui mettent en pratique "un vrai truc" entre nous, taille groupe et puis groupes humains. Le modèle que je propose est fait exprès pour accommoder sa propre croissance - l'effet boule de neige, dans l'ordre et pas le désordre. Chaque circuit qui s'établit est réproductible. La présentation ci-dessus le démontre bien, on fait le pont d'un département à l'autre, à l'autre. Ceux qui auront le courage de briser le plafond de verre des conventions qui nous étouffent sauront que tout est faisable, dans le monde réel - puisqu'on l'a fait, tant bien que mal, mais on l'a fait.
Le système "boucles" suppose que les "domiciliés boucle" participent à une rotation hébdomadaire des marchés, un circuit où ils passent par des terrains de rassemblement auprès de chaque marché appelés "gîtes de passage" qui les accueillent la nuit avant et après chaque marché. Ils voyagent donc de manière coordonnée avec le pays qu'ils desservent, apportant leur énergie, leur savoir faire, le savoir faire, les commandes et les offres d'autres aussi, aux populations locales. De l'expérience, il ne faut pas plus de trois marchés par semaine par personne (c'est comme trois matchs de foot), laissant quatre jours pour faire autre chose - le circuit permet la rencontre et l'identification de chantiers, aussi bien que l'entretien de jardins linéaires sur le parcours.
Une présentation écrite plus élaborée de ce système basse-énergie, bas-coût, bas-dépendance administrative, haut-rendement écologique, sociable et imitable partout dans le pays, est en cours de préparation.
Pour l'instant, j'inclus des copies de quelques présentations et images non-révisées.
Gîtes de passage : système dynamique "boucles", exemple 1
Ci-dessus le modèle d'une cabane-serre en osier vivant, au centre d'un jardin qui sert de gîte de passage, largement suffisante pour une famille ou pour des groupes de passage, qui ne coûte pas d'argent, en n'utilisant que des matières auto-séquestrées par sa structure qui vit et qui pousse pour se fabriquer, créant deux étages et puis trois, là où il n'y avait qu'un au départ, et qui tourne ainsi tête dessus-dessous l'idée même de la "construction."
Ci-dessous les quelques images qui restent, leur condition témoignant des conditions de vie étant parfois rudes. Cependant, le papier a tenu mieux l'épreuve des limaces, de l'humidité et du soleil que le numérique !
Au milieu d'un carré d'approximativement 30 x 30 mètres, une 'cabane-serre' qui mesure 8 mètres de diamètre. Sa structure consiste en 7 arbres autours, un au centre, celui-ci un peu comme un mât de bateau, avec une traverse en chène sec à trois mètres du sol.
Le résultat est un rond de 50 mètres carrés, avec feu et escalier au centre... Trois ans après le repiquage de tiges d'une taille de 4 à 5 mètres au début, on peut créer un première étage, les arbres mesurent maintenant de 8 à 10 mètres de haut, avec plusieurs branches, formées en arches, en parois, en plafond et en plancher.
autour de cette structure, et dedans, des canalisations collectent des flux d'eau qu'ils acheminent envers un bassin de 3,5 mètres de profondeur qui contient à peu près 5 mètres cubes d'eau. Cette eau n'était pas présent au début de l'expérience.
Il n' y a pas de murs et peu de fénêtres, mais des rails qui permettent la suspension de coupe-vents et des murs végétaux saisonniers, fréquemment des aromates "lavande, thym, romarin, ...". Il y a des talus et des canalisations tout autour de la parcelle.
la cabane est entouré de bacs de légumes et de fines herbes, qui filtrent et assainissent l'air.
Désolé pour l'état rustique de ces images - je suis déjà très content d'avoir pu les préserver de la main de l'homme, plus que des attaques de la nature.
Les "murs" sont adaptés au vent prédominant, qui est déjà amorti par les talus ou buttes qui entourent le jardin et la végétation qui y pousse. Ceci évite le déssèchement par le vent, maintenant le taux d'humidité en été, coupant les rafales de pluie en hiver.
L'espace de travail, taillé dans la boulebenne, est sèche, propre et facile à nettoyer. On peut observer en premier plan les caillebotis et le bassin intérieur qui sert de puits de chaleur naturel - et d'aquarium. Le système d'écoulement d'eau traverse ainsi la cabane.
Proposition d'amènagement : Parc du Tribunal (Parc du Château des Vicomtes), St Girons (09)
(transformation en poumon vert de Saint Girons)
Proposition d'amènagement : Parc du Tribunal (Parc du Château des Vicomtes), St Girons (09)
(transformation en poumon vert de Saint Girons)
Pas-Playa
Sur les rivières de montagne au centre du Portugal il existe des playas (plages) qui servent de lieux de recréation très agréables et très fréquentés, surtout en période de canicule. A Saint Girons, l'été que l'on vient de vivre démontre la nécessité de lieux frais, naturels et ombragés en centre ville – la rivière sert pour refroidir la température ambiante, sans clime.
Film Zone – quart du parc où l'enregistrement et la reproduction vidéo et audio sont autorisés
« Pas-Playa » – des pas qui longent la rivière, servant aussi pour pique-niquer, en gardant les arbres et arbustes existants (voir feuille adjointe « Pas-Playa »).
Pique-nique zone – continuation du terrain « espace enfants », au bord de la rivière, sous le Château des Vicomtes.
En haut des pas, une fontaine, suivie d'un terrain de jeux (exemple : pétanque), la pelouse et les trois/quatre arbres existants).
Sur la rive, sous la passerelle et en amont : espace chiens, ombre.
L'espace qui est à présent réservé aux déjections des chiens devient un point d'eau et de stockage, avec en façade des panneaux d'information, plans d'usage, etc.
Le centre du parc reste dégagé, comme surface disponible pour des expos, des performances, …
« La Scène. L'estrade qui se situe sur le côté du Château qui donne sur le parc sert de café populaire entre performances. Des potagers en bacs et en pots déplaçables font effet de paysage.
L'angle opposée à la rivière et au tribunal accommode des installations pour jouer ou s'entraîner, entre parterres fleuris et herbacés, bancs, …
Pris en considération
nuisances sonores : incorporés des axes dans le parc qui vont de plus bruyant à moins bruyant – au choix, donc. (note : des règlements qui permettent d'éviter l'aboiement à répétition, etc., sont déjà en vigueur – il manque juste leur application).
De même, c'est dans l'angle où le bâti (le Château des Vicomtes) commence, loin de la rivière, que des activités d'enregistrement sonore et visuel sont autorisées.
Dans l'angle rivière-château on concentre l'espace « famille-enfants » pour que ce soit un lieu plus facilement supervisé – et pour que des normes plus exigeantes de conduite puissent être reconnues, sans pour autant interdire les adultes non-accompagnés.
Les deux catégories les plus importantes de dépens prévues sont « plantes locales » et « Pas-Playa » - il est prévu de rendre plus accessible la façade de la rivière en créant une série de pas, idéalement en marbre local, avec un bassin longitudinal pour encourager et observer la vie aquatique.
Il y a très peu d'investissement en matériaux nécessaire ou prévu pour que ce projet de « Parc-Playa » voie le jour, très peu d'attente ou de besoin de « fermeture travaux ».
Il va presque sans dire que pour que le projet existe, plus aucun véhicule motorisé ne pénètre dans cet espace vert et, on espère, dégoudronné.
Le but du cadre «boucles» est multi-faires. Vous pouvez en déduire le sens de ce néologisme. On peut dire que dans un cadre «multifaires», on se permet des néologismes. A un niveau plus conceptuel, on peut employer le mot «pluricultures».
Le cadre pédagogique s'impose de nécessité, puisqu'il est donné à peu d'entre nous, à présent, d'être au fait de la nature. Jusqu'à ce qu'on le devienne, on ne peut ni s'approprier le sujet, ni agir sur le sujet. Mettre les gens dans un cadre agissant, immersif, où ils vont à la rencontre de cette nature, c'est le premier pas logique envers ce savoir faire.
Exemples spécifiques
Cadre physique
Il y a une succession d'émissions de propagande sur la radio française qui décrivent jusqu'à quel point il est difficile de s'installer comme agriculteur dans les territoires. Même en campagne, les agriculteurs sont ultra-minoritaires. Il n'y a à peu près aucune émission sur tous les autres métiers qu'on pratique en campagne, ni sur son usage principal – village dortoir pour ceux qui travaillent – où que ce soit.
Les émissions sur l'écologie et la nature créent un élargissement artificiel de la dimension naturelle de la campagne, un peu comme pour la ville les musées et la vie culturelle, qui assument une importance qu'elles n'ont pas nécessairement dans la vie quotidienne des citadins.
L'usage premier des deux lieux reste: ville dortoir.
Les gens se font transporter en voiture dans les deux cas, sauf qu'en campagne c'est à peu près exclusivement en voiture. Ils n'interagissent donc pas, dans leur quotidien, avec la campagne, pas du tout. Ils passent plus de temps au supermarché que dans la campagne. Ils ont infiniment moins de chance de tomber sur des jardins botaniques où des centres d'excellence écologique qu'en ville et ils sont en général entourés d'infrastructure urbaine et de champs en monoculture.
Encore plus paradoxal - les règlements sur le bâti, en campagne, exercent beaucoup plus d'influence sur le cadre de vie possible que la nature en elle-même. On peut avancer l'hypothèse que ces règles visent la protection de la nature - dans ce cas il faut savoir expliquer sa disparution.
Le but physique du cadre «boucles» est de nous équiper d'une infrastructure qui nous permet d'interagir avec la nature et avec les êtres humains qui s'y trouvent – de reprendre conscience de sa «dimensionnalité» et d'y retrouver notre place. Bien sûr qu'en voiture, ce n'est pas possible. On va de «A» à «B» en voiture, que ce soit à 2 ou 50km, que ce soit à 300 ou 1000 mètres de dénivelé.
au lecteur : cette proposition tient dans sa logique, si vous voulez promouvoir des solutions écologiques non-techniques qui sont aussi des solutions sociales à la Crise des virus, aidez-moi à la promouvoir. Si elle a été ignorée au début, elle devient chaque fois plus logique pour chaque fois plus de monde, vu le développement de notre intelligence collective.
Sortie de Crise Corona : Une méthode d’infrastructure humaine
Il est proposé d’embaucher les gens à faire face à la pénurie alimentaire et économique, pour nous ré-insuffler la confiance en notre capacité de travailler en entreprise commune et solidaire, en raisonnant ensemble nos différends et en les résolvant avec toute la dignité humaine qui nous est possible.
En ralentissant et en localisant nos déplacements – en les humanisant, par voie pédestre et à vélo – nous nous permettons d’identifier et d’arrêter à temps les contagions virales, tout en gardant notre liberté de mouvement. Pour normaliser ces modes de transport, il nous faut des terrains susceptibles d’être employés à la fois pour le maraîchage collectif parcellaire et pour l’accueil des gens et des denrées qui s’acheminent par ces voies lentes.
Situés près des centres de population rurale, ces jardins partagés servent aux gens qui les occupent, administrent et travaillent, qui ensuite expédient, transportent et acheminent leurs produits, aussi bien que ceux des gens du pays avec lesquels ils se relient.
Il va de soi que cette approche sans essence, sans machines auto-mobiles se construit localement, à vive voix, pour couper les voies de transmission virale et les dépendances sur le ravitaillement à longue distance.
Cette diffusion lente ralentit et permet d’attraper à temps la ré-émergence de foyers d’infection débordants. Ceux qui travaillent et se déplacent ensemble sauront qu’ils ne sont pas mutuellement contaminants et peuvent relier des gens isolés et en confinement qui le savent, eux aussi. Pas à pas, la vie collective reprend son cours, au fur et à mesure que ce réseau public se renforce et s’étale, en partant de plusieurs points ou « nœuds » de contact sûrs. Il est à noter que plus on est isolé, plus on est apte à cette tâche d’intérêt collectif.
A noter aussi : cette méthode est frugale, faisable avec très peu de ressources – mettant en valeur l’énergie et la bonne santé humaines. Elle n’exclut pas les méthodes industrielles de l’avant-crise Corona, puisqu’elle ne fait aucune concurrence pour les ressources industrielles, mais fonctionne en parallèle.
On peut observer que cette proposition de système souple et humain est très propice aux valeurs de liberté d’association, de non-surveillance et de non-oppression – pour que de nouveau la démocratie libre et non-autoritaire existe. Il est vrai que nous sommes tous devenus un peu toxicomanes du confort et de l’aisance que nous pourvoit l’inépuisable énergie de la machine et de son alter-égo, l’argent. Le confinement, est-ce qu’il a servi pour ébranler notre foi dans ces solutions techniques – détachées de nos réalités corporelles et environnementales ? Il a en tous cas donné beaucoup de place pour la réflexion, permettant que de nouveaux modèles de vie en commun prennent leur essor. Il devient clair que notre engagement humain s’applique à toute la surface de la terre – il ne suffit pas de laisser la campagne aux machines et à la nature – dont nous faisons nous-mêmes partie.
Par rapport au Big Bang écologique et à la nécessité d'agir dans un délai limite de dix ans maximum
Je suis en train de pratiquer l'infrastructure écologique nécessaire. Depuis six ans, je vis totalement sans essence, créant des espaces de partage et des gîtes de passage. Je me déplace à vélo, de marché en marché – une rotation hebdomadaire des marchés – en Ariège. Cela s'appelle « la Boucle des Marchés » - infrastructure intrahumaine, et les nœuds sur chaque boucle se rattachent à d'autres marchés dans les départements voisins. Cela permet aux gens qui font leur propre voyage d'avancer en laissant des traces positives à l'échelle du pays qu'ils traversent.
Cela fonctionne dans un cadre de détox informatique, sans argent sans essence – par voie humaine.
Une parenthèse – j'essaie de m'appliquer à créer de nouveaux éléments de langage pour mieux articuler la pensée, souvent nouvelle, écologique. Ne m'en voulez pas trop ! A vous de changer cette parole, afin qu'elle devienne plus intelligible. Cette idée de créer de l'infrastructure écologique « pour du vrai » est structurée par la théorie de l'information, appliquée à la vie – une sorte de topologie dynamique, une topographie vectorielle qui engage l'agencement humain. …
Je la pratique, je la modélise, en étude longitudinale, depuis six ans – c'est donc faisable, concrètement. J'ai pensé nécessaire et utile :
de conduire mon engagement écologique sans voitures, sans argent, pour pouvoir être crédible dans ce que je prétends savoir.
de solutionner le problème de faisabilité en « ayant fait », plutôt qu'en parlant au conditionnel et au futur.
Je peux ainsi dire que ce système ne coûte aucun argent, et que la structure routière en France, si on la récupérait pour la culture écologique, en elle seule fournirait des jardins, des universités et des écoles linéaires pour nourrir toute la population. Cela change les valeurs de base. Un jardin – ou une école linéaire, c'est une manière de dire que c'est au bord de la route et qu'on y passe, régulièrement, à pied, à vélo, avec des ânes peut-être.
Les routes, c'est l’État. Ce n'est pas une question de les acheter aux particuliers. Les contrats communaux des cantonniers actuels peuvent devenir des fonctions de cantonnier vert, si la commune ou la communauté de communes le veut bien.
La décision politique clé se divisera entre contrôle sociale hiérarchique et emploi humain. Sans engagement de la masse de la population sur le gros de la surface, il n'y aura pas de vote écologiquement informé – il n'y aura plus du tout de démocratie participative à la Mendès France.
Il est donc critique d'évoluer les modèles d'engagement avec le territoire – ce modèle de « boucles » à l'échelle humaine ne coûte pas cher – sa mise-en-œuvre peut être immédiate.
J'entends des cris désabusés : « mais c'est où, le modèle concret du 'Big Bang écologique' dans un délai de 10 ans' ? »
C'est sous vos nez, en Ariège, en France. Sous le radar. Par rapport au mécontentement rural et péri-urbain, j'attaque les mêmes problèmes, mais par l'autre bout. En étant parfaitement pauvre, en vrai désert rural, je peux confirmer que si nous ne sommes pas riches, nous pouvons être en grande difficulté pour vivre.
Mais cela parce qu'il n'y a presque aucune infrastructure pour les pauvres – plutôt de l'hostilité. Par contre, des routes pour les riches, il y en a.
Si les groupes écologiques cherchent des vrais projets écologiques d’aménagement du territoire, venez. Il faut que vous soyez crédibles. Pas d'hélicoptère. Que de l'intérêt général. Il faut accepter que la vie est partout – parler des villes en avance sur la campagne, c'est illusoire. Notre engagement avec la Nature est sur toute la surface – c'est pour cela qu'il ne manque pas d'emploi humain rémunéré dans un monde avec des valeurs écologiques.
Les oppositions sont conventionnels. Les élites locales sont définies par leur sédentarité. Pour créer un autre modèle, nous avons besoin que les gens de la ville viennent à la campagne aussi.
Être « domicilié Boucle » - c'est-à-dire 'qui bouge sur un circuit chaque semaine' permet de satisfaire à l'équilibre délicat entre ceux qui y passent et ceux qui y résident. Cela permet la présence plus dense de populations humaines – et un soin plus détaillé de de la biodiversité que ce qui est possible par l'économie d'échelle et la machine industrielle.
Je trouve que nous devrions en parler sur les médias – que ce serait une signe de volonté de changement réel, permettant le débat public autour de modèles tangibles de transformation écologique de l'infrastructure.
Ce qui manque, c'est le détail du témoignage de ceux qui ont vraiment fait – cela nous fait gagner des années précieuses à cette époque critique.
Parlons-en. C'est pour cela que je fais cette démarche – pour essayer de faire ma part, pour créer cette légitimité écologique qui nous fait tant défaut jusque-là.
I’m an ecological
activist and writer living in the Ariège in SW France for the last
13 years, seeking out some collaboration. Sorry about the length of
this letter, but as I said, I’m a writer.
I have looked though
your website and think I could help with being an international
go-between, but mostly in logistics, actions and systemics. I have a
plan to propose to those of you who are free and would like to make a
moveable ZAD – ZAD Partout, as the physical counterpart to your web
platform. We could start tomorrow. The advantage is that we would, in
so doing, already be living the climate and biodiversity-positive
lifestyle and infrastructure that we preach, cheek-by-jowl with the
present system. I have already done it for eight or nine years,
without support, which proves that it is viable, as I am still alive.
Please read on.
For the last eight
years I have been living totally without money, without petrol in a
long-term immersion experiment to see what infrastructure
(political, social, interactive, not just individual) can work NOW,
in real life, in an industrial society, whilst being net carbon
(ecologically and socially) positive. It’s not just that, it’s
also a logical self-organising infrastructure – but in real life,
not virtual. I have lived it for seven and more years, in the face of
an all-car, all-internet and phone society, which is a pretty good
feasibility study.
I am now in the
business (since three months ago) of transcribing and transmitting
the hard-won information about how I did it and what pitfalls I
encountered – to gain time for others, I hope. I need assistance in this task - something which could work at a distance.
I have been moving each week around markets on a bicycle, holding stands, participating in
political squats at Toulouse-Mirail, creating habitat, all with a
strictly no petrol, no internet vow. I have always been an ecological
activist – my main and real job, even if non-remunerated. I was at the ZAD at Nantes
(2012-13), in the 1990s tree protests, in particular Newbury Bypass
and Manchester Airport protests in Britain, where I put together
self-written newsletters by protesters. Before that I did Fair Trade
in war zones in Latin America (Peru, Guatemala, Mexico), which was
really a mistake, on hindsight. Cleaning up our own mess, at all levels, here in
Europe, is the hardest and most important job to do. To the degree that we set a post-industrial example, we can hope to save our own dignity. This cannot be done merely as indiviuals, it has to be a question of entirely remodelling the infrastructure and enabling verybody to participate, without delay.
Your positioning on
ecological solutions is similar to mine, focused on enablement and
cohesion, not prescription. The problem with us activists is that we
fail to provide large structures which build over time, instead leaving small
rumps in power when focus fades. I learnt how to mobilise, literally,
through my ZAD and tree protest experiences. I believe that the human
physical practices I have evolved could gain us the 3.5% support you
mention, and do this very quickly. This could do more in the way of participatory
democracy than an over-dependence on a de facto centralised
web platform and a series of semi-virtualised media events. These
practical methods draw upon the re-humanising of a moving, truly
bottom-up, mutually self-adjusting information structure, composed
mainly of us. The interactivity framework is inherently
decentralised, and also able to maintain cohesion in the face of
local power centres. I am the lowest of the low, I should know ;).
In a nutshell, it is
to move around under our own power, meet people and do things, in a
strictly “carbon-positive” and certainly socially positive way,
creating the infrastructure and gaining mutual confidence as we move
together. It is particularly germane in the present circumstances, as
we come out of COVID-psychosis, given that most people are now aware
of the stakes – defence of our basic freedoms of movement and
association - and eager to come out and play.
Note that
demographic pressures are becoming greater as the rich take possession of the land, and the difficulties
encountered grow in proportion – which should not deter us, it is a
simple truism that the world is becoming harsher and that our job is
to create confidence and determination in the face of this. The
system I am proposing has the merit of giving a real job to
adventurous spirits, it is a very good training ground for civil
activism. It dramatically reduces social tension as well, if the
backbone is strictly Non-Violent Direct Action. It could be just what
is needed to sustain and channel things as we come out of Covid. It
works as a social antidote structure within the Covid context as
well, in a scientifically defensible way. All this is covered on the
website/book noted above (article “Sortie de Crise Corona”), that
I am writing up since three months ago. I would like help and
cooperators in completing this – it is effectively a physical
activism/ecological infrastructure manual, based on real life, now. Yes, I know I am repeating myself, but some people just scan texts ...
It could be termed "dynamic intra-human infrastructure" – which means that we follow
circuits, like the old market circuits, on foot, by bicycle,
certainly without cars, in all probability without portable phones,
living in close symbiotic connection with local people and
contributing to the local economy (ecology) as we move (no tents, no
cutting off from local ecological priorities). Those who adopt this
rôle are called “domiciliés boucle” – circuit dwellers –
nomads have rights too. The civil activism dimension is also to
maintain the right to freedom of movement and association – for
all. The “accueil”/hospitality dimension is high on the “to do
list” – we need to successfully defend the right to be poor
farmers and create living space for mobile gardeners in the
countryside. Here, in South-Western France, bordering Spain, is a
good place to start the ball rolling – few places in Europe are
left now which have the necessary profile. The people who still have the peasant skills are here - we can help them till their gardens and bake their bread, they can help us recover knowledge. Hospitality and work organisation teams can replace "I did it my way, all on my lonesome" (with a chainsaw).
The weekly markets
are used as contact points, around each market day there is provision
for an overnight stay, those who participate follow the circuit, no
money is necessary. Using the two- or three-market weekly circuit, we
are contactable via the waypoints – this puts the ball back in our
court in terms of who puts tabs on who, word of mouth and
face-to-face contact being real functional options. I was initially
drawn to this idea as I wished to establish equality of treatment and
integration for poor refugees, given that French discrimination
against nomadic lifestyles is traditionally severe. I have succeeded, at least,
in becoming a poor refugee (!) to better know what is needed. It
doesn’t yet exist, partly because alternative livers already have a
lot on their plates to defend themselves and tend to live in
close-knit, effectively closed communities which are encouraged to keep quiet under the menace of eviction and persecution. I have practised this itinerant
life method, each week, for seven years, as the situation steadily
deteriorates again and old traditions of communal retrenchment
reassert themselves. We need to act fast and incisively before this small window of opportunity also closes, as part of the "ecological shutdown process".
When groups move in
the way I propose, this can defuse community retrenchment, there are
real physical interactions of mutual benefit. It is a method of
bringing students in human geography, ecological installation,
botany, health service and many other functions into interaction with
hard-to-reach dispersed populations, at very low cost. If you wish to
see it this way, it is also, in summer, an ecologically updated
version of the festival circuit, version "no petrol, no money, open to
all". Team recruitment and best practice have a chance of becoming
“normed” very quickly, as well as highly specific, functional
interfaces with local activists of all generations. This can create a
sustainable snowball effect.
The model, once
achieved in one French department, can be easily replicated in each
of the the roughly 100 other departments, the nodes on the circuits
intersect. In this way, even those on very long point-to-point paths
still leave positive traces of their passage at local level – the
means becoming part of the end on the way. Linear gardens,
information transmission by voice and human memory, transport of
goods and services between waypoints are all accommodated (the system
is intrinsically redistributive, can use digital stock and
organisation methods, frugally and precisely targeted). It is easy to
concentrate our forces on specific objectives, such as the defence of
small ecological projects, as the infrastructure lends itself to the
rapid self-assembly of the necessary concentrations of people and
skillsets. The physical bodies are by definition available – they
are already on the move, in communication and physically able to be
there.
As I note above, I
am in the process of writing it up, the website address is
https://www.cv09.toile-libre.org/
. It’s all in French, my next job is to translate it, but my
English is rather rusty and my words a little wooden. This letter is
practically the first time I have used English for years. If you have
someone who is at ease in French, they may wish to appraise and relay
the texts I have so far transcribed from hand-written notes.
I would like to get
a group of people, Parisiens, Londonians, Toulousains, to start
trekking around these circuits. I hold out very little hope for those
of us who are already in the French countryside, without the
injection of people from outside the rural sphere. In the industrial
countryside people all have cars and machine tools and have no
intention of abandoning them until jobs and infrastructure exist
which allow this. That would be our job – to provide direction and structural support where government doesn’t – and I mean local government even more
than national. Parochialism abounds – this is one of the dangers of
your linkage and local-group structure – that you will simply fall
upon the local centralists who have done bugger all except intercept
and stymie free information flow for three decades. There are those
who are busy and those who are onlookers – or who don’t even know
what is happening. This ridiculous situation, logistically speaking,
must change – we also must stop reproducing the situation of social
haves and social have nots – for this reason I strongly endorse
your desire to act as intermediaries and facilitators - and your ten-point "getting-on-together" plan. Please keep in mind that some of us would like to be free to work together without being obliged to exude charm and charisma, we tend to look on this as a basic human dignity issue - so affinity groups can be a risk, making it difficult for people to speak out.
It does well to bear
in mind that we need to engage with the countryside, not just the
towns, by definition. Much turns on how we integrate again. Groups of
energised people who move and are available for all manner of
ecological endeavour can be well-received, giving welcome relief from
the oppression of the local oligarchies, affinity groups and opinion
leaders, more and more right-wing and elitist. We move, we don’t
look to stay, but we come back each week – sect-like monopolies are
harder to maintain in such contexts. This resolves the problem of
groups not achieving a critical functional mass or cross-fusion in
the countryside, becoming small enclaves surrounded by industrial
processes instead. The solution is “towns and country”, not
“urban activity and rural desert” (the latter consisting of political fiefs for the rich).
Thus one could form
the human backbone and reach needed by Extinction Rebellion – the
materialisation over greater periods of time of sustained efforts and
shared culture, with very few inherent logistical costs. It could
also provide the framework to involve the active populations
concentrated in the poor suburbs of big towns who desire greenery and
have no possibility of engaging positively with nature, as things
stand.
To develop a method
of engaging a great number of people with nature without destroying
it is of the utmost importance, democratically – it manufactures
informed consent, to paraphrase a known dictum. The infrastructural
envelope proposed favours participatory mobilisation and disfavours
dictators and central cliques, with a few golden rules and a lot of
movement. It is calculated to self-order as it grows.
So I would like to
invite you to come, as sacrificial cats amongst the pigeons! The
timing is good, if you react fairly fast, in Britain people are
hoping to really come out of confinement I believe, and in France we
are still taking a beating, with little to inspire us, but keen.
Serious engagement is needed – people who live what they preach and
do it together. I have been reading Naomi Klein (see my beginning of
a write-up on website) and she clearly establishes this as the major
hitch for ecological groups – they do not actually DO serious
ecological solutions at an infrastructural scale – they don’t
just say “No” to industry when it makes no earthly sense to try
to work with it – how can they be deemed credible? By their acts. I
come from a Quaker background – and I AM doing it, with no support,
even though it could be said that I am supporting what people have
said should be done, for years. As with the actions I helped start in
England, there can be as few as three or four people to start a
movement which goes to 10,000 in a period of one or two months. The
art is to have a logistical structure which can accommodate success
without disintegration, which is where my simple system can help, it
is well tested.
I very much hope
that you can put this paper before those who may be in a position to
act upon it, both in France, in Britain and elsewhere – that’s
also how I justify writing it in English. Barcelona and Pampluna are
also not far away, regarding this part of France as part of their
own, not without reason. Etc.
Best wishes,
Julian
PS: I am loathe to
start bandying my name about on the net, to have an individual avatar on the
net, or to participate in social groups on the net which are anathema
to me. We should have group emails, accessible without individuation.
So far I have pretty much a clean sheet, I was absent from the web and mobile communication or ten years. Yes, I am a bit bashful but
I have nothing in particular to hide, it’s more a peer-to-peer
thing. You are of course free to publish all and any of my writings,
as they are all anticopyright - General Public Licence (GPL - Stallman). Indeed, that is what
they are for, to be published – I will also put this open letter on
my website – which I would like to help make a platform for many.
I will endeavour to
send this mail via a friend/contact, who can act as the recipient for
mails from you – I will also try the protonmail idea on your PDF,
but my internet facilities are shaky. I am mulling over the idea of
offering to start a group “Extinction Rebellion” in the Ariège,
for the form and in some desperation over the “reach” of what I
am doing, but am wary of the “Greenpeace” corporate syndrome –
you are favoured, I hope I am right to do so ;). If others read this messge, they should start the group. It is also tricky,
no longer belonging to the E.C. and I would like friendly contacts,
in an increasingly unfriendly context – just like a lot of us –
if you have good contacts in Toulouse that would be useful. If you
need to fact check who I am (although physically meeting me would obviate the problem), I am generally well-known by my first name and my bike, having been moving
around here here for aeons.
Nous nous trouvons tous face à des bouleversements systémiques du monde connu jusqu’alors. Ces secousses profondes nécessitent des changements de comportement sociétaux à leurs mesure.
Qui dit « société » dit « infrastructure ». Dans la campagne, conservatrice de par sa nature, nous avons l’avantage que rien, ou presque rien, n’a été fait jusqu’à maintenant pour changer de modèle. La production locale de fruits et légumes en quantité suffisante pour fournir la région n’a guère commencé. En Ariège, le modèle pastoral domine encore.
Citation de « Le Journal d'Ici » fait à Massat le 27 mars 2020 :
en 2010 le Massatois comprend 2268 ha en SAU (Surface Agricole Utilisée), dont 2248 ha en herbe à bétail, 10 ha en terres arables et 5 ha en cultures pérennes (fruits).
Le nouveau conseiller municipal vert à Massat, Andy Gründel, a lancé un projet personnel de maraîchage (2020), de transformation et de vente de ses produits (bio) sur un demi-hectare (5000m²). Les projections de revenus annuels estimés, en fruits et légumes seuls, sans inclure la valeur ajoutée de la transformation, sont de l’ordre de 20 000 euros. Le travail est très largement humain et manuel.
A Saint Lizier, pendant quelques années (2010-15), il a existé un projet connu localement sous le nom de « Terres de Cocagne » qui a servi pour embaucher des gens dans une entreprise similaire. A la suite, dans l’absence de suivi de la subvention de ces emplois, les jardins ont été repris par l’un des meneurs du projet, à titre privé de nouveau.
Il est proposé ici que vu les potentiels profits énoncés ci-dessus et les changements socio-politiques en cours, avec un élan manifeste vers la relocalisation et le « Made in France », le problème qui nous fait face est :
« comment former, héberger et soutenir l’emploi des plusieurs personnes dont il y a besoin pour faire fructifier ce secteur dans le futur immédiat, sans que la remède ne soit pire (en termes de bio-diversité et de gazes à effets de serre) que le problème auquel elle est adressée ? »
Il est proposé ici que les ingrédients de base de la solution sont dynamiques – il faut que les jardiniers soient « mobiles » et ceci avec une consommation d’énergie par personne qui correspond à l’empreinte écologique vastement réduite qui nous est absolument nécessaire. Des ouvriers horticulturels non seulement « auto »-mobiles, mais avec une mobilité en résonance avec les besoins et à l’échelle du pays qu’ils parcourent.
Et ils peuvent vivre, au passage, dans et autour des jardins qu’ils entretiennent, en apprenant les techniques d’écoconstruction qui permettent de maintenir une profile énergique basse. La décision de passer à l’acte collectif est en soi pédagogique, puisqu’il engendre une réflexion concrétisée, appliquée. Ceux qui participent à ces entreprises peuvent aussi entretenir des jardins linéaires au bord des routes et des chemins publics qu’ils parcourent, et donner un essor aux activités naissantes d’entretien et de production des transports à vélo et aux gîtes et ateliers d’étape qui leurs seront nécessaires. Tout est possible lorsqu’on adapte les moyens de transport aux aptitudes et efficiences humaines plutôt que de faire plier l’humain aux exigences des machines hyperconsommatrices. Le défi en campagne est grand – au moins en apparence - et la réussite face à ce défi sera d’autant plus appréciée et moralement stimulante à cette époque critique où nous avons tant besoin de soutenance morale.
Ce tourisme fonctionnel, productif, peut remplacer le tourisme dépensier et consommateur auquel nos stratégies étaient adaptées avant le Covid. Il permet de donner de l’emploi et du sens aux vies des jeunes actifs, surtout concentrés dans les banlieues des grandes villes comme Toulouse, qui se trouvent actuellement face à la pénurie et au désœuvrement massif, sans porte de sortie. La frugalité de la vie de travail proposée permet aux employés d’épargner beaucoup plus que s’ils étaient obligés d’entretenir véhicules et maisons privées sur place. Cette possibilité de réduction des frais de nos vies, plutôt que la hausse de nos salaires, est une possible solution basée sur une vérité banale dans la gestion du bilan de toute entreprise. Si on est accablé de dettes pour acheter sa voiture, si on ne mange que des pâtes pour la fournir en essence et en assurance, on ne vit pas mieux, c’est évident. Les solutions existent au niveau d’une infrastructure totalement remodelée.
Pour que ce soit clair, ces propositions sont faites pour viser une synthèse ville-campagne vivable et avantageuse à toutes les parties concernées. Ce que certains appellent déjà « la Guerre écologique » se mène sur toute la surface de la terre – et il est d’une importance indéniable de donner des exemples de coopération à bénéfice mutuelle à des populations qui peuvent sinon se retrouver dans des positions de repli sur soi ou de sélectivité élitiste.
A ce but, il est nécessaire de concevoir des villes, des communes – des communautés de communes comme des rouages dans l’entreprise d’un monde en mouvement et pas comme des entités politico-sociaux statiques. C’est une question d’intérêt mutuel qui dépasse très largement les positionnements politiques conventionnels.
Le paradoxe qui nous fait face est que le tout (l’infrastructure) est tout autre que la somme des parts qui l’intègrent (nos vies individualisées et en groupe d’affinité). Nous avons besoin, surtout là où les distances sont plus grandes (en campagne) et la consommation par personne par conséquence plus lourde, de nous pencher sur ces problèmes de l’entre-nous (l’infrastructure) et non pas sur la vie individualisée et virtualisée. Il y a besoin de chiffrer notre consommation moyenne réelle, plutôt que de faire des gestes symboliques écologiques alors que le gros de nos biens de consommation vient de loin, à vaste coût énergique, induisant des dépendances sur les machines et sur l’infrastructure industrielle qui dépassent très largement celles des habitants urbains, eux qui ne sont pas entourés de nature dont ils pourraient vivre.
Il est vrai que l’attrait de la vie « dans la nature » assume des proportions tout-à-fait démesurées de nos jours et que par les lois du marché même, ceci met une prime sur l’occupation des territoires ruraux qui exacerbe la tendance à l’exclusion des pauvres de ces mêmes zones rurales. L’exemple donné – d’une vie de riche – est inatteignable pour la vaste majorité de nos concitoyens. Cette tension démographique est aussi une tension démocratique – les couches plus pauvres qui ne résident pas en zone rurale ne votent pas en zone rurale et n’ont pas d’intérêt personnel dans sa survivance – mais elles sont majoritaires dans le pays.
Cela fait du bon sens d’évoluer des plans d’accueil et d’accommodation en bon ordre des gens qui veulent apprendre l’écologie là où cela se passe, sur la vaste majorité de la surface du territoire, avant que cela ne devienne un péri-urbain irrépressible et ingérable.
Il y a déjà des partenariats potentiels à exploiter. Pendant la période de déconfinement relatif, pendant l’été de 2020, la ville de Toulouse a déjà envoyé beaucoup de monde dans les anciennes colonies de vacances restantes - à Aulus les Bains, par exemple. Le Maire de Toulouse a aussi chapeauté la consultation sur un plan d’urbanisation pour la commune d’Allières, prés de la Bastide de Sérou. Il ne manque ni d’intérêt, ni de liaison, entre nos grandes conurbations et les département qui les entourent, à l’échelle de l’élite administrative et politique. L’aménagement du territoire est un sujet qui leur est tout-à-fait familier.
L’appel d’air qui s’appelle Airbus, avec dans son train l’aéro-spatial et les plusieurs industries annexes, ont permis au Sud-Ouest de la France d’être en relative aisance économique pendant les dernières décennies, par rapport au reste de la France. La chimère de la croissance basée exclusivement sur le modèle industriel mondialisé a paru plausible, d’autant plus que la demande de services (le gros des autres emplois disponibles) est issue des employés dans ce secteur florissant.
Il faut savoir que depuis la venue du Covid, le chiffre d’affaires d’Airbus s’est réduit à un dixième du chiffre précédent et que cette réduction est inouïe, elle impacte de fonte en comble l’économie d’au moins deux régions du Sud-Ouest. Un autre modèle économique est non seulement nécessaire mais essentiel dorénavant – ce qui fait que les exigences écologiques auxquelles nous avons étés si longtemps volontairement aveugles, dans ce pays « sous-développé » sauf dans les industries de pointe, hyper-consommatrices d’énergie fossile, coïncident maintenant avec nos intérêts économiques.
Du point de vu de notre survie collective et donc individuelle, c’est une opportunité à ne pas rater. Notre campagne, notre région, n’étant pas encore totalement détruite, n’ayant pas encore subie de plein fouet les effets dévastateurs du changement climatique, a une latence cumulée et une capacité énorme de progrès, justement parce que son usage comme terrain de jeu et de repos pour les travailleurs de ces industries technologiques n’est plus à l’ordre du jour.
A Moulis, le CNRS vient de réaliser un investissement de plusieurs millions d’euros avec la possibilité d’accommoder jusqu’à 100 nouveaux chercheurs. La conversion à des entreprises bio-constructives des ingénieurs auparavant dédiés à la croissance d’industries qui ne pouvaient qu’accélérer la destruction de note biosphère est tout-à-fait faisable – elle est déjà en cours. Nous avons, en train d’arriver dans le Couserans, le matériel humain nécessaire à cette tâche. Les problèmes de rigidité hiérarchique du CNRS ont été récemment soulignés – l’existence de cette succursale renaissante dans le pays des libres penseurs est de bonne augure, s’il y a suffisamment d’engagement et de perspectives donnés au niveau local.
L’art de ce mouvement et de commencer à rouler – ou à marcher – déjà, sans attendre que les autres se mettent en branle – c’est un effet d’entraînement et d’action physiques qui font montre de faisabilité et qui ouvrent les esprits fermés. Pour cela, la démocratie participative est la condition même qui rend la démocratie représentative.
Dépolluer, débétonniser, démystifions-le, c'est le boulot devant nous. Dans le domaine publique, sur les bords de chaque
route, dans l’agrégat de ses sous-couches et le branchage de ses haies, la pollution s’est accumulée pendant des décennies, parfois des siècles.
Comment faire, donc ?
Il est proposé d’allouer des kilomètres de route à des équipes de cantonniers verts, qui d’abord observent, ensuite mesurent, ensuite constatent l’état de la route qu’ils fréquentent et les possibilité de faire revivre ses lisières, sa biodiversité.
Est-ce qu’il s’y trouve des espèces invasives, tel le Balsam de l’Himalaya ? Y-a-t-il des sources et des points d’eau sur le parcours ? Dans quel état sont-ils ? Le laboratoire d’analyses nous le dira.
L’appi « Jardinage linéaire » servira pour la mise en commun de cette information, permettant à chacun d’y participer à son échelle.
Peut-on arriver à un engagement de la part des autorités locales pour nous donner des contrats d’entretien – récompensés par les fruits de notre labour ? Des contrats qui servent à donner un cadre stable pour planter des arbres et des arbustes fruitiers - ou protéger de la fauche les adventices qui s’y trouvent déjà ? Peut-on aménager ces bords de route pour qu’ils servent de pâture ou d'ambiance productrice de bio-diversité ? Peut-on remplacer les machines faucheuses (très coûteuses) par des emplois humains et le travail des bêtes ?
Sur le terrain, on trouvera et on partagera les réponses. L’appi « jardinage linéaire » sera au service de l’humain qui travaille, il ne le remplace pas, l’inverse – il lui donne du travail et des compétences là où nous en avons le plus besoin, dans notre engagement avec la Nature.
En fait, c’est depuis les années 1970 que la conscience de la
catastrophe écologique se définit – peu de repères novateurs se
créent depuis ce temps-là. Même sans cette causalité, la
génération en formation à cette époque-là est la génération
qui détient le pouvoir en 2021 – qui colorise notre perception de
l’avenir encore avec ses vieilles histoires.
L’avenir. 2000. 2020. Ce qui n’a pas changé comme prévu,
c’est la modernité. Je regarde autour de moi, les objets, la
crasse, les vêtements souillés, la fenêtre mal-installée. Ce
n’est pas Star Trek. C’est plutôt Shackleton. Le monde n’a
jamais été aussi moderne que … en 1920, … en 1850, en 200 AD.
Le monde n’a jamais été ni sera moderne. Voilà, c’est dit.
Après, nos perceptions sont autres. Une image passée de l’avenir
peut paraître plus vraisemblable – plausible, que la réalité.
L’intelligence artificielle HAL, de Kubrick, en 2001 – le film
(qui date des années 1960) est une incarnation de l’idée, un
archétype qui nous va bien. Il y a des éléments qui échappent à
notre perception collective – qui est un fossile, une empreinte,
pas une réalité, mais sa réflexion.
En fait, je viens de cette génération dont j’ai parlée. En
fait, c’est depuis les années soixante, les années cinquante, les
années vingt, Jules Verne, Mary Shelley, que la conscience de la
catastrophe écologique se définit, avec l’éternel Golem en
arrière plan. Il y a tellement peu qui « n’est pas là »
que la conversation là-dessus, au cours des siècles, ne fait que de
la broderie sur le même thème. J’aime particulièrement The
Iron Man (Ted Hughes).
Nous sommes d’une génération spéciale – nous guettons
l’Armageddon qui peut arriver au cours de notre vivant – qui est
prédit dans l’immédiat. C’est sa qualité tangible, inexorable
comme la lave, qui nous fout la frousse.
Il faut admettre qu’on est plutôt déçu par le manque
d’innovation dans les narratives de désastre, dans la « science
fiction » présente. Comme si la créativité se tarissait,
comme si le monde se fermait. La logique de l’imagination est
étrange – elle paraît plus vraisemblable, plus juste, avec la
distanciation. Le fable du monstre de Frankenstein vise mieux les
maux de notre monde présent, en « deep focus », que
presque tout ce qui a été envisagé depuis. L’entourage de Mary
Shelley, sa famille, ses familiers, encapsulent le monde moderne,
l’humanisme, le féminisme, le néogothique, la narrative, le
discours politique font de ces gens d’il y a deux siècles des
ultra-contemporains. Lisez son père adoptif, sa mère, ses amis,
pour voir jusqu’à quel point frappe leur contemporanéité. Mary
Shelley est le vaisseau communiquant de ce monde du progrès
décadent, elle est née dedans, son accouchement est sa mise au
monde.
Voyons comment cela peut advenir. Comme une chenille qui bouge,
par vagues. La vague des années soixante-dix arrive à son point le
plus compacté, pour déclencher le prochain spasme segmenté de
l’histoire. Les pattes avancent, trouvent le vide, cherchent à
rétrocéder. Le vide, ce n’est pas bon. Le corps, il bouge – à
gauche, à droite, vers le haut, vers le bas, il cherche le non-vide,
là où il peut. C’est ça, les histoires – la méta-analyse
exhaustive – des protractions. On peut supposer que l’arrivée
d’une catastrophe réelle comme le covid a la mérite du réconfort,
c’est un soulagement de nos peurs, une matérialisation de
l’inconnu tant craint.
On pourrait supposer que cette maladie covidaire donne une flèche
d’avenir – elle est bio, elle n’est pas mécanique, elle n’est
pas HAL. Quelle intelligence a-t-elle !? Quel succès, quand
même ! Sa dimensionnalité est tout simplement
civilisationnelle – elle englobe. Serions-nous bien conseillés d’y
investir l’imaginaire de tous nos futurs ? Peu probable,
l’avenir est presque toujours à l’oblique, comme l’avenu du
virus, d’ailleurs.
Cependant, cette maladie a deux qualités qui complémentent la
crise existentielle de notre inécologie. Elle n’est pas humaine,
elle n’est pas artificielle et c’est elle qui impose sa réalité
sur nous – qui fait de notre réalité le vecteur de sa
transmission. Nous nous trouvons dans l’obligation d’y réagir.
Serait-ce de trop de dire que c’est à ce moment que nous
constatons qu’il n’y a ni artificiel, ni naturel, que la société
bulle n’existe pas ?
Elle
n’est pas aliène, en tous cas. Si la mesure de l’intelligence
est le succès adaptatif, elle est très intelligente. Ce qui
bouleverse pas mal d’idées reçues su la nature de l’intelligence.
On peut poursuivre l’idée – la bombe atomique n’est pas
intelligente parce qu’elle n’est pas vivante. Le virus l’est
parce qu’il vit. Mais jusqu’à il y a peu – une ou deux
décennies, on niait la vie aux virus – il leur fallait des hôtes
pour remplir le critère d’être vivants. La logique
combinatorielle, on l’a longtemps résisté, si ce n’est que par
souci de réductionnisme causal. Aujourd’hui, de plus en plus de
voix se lèvent contre l’individualisme, notre intelligence est de
plus en plus vue comme un cumul, une chose collective, interactive et
dynamique, sans fil conducteur.
Mais
dans ce cas, le « success story », il est nulle part. La
vie de Mary Shelley est ponctuée par une série d’événements
tragiques, du début à la fin. Elle est là, elle produit son
histoire de Frankenstein, cette histoire, strictement personnifiée,
englobe le tout, du début à la fin. Son illustre entourage
(Wollestonecraft, Godwin, Bysse Shelley, Byron), qui les connaît, à
part les lettrés ? Son succès, à elle, est collectif. Il n’y
a pas plus de mérite personnelle dans cette histoire que dans tous
les actes et les écrits des autres – il est même certain que sans
ces autres (et sans le temps de chien) cette histoire n’aura jamais vu la nuit, autour du feu,
au Lac Léman.
Le
virus, il est à l’extrémité de cette dépersonnalisation
intrinsèque de l’histoire, cette histoire collective. Il nous
décrit une narrative de masse, faite de petites particules, où
chaque singularité, chaque mutation, ouvre une nouvelle dimension,
potentiellement. Nos histoires personnelles ont chacune cette
latence, cette potentialité, cette risque d’intelligence
débordante. Les contes se communiquent toujours mieux lorsqu’elles
se personnalisent, hors temps. Il était une fois … la Science
Fiction … les mondes fantastiques, les héros, les incarnations.
Des destinations.
« C’est
quoi, la mission ? » (chanté par Alain Bashung). C’est
quoi, la transmission … virale ? Avec quel discernement
possible, si elle s’impose sur nous, comme une saccadée de pubs ?
Quelle est notre intelligence collective de la situation, de nos
individualités ? Le virus a été précédé et concouru par
toute une série de métaphores virales du numérique et de
l’économie de l’information. Cette convergence … dévastatrice
… de perspectives, nous apprend quoi ? Que nous sommes
surnuméraires ?
Je
ne le pense pas. Je pense que la vie de Mary Shelley et de ses
proches ont été des succès fulgurants. C’est mon histoire.
notes sur naomi klein : «Tout peut changer: capitalisme et
changement climatique» (2014)
Première observation.
On sent le poids des milliers de citations et d’œuvres
auxquelles on a fait référence dans ce livre .
Moi qui n’ai pas l’habitude et qui trouve pénible d’étayer
chaque opinion ou analyse avec la mention d’une autorité externe,
… comme si je n’avais pas eu moi-même la capacité de
l’internaliser.
Sinon, il me semble, un être humain termine par «not
seeing the wood for the trees» (être bafoué dans ses grandes
lignes par le détail). C’est un jeu qu’on ne peut pas gagner –
le spécialiste peut connaître son petit monde de savants, le
généraliste emploie un équipe de « fact checkers » qui
en réalité coécrivent le livre, à la même fin.
Par exemple, en France je peux lire un livre très étayé par des
références constantes avec une immense bibliographie à la fin. On
en induirait que la France est à l’origine de presque toute
invention, sinon les États Unis.
Pour Naomi Klein c’est pareil – le progrès semble être
endogène au continent nord-américain, dans la vaste majorité de
ses étapes. Chacun de ces pays a de bonnes raisons pour croire que
c’est « chez nous » l’origine de telle ou telle
tendance. Il s’ensuit qu’il y a souvent, pour eux, une raison
ontologique pour cela, dans la culture, l’histoire et la géographie
de son pays.
L’origine est en réalité souvent chez les britanniques, les
polonais, les russes, les italiens, les espagnols, etc., d’autant
plus qu’ils ont adopté la nationalité du pays ou de l’ex-colonie
dans lequel ils vivent et qu'ils ont pleinement bénéficié de tous les savoirs des peuples premiers ! Mais dans la tradition de la post-analyse
historique, chaque pays a son époque – le maintenant, c’est
toujours «cheznous».
Là où il y a un apport irréfutable d’ailleurs, on «adopte»
et on intègre les savants, ce serait le cas de Beethoven, Newton,
Pasteur, Darwin, Nietzsche, Einstein, … ce qui donne une qualité
internationale à la fraternité du savoir. L’humanisme et le
savoir, l’universalisme du savoir, ne naissent pas tout-à-fait par
hasard, dans ces circonstances, ils sont le fruit d’un intérêt
commun, hautement sectoriel, anti-localiste, depuis l’usage du grec
et puis du latin comme lingua franca.
Le problème, lorsque l’intellectuel discute du globalisme et de
la mondialisation, de la croissance et du progrès, est qu’il est
lui-même producteur du phénomène qu’il critique – juge et
juré.
Ceux qui voyagent le savent. En fait le problème est plus facile
à résoudre pour eux – ils ont plusieurs trames d’analyse à
portée de cerveau, dans la mesure qu’ils peuvent se maintenir à
distance de l’élite internationale qui n’a qu’une seule
pensée, une seule culture, une seule vue (National Geographic). Ce n’est pas évident.
Le rapporteur rapporte, un peu comme un chien à son maître, les
os d’exoticisme chez lui, en espérant qu’on les trouve
intéressants. C’est l’écrivain-voyageur – le documentariste
de notre époque. On peut noter qu’il est souvent exclu de
l’obligation de citer ses sources – ce sont ses observations, la
source. L’édifice du savoir de Kazakhstan n’est pas
pris en compte par les américains, ni par les Kazakhs,
pour tout dire. On préfère la narration du voyageur qui ne maîtrise
même pas la langue de savoir du pays et qui y passe quelques jours
ou quelques mois, en Montgolfière. On le voit bien dans le développement des vaccins
contre la Covid, ceux qui ne sont pas inventés dans le cadre de
l’élite internationalisée sont systématiquement dépréciés – écartés,
on n’a même pas les moyens de les évaluer. Ne soyons pas naïfs, même le savoir est souvent basé sur rien d'autre que des liens d'affect.
Avec une trame d’analyse non-centraliste, on pourrait avancer
l’idée que c’est précisément aux lisières et aux seuils entre
une culture et une autre que les découvertes et les inventions sont
les plus fécondes. Il reste le problème de leur assimilation et
leur reproduction par la culture du centre. C'est le boulot de gens comme Naomi Klein, le plus près d'une encyclopédiste écologique de nos jours que j'ai rencontré, en litterature, jusqu'à là.
Une émission très amusante a eu lieu hier soir, grâce à un
vieil homme qui n’avait pas la commande de l’interview à
distance. Le sujet était le nomadisme, plus particulièrement dans
le désert nord-africain. Les programmateurs auraient voulu que cela
répercute sur les implications pour notre société. Le vieil homme
avait écrit des livres à cet égard, avec des idées très
intéressantes et provocatrices, mais il n’était pas en mesure de
les articuler à la radio. Avec plusieurs pauses, une voix qui
ressemblait à celle de quelqu’un d’un peu sous l’influence et
des fréquentes plaintes sur le fait qu’il ne savait pas s’exprimer
ou qu’il avait oublié ce qu’il voulait dire, on était aux
aguets pour le prochain exemple de ce qu’il ne faut pas faire à la
radio. Néanmoins, le peu qu’il a pu articuler, avec plusieurs
pauses et en maudisant l’extinction des nomades, était fascinant.
Cela était d’autant plus agréable que ceux qui s’exprimaient
«bien» dans l’émission avaient plutôt tendance à
réduire le sujet, pourtant passionnant, à un objet d’ennui profond.
Je vais tenter quelques observations propres à moi, à cet égard. J'ai été, pendant une bonne partie de ma vie, je "suis" encore nomade, ce n'est surtout pas évident de nos jours.
Être nomade signifie n’avoir presque rien, sinon rien pour
voyager – sauf soi-même et l’environnement dans lequel on bouge.
Non seulement est-ce qu’on bouge mieux sans bagages, mais on a plus
de place pour transporter ce qu’on trouve d’utile sur le chemin.
Être nomade favorise la mémoire, l’observation et la sociabilité. La manière européenne moderne de voyager est aux antipodes du nomadisme, et fait plus penser au colonialisme qu'autre chose, tellement on a la maison sur le dos.
Pour être nomade, il faut qu’il y ait des lieux où on séjourne
qui s’adaptent à sa présence – le nomade vie en étroite
coordination avec le sédentaire. Pour cela il n’y a pas de vraie
différence entre les deux, puisque c’est dans la nature de l’être
humain de se déplacer et que sans ces déplacements, il n’a ni de
support matériel ni de société humaine. La navette journalière
maison-travail-maison est du nomadisme. L'école aussi. L’existence de gîtes de passage,
d’étapes et de relais est une adaptation à la vie en mouvement et
ceux qui les maintiennent font partie de ce système de mouvement.
Le sédentaire est donc une catégorie purement inventée, sa "société" est forcément nomade.
Le nomade voyage sur des circuits, il ne peut voyager de manière
aléatoire, sinon relié intensément au paysage, tant social que
naturel, qu’il parcourt.
Ici on ne parle pas du «grand nomade», une
sous-catégorie d’exception qui prouve la règle. Pour voyager, il
existe une infrastructure – des auberges, des pâtures, des sources
et surtout des marchés. Le circuit de marchés hebdomadaires ou
mensuels est la manière la plus efficace de relier des communautés
qui bougent, c’est une référence dans le temps et l’espace sans
exigence d’infrastructure permanente. Le grand voyageur en profite,
mais sa fréquentation de tels circuits contribue aussi à leur
existence et leur entretien. De cette manière il contribue à
l’économie locale, par intérêt réciproque, au passage.
L’intérêt du nomadisme est immédiatement apparent, si on
accepte les critères le définissant avancés ci-dessus. Le nomade
n’a besoin que d’un chemin à marcher et de l’air à respirer
dans ses déplacements. Il en va de même pour la nourriture et
l’endroit où il dort. Le reste est déterminé socialement – il
y a très peu de besoins intrinsèques au nomadisme, sinon d’avoir
un milieu à minima hospitalier dans lequel il peut se déplacer.
Dans les termes d’une entreprise, on dira qu’il a réduit les
frais de l’entreprise et ainsi ouvert les marges de ladite
entreprise. Sa richesse est son rapport aux milieu. Ce ne sont
pas des considérations exclusivement marchandes qui motivent ce
calcul – ce n’est pas la main invisible du marché qui régit et
régule, si ce n’est la physicalité du monde qu’il rencontre.
La territorialisation qui empêche la libre circulation, la
propriétarisation qui élimine les lieux de passage, ce sont des
mécanismes qui, en limitant la liberté de mouvement autonome,
haussent les besoins de ceux qui se déplacent. Il est intéressant
de noter que le christianisme met ce thème en plein centre. Non
seulement est-ce que Jésus est né à l’étable, parce qu’il n’y
a pas de place à l’auberge, mais il ne cesse de se déplacer,
accompagné de ses disciples, à pied et par les moyens les plus
frugaux imaginables. La foi musulmane reprend le thème, aussi bien
que plusieurs autre religions pré-industrielles. Tout combat armé
doit prendre en considération la question de vivre sur le pays où
d’assurer les lignes d’approvisionnement.
Posons-nous maintenant la question de la technologie en mouvement.
N’est-ce pas que les amphores se trouvent presque partout, que les
textiles, l’os et le bois nous accommodent la vie en déplacement
depuis toujours? Que les silex et après les outils et les
armes en métal aussi. Surtout les bateaux et les animaux de trait
facilitent le nomadisme, à l’égal de tout moyen de transport
utilisant les roues et toute technologie qui ouvre et standardise les
routes.
Comment peut-on donc s’obstiner à dire que l’être humain
sans aucun de ces accoutrements est celui qui est le plus près du
nomadisme efficace, que c’est ceci la règle?
Chacune des technologies décrites autonomise le nomade, dans le
sens qu’elle lui permet de se tenir indépendamment de l’altérité
dans laquelle il se trouve. Dans le monde moderne, par exemple, la
voiture, le camion ou le camping car créent à peu près la même
autarcie nomade. Le fait d’être coupé du pays et de ses habitants
crée des tensions évidentes. On peut expliquer la croissance de
l’économie du tourisme en milieu rural par le fait qu’il faut qu'existe
une échange de bénéfice mutuelle – ce qui n’est pas le cas si
on voyage de manière autonome. Dans le cas des véhicules à moteur,
il se peut que le seul échange consiste en l’achat de carburant,
dans une station service appartenant à une entreprise exogène à
l’économie locale, celle-ci ayant cependant le fardeau
d’entretenir les routes et de nettoyer derrière ses visiteurs.
Par ces diverses mécanismes techniques, qui alourdissent le
voyageur, le coût du nomadisme devient exorbitant et il prend des
aspects plutôt colonialistes que nomades – c’est-à-dire qui
menacent la culture et la tissu physique du paysage humain et naturel
dans laquelle il voyage plutôt que de le complémenter.
La territorialisation – qui donne lieu aussi au repli
nationaliste ou régionaliste, aux castes et aux groupes sociaux,
donne un cadre chaque fois plus coûteux aux vies humaines, surtout
au niveau environnemental.
J’ai dit que le sédentarisme est une catégorie inventée, une
fiction. Ce qui se passe en réalité est que le nomadisme est
réservé de plus en plus aux élites, qui limitent de plus en plus
la liberté de mouvement des pauvres. «Comment cela?»
on est en droit de demander. «On est dans un monde qui brasse
plus que jamais, avec des moyens de transport qui nous ouvrent le
monde! Même les réfugiés bougent, et ils sont pauvres,
pas riches.»
D’accord. Tout le monde bouge. Mais ils bougent en cercles
fermées, dans leurs bulles, de plus en plus réduites, coupées de
l’altérité. Être sédentaire, avoir une maison primaire,
secondaire, une parcelle pour l’été à la campagne dans un
camping, une voiture pour se déplacer, c’est une mode de vie de
nomade qui se prétend sédentaire. La cité est avec soi, on
colonise.
Or, c’est au contraire l’accommodation à une niche durable
écologique qui permet de justifier le phénomène du nomadisme –
et comme je le maintiens, nous sommes tous nomades, et que dans la
mesure que nous réussissons à l’être, notre empreinte écologique
est vastement réduite. Cela vaut donc le coup de savoir vivre en
équilibre avec notre environnement.
Et puis, avec cette affirmation que nous sommes tous nomades,
jamais sédentaires, ce que j’essaie de mettre en évidence est
une double-vérité. D’abord que nous sommes tombés dans la
caricature de l’extrême ou au moins le clairement distinct de
nous-mêmes, lorsque nous essayons de caractériser la vie de nomade
– c’est pour cela que nous imaginons un nomade partout chez lui,
sans fixité, sans attaches. Dans la réalité, beaucoup d'entre nous faisons des
transhumances assez régulières, bien qu’adaptables, sur des
chemins connus. Nous pouvons, de cette manière, tout-à-fait
régulièrement basculer entre le nomadisme et la vie sur place.
Deuxième point. Il n’y a rien qui exclut la vie de nomade de la
critique écologique. En particulier on peut critiquer la mode de vie
de tout un pan de la société européenne et africaine qui,
accoutumée à la vie de berger qui bouge avec ses troupeaux, a
réduit des vastes tractes de notre territoire à des déserts par
sur-broutage, surtout autour de la méditerranée mais pas que - regardez l'histoire de l'abolition de la transmigration de moutons en Espagne, pour vous en informer.
Notre
élevage moderne est encore plus critiquable, mais trouve son assise dans des traditions très enracinées d’exploitation des ressources
naturelles qui ont déjà laissé leur empreinte catastrophique sur
notre paysage. Que les populations de l’Europe, du Moyen-Orient et
de l’Afrique du nord ait des gène adaptés pour faciliter la
digestion du lait à l’âge adulte indique que ce phénomène ne
date pas d’hier. Donc il y a à mettre en cause non seulement la
civilisation industrielle moderne, mais aussi les systèmes agricoles
et pastorales depuis l’aube du temps, en ce qui concerne l’humanité
dans sa relation avec la nature. Le système de clôture des champs
qui prend forme au cours du Moyen Age est aussi une manière de
limiter les dégâts des troupeaux, une mesure qui, dans son temps,
avait ses aspects écologiques positifs, même nécessaires. L’idée
des communs, si elle est poussé trop loin, n’a pas que ses aspects
positifs. Et du point de vu de n’importe quel pays à grande
population, il n’est pas conseillé de laisser la nature se
débrouiller toute seule – en toute probabilité elle échouera - et les chèvres prendront tout.
Il est difficile de ne pas pleurer face à l’inaptitude de l’organisation du radicalisme écologique. Il n’y a aucune signe de proposition de modèle radical.
Les gens doivent gagner leurs vies. Ils font partie d’une société d’hyperconsommation. Ils vivent dans une société de transport à outrance, de téléphonie à outrance, de subventions à outrance.
Par conséquence, ils adoptent tous, ou presque tous la position du coach, au bord du terrain, en train de demander aux joueurs de bien jouer – d’être radicaux. Eux, ils ne jouent pas. Nicolas Hulot vient de le dire (France Culture, mardi 23 mars 2021 21h). «Soyez radicaux» et après il a dit que lui, il ne se sentait pas en mesure de jouer.
En fait, il n’y a pas de joueurs. Il n’y a aucun pratiquant, que des coaches.
Tour d’horizon de l’activisme écologique, tel qu’il est présenté sur web et dans la presse
Notons d’abord les absences.
Il n’y a aucune proposition de transport à la campagne à finalité écologique net positive
Il n’y a aucune proposition de repeuplement à la campagne à finalité écologique net positive
Il n’y a aucune proposition de pédagogie écologique à finalité écologique net positive
Il n’y a aucune proposition d’économie écologique à finalité écologique net positive
Quand je dis «à la campagne» je parle, bien sûr, du monde du vivant dont on doit faire partie intégrante si l‘on veut sortir de ce merdier dans lequel on s’enfonce. La ville, le périurbain, tout fait partie de la campagne, des terres sur lesquelles on vie.
Quand je dis «à finalité écologique net positive», c’est une terme qui veut dire que cela propose quelque chose qui rentre dans les clous, comme système, comme infrastructure. Pas demain, aujourd’hui. Les clous, c’est vers 5 fois moins d’énergie consommée en moyenne par personne, par an, et tout de suite. Les clous, c’est faire revivre la biodiversité et la couverture végétale, partout, tout en faisant de quoi vivre, pour nous. Et les clous, c’est de le faire assez rapidement et de manière suffisamment généralisée pour que ça vaille … plus qu’un clou.
Le seul avantage qu’on a, c’est qu’on se rend compte de notre totale incompétence administrative et gouvernementale, vu la série d’erreurs commises par rapport au virus. Normalement cela nous rend un peu réceptifs lorsque des propositions nouvelles existent.
Ce qui es sûr c’est que ce n’est pas en restant chez soi qu’on va s’en sortir. Mais bizarrement, c’est surtout cela qui nous est demandé, même par les organismes supposés être à la pointe de l’action. Pour bouger, pour agir, il faut de l’infrastructure, si ce n’est que pour manger et pour dormir – mais il n’y a aucune trace, dans les sites que je viens de consulter, d’une pensée logistique à la mesure. Même les actions supposées être les plus «activistes», les ZADs, ont toujours dépendu de la voiture pour amener les militants et leurs provisions – de ce fait la majorité d’activistes ont été subventionnés, d’une manière ou d’autre, par l’état – sur le dos des énergies fossiles, industrielles, nucléaires. Dans ce sens, on est toujours resté dans le purement symbolique. Dans la vraie vie, nous sommes des industriels qui n’avons même pas le temps de faire de l’écologie d’abord – et non pas après le boulot de merde.
Ici-bas les sites consultés. Au lecteur potentiel – vous pourriez leur signaler qu’il faut faire quelque chose de tangible! Je sais que ma critique peut paraître très dure, mais ce qui saute aux yeux, c’est que les outils réels ne sont pas là. D’abord, l’argent public n’est jamais là – il est mangé par l’industriel, ses exigences sont industrielles. Il ne faut pas compter dessus. Il s’ensuit qu’on cherche à faire autrement, sans ou avec très peu d’argent. Il faut donc créer de l’infrastructure soi-même – simplement pour établir des tailles
critiques de groupes de gens compétents et qui travaillent à temps plein. Le reste du site que je crée là est dédié à expliquer comment faire – comment avoir les outils pour ce faire. Je ne serais pas si emphatique si je ne l’avais pas déjà fait – si je ne m’étais pas déjà adressé, physiquement et intellectuellement surtout aux problèmes de l’infrastructure humaine.
La première chose à noter est que ces sites utilisent des
cookies – qu’il n’est pas possible de les visiter ou
d’interagir en tant que simple membre du public, surtout pas en
anonyme. Il faut devenir membre ou donner son courriel. Ces sites
sont donc en faveur du traçage – qui induit bien sûr un rapport
de force très défavorable à l’individu, très favorable à la
supra-organisation. Chaque site, de sa façon, mais en réalité de
manière assez similaire, suit les codes de «réussite»
de l’entreprise capitalo-colonialiste, un peu comme Greenpeace. Il
est parfaitement compréhensible, si la situation n’était pas si
grave, que chaque entité, chaque cohérence, chaque groupe cherche à
se renforcer, mais le problème est que cela reste donc un jeu de
pouvoir paroissial, qui ne contient pas de recette pour un vrai
mouvement consensuel de masse. Or, cela laisse la porte béante pour
tout dictateur qui vient, dès qu’on accumule un peu de succès. Ce
n’est donc pas un modèle logistique viable. Cela ne respecte même
pas l’intelligence qui a donné naissance aux logiciels libres et
plus spécifiquement au GPL (General Public Licence).
Il est difficile de cerner l’étendue géographique ou la vraie
nature des individus ou des groupes qui déterminent le contenu des
sites – eux, ils préfèrent rester sémi-incognitos. On peut
regarder les dates des articles, pour noter qu’il y a des pics
d’activité et des périodes, de mois ou d’années, où il n’y
a presque pas d’activité sur les sites. Ceci peut mener à la
supposition ou qu’il y a peu de gens vraiment actifs dans les
organisations concernées, ou bien que les sites sont plutôt là
pour faire de la pub, le recrutement et l’acquisition d’argent
que pour des raisons fonctionnelles. D’ailleurs la mise en évidence
des fils tweeter, etc. laisse supposer que tout dépendra des
institutions existantes qui nous écrasent notre capacité de nous
organiser nous-mêmes. Cette dernière idée reste nébuleuse, une
(vaine) aspiration rhétorique, dans les écrits sur ces sites.
Bref, ils utilisent des techniques typiques des GAFFAMs où on n’a
pas le choix, il faut accepter d’être pisté, technologiquement.
Pour arriver à une vraie entente avec des co-travailleurs, ce genre
de cadre prend des années, ou disparaît lorsque le peu de gens
soudés trouve autre chose à faire.
Le site des scientifiques a une version premium, qui n’est
ouvert qu’aux institutions et à travers les institutions, donc il
ne casse aucune norme institutionnelle de l’élitisme. Les
scientifiques font partie, en réalité, d’une plateforme réservée
à certains secteurs de la science, dans ce cas les sciences
sociales. Il n’y a que la rhétorique qui est inclusive. Cependant,
ils paraissent ouverts aux partenariats.
Une analyse générale arrive donc vite à certaines conclusions.
Il est très difficile de devenir activiste utile dans des tels
cadre, puisqu’il n’y a rien à y faire – mais d’autres
cadres, il n’y a pas trace. Le mieux qu’on puisse espérer est de
se présenter lors des rassemblements d’un après-midi autour des
événements clé – des manifs, des colloques, où on risque, mais
tout à fait par hasard et non pas par dessein, de tomber sur
d’autres gens marginaux avec lesquels on pourrait collaborer. Plus
ça change, … D’ailleurs, je me sens de plus en plus
inconfortable de critiques réflexives sur les sites, en anglais on
dit «pot calls kettle black».
Les événements seraient purement symboliques – puisqu’il n’y
a pas de propositions concrètes qui permettent de maintenir des
actions soutenues. Ceci s’expliquerait de manière assez logique.
Ceux qui sont à l’origine des sites travaillent – ils ne sont
activistes qu’à temps très partiel. Les sites web et le niveau
d’activité dans leurs groupes est ajusté à leur convenance –
ils n’ont pas beaucoup de temps disponible, il n’y a pas beaucoup
d’actions soutenues. J’exempte une seule initiative de cette
tendance:
Lea Sebastien du laboratoire Geode à Toulouse a le projet de
cartographier des projets de transition, débloquer, encourager la
participation, développer les outils, y inclus dans les
territoires. On suppose qu’elle est financée. Cela aurait l’effet,
si c’était bien fait et à disposition du public, de permettre une
participation généralisée et soutenue. Cependant, sans
infrastructure frugale, ce ne serait qu’un premier pas envers un
bilan écologique net positif. Si les outils réalisés ne sont que
numériques, et non pas infrastructurels, cela ne peut pas marcher
non plus – l’empreinte carbone et écologique serait trop grande.
Pendant ma journée de travail sur l’identification de
potentiels partenaires pour faire des actions de création
d’infrastructure vraiment écologique dans ma région, j’ai aussi
passé du temps à bouquiner les seuls livres disponibles sur le
sujet dans la bibliothèque publique locale. Je tombe en général
sur des livres des années 2000 de gens qui se sont fait un nom dans
les années 1970-1990, grâce à leur capacité de produire beaucoup
d’écriture. Pas d’évidence, donc, que les bibliothécaires
apprécient vraiment leur rôle de donner des livres de qualité au
public le plus démuni – il nous faut des livres de 2016 à 2021.
Jean-Marie Pelt, La Fondation Nicolas Hulot, Bernard Maris, etc.
C’est un très petit monde, mais qui a beaucoup, beaucoup voyagé.
Chacun parle de son sujet, souvent à l’exclusion de tout autre.
Dans leur cas l’empirique devient maladif. Ils ont fait
l’inverse de vivre des vies frugales au niveau du dépens de
carburants à effet de serre. Ils ont en effet profité à outrance
du système qu’il critiquent, pour enrichir leurs vies
personnelles. Leur sujet n’a jamais été leur empreinte carbone
personnelle, ni de penser sérieusement à comment cela pouvait se
faire pour tout le monde, au niveau de l’infrastructure.
De nouveau, je dois exempter Edgar Morin de cette critique, mais
seulement en partie. Dans «La Voie pour l’Avenir de
l’Humanité» (2011) il a une magnifique chapitre qui liste
des problèmes et des solutions «agriculture et campagne»,
du haut de ses 90 ans. Quels sont les outils politiques de ces
solutions, quelle est la «forme» de leur mise en
œuvre? C’est ici, de nouveau, qu’il y a défaillance.
L’analyse est statique, il suppose de multiples alliances de
gentilles associations, chaque fois plus improbables, de petits
paysans et de pays philanthropes. Ce n’est pas comme ça qu’on a
créé, du néant, la société «toute voiture» et ce
n’est pas comme ça qu’on va développer une volonté politique
pratique.
Ce serait mieux, n’est-ce pas, qu’un système naissant puisse
convertir les gens, très rapidement, parce qu’ils y voient
vraiment leur intérêt- qu’il ait de la logique en étant
puissant, plus puissant que les forces qui l’opposent? Edgar Morin
aurait pu mentionner que c’est au Portugal que le dictateur Salazar
a su parler au peuple en faisant pousser des arbres fruitiers le long
des routes pendant qu’en France on les arrachait pour mieux faire
pousser des arbres d’argent. Que le centre du Portugal est
aujourd’hui envahi par des riches d’ailleurs (classe moyenne qui
ne s’en rend même pas compte), et que même si certains de ces
riches cherchent des modes de vie soutenables, tous, à peu près,
utilisent des voitures – c’est leur «culture». Il
faut déjà que les gens de pouvoir reconnaissent leurs erreurs et
pas seulement les erreurs des autres – il faut que «la
vérité s’invite chez eux». Pour le moment, la campagne
devient un lieu de retranchement pour les nantis et les mouroirs des
pauvres se préparent autour des grandes villes.
A la fin de la journée, j’écoute le téléphone sonne, c’est interclasse, où on explique aux ados des banlieues pauvres comment écouter la radio public pour avoir des informations fiables, plutôt que d’aller sur réseaux sociaux pour avoir des fake news.
Personnellement, je dirais que ce qui fait le bonheur du fake news, c’est la malhonnêteté des médias de masse comme France Inter. Presque sans faille, les pourvoyeurs de fake news identifient les failles réelles dans les rapportages des relais historiques et des biens pensants, un peu de la manière que je fais là. Comme la situation présente est d’une illogique totale, il se sentent ensuite légitimes pour dire n’importe quoi eux-mêmes. Un ado … doit avoir des vrais problèmes, vu qu’il ne peut croire ni l’un, ni l’autre, ... vu qu’il n’y a pas d’autorité fiable. Ce n’est vraiment pas suffisant de dire «démmerdes-toi, prends plusieurs sources.» On vie quand même dans un pays où on dit depuis 12 mois «confinez-vous» et depuis quelques jours «confinez-vous dehors». C’est un peu comme apprendre que «Tous les animaux sont égaux» et puis de voir ajouté « mais certains animaux sont plus égaux que d’autres» un beau jour.
C'est une hagiographie, cette vie péremptoire de John Muir (1838-1914). Il y a apparemment besoin de saints écologiques – on les façonne sur mesure.
Je parle de J'aurais pu devenir millionnaire j'ai choisi d'être vagabond (2020) par Alexis Jenni.
C'est important de dire par qui cela a été écrit, on a beaucoup de mal à savoir qui dit quoi, qui invente quoi. C'est dommage.
Le Sierra Club (sauveur des sequoias) a été initié par John Muir. C'est le club californien des conservateurs de la nature. L'une des raisons que je ne sais pas beaucoup sur lui à la fin du livre, c'est qu'à la fin du livre Jenni explique, de manière gentille et condescendante, que les coûts cachés de la destruction de la nature sont loin de la pensée de Muir, puisque la science et la pensée politique écologiques ne sont pas encore développées (p206).
Plus loin Jenni explique, de nouveau, que «Comme j'ai étudié les sciences, [...] je sais très bien que la nature vivante fonctionne très bien toute seule, c'est de la physique un peu complexe, nul besoin de l'âme pour rendre compte de la photosynthèse.» (p212)
Mais, quelle vraie ânerie. La nature vivante, apprenante, enthousiaste, lasse, émotive, résignée, n'a pas besoin d'état d'âme ?!
Non, mais c'est terrible. Si la science du vivant d'Alexis Jenni (né 1963) nous a appris une seule chose, c'est qu'il y a des très, très bonnes raisons pour comprendre que le vivant n'est aucunement juste une question «de la physique un peu complexe» et que la motivation y compte surtout.
Au contraire, de nouveau, de ce qu'écrit Jenni, nos ancêtres étaient pleinement conscients, surtout en Écosse, surtout dans les terres de parler gaélique (la langue maternelle de Muir), des possibilités de destruction écologique et de leurs conséquences pour nous tous. L'émigration envers «la terre promise» de l'Amérique était massive, surtout la où on a expulsé les pauvres de leurs jardins et de leurs terrains.
Pour dire, le livre est incroyablement superficiel, peut-être n'est-il même pas révisé et que les sections que je cite ont été écrits tard une nuit sans réfléchir, pour ensuite être envoyés à l'éditeur. Le titre manque également de subtilité – mais c'est sans doute très «vendeur». Les cultes de la personnalité sont très vendeurs. L'auteur, qui cherche systématiquement à s'identifier avec John Muir, s'y reconnaît : «Je me souviens de la merveilleuse étrangeté du virement bancaire bien réel que l'on m'a fait pour le premier article que j'ai vendu.» (p193) Le texte est bourré de ces petites failles de vérité ostensible, des lapsus intentionnés, de la manière «à l'arrache» de celui qui n'a non plus la patience de transcrire et bien travailler ses carnets de notes, John Muir.
Mais nous, êtres humains aujourd'hui, n'avons-nous pas besoin de nous rassembler un peu, en toute humilité ? Des gens comme John Muir ont essayé de trouver une parade à ce qu'ils voyaient venir, de témoins ils sont devenus décideurs. On est toujours susceptible à la flagornerie, si on est timide.
Nous y sommes, dans la catastrophe pressentie. Ils n'ont aucunement réussi. Les tentatives de créer des zones de protection de la nature n'ont aucunement réussi. Les gens, étant encore plus séparés de la nature par des telles politiques, sont encouragés à s'émerveiller de la beauté de la nature, sans jamais y vivre vraiment (on voit que John Muir est boulimique, il reste à la nature jusqu'à l'épuisement et puis il tombe sur un «sauveur» de dernier recours avec fréquence; lorsqu'il «travaille», c'est à la ferme ou comme écrivain, d'ailleurs il s'en fout apparemment des êtres humains qui y passent leurs vies, à la nature).
Est-ce que je suis vraiment dans un pays de démocratie humaniste, ou dans un genre de «misery-corde» sans espoir de l'extrême droite ? C'est à ces époques-là (fin dix-neuvième siècle) que les mouvements pseudo-intellectuels eugénistes étaient en train de se définir. De nos jours, la pub continue – on projète à l'avant de la scène des gens vachement sympas (style Nicholas Hulot) pour «vendre» la Nature.
Cela n'a pas marché. Si je ne peux pas en vouloir trop à Nicholas Hulot, c'est qu'il a eu le culot de démissionner – et l'honnêteté intellectuelle.
Pendant que j'écris, j'écoute l'émission radio d'écologie de la semaine (France Culture). De quoi parlent-t-ils ? D'interdire la pub pour les entreprises polluantes. Mais c'est qui qui passe les pubs des pollueurs en chef, c'est la maison de la radio ! Personne n'y croit, aux pubs, d'ailleurs, ils croient à l'existence des pubs, pas aux pubs elles-mêmes. Elles sont juste là comme un service religieux, pour prétendre que ces norme sociales d'hyperconsommation existent encore – comme un genre de brimade cachée.
Personne n'y croit, à la régulation. Personne n'y croit, à ce dont ils parlent. De remplir les ondes avec ces sujets est en soi une grosse perte de temps, une manière de saper l'écologie. L'émission principale sur l'écologie de France Culture est devenue inconséquente. On va voter une foutaise de gueule du conseil citoyen au parlement, elle fait parler de la pub. Qui décide de laisser cette émission continuer comme ça ?
Maintenant ils parlent de «la valeur d'usage», qu'on n'a pas besoin de «posséder» des choses. Les GAFFA … si j'étais de l'entreprise «Intel», je ferais cramer les centrales «cloud» de données. Comme ça, les gens, ils achèteraient plus de clés USB. Je ferais que les gens soient piratés par des ransomwares, comme ça ils achèteraient les versions payantes «premium» des antivirus.
La publicité, c'est les journalistes qui la produisent maintenant. Greenpeace est leur meilleur publiciste. L'industrie des plastiques continue d'en produire autant – pour nous envelopper tout ce que nous touchons en plastique, en emballage. Pour les hôpitaux, pour les repas, pour la viande bio. La pub vend la menace et le chantage.
La publicité est devenue un grand ours menaçant. Ce n'est plus du tout une question d'hyperconsommation. Regardons un peu les affiches «publicitaires» de la deuxième guerre mondiale pour comprendre à quoi ça sert – ce sont des «mots d'ordre». Personne n'y croit.
Et Radio Paris continue d'émettre sa propagande, sans ironie. Tout est codé. C'est une préparation pour l'autoritaire à venir, déjà là de fait.
J'aurais voulu faire une belle exposition des erreurs des parcs régionaux naturels. Pour les anglais, le figurant de proue est, ou était, David Attenborough, pour les émissions monde naturel BBC. Donc World Wildlife Fund (WWF), développement durable, conservation conservation, conservation de la nature.
On pense aux années 1960, en Angleterre, pour retrouver cette pensée-là, elle est vieillotte. Mais elle est très difficile à éradiquer, force est de le constater. Ce que les «gens qui parlent» ne veulent pas voir, c'est que vous ne pouvez pas mettre des gens devant le choix «vos enfants ou les animaux».
Les parcs régionaux en France, les «réserves» - ce sont des endroits où vivent les riches, quand ils ne sont pas à Paris. Le bétail détruit la nature, mais justifie les vastes étendues de pelouse sans habitat humain partout. Les tracteurs permettent qu'il y ait encore moins d'humains dans les réserves, les voitures et les 4x4 permettent que les touristes, les naturalistes et les chasseurs rentrent chez eux sans y séjourner.
Les riches habitent les gîtes où ils invitent les riches. Ils y votent.
De ce fait, les «parcs naturels» sont peut-être les plus menacés de mort de la biodiversité qui soit. Tout se fait par machine : les tondeuses, les faucheuses, les moissonneuses, les tronçonneuses, pas de communauté humaine de taille. Aucune réussite de vie dans la nature, les normes administratives l'interdisent, les riches l'interdisent, leurs représentants politiques l'interdisent. Pour ceux qui viennent, ils croient avoir trouvé «la vie rurale.» En fait, ils n'ont retrouvé que la vie industrielle d'intensité maximale - les empreintes énergiques et écologiques des habitants de la campagne sont réellement ahurissantes, jusqu'à des dizaines de fois plus élevées qu'en ville.
L'alternatif est là. Accepter que l'être humain fait partie de la nature, pas du monde artificiel. Mais pour cela, la femme de John Muir doit elle-même décider de venir vivre avec leurs enfants sous un toit de branchage, en hiver. Il faut casser le mythe du frontiersman à tout jamais. La mode de la modernité est un mythe aussi – c'était juste une époque transitoire.
Nos techniques, comme notre pollution et nos industries désuètes, nous donnent des décennies de quoi vivre, décemment, pendant que nous réapprenons à faire partie de la nature. Les mythes des adorateurs de la nature qui, tout en étant botanistes comme John Muir, ne savent même pas s'en nourrir, qui ne veulent que s'extasier devant, sont des mythes nourris du monde riche. Par exemple, au Pérou, tu ne bâtis pas une maison pour toi et ta famille en pleine cambrousse, c'est vraiment trop dangereux. Il y a des bandits. Non. Tu vies avec d'autres gens. Tu vies en bon rapport avec les communautés autours, tu n'es pas «téléporté» de loin.
Tu ne vies pas du bétail non plus – le bétail, il bouge, avec ses intendants, les bergers, les vachers. Ils ne broutent pas tout, il y a des vergers, il y a des potagers, il y a des étangs où il y a du poisson. C'est pour cela qu'il y a des bergers, pas des clôtures. Il y a des forêts avec des vieux arbres qui ne sont jamais coupés. Et dans ce genre de paysage, on peut faire vivre de dix à vingt fois plus de monde qu'actuellement. Ils n'ont pas de voitures, ils ne vivent pas dans des passoires thermiques, ils ne mangent pas des aliments de base qui viennent de loin – il y a déjà besoin de trois quarts moins de revenu. Ce revenu, en réalité, il allait aux riches, pour fournir leurs vies d'hyperconsommation, les voitures sont déjà «hors-prix» pour la plupart d'entre nous.
Nous vivons, nous les plus pauvres, dans les banlieues accrochés aux grandes villes – la campagne nous est devenue trop chère. Ne laissons donc pas la campagne aux riches, ne croyons pas aux mythes des riches qui nous concentrent dans chaque fois moins de territoire, jusqu'à ce que eux, ils comptent en hectares ce que nous comptons en mètres carrées (une famille d'exploitants agricoles, 50ha, une famille de banlieue HLM, 50m²).
Pour une famille, pour vivre, il faut à peu près 2,500m² à 1 hectare de potagers, de vergers, de basse-cour. Elle y vie aussi, la famille. Démystifions les mythes. Ces 2,500m² peuvent être des endroits qui pullulent de biodiversité et de beauté. Rien à voir avec 2,500m² de prairie piétinée par les vaches, entourée de fil électrique. Beaucoup plus productif que cela, pour à peu près zéro énergie fossile, zéro effet net à gazes de serre.
Chaque fois que quelqu'un comme Alexis Jenni loue quelqu'un comme John Muir au ciel, pendant qu'il décrit comme des vermines la racaille humaine inculte qui envahit et détruit cette nature, il promulgue une doctrine des riches et éduqués compétents - amateurs de la nature ; pauvres stupides - destructeurs de la nature. Mais les plus «pauvres» étaient déjà là, à l'arrivée des européens, ils vivaient dans la nature que les européens ont ensuite détruite. Ils y vivaient à des centaines de milliers, avant l'arrivée de gens comme Muir. En plus, Muir est venu avec le troupeau de moutons – il en vie, de ce qu'il décrie. La nature n'était ni vierge, ni sauvage, les êtres humains étaient bien là avant que n'arrivent les européens. Les européens eux-mêmes étaient souvent très pauvres, déplacés par l'industrialisation et l'enrichissement de leurs propres pays.
Autour de moi, je ne vois que des riches en train de détruire la nature. Les pauvres, ils n'ont en même pas – ils sont sous le diktat de ces mêmes riches - ils veulent devenir assez riches eux-mêmes pour ne plus être au diktat des riches. Les riches préfèrent utiliser des machines pour travailler aussi peu nombreux que possible – ils gardent plus de richesse comme cela – et les machines les obéissent.
Partout, la végétation est fauchée, presque au ras de sol. Les pauvres, qui n'ont pas d'argent pour les machines et qui veulent bien gagner leur pain, préfèrent travailler ensemble. Qui est vraiment plus écologique ? Qui vie mieux ?
Il serait donc intéressant d’étendre ces liens à la population ouvrière – que les actifs désœuvrés en ville trouvent du travail écologique dans la campagne. La logique de la situation écologique, économique et politique est telle que cela est devenue presque inévitable. Tenir une politique socialement responsable, c'est en tenir compte. Pas pour inviter les gens à couper les forêts, cette fois, mais pour les régénerer et y vivre.
revue et propositions : Reconquête – au nom de l'intérêt général (2020), Aurore Lalucq, député socialiste européenne
C'est un petit livre – 100 pages, qui donne l'impression d'avoir été écrit hâtivement, peut-être dans le train ou après des séances au parlement européen, dans un certain état d'exaltation de la parole, avec les présuppositions « socialistes » qui font encore jour au niveau de l'Europe, si en France ou en Angleterre on est déjà passé à autre chose.
Les paroles et la politique de Jean Monnet, dans l'immédiat après-guerre 1939-45, exprimant le besoin d'avoir le peuple et les corps sociaux pleinement investis dans des projets de longue haleine, d'investissement dans l'infrastructure, sont récupérées pour une application de nos jours dans la « transition » écologique. D'autres lumières, connues surtout des socialistes, sont mis en avant, un tel Hyman Minsky (1919-1996) qui a proposé que lors de crises il faut embaucher tout le monde au salaire minimum.
On le veut bien, on ne dit pas non. Le problème étant que la version « moderne » de cette idée pourtant simple, est d'embaucher les gens à un, deux ou trois jours par semaine dans des contrats très limités et surtout qui ne donnent pas de quoi vivre, au gré du fonctionnaire qui le décide, sur des travaux qui ne font qu'intensifier la crise écologique. Ce n'est pas la parole d'une écologiste motivée à Strasbourg qui va changer la donne. L'administration est devenue plus forte que la loi - elle fait ses propres lois, en fait.
Si l'on veut isoler les raisons pour lesquels Jean Monnet a cru possible d'embaucher les gens de bonne volonté sur des travaux d'intérêt général, c'est que la guerre les a habitué a participer à des efforts coordonnés de grande échelle, dans un esprit foncièrement nationaliste, que la galère les a fortement motivés à s'en sortir et que les traditions socio-coopératives de l'époque étaient non seulement la norme mais aussi les techniques progressistes politiques que l'on croyait être de l'avenir. Il suffisait d'arroser le sol fertile avec de l'argent hélicoptère pour que tous les petits chefs du coin se mettent au travail, avec les bons vœux et l'engagement résolu de leurs concitoyens, ou dans le cas obstant, le désir prononcé de s'ammiler à la masse pour mieux passer inaperçus.
En 2021, le tableau n'est pas le même. Notre mot d'ordre dans ce combat mortel est de rester chez nous totalement démobilisés jusqu'à nouvel ordre. Les seuls projets, très amorphes et difficile à lire, qui nous sont offerts sont dans la rénovation thermique (qui paraît plutôt une autre usine à gaz pour les profiteurs) et la mise à jour numérique. Comme projets mobilisateurs du peuple, il manque une petite quelque chose pour capter l'imagination. Aller faire des jardins ci et là, tuer quelques bovins pour la forme, ce n'est pas garanti d'enthousiasmer les masses non plus. Pour entreprendre les changements radicaux de modèle proposés, il y a besoin de mettre les gens en immersion dans un monde où les rapports avec la nature et avec leurs frères et soeurs ont un sens pour eux, individuellement et collectivement - avant de leur proposer des gestes de bâton magique qui contredisent leurs vérités culturelles. Je fais un tour de projets potentiels plus bas dans cet écrit.
De surplus, l'idée même de mettre notre destin dans les mains d'une classe de fonctionnaires, de prétendus entrepreneurs d'entreprise zombie, de petits caïds et de grands brimeurs qui nous ont déjà mené une vie d'enfer ces dernières années, sans jamais chercher à promouvoir l'action écologique réelle, est un peu improbable comme motivateur du peuple. Ils s'en foutent de ce qu'on dit à Bruxelles. Le seul atout de Macron, en fait, c'est qu'il n'était peut-être pas intégré, d'apparence, aux groupes politiques existants, connus et déplorés – une notion dont on est maintenant totalement désabusé – l'élite, on le comprend, c'est tout le monde d'en haut – c'est un cartel, à chaque échelle, où qu'on cherche. Il faut se réformer, se détacher très visiblement de cette perception, pour que chaque tentative de créer d'autres réalités ne s'enlise.
Les preuves d'amour faits au combat dans la deuxième guerre mondiale manquent, de nos jours, dans ceux qui prétendent être les premiers de cordée dans un monde futur. Il y a surtout des preuves de trac du peuple – de peur que « ça déborde ». Il faut aller à l'avant, dans le peuple, avec le peuple. La solidarité à la française qui nécessite une sorte de subordination à chaque échelle à une personnalité dominante crée un genre de retrait de la vie publique de ceux qui n'acceptent pas ces trames de dominance. De ce fait la solidarité se fait surtout chez soi dans l'entre-nous, c'est-à-dire, pas du tout. Cette « boude » nationale fait que lorsqu'il faut agir, les pôles d'attraction théorique servent plutôt de repoussoirs. D'ailleurs, dans ces classes-là, on se méfie des « casse-pieds ». L'innovation n'est pas bien venue. Cela se fait déjà, apparemment, il y a une assoc. pour cela. Étant donné que la Covid a poussé ce désengagement politique et publique aux limites de l'absurde, il est vrai qu'on ne peut que remonter la pente. Mais cela est un constat, ce n'est pas une volonté, encore moins un passage à l'acte.
Des solutions, il y en a, mais même l'expression « solutions écologiques » a mauvais renom, tellement il y a eu de fausses solutions promues. C'est un peu comme chercher quelque chose sur Google, il faut tous les efforts possibles pour trier entre les informations totalement bidons et les cookies qui ne cherchent qu'à vous orienter vers leurs produits. Pour s'en échapper, il y a les services « premium » - c'est-à-dire des vrais services, mais payants, sans pub, ou on a fait l'effort de pré-trier l'information pour qu'elle soit pertinente. Même le Wikipédia devient une enceinte pour les protocolaires intriqués. On rève d'un bon dictionnaire en papier où au moins on n'a pas à se demander si c'est de l'information à peu près sûre.
La solution de base, face à ces contradictions, n'est pas tant d'arroser les gens avec de l'argent, (pour payer à ceux qui nous torturent ?! ) mais de faire que les gens sortent, qu'ils se déplacent physiquement et qu'ils se rencontrent physiquement, qu'ils fassent des choses écologiquement cohérentes ensemble, sans machines – surtout pas de débroussailleuses ou de voitures. Comme ça, c'est clair. L'un des projets pourrait être d'aller cueillir des légumes et préparer à manger, pour ensuite manger ensemble. Cela permet déjà d'établir les potentielles preuves d'amour qui, sinon, n'appartiennent qu'aux logiciels payants. Ces projets pourraient être menés par des chefs et des cuisiniers « des professionnels de la filière restauration » (j'interprète pour les malentendants qui ne parlent plus le français) qui sont, d'après tout, les plus affligés par le confinement et le couvre-feu et les plus motivés pour s'en sortir.
Rappelons-nous que la contagiosité covid est de l'ordre de 80% à l'intérieur en endroit clos, 15% à l'intérieur, mais bien ventilé, et 5% à l'extérieur (France Inter, Matinale, 17.3.21). Normalement, les fonctionnaires, les professeurs, les universitaires et les autres devraient être en train de montrer l'exemple en travaillant dehors, en bougeant à pied et à vélo, en mangeant ensemble dehors et en mettant à disposition du public des ordinateurs portables, des prises de courant et des hotspots - dehors.
La deuxième solution est que les gens qui sont sortis, qui ont mangé ensemble, qui ont réussi dans ces tâches élémentaires, commencent à proposer des solutions pragmatiques dans la même veine – le transport aux marchés des produits locaux dont ils se sont déjà renseignés et servis pour manger ensemble – ils savent donc où il se trouvent, ils peuvent eux-mêmes aller les chercher, ils n'ont pas besoin d'argent pour le transport, juste un peu de coordination et de contact humain avec des vrais gens. A ce moment-là, les « preuves d'amour » de l'administration seraient de ne pas les entraver les pas – même de leur ouvrir le chemin, dans le meilleur possible des mondes. Ces gens payés pour agir dans l'intérêt général pourraient par exemple mettre à la disposition des populations des lieux publics mais dans l'état ... vides, pour faciliter les déplacements, comme s'ils étaient dans un élan d'accueil. Tout cela se ferait sans machines – sans transport motorisé. Ceci démontrerait au moins que l'argent – et surtout l'effort public est en train d'être investi non pas dans les machines, mais dans les gens et dans leur milieu naturel.
Pour suivre donc dans les traces de Jean Monnet, on aura atteint le premier critère de succès potentiel, la motivation et non pas la motorisation d'au moins un secteur du peuple et la croyance que c'est possible, parce qu'on l'a fait. De lancer une telle initiative à partir des corps sociaux intermédiaires existants, y inclus les associations et les ONGs, ce serait déjà de se vouer à l'échec, tellement y en a ras le bol. Ces organismes doivent venir en appui – le monde administratif est encore tel qu'il est, et cela ne change pas du jour au lendemain, on le sait, mais (désolé de le dire) ceux qui sont les mieux placés pour mener de telles initiatives, ce sont les gens qui apprécient la bonne bouffe, qui sont déjà habitués à travailler en équipe, dans des cadres sociaux conviviaux. Des chefs qui ont des raisons d'être des chefs. Des « apolitiques » qui, en réalité, ne font que de la politique, mais pointue – qui n'est autre que le social, l'économie ménagère, l'accueil.
Il faudrait, par contre, à tout coût éviter de mettre dans des positions décisionnaires des spécialistes de l'administration, surtout les économistes, les financiers, les techniciens de l'informatique. C'est un cercle vicieux sinon. De mettre des gens qui ont démontré incontestablement leur coupure du monde physique – qui est celui qui nous fait jouir, prendre plaisir à la vie – dans des positions de pouvoir auxquels leur conditionnement et leur socialisation ne les ont aucunement formées serait un gros faux pas. Ils n'ont tout simplement pas les compétences nécessaires. Si on veut un monde ou il est plus important d'avoir le papier (ou le dossier, ou le cahier de charges, numérisés bien sûr) que le savoir faire de travailler physiquement avec les gens, on n'a qu'à continuer comme ça. Même dans les métiers de la restauration, il y a ceux qui prennent un sac scellé de patates déjà découpées par des machines pour les jeter dans un bac d'huile préchauffé au nucléaire, avec de la viande reconstituée venant de pays étranger comme base. Dans la restauration de l'état et les distributions aux pauvres c'est encore pire - tout est ensuite rescellé dans des conteneurs en plastique jetable individuels pour être rechauffé ensuite - comment veut-on être pris au sérieux quand c'est l'état même qui est le plus grand malfaiteur!? Mais il existe en France encore, de manière transgénérationnelle, une certaine fierté et savoir faire gastronomique, qu'il suffit de fusionner avec des critères écologiques pour réinstaurer un pôle d'attraction qui vaille, basé sur le réel, qui parle aux gens. Il n'y a pas que les Etats Unis qui sont en avance sur nous en termes de développement social (?). Il y a, dans ces domaines de la convivialité, les italiens, même certains espagols.
Ce qui est paradoxal, comme avec toute initiative sincère écologique, c'est que ce genre de cuisine populaire n'a pas vraiment besoin de subvention – il est plutôt générateur d'emploi réel et il utilise plutôt des ressources déjà existantes de manière intelligente et coordonnée. Il encourage le « made in France » - mais vraiment, alors qu'en général le "made in France" consiste en choses faites avec de l'argent et les matériaux premiers piqués des gens qui vivent ailleurs et qui travaillent pour des salaires de misère. Le problème avec cette mesure style : "solution de la singularité écologique" est que justement, il ne consomme pas beaucoup de ressources – la décision de ne pas utiliser des voitures est déjà énorme dans ce sens – et qu'il n'augmente donc pas la PIB – l'outil qui permet à la France de maintenir la confiance des institutions financières dans sa « solvabilité » - sa capacité de payer les dettes qui sont à peu près le seul outil qui reste au gouvernement pour maintenir la société à flot. Mais tant pis, on fera avec - il faut commencer quelque part, et anticiper un peu la probabilité de dislocation, paupérisation et extrèmisation de la vie de "la personne lambda" dans le proche-avenir. C'est vraiment le moins qu'on puisse faire, si on est un responsable politique même un petit peu renseignée sur l'actualité des lambdéens.
C'est aussi pour cette raison qu'il ne faut pas commencer, pour ce genre d'initiative, par rentrer dans le cadre décisionnel habituel – qu'on cherche à sortir les gens de leurs bureaux et de leurs voitures pour les mettre dans des conditions d'association humaine à peu près décentes, de nouveau. Je sais que ce n'est pas facile de mettre des lions qui ont passé toutes leurs vies en captivité à la nature, mais nous sommes supposés être plus "adaptables" que les lions. On y va.
Les habitudes de l'époque industrielle sont collantes. Les habitudes de la visioconférence aussi. Elles le sont d'autant plus qu'il y a l'inertie du non-bouger, d'être contraint dans son espace personnel et sécurisé. Il faut de l'intelligence sociale pour inventer – ou remettre en valeur - des cadres sociaux qui mènent à l'engagement avec l'altérité, multigénérationnels, chaleureux, décontractés, non-exclusifs, basés sur l'ici maintenant. Soyons rassurés que tout le monde, maintenant, a compris que c'est surtout ces groupes supposément hermétiques qui ont fait passer le virus, partout où ils volent, aux classes pauvres qui n'ont pas bougé. On sait qu'ils savent faire des garden parties dans l'entre-soi pour ensuite aller serrer la main du peuple devant les caméras - sinon comment auraient-t-ils pu transmettre le virus? On apprend, sans grand étonnement, que c'est en famille que cela se transmet. Le problème est d'inclure tout le monde, d'en faire une mode accessible. A vrai dire, l'espace publique, dans un traîtement intelligent de ce qui est une situation de maladie chronique, est notre principal atout. Le confinement, dans l'entre-soi, dans les transports publics, est ce qui se révèle le plus contagieux. Quelle drolerie.
Lorsqu'on parle, de manière impossiblement abstraite, du problème de n'être que des rouages dans une commerce internationale qui a pris le pas sur notre autonomie nationale, il faut savoir que le fonctionnariat de la France est également capable de totalement déplacer toute décision qui nous impacte, les mécanismes à l'œuvre s'en foutent de la distance, du lieu et de l'échelle, cela ne change aucunement leur nocivité.
Sans téléphone, en campagne, vous pouvez observer les fonctionnaires dont vous dépendez, qui vivent à côté de chez vous et qui se déplacent à leurs officines chaque jour, ils vous verraient crêver avant de vous saluer. Si vous ne me croyez pas, observez l'attention que l'on prête à la machine dans sa main par rapport à la personne en face de soi. Il est souvent plus sage de conseiller l'usage du téléphoner plutôt que de parler à la personne à vos côtés, si vous voulez vraiment qu'elle vous prête attention. C'est la société du « pas ici, pas maintenant », souvent avec une observation oblique du genre que vous auriez quand même pu noter qu'on est super-occupé au téléphone, à l'ordinateur. Cela se passe au niveau local parce que tout est local. Les gens se retirent parce qu'ils n'ont qu'à se retirer, face à ces indignités.
Mais observons ce qui se passe dans un cadre où les gens marchent ensemble, cueillissent ensemble, transforment, cuisinent et mangent ensemble. On peut observer que la rélocalisation des rapports va de soi. Le fonctionnaire, responsable de la logistique, se trouve, à ce moment-là, face au besoin d'organiser le système d'approvisionnement de ceux qui sont là avec lui, et pas derrière le vitre – un tel peut récupérer telle denrée là-bas - au passage chez lui, un autre se propose pour prendre une commande de pièces nécessaires pour l'atelier vélo qui opère sur place, un autre peut se pointer dans l'équipe qui est actuellement en train de couper les patates, il y a le déplacement des stocks pour la prochaine étape à organiser, pour les mettre dans le lieu de stockage proposé par la mairie, etc.
Tenez, un boulot utile pour un fonctionnaire à ce moment-là serait d'engager les assureurs afin de légitimer l'utilisation de non-fonctionnaires pour, par exemple, "couper les patates", sans poursuite judiciaire. On n'a qu'à se décider – est-ce qu'on veut re-situer nos actes chez nous ou est-ce qu'on veut passer un temps sans fin à parler autour d'une table virtuelle sur la dé-virtualisation, tout cela subventionné par la dette croissante nationale, faite sur le dos des pauvres qui malgré leurs instincts, sont bien obligés de faucher de la forêt vierge pour nous fournir nos aliments de base que nous ne savons plus produire sans polluer la terre - chez nous en plus ?
Ces expressions d'exaspération viennent du fait que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, on a déjà compris, de manière abstraite, la racine de nos problèmes, mais on continue de faire les choses qui nous mènent au désastre, les décisionnaires en premier. Les bacs + 5 qui ont déjà compris n'ont d'autre solution à proposer, paraît-il, que de continuer de parler de tout et de rien, en cercle fermée. Ils ont oublié qu'on ne sait vraiment pas où ils vont avec tout ça. Les gens se trouvent démunis, conditionnés à appuyer sur la manivelle qui les donne des subventions. Au moins les machines ne savent pas exprimer leur condescendance, et l'argent à la main, il parle sans mot dire.
Si les gens au pouvoir ne savent plus parler qu'aux gens comme eux, c'est à cause de cette situation d'impuissance d'autonomie des gens plus sains d'esprit qui n'envisagent pas de s'embrigader dans des parcours qui n'affûtent que leur capacité de « parler ordinateur ». Ce n'est même pas la peine de parler si on n'est pas payé pour – encore moins de penser. On pense pour nous, nous n'avons plus à penser pour nous-mêmes. Les écologistes administrateurs ne sont pas les derniers venus à cette table de l'inaction collective, pour eux la nature est ce qu'ils visitent pour l'admirer – une réserve ou on ne rencontre que des touristes venus en voiture - ou bien le petit jardin qu'ils nourrissent comme passe-temps pour se donner bonne conscience, ou le vélo qu'ils utilisent pour aller au travail - ou à l'aéroport. Le gros de leur vie et de leur revenus se produit grâce au téléphone, à la visioconférence, à l'intérieur dans des milieux chauffés, climatisés, en train de lire et de remplir des liasses de papier virtuel.
Et si on appliquait la même attention et effort à notre engagement avec le monde physique du vivant ? Moi, par exemple, j ne serais pas en train d'écrire sur ordinateur, sinon de parler avec les gens – et de parler des actes concrets immédiats que nous sommes en train de mettre en œuvre. Mais je ne veux vraiment pas parler de l'heuristique des fines distinctions ontologiques qui méritent une analyse repoussée! Vous m'en excuserez.
Lorsqu'il y a les rares « remontées du terrain » des « acteurs » engagés dans le faire, ceux qui assument les responsabilités de plus grande envergure cherchent, comme la main d'œuvre sur un chantier, à approvisionner ceux qui font le travail. Ils ne sont plus les chefs, mais les facilitateurs, réactifs fonctionnellement aux besoins matériels des gens qui font, représentatifs de leurs besoins dans leurs propres collaborations avec d'autres coordinateurs. Mais si plus que la bonne moitié de la population n'y est pas engagée, cela ne fait pas l'affaire, cela fait juste quelques affairés.
L'une des choses que les écologistes oublient de mentionner souvent, c'est que le vrai travail écologique a besoin d'énormément de main d'œuvre humain, qu'il n'y a même pas de machines qui peuvent le faire. Prenons un exemple. L'existence de clôtures électriques partout, qui remplacent les haies – foyers essentiels de biodiversité, ne vient pas de nulle part. Entretenir une haie qui ne produit absolument rien directement pour l'être humain concerné coûte en plus énormément d'heures de travail, de travail dans le détail, du travail intelligent. Ah, le joli bocage ! Oui, mais les touristes, qu'est-ce qu'ils donnent à celui qui l'a fait, le travail ? La nature, pour la plupart d'entre eux, c'est ce qui se fait soi-même, comme par miracle. C'est gratos, ou cela devait l'être, pensent-ils.
L'emploi sur les bords de route est une source massive d'emploi de ceux qu'on appelle des en voie d'« insertion sociale » – ou des « TIGistes ». Je suis poli. Ils ont d'autres noms aussi. Mais l'entretien de haies a besoin d'un travail intelligent – savoir plier les arbres, créer de la densité, favoriser certains mélanges d'essences et beaucoup plus. Tandis que les entreprises qui prennent les TIGistes utilisent des débroussailleuses, des tronçonneuses et des camionnettes pour dévaster des milliers de kilomètres de haie chaque année. Leur manque de savoir faire convertit une opération qui pourrait être d'énorme intérêt écologique en opération hyper-consommatrice d'énergie qui continue d'inculquer des valeurs complètement industrielles sur toute une génération d'ouvriers sans formation.
Tout comme dans la proposition d'emploi massif des restaurateurs écolos, pour rétablir les liens fonctionnels humains d'une société – il y a la réserve qu'il faut qu'il y ait une sensibilité écologique qui conditionne ce processus, il est nécessaire d'aborder la question de la réhabilitation des haies avec circonspection. Tenez, on pourrait même en faire un ministère, juste pour les bords de route, tellement le problème il est vaste, à lui seul! Le ministère des bords de route. Ceux qui sont actuellement en place dans le métier ont des valeurs actives totalement à l'antithèse de l'écologie. Ils ne dépendent pas du tout de la production de biodiversité pour leur pain quotidien, sinon de la mise-à-ras de kilomètres linéaires de végétation. Là où ils sont passés, les adventices les mieux adaptées, les ronces, le balsam d'himalaya, les orties, etc. poussent en profusion, les assurant d'encore plus de travail énergivore dans les courtes années à venir. Ce n'est qu'en ville – là où les clôtures électriques rencontreraient quelques résistances humaines et pas seulement bovines - qu'on commence tout juste à aborder sérieusement la question de la bio-diversité aux bords des routes.
Une manière de considérer la conversion écologique de ce métier serait le suivant. D'abord et avant tout de faire que les équipes qui intègrent ce travail aient des formations préalables ou sur le champs sur la biodiversité, la frugalité énergique, l'utilisation d'outils manuels. Deuxio, qu'ils visent vivre des ressources alimentaires et autres créées aux bords des routes et des chemins qu'ils entretiennent – cela les recentre sur l'intérêt de ce qui s'y trouve. C'est-à-dire le lourd boulot de la détection, de la protection et de la sélection de noyers, châtaigners, cerisiers, aubépines, noisetiers, prunelliers, etc. qui y poussent déjà mais qui sont actuellement fauchés à répétition. Et on fait ceci au bord des centaines de milliers et des millions de kilomètres de route et de chemin, à présent abandonnés à la voiture - l'instrument même de notre déroute climatique. Pour ensuite cueillir, transformer et réaliser la valeur de leurs fruits - et de leurs bois – sans les brûler et sans en faire des palettes. Ce n'est pas un mince défi. La pollution des bords de route est énorme, tant en métaux lourds qu‘en poussière de particules fines également nocives qui se collectent dans le feuillage. Oui c'est un problème. Mais on ne peut pas nier qu'il y a déjà la forme d'une solution, dans les gens qui sont déjà là, déjà financés par l'état.
Est-ce qu'on est vraiment sérieux, je me demande, lorsqu'on parle de la transition écologique, assis sur son banc dans le train qui mène à Strasbourg, en train d'écrire les solutions écologiques de demain, toujours demain ? Le fait de s'engager avec la pollution existante, là où elle est la plus concentrée, là où l'être humain, il passe, n'est-ce pas « une preuve d'amour » ? La SNCF commet des atrocités dans ce sens aussi, l'élagage des bords de chemin de fer continue, mais sur les bords de route la mode est d'élargir le trait toujours plus, la stratégie maintenant est d'éliminer les arbres surplombants, si possible à dix mètres de chaque côté de la route (pour que les voitures « voient » le paysage). Cela donne beaucoup de boulot et de bois pour les machines des TIGistes. Le travail de l'homme est réduit à la destruction de toute végétation qui dépasse 10 centimètres du sol – il est impossible, avec la débroussailleuse, de faire autrement. Il y a un manque de culture et de savoir faire tellement grossiers dans les normes de cette profession que ce n'est même pas la peine d'en parler avec eux. Qui, de sincèrement écologique, ferait ce métier, sans de réels besoins d'emploi ? Pour les « CDIs », la crème de la profession, la rentabilisation de l'investissement énorme dans les tracteurs faucheurs qui réduisent la dépendance sur la main d'œuvre est ce qui compte. Ce sont ceux qui dépendent directement du pouvoir public centralisé - que ce soit de la communauté de communes, des conseils généraux ou régionaux. La plupart des conversations tournent autours de l'entretien des machines et l'existence des subventions – tandis qu'à plus basse échelle, il n'est pas facile d'entrer en contact avec la nature lorsqu'on passe des heures entières enveloppé de vêtements de sécurité en fluo avec des casques protecteurs et une machine tellement bruyante qu'elle coupe tout contact avec cette nature - et avec ses camarades de travail.
Si les élagueurs étaient employés à plier les haies, il n'y aurait guère de problème avec des arbres surplombants. Si le cœur de métier était écologique, les particuliers, au lieu de suivre les normes de l'agriculture à taille de tracteur ou de débroussailleuse (ce n'est pas vraiment la taille qu'ils pratiquent, mais plutôt l'arrachage ou la pulverisation), sauraient créer des jardins détaillés, biodivers, qui ne consistent pas seulement en pelouse débroussaillée, deux ou trois arbres parsemés au milieu et un lopin de terre avec quelques oignons et des patates, cassé chaque année au motoculteur. Ce sont en plus des techniques totalement dépassées par les connaissances actuelles en la matière – où est donc la transmission de savoir ?
La tradition et la fierté, pour les cheminots d'antan, s'étalait devant les voyageurs, dans les jardins au bord des rails de chaque petite gare et maison. C'était de la publicité gratuite pour le savoir faire rural "fait main". C'était des jardins, pas des « exploitations » à but lucratif - ceci dit ils étaient plusieurs fois plus productifs par mètre carré que n'importe quelle entreprise industrielle agricole aujord'hui, et ceci sans subvention – au contraire c'est parce que les cheminots n'étaient pas royalement payés qu'ils s'investissaient autant dans le jardinage.
Si les « décideurs » au niveau national et européen ne savent pas mettre des écologistes qui savent cultiver sur le terrain, pour expliquer les nouvelles normes par les actes, comment veulent ils qu'on les croie ? Avec leurs téléphones et leurs ordinateurs portables, ils pourraient même donner l'exemple, en y allant eux-mêmes, en collectif. Cela ferait "événement". Les élites des milieux ruraux sont actuellement totalement dominées par des pratiquants de la « science » du productivisme industriel. L'argent public ne cesse de les raffermir dans leur dogmatisme. Est-ce que les politiciens écologistes osent montrer le contre-exemple ? Ils n'ont rien à perdre, on ne vote pas écologiste en campagne – il faut être riche pour y trouver sa place et la seule manière de remédier à cette situation électorale, c'est de rendre possible un repeuplement écologique, également de gens de classe populaire, susceptibles de ne pas voter à l'extrême ou au « centre » droite et de bien vouloir travailler pour créer une campagne à la taille de leurs rèves.
Mais dans la vie réelle, tout comme en Angleterre, ceux qui ont tendance à repeupler la campagne dans les conditions actuelles sont plutôt des libéraux riches et donnés à l'entre-soi, des gens de la gauche caviar qui a échouée, ces longues années, à faire épanouir l'écologie de masse, justement parce qu'ils pensent surtout à leurs propres libertés et pas à celles des autres, au moins en ce qui concerne leurs préférences électorales et leurs vies privées réelles. Il y a même pire, les plus « écologistes » sont ceux qui font le plus la navette entre leurs boulots « socialement validés » ailleurs et leurs « petits paradis perdus » à la campagne. Ils ont tous des voitures, identifiez l'erreur. Tout comme les députés qui vivent entre Paris, Strasbourg, Luxembourg, Bruxelles … et les arrière-pays et les arrières-villes où ils ont étés parachutés pour se faire élire. Il faut avoir une très grosse tête pour penser qu'on peut sortir indemne d'une telle programmation sociale, soi-même, par auto-persuasion. Il est évident que dans ce cas, on se sent bien obligé de travailler avec et à travers les élites locales qui ont les réseaux de contacts qu'on ne peut pas entretenir et qu'on apprend, à force, l'impossibilité de l'engagement social sur la plupart de la surface du métropole.
Si, en ville, il y a plus d'espoir, (on y vie, on y travaille et au moins dans sa tête sociale c'est un endroit familier) il est logique de penser à réinvestir la campagne à partir des villes, de rentrer en contact direct avec la nature plutôt que d'y ériger des réserves qui la dépeuplent encore plus. On ne peut pas séparer humain et nature, c'est (presque) tout ce qui nous reste!
Analyse critique : Intelligence Collective par Joseph Henrich; Quelles sciences pour le monde à venir? par le Conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot
Petit Robert 1977
heuristique (1859 : du grec heuriskein « trouver »). Didact. Adjectif : qui sert à la découverte. Nom féminin : partie de la science qui a pour objet la découverte des faits.
heur (heûr et aür vers 1160 ; latin agurium, augurium « présage »). vx. Bonne fortune.
Dans la section « abréviations » :
didact. - didactique : mot ou emploi qui n’existe que dans la langue savante (livres d’étude, etc.) et non dans la langue parlée ordinaire. vx. - vieux (mot, sens ou emploi de l’ancienne langue, incompréhensible ou peu compréhensible de nos jours et jamais employé, sauf par effet de style : archaïsme).
Sérendipité : tentons ma définition : «par heureuse chance, le fait de tomber sur quelque chose ou quelque compréhension (appréhension) ».
Définition wiktionnaire : Fait de faire une découverte par hasard et par sagacité alors que l’on cherchait autre chose.
L’origine est « Serendip » un nom pour le Ceylan, 8ième siècle.
Il y a « de bon augure » aussi, évidemment. La chance de tomber sur quelque chose, comme cette piste de sens dans les dictionnaires, est multipliée par le fait de bouger, de croiser des choses sur son chemin, des choses peu-pré-choisies par d’autres, de manière « autonome ».
Je suis en train de lire des livres assez difficiles à avaler. L’Intelligence Collective (Joseph Henrich, de Harvard, 2016) et Quelles sciences pour le monde à venir ? par le Conseil Scientifique de la Fondation Nicholas Hulot, octobre 2020.
Par rapport à la catastrophe écologique en cours, le sujet est « pourquoi est-ce que l’on n’arrive pas à agir en fonction et à la mesure du problème ? » La même question se pose sur l'épidémie de la Covid, qui se présente comme une facette du problème majeure, de manière claire et éducative.
Deux facteurs se révèlent pertinents. Dans les faits, la population des pays riches ou qui risquent de le devenir est massivement hostile. Même si elle en fait des mauvaises rêves oraculaires chaque nuit du confinement, cette population fait beaucoup pour ne pas basculer dans un autre monde écologique. Les solutions qu'on nous propose font avec cette réalité humaine plus qu'avec cette réalité physique envers laquelle on avance, inexorablement. Les solutions plus "brise-modèle" sont encore "tabous". En quelque sorte nous creusons vigoureusement le trou dans lequel nous voulons enfoncer nos têtes d'autruche. On ne peut pas dire (pense-t-on) ni faire ce qu’il faut pour s'en sortir – toujours à cause des autres - même si on ne le fait pas soi-même, par "pragmatisme" et avec résignation (comme "The Walrus and the Carpenter", Lewis Carrol). Il y a besoin de persuasion, pas d’autoritarisme, dit-on.
La teneur des discussions des experts et des portes-paroles à la média est de dire qu’il y a des méchants (multinationales, super-riches, néo-libéraux) qui cassent les pieds de ceux qui veulent faire le bien et que la société est trop égoïste et conservatrice pour accepter les mesures nécessaires (identifiez le non-dit). Des attaques frontales sur la mode de vie de la majorité (donner honte) ne sont pas tolérées et sont supposément contra-productives. Il s'agit sans doute de la honte quand même (salut Greta).
Ces dires non-dits masquent la non-réussite des stratégies "soft power" – et cela depuis des années – tandis que la législation qui est passée nous lie pieds et poings dès que nous tentons des expériences sociales écologiques de petite ou de grande envergure. Sinon, elle tente de les casser. L'état a tendance à produire la précarité. En tous cas, merci m. Sarkozy, pour avoir fait des conneries assez grosses pour être puni [à voir, ne meurs pas avant comme Chirac]. Au pire, on a mis a dos un assez gros segment de la population pour qu'elle soutienne des vraies initiatives écologiques, le temps venu.
La Fondation Nicholas Hulot, ou ses scientifiques au moins, reconnaissent que pour être convaincants ceux qui proposent des solutions doivent les mettre en pratique eux-mêmes – c’est le moins qu’un scientifique puisse faire, d’ailleurs, sinon il n’a ni expérience, ni preuves. Elle reconnaît aussi que c’est notre culture même qui doit changer, être réinventée. Comme ils ne pratiquent pas eux-mêmes des modes de vie radicalement différentes, ils ne proposent pas des modes de vie radicalement différentes (oui, je sais que c’est incohérent, mais c'est comme ça).
Dans la pratique, donc, la fondation ne soutient pas des pratiques et des projets pilotes de société nouvelle sinon se redéfinit comme fin analyste qui ne fait rien. Elle ne propose pas de solutions radicalement différentes et ceux qui l’intègrent ne proposent que des changements quantitatives – sous l’étiquette « développement durable » qui ne s’adressent guère qu’au problème du climat, alors que le problème de l’extinction du vivant, dont nous, crée le problème du réchauffement climatique, plutôt que d’en résulter (attention : cause suivie d’effet).
Pour donner un exemple du cadre de pensée « scientiste » des sciences dures qui régit sur l’analyse (malgré les protestations du contraire et à l’instar de l’analyse des marchands de confusion critiqués dans l’œuvre), la démographie, qui est le résultat de nos choix sociaux, est l’un des problèmes matériels absolument critiques à résoudre. Est-ce que c’est dans le domaine de la science ? Mais bien sûr ! Le sujet le plus non-traité dans l’œuvre : « combien de morts humains, à quelle échéance et comment ? »
Repli communautaire
Sommaire : la discrimination sociale est transsectionnelle – elle ne peut qu’induire des boucles de retro-action. Si la population cesse d’être socialement mobile, comme dans le cas du confinement Covid et de l’utilisation des technologies qui nous détournent de la place publique (voitures, portables, etc.), elle perd rapidement sa compétence sociale collective et se replie sur des cercles réduits. C’est déjà le cas à la campagne, où il n’est plus possible de vivre en tant qu’être humain sans voiture, portable, argent (au diable les droits de l'humain sans prothèse), à moins d’être le dépendant de quelqu’un de riche (fonctionnaire, cadre d'entreprise zombie) ou de l’état (agriculteur). Les services publiques fonctionnent avec beaucoup de peine, moyennant l’emploi des dites technologies. La société bulle se raffermit. Le parallèle peut être fait entre une entreprise zombie et un chômeur longue durée à la RSA - leur survivance est détachéé de leur performance, surtout leur performance écolo-sociale.
Quelques exemples réels d'interactions communautaires.
- Dans un banlieue principalement noire d'origine antillaise en R.U., tous les magasins sont tenus par des personnes d’origine musulmane pakistanaise.
- Un petit enfant allemand a tendance à être réceptif aux enseignements qui viennent de personnes qui parlent sa langue maternelle, voire son dialecte, son accent. Il est punitif envers les transgresseurs du code de son groupe social et tolérant envers les faux pas des étrangers (Intelligence Collective, œuvre citée). (Un petit enfant anglais a plutôt tendance à l’envers, ...)
- Dans les stations scientifiques de l’Antarctique, le mélange de personnel est international, ce qui est plutôt bien toléré, même stimulant, selon témoin.
Cet exemple illustre les contradictions implicites dans l’analyse de Henrich (Intelligence Collective - un oeuvre qui ne traîte pas le sujet de la stupidité collective, bien qu'elle soit aussi pertinente). Si l'on peut se sentir sécurisé par des gens qui parlent sa langue, avec son accent, on peut aussi se sentir insécurisé. Cela dépend des expériences vécues. Si le passage de memes (« gènes » culturelles : "mimétiques") est plus assuré, plus rapide et plus généralisé, plus le groupe d‘individus qui se communique est grand et varié (comme il le dit), à quoi bon extrapoler des théories basées sur des études des petites communautés isolées ou des enfants ? Déjà il y a des questions de spécialisation "relais" ou intermédiaire culturel (exemple: interprète) qui s'interposent - et qui traitent des moyens de communication et de refus de communication, nommément la langue - sa dimension « sociolinguistique ».
La non-familiarité, le plaisir de la découverte, ces facteurs peuvent être des facteurs d’attirance. L’innovation, la curiosité, la singularité, n’est-ce pas aussi de cela qu’on parle, lorsqu’on parle de l’intelligence collective comme phénomène évolutionnaire ? Il est plus difficile mentalement de mentir que d’être sincère, Henrich déduit des expériences citées dans le livre et des études du cerveau. Mais justement, ce sont les anomalies, les innovations, les néologismes qui font signe d’alerte et qui provoquent l’intérêt ! Certaines nations ont tendance à raconter l’histoire du progrès en n’utilisant que des exemples qui viennent de leurs propres pays. D’autres citent les vrais inventeurs. Lesquels de ces pays sont les plus ouverts aux découvertes ? Si on compare l’anglais au français, prenons le mot « banane » comme exemple ; c’est « banana » en anglais – on n’est pas obligé, en Angleterre, d’angliciser chaque mot – si on l’écrit de travers, c’est souvent parce qu’on a du mal à le prononcer, pas parce qu’on cherche à le faire « sien ». On est curieux de la provenance, on n’essaie pas de l’assimiler à chaque reprise. Or, les anglais sont réputés « inventeurs » - leur langue tolère et se réjouit même des néologismes. Elle se gère très bien toute seule, sans souci d'académie centrale de prescription linguistique.
En tournant au livre de la Fondation Nicholas Hulot, je cite une phrase (p.214) où on parle de l'attitude des scientifiques en France envers le public. « Plutôt que d’instaurer un dialogue avec lui, l’enjeu est d’éduquer ce public indifférencié et passif en « vulgarisant » les connaissances scientifiques. Et comment ! En 2002-3 j’ai assisté à une conférence de la CNRS à l’université Lyon II sur le sujet des bars de la science ». J’étais invité en tant que représentant de « Café Scientifique » - une initiative totalement indépendante anglaise qui visait la « mise en cause » de la science dans une atmosphère informelle, en partie calquée sur notre imaginaire des « cafés philos » de la rive gauche à Paris dans les années 1960-70. Les conférenciers français, tous des professionnels des sciences dures (Physique) financés par l’état, parlaient de « la vulgarisation de la science ». Je les écoutais avec un étonnement grandissant. Avec le mot « vulgaire » c'était déjà très mal parti. Ils ne voulaient absolument pas écouter ce que j’aurais eu à dire là-dessus, bien sûr.
Et on ne peut pas dire que l’Angleterre n’a pas de culture scientifique. Dans notre café, qui ne cessait de produire des rejetons partout, nous avions toute sorte de scientifique célèbre qui voulait passer pour parler avec des gens intéressés par la science, des gens aux frontières de la science comme passion plus que métier. Les bars de science en France galéraient, malgré leurs subventions – ce qui ne me paraissait pas étonnant si leur objectif était d’expliquer, de manière condescendante, ce qu'était la science, sans écouter personne. Nous non – même pas du tout, même pas les scientifiques – c’étaient souvent des lanceurs d’alerte qui avaient des graves préoccupations sur certaines questions. Ils voulaient comprendre et être compris, en général. Par exemple, des gens qui étaient en train de découvrir que l’énorme univers de l’ADN « junk » n’était pas « junk » ou qui mettaient en cause les effets du Prozac (c'est comme le Ritalin) sur certaines populations.
Quand je lis le livre des scientifiques de la Fondation Nicholas Hulot, … comment dire, ... je vois que cela n'a guère changé. La tour d’ivoire, le mépris de classe, tout est là encore. Il n’est pas suffisant, dans la conjoncture actuelle, d’attendre que le modèle s’effondre – il faut s’allier avec des confrères et sœurs pour représenter un vrai pôle d’expression des scientifiques et de non-scientifiques innovants – et peut-être tout simplement casser – oui « casser » le pouvoir monolithique de la CNRS. Surtout faire que les bio-sciences, les sciences humaines et les expériences d'immersion fassent partie intégrante de cette « Broad Church », cela devient juste … absurde de ne pas comprendre cela. Si on ne fait pas attention, on va constater, après coup, que la seule science innovante est en train d'être pratiquée par des "profanes".
Paradoxes
Dans les circonstances du confinement et du couvre-feu, c’est la libre-association physique qui est réprimable, alors que la solidarité collective devient très importante. La virtualisation de la communication assez directe qui s'y substitue commence à faire substance. Malgré cette aubaine, on cesse de parler du sort des laissés pour compte, se concentrant surtout sur des grands groupes faciles à identifier et institutionnellement encadrés – enfants à l’école, vieux en EHPAD, étudiants à l’université, … en fait le journalisme ne sait pas accommoder les individus sauf en termes de représentants de l’un ou de l’autre des groupes cibles, sa volupté de catégorisation chiffrée induisant une adaptation à ce conformisme-là. C’est pour dire, la média et les sciences sociales ont tendance à inventer la réalité des discriminations par groupe - il y a les a-groupaux aussi, vous savez? Il est difficile ensuite de dire qu’il y a des lobbies … il n’y en auraient pas si on ne les confectionnait pas, conceptuellement, à tout va.
Dans la première et la deuxième guerres mondiales, l’unité (le patriotisme) et l’esprit de corps ont été des valeurs exaltées. Il reste que les lanceurs de la Résistance en France ne venaient pas de la société en général, sinon des groupes ciblés et persécutés par les Nazis et les forces de la France occupée – juifs, communistes et syndicalistes pour la plupart. Cela a pris deux ans pour s’élargir aux « français de souche ». Qui encaisse? Qui résiste?
A la fin de la première guerre mondiale, avec ce grand brassage de gens en transit et de retour de partout sur la planète, la grippe dite « espagnole » a tué presque autant de monde que la guerre elle-même. Dans la deuxième guerre mondiale, la santé physique et mentale de la population britannique a sensiblement amélioré – à cause des « privations » et du niveau d'engagement physique nécessaires, si l’on veut, un genre de corticoïdité générale. Suite à la première et à la deuxième guerres mondiales, des institutions inclusives visant la paix et la coopération mondiales ont été créées, basées sur des concepts de droits et de dignités humains absolus, sans distinctions de race, de religion, etc. L’accélération du développement des mises en œuvre des idées est démontrée par les missions lunaires, le savoir-faire de la solidarité induit par « la guerre » a continué d’atteindre des pics de progrès dans les décennies après sa fin.
Je commente le livre L’Intelligence Collective (œuvre citée, publié en 2016) parce que les idées qu’il contient peuvent avoir une forte influence sur l’opinion des preneurs de décisions dans des positions de pouvoir politique et sociale, pour le bien et pour le mal.
Résumé (abstract)Intelligence Collective
Dans l'ordre, bien sûr, étant donné que je viens de le commenter, indirectement! Le livre prend des exemples de ce que font des petits enfants et des petites tribus non-civilisées pour illustrer sa thèse, que les êtres humains ne sont pas plus intelligents au niveau du raisonnement pur que d’autres animaux, individuellement, mais qu’ils ont des spécificités, distinctes des autres animaux, qui font qu’ils vont enregistrer, reproduire et appliquer des normes sociales, même contre la raison apparente. C’est leur mimétisme, leur soumission sociale (domestication) qui est leur qualité distinctive, au dépens de leur intelligence, supposément. Le « prestige » est séparé de « la dominance » - c’est-à-dire, le statut social d’un individu dépendra plus de son taux de popularité et intégration sociale que de sa « dominance » physique, ce qui fera qu’on le suivra (et ses opinions) même si rationnellement on pourrait savoir qu’elles ne sont pas fondées. Par exemple, on va suivre tous les pas d'une rite ou une danse, sans discriminer celles qui sont vraiment adressées à une fin identifiable - au contraire des chimpanzés.
L’hypothèse qui sous-tend la thèse est que les êtres humains ont commencé leur évolution dans des groupes relativement petits ou dans des organigrammes tribales composées de petits groupes. Pour parvenir à une gestion de grandes populations, on a commencé donc avec les outils affûtés à l’usage de petites populations, entre eux et en lien direct personnel. Cette « domestication » culturelle a forcé l’évolution de nos cerveaux dans un sens social, plutôt que dans le sens que nous soyons individuellement plus « performants » vis-à-vis nos concurrents humains, sauf dans le secteur de l’« obéissance » (soumission) à des règles d’association sociale. L’importance de la thèse dans le contexte présent est qu’elle a tendance à miner notre confiance dans notre capacité à résoudre nos problèmes collectifs de manière bien raisonnée, donnant plutôt des outils aux manipulateurs de l’opinion, générant la confusion et le syndrome de la post-vérité. Ce thème est courant dans le monde scientifique. Il peut normaliser l’expectation de malhonnêteté. Henrich paraît démontrer que les humains ont cependant plutôt tendance à être honnêtes, ce qui est moins coûteux cognitivement et socialement, mais que cette "honnêteté" se détermine par référence aux normes socio-culturelles plutôt que par rapport à la vérité concrète. Exemple qui me vient à l'esprit - l'ordalie (époque dite 'féodale').
Critique Intelligence Collective
Il se peut que la thèse, comme celles de Freud, a ses mérites mais qu’elle est mal-barrée dans sa spécificité, faute de connaissances étoffées et pointues. Il peut très bien continuer de coexister des trait parallèles et complémentaires dans le sein d’une même population. Il peut d’ailleurs se développer des conventions « antidotes » plus puissantes que l’obéissance aveugle aux conventions fafolles – c’est ce que j’essaie de démontrer plus haut. Le conformisme culturel est un outil de sélection évolutionnaire puissant, mais à double tranchant. Il n’y a pas grand-chose qui interdit l’idée de la massification des populations humaines dans le lointain passé, non plus, qu’ils soient nomades ou sédentaires, ce qui rend moins plausible l’idée que l’on peut prouver des traits culturels déterminants « innées » en observant des cultures « vierges » de taille mineure. Comment en extrapoler des caractéristiques culturelles universelles de ces dénominateurs communs à l’échelle individuelle, ce ne sont que des analogies ? Il y a surtout une sous-estimation « méprisante » de l’intelligence adaptative dans des cultures diverses – par exemple pour une culture très nomade, la pauvreté en biens est une richesse en mobilité adaptative – pour les animaux cette richesse interactive avec l’environnement « crée » l’intelligence qui manque souvent aux sédentaires sociaux.
En partie mes critiques sont logiqement injustes - Joseph Henrich tente de montrer que les mécanismes de l'évolution culturelle existent, que c'est ces mécanismes qui travaillent notre évolution génétique et notre biologie, plus qu'on a voulu l'admettre. Soit. Cela peut rajouter de la rigueur explicative. Il peut aussi limiter notre confiance collective dans nos capacités autonomes, comme rouages dans cette machine sociale infernale et aveugle, dominée par des résultats chiffrés. Il me semble, cependant, que cette approche "numérique" vient avec notre jouissance dans le monde des statistiques computationnelles - c'est tout frais, c'est une mode. La démocratie représentative est également sous la régie de simples chiffres, en apparence. Ce n'est cependant qu'une angle sur la réalité du monde.
Dans une publication sur les meutes de chiens et le danger qu'ils représentent, le conseil est donné qu'ils n'attaqueront jamais deux personnes - c'est déjà une "meute" humaine pour eux. Dans la plupart des mouvements sociaux, il suffit souvent de deux ou trois personnes résolues au début pour lancer un effet "boule de neige". Dans la "science" de la gestion, on conseille de faire travailler en groupes de 5 à 8 personnes. En dessous, on est trop exposé à la perte d'individus clés à l'entreprise. Au-dessus, cela devient compliqué de gérer l'ensemble san frais administratives trop lourdes. Il y a peut-être des bonnes raisons pour lesquelles les animaux n'ont pas intégré la capacité de compter dans leur "boîte à outils" cogntif. Pour utiliser un outil cognitif, il faut déjà que cela éclaire plutôt que d'obscurcir l'analyse d'une situation agissante.
L’idée qu’il y a des catégories du vivant sociales et des catégories non-sociales est questionnable. Plusieurs espèces peuvent basculer d’un état à l’autre, dans toutes les catégories, selon le cadre. La reproduction et la prédation sont des actes sociaux communs à tous les mortels, parfois en fin de vie (pieuvres, araignées).
Les criquets et les flamants roses peuvent former des vastes communautés, sans être équipés des traits culturels humains. Les invasions des hordes nomades mongoles (Genghis Khan), en Chine ou en Europe, ont déployé des masses d’êtres humains et trouvent une origine dans les pulsations démographiques dans les steppes de l’Asie Centrale, décalées de quelques années suite à des « bonnes années » de pâturage. Les plus anciennes civilisations en partie sédentaires, comme celle de l’Égypte, ont su employer des masses de main d’œuvre à bon escient. C’est-à-dire, la capacité de former et de stabiliser des cités et des citadins, des armées et des caravanes, n’est pas un bon indicateur du progrès évolutionnaire, que ce soit une coévolution culturelle et génétique ou une évolution purement génétique, mais un produit constant de circonstances conjoncturelles, depuis qu’on sait se déplacer, même si les liens individuels dans un groupe peuvent bénéficier d’une mémoire plus grande qui permet de situer plus d’individus et de classes d’individu.
Ce type de mémoire peut également s’employer, comme dans le cas de l’orang-outan ou de l’éléphant, pour mémoriser des territoires, des calendriers saisonniers et des sources d’approvisionnement. Le raisonnement qui mène Henrich à supposer qu’il y a une « évolution culturelle » de l’intelligence collective a un défaut – nous ne paraissons pas en avoir beaucoup, d'intelligence collective culturelle - elle prend facilement des dérives. Les questions "comment?" de la science peuvent trouver des réponses à menu sans que les liens de causalité de l'ensemble soient ainsi décrites - un cancer humain est une désordonnance de la cohérence d'une vie humaine - est-ce la même matière? L'heuristique de l'intelligence collective n'est pas juste une série de mécanismes fortuits statistiques. Le "corpus de savoirs faire" auquel tient Henrich pour étayer sa thèse est éternellement réinventé, mutant. Le plus apte, évolutionnairement parlant, peut ête celui qui a un cerveau moins développé - cela paraît être le cas avec tout animal domestique par rapport à sa version "sauvage". Le "nous" domestiqué, est-ce qu'il a éliminé les nous plus intellectuellement développé sauvage ?
L’une des choses qui peut enflammer le plus, des américains, est « si tu veux réussir comme moi, fais comme moi – regardes, je suis riche et [béatement] heureux » (la chanson "I'm the King of the Jungle", dans le film du Jungle Book par Rudyard Kipling, version Walt Disney, exprime bien ce sentiment). Oui, au dépens du reste du monde, en singeant la méthode coloniale anglaise. Il me semble que mon point de vue est devenu un peu daté et que les américains sont en train de mûrir suffisamment pour reconnaître leurs erreurs – je l’espère, il y a beaucoup à défaire.
L'Intelligence collective appliquée
L’intelligence collective « civilisée », par contre, peut très bien s’approcher d’une évolution culturelle plus que génétique, si elle réussit à réconcilier les divers intérêts « écologiques » de ceux qui co-occupent l’écosystème, plutôt que de tenter de le remplacer. Tout le monde est d’accord qu’il existe plusieurs variantes de culture qui fonctionnent de manière relativement stable, au moins jusqu’au rencontre avec d’autres civilisations. Le nomadisme peut succéder au sédentarisme agropastoral, si un écosystème excède ses limites, parce qu’il permet de vivre à moindre consommation de ressources et à moindre essor démographique. L’interaction nomade-sédentaire réussie est une signe de sagesse culturelle, à cet égard, puisqu’il est incroyablement difficile à réussir.
Les cultures de conquête et de colonisation, par contre, n’ont pas marché, écologiquement, puisqu’elles ont eu tendance à dépasser rapidement la capacité de leurs propres écosystèmes et celles des autres ensuite, enchaînant les « défaites » écologiques en série. Autant l’aspect désertique de l’ouest de la Grèce qu’une grande partie du sud-est de l’Espagne et de l’Afrique du Nord mettent en évidence les effets du surpâturage des chèvres, aujourd’hui encore. Ces effets délétères au sols du colonialisme grecque, phénicien et autres datent souvent d’il y a plus de 2500 ans (récits de Platon). De dire que le colonialisme a marché parce qu’il a dominé, éliminé ou culturellement assimilé les concurrents est de la pure fiction. Sa propagande a marché, ça oui. Les grands dinosaures qui ont « dominé » la terre ne sont plus là et ce sont les virus, les maladies et les épuisements d’écosystème autant que les guerres qui ont vaincu le plus les êtres humains, jusqu’à effacer leurs traces et leurs histoires.
Des idées reçues ...
Les idées reçues de l’intelligentsia, de l’élite, sont très conditionnées par leur propre environnement et modes. Par exemple, en lisant cette œuvre du chef du département de "Biologie évolutive Humaine" à Harvard (faux pas que je dise "ethnobiologie"), je suis frappé par ses interprétations inconsciemment biaisées par des valeurs culturelles américaines et allemandes, tout comme je le le suis en France. Il définit la rationalité de l’intéressement personnel par le « toujours plus » monétaire et matériel, comme Nicholas Sarkozy en avait l’habitude lorsqu’il était au pouvoir. Un nomade n’a aucun intérêt à porter beaucoup, il ne fait pas la même erreur. Les allemands et les néerlandais font des expériences par rapport au conformisme général, ce qui ne cesse d’amuser les anglais. Les enfants américains et allemands s’allient toujours à ceux qui ont le plus de proximité linguistique, ou qui sont du même sexe, etc., ce qui laisse à penser que même s’ils deviennent « anti-racistes », personne ne les aura fait vraiment croire que la catégorisation des gens de cette manière soit à questionner ...
Les britanniques sont des raisonneurs souvent non-hiérarchiques et fraternels, par rapport aux cultures mentionnées. Le non-conformisme est institutionnalisé et représente au moins 6 millions de personnes dans une population de c.65 millions, avec une influence disproportionnée. L’arrivée du non-conformisme est bien sûr le résultat d’un excès de conformisme, mais notons que ce n’est pas l’anti-conformisme, sinon une accommodation de la réalité du vivre ensemble. Cela veut dire baisser les yeux, plutôt que lancer un défi, par exemple, refuser de s’engager ou se retirer au lieu de contre-attaquer. L’idée d’un rapport de force n’est pas très bien compris en Angleterre – si cela en vient à un rapport de force, c’est qu’on a déjà perdu la raison, normalement. Les rapports de raison et non pas de force sont définitivement préférables.
On peut me critiquer pour ma manière autoritaire de « dire » le caractère anglais, mais je ne cherche qu’à démontrer que si on accepte que nos savoirs sont bâtis sur des conventions culturelles plus que sur l’intelligence de l’individu, des conventions qui, comme raccourci, peuvent s’appeler « l’intelligence collective », on doit aussi pouvoir accepter qu’une croyance largement partagée au Dieu « raison » et à son Saint « le rasoir d’Ockham » peut en faire partie.
D’autres exemples dans le cadre anglais sont les anarchistes, qui choisissent presque sans exception de se vêtir de noir, avec des bottes noirs (comme si c’était la liberté de se conformer [aux codes vestimentaires de leurs ‘ennemis’]). Ils sont les analogues des « black blocks » et de l’éponyme passe-partout « Cami/lle » des ZADs. Cela fait contraste avec le désir de se vêtir n’importe comment pour subvertir les codes de l’uniformité, dans ces mêmes groupes. La mode joue avec les codes, elle aussi. Ces jeux sont des répétitions essentielles pour repousser le conformisme irréfléchie. L’anti-autoritarisme n’est pas contre l’autorité (nuance). Il y a une grande différence entre l’apparence et la réalité, qu’il faut souvent percer. Nous avons Robin des Bois (les français aussi, ils mettent l'électricité la nuit), les allemands Hansel und Gretel, les américains the Good the Bad and the Ugly. Etc.
Nous sommes tous les héritiers de l’Âge de la Raison. Nos « normes », si l’on accepte un moment les prémisses du livre d’Henrich, sont donc celles de « la Raison » qui dépasse le dogme. La Raison, c'et le vrai, même si le vrai est difficile à cerrner et dépend de la grille de lecture. Que ces mots existent depuis des lustres prouve notre connaissance et maniement de la problématique. Nous avons fréquemment eu, de toute évidence verbale, à y faire face. Nos normes de l’organisation des sciences du savoir prennent en compte la tendance à l’imitation des êtres humains, le système de « peer review » reconnaît cette réalité humaine, à l’égal du système parlementaire – nous avons donc dores et déjà des systèmes de « raison au pluriel ».
J’ai commencé cet écrit par citer des mots d’origines grecque et latine dans un dictionnaire physique français de 1977 (heuristique, heur) et sur wiktionnaire le mot sérendipité, d’origine sanskrite via le perse et l’italien (1557) et puis l’anglais. C’était en partie pour signaler que l’appréciation de « la raison » et de « la science » n’ont pas leurs origines dans l’époque moderne industrielle, sinon très longtemps avant, qu’on a peut-être oublié leurs origines pour faire cercle complet et revenir aux mêmes conclusions. « Heur-eux soit celui qui ne connaît pas son sort » sonne quand même mieux que « sérendip-iteux sera lui qui ne connaît pas son sort », ou, comme on me l’a dit une fois « la vérité est ce que dit l’oracle de Delphes, cherches à la comprendre ».
La dépréciation systématique de la raison, jusqu’à la dépréciation des « mots savants » (voir ci-dessus, abréviations du Petit Robert 1977) n’est pas pas une norme des civilisations dites primitives, sinon de la nôtre. Pour nos prédécesseurs, les mots étaient leurs outils de travail, pas un simple passe-temps social. Leur transversalité linguistique ne cessait d’enrichir la compréhension – des savoirs neutres dans un monde d’intéressement. L’un des graves dangers du numérique est de nous aliéner de nos outils cognitifs – les langues - qui nous permettent d’appréhender le monde – d’en faire un sens qui nous parle et qui nous donne les outils mentaux pour agir.
Reprenons
Finalement, je suis plutôt convaincu par les conclusions du livre de Henrich. J'ai l'habitude, dans mes processus d'apprentissage, de challenger vigoureusement tout ce qui va contre mes idées reçues - je crois que cela m'aide à m'engager avec la matière.
Les plusieurs points de désaccord surgissent peut-être de mon background, dans la culture des « hobbits ». Il dit avec raison qu'au lieu de nous tenir sur les épaules de géants, nous nous tenons sur les épaules de hobbits. Je pensais utiliser l'image d'Einstein comme exemple de la fulgurance de la génie humaine, mais je suis obligé de reconnaître qu'on ne pourrait plus hobbit que lui. Son entourage et ses expériences expliquent très facilement les outils et les possibilités mentales qu'il a pu acquérir. Ce contexte de haute qualité d'appréciation scientifique explique aussi l'acceptation du milieu scientifique pour ses idées.
Je cite une phrase (p456). « Non seulement un plus gros cerveau collectif produit une évolution culturelle cumulative plus ample et plus rapide, mais, si la taille ou la connectivité d'un groupe diminuent brusquement, ce groupe risque de perdre collectivement des savoir-faire culturels au fil des générations. » Et une autre (p460): « Avant que le commerce international n'ouvre pleinement les océans pour en faire des grandes voies maritimes, nos cerveaux collectifs étaient limités par la taille et la géographie de nos continents. »
Dans les dernières chapitres du livre, Henrich propose que nous sommes en train d'évoluer encore, culturellement et génétiquement, en accélérant. Si nous lisons attentivement les deux phrases citées, deux critiques ressortent. Où arrête la taille de la croissance du cerveau collectif? Les lois de l'évolution requièrent des populations différenciées et séparées aussi. La connectivité d'un groupe peut diminuer brusquement si, par exemple, le schéma d'information rend difficile le discernement à sa juste valeur des informations pertinentes. En fait les arguments, à ce niveau-là, d'Henrich sont grossièrement simplistes - comme des haches en pierre rudimentaires. Nos nouvelles technologies de la dissémination de l'information ne sont aucunement culturellement assimilées, nous n'avons pas eu le temps d'adaptation nécessaire. Les sciences ne se montrent pas assez adaptatives, non plus. Ses théories peuvent aider dans le processus.
Il me semble que si je réagis mal à ses propositions, ce n'est pas parce qu'il a tort, ni parce qu'il a tort de les élaborer, comme outils utiles. Non. C'est parce que je viens, moi aussi, du pays des hobbits - le pays qui a eu l'empire maritime mondial qui a permis à ses scientifiques de relier autant de points d'information culturelles plus tôt que d'autres cultures et de faire que sa langue devienne la lingua franca du monde savant entier. C'est-à-dire que l'Angleterre a un temps d'avance dans le développement d'outils culturels particulièrement bien adaptés à notre époque industrielle et post-industrielle et à la crise écologique présente.
La taille
L'Angleterre n'est pas de très grande taille, mais elle est exceptionnellement bien connectée. Henrich ne met pas de confins sur la taille des groupes, on ressort avec l'idée que plus c'est grand, mieux c'est. Ni est-ce qu'il analyse le jeu entre les groupes de différentes tailles, à part dire que les individus savent discriminer entre un bon enseignant et un mauvais enseignant. Peut-être il se défendrait en disant que c'est hors sujet, mais le sujet est la biologie évolutive humaine et l'hypothèse est que les boucles de rétroaction existent. La population humaine est de plusieurs milliards de plus que naguère, on peut se sentir noyé dans la masse. Son évolution est menacée par l'extinction, pur et simple, par l'excroissance de la population. Même à des populations plus réduites, l'humanité a eu des impacts très forts et parfois adverses sur l'écologie de son milieu de vie, dans le passé, une boucle de rétroaction aussi significative que celle qui opère socialement ou dans l'invention d'outils. La pression démographique est une réalité humaine, elle change les rapports entre nous pour créer de l'ouverture sociale ou de la fermeture (repli) sociale. Comme la société est dynamique, il y a une constante insertion sociale de nouveaux venus dans des hiérarchies sociale plus statiques ou stables. Ces arrivants ont tendance à l'ouverture sociale (ils cherchent à s'intégrer). Les hiérarchies consolidées cherchent au contraire à défendre leurs acquis. L'équilibre entre ces deux forces est critique pour le passage de savoir adaptatif.
La nature précise de la connectivité intrahumaine, hors liens familiaux et tribaux, spécifiquement technologique et macro-systèmique, adaptée à ces vastes populations en convergence culturelle, devient la préoccupation centrale. Pas la taille, puisque tout le monde, ou presque, est interconnecté - trop interconnecté. Une fois un certain seuil dépassé, on passe à des critères inter-taille, ce que j'appelle d'inter-connectivité fractale et dynamique. Ce n'est pas un tout ou rien, la granularité rentre en compte - c'est-à-dire la cohésion sociale à diverses échelles. On peut argumenter que peu importe le confort communicatif de chaque individu, mais c'est ce qui a le plus d'importance pour que la culture humaine ait une existence fonctionnelle. Si les tribus, les us et coutumes, les unités familiales commencent à être perçues comme sans importance - qu'est-ce qui peut les remplacer ou les étayer ? Je ne fais qu'accepter son constat que nous sommes en train d'évoluer, plus rapidement que jamais. Ce n'est pas la fin de l'histoire. Le vrai sujet est de recentrer la sciences en les concentrant sur le rapport qu'ont ces cerveaux collectifs, ces cultures et leur organisation à notre existence. Comme le dit Henrich, ce sont des facteurs co-évolutionnaires - notre manière de nous transporter et de transporter l'information impacte notre organisation sociale et notre capacité de mettre en œuvre les politiques nécessaires. Pour convaincre aux gens de changer d'habitude, il faut qu'ils se trouvent dans des cadres apprenants susceptibles de produire les résultats désirés. En tout cela, nous sommes très déficients. Les écoles n'ont jamais été aussi efficaces que lorsqu'on était dans la découverte de leur valeur, motivés et enthousiastes.
Peut-être ce n’est pas si complexe. Prenons quelques normes. En France il y a vraiment beaucoup de gens maintenant - autour de 70 millions, il me semble. Plus qu’avant. On était autour de 40 millions il y a moins d’un siècle (années 1940). Nous sommes des hyper-consommateurs aussi, par rapport à cette époque.
La complexité, ce qui se passe en avale et en amont fait des impacts. Les agriculteurs font des impacts. Ils ne peuvent pas faire comme avant – ils ne font pas comme avant. Même sans normes.
Il faut qu’ils acceptent qu’ils vivent dans un écosystème qui génère de la biodiversité – qu’ils en font partie. Si Edgar Morin fait partie de ceux, avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui ont en partie fait vivre ces mots et ces récits, tout récit peut mener à une interprétation erronée. Il est vrai que le Développement durable est un oxymore dans son usage présent, mais Small is Beautiful (c.1968) fait toujours mieux contre l’échelle industrielle que Décroissance (c.1972) et croissance verte se met carrément au service du green-washing.
Donc je pense que Xavier Noulhianne, l’auteur du livre Le ménage des Champs, Chronique d’un éleveur au XXIe siècle (2016) a à la fois tort et raison. Il a raison que l’invasion des normes de qualité et de traçabilité industrielles actuelles est néfaste et inique. Il n’a pas raison de s’attaquer à la raison systémique. Il a raison de s’attaquer à cette raison systémique qui nous domine, à présent, mais pas à « la raison systémique » ou à toute raison systémique, ou à toute « rationalité ». Il a raison de douter de la valeur des idées « marques » - comme la Bio (grand B), mais nous avons besoin d’une lexique rafraîchie pour pouvoir comprendre et discuter du monde dans lequel nous nous trouvons. Le mot « résilience », dans le sens qui lui est accordé aujourd’hui, est emprunté à l’anglais où il est déjà rentré dans la langue courante il y a longtemps. Cela veut dire donc « savoir fléchir sans casser ». Je ne l’utiliserai plus maintenant, après l’explication de Xavier Noulhianne que la résilience veut dire que cela use quand même le matériau.
Lorsqu’il ébauche l’analyse des tenants et aboutissants du bio (petit b) à partir de 1972 en les contrastant avec les tentatives de normalisation actuelles, le puçage des chèvres, la télémétrie satellitaire, l’utilisation des agriculteurs au service des industries des pesticides et des machines agricoles, il a raison de nouveau. Mais ce n’est pas pour autant que le petit éleveur de bétail n’est pas critiquable, de son côté, et cela bien avant le présent.
C’est que les mots, il ne faut pas les céder. Les récits non plus. C’est une bagarre de sens, mais pas sans mots. « Solutions techniques » est une autre expression problématique, à l’égal de « la Science ». On cherche bel et bien des solutions à nos problèmes écologiques – des solutions qui donneront des bons résultats physiques. Nous sommes des êtres physiques. Notre bien-être mental – ou spirituel – a lieu dans nos corps et ceux d’autrui. Au lieu de rejeter la science et la technologie, il faudrait récupérer ces mots et les reconnaître pour ce qu’ils sont : des manières de décrire n’importe quelle technique ou savoir faire, qu’il soit humain, social, technologique, physique, chimique. Les mots commencent à perdre leur sens quand nous les employons pour vouloir dire autre chose que leur sens simple, non-dilué.
Je me suis saisi d’une expression « théorie de l’information » dont je ne suis encore pas au courant de ses subtilités académiques. J’ai compris que l’information passe par des agents, des agencements – j’aurais dit « localisés » mais j’aime bien le mot « situé » qu’on commence à utiliser – situés dans l’espace-temps. Dans notre espace-temps de tout un chacun.
Je pense que si le passage d’information et de matériel physiques devient de nouveau « situé », c’est-à-dire localisé – et que cela emploie des agents humains, dans leurs déplacements à l’échelle humaine, nous retrouverons vite une manière de nous adresser physiquement et socialement aux défis écologiques qui se présentent à nous. En ceci je suis déjà pleinement dans le champs d’accord avec la petite paysannerie, telle qu’elle a été, avant 1948.
Mais il faut pour cela des modèles physiques réelles d’infrastructure – en mouvement - dynamiques. Et le petit fermier sur ses 16 hectares ne fait pas l’affaire – il est statique, sans main d’œuvre, « seul face à une actualité jamais saisissable ». Il faut modéliser un système d’autonomie en mouvement, ce qui nous met face à l’altérité – être des gens qui bougent, souvent en formation, en faire jusqu’à une mode de vie. Le monde paysan est autant mis à mal par ces mouvements de populations que d’autres habitants sédentaires, à qui la sédentarité est rendue possible par la voiture. Avec les boucles de retro-action fonctionnelle entre sédentaires et nomades, c’est la complémentarité de ces deux modes de vie qui devient de nouveau possible, mais comment ?
Je pense que les marchés ruraux, mais pas seulement, urbains aussi, démontrent déjà comment cela peut se faire. Pas les ventes « à la ferme » qui ne font qu’une autre version de l’ingénierie socio-économique des supermarchés et des zones pour chaque filière. Les marchés de plein vent répondent logiquement aux besoins d’un espace-temps où les gens peuvent coïncider, en bougeant. La bénéfice est de créer des séquences et des rythmes sur lesquels on peut construire sa vie en déplacement. Ce qui manque, c’est l’accueil – les auberges, les lieux de stockage, les campings municipaux et les potagers qui desservent les populations qui bougent. Ce sont aussi les intérêts partisans, exclusifs, qui terminent par rendre la vie active impossible. Ce sont les occupants de milieu rural qui « ne veulent pas » de populations itinérantes, à moins qu’ils viennent avec l’argent. L'inutilité humaine, elle aussi, est un produit du système - et très dangéreux pour nous tous.
Noulhianne ne paraît vouloir s’adresser qu’à ses frères et sœurs éleveurs, comme camarades dans sa lutte. Il cite ce genre de lutte sectorielle comme « exemplaire », tout en reconnaissant son impossibilité dans les conditions atomisées d’aujourd’hui (p244., par rapport à « Des éleveurs contre la sélection d’État »). Il prétend, avec raison il me semble, que la situation terrible des éleveurs n’est qu’un exemple de plus de la société systémique qui nous afflige. Il faut donc trouver moyen de concentrer les forces, pas les balkaniser, sinon le propos n'est pas sérieux. Sans nier que l'information et le témoignage sont bien utiles, impressionants même.
C’est la voiture en combinaison avec le téléphone portable/ordinateur que nous utilisons actuellement pour ces échanges d’information et de denrées. Mais si cela devient trop cher, même dans une économie de marché les êtres humains sans prothèse peuvent commencer à faire une concurrence économique contre ces moyens industriels – comme c’est déjà le cas avec l’utilisation du vélo en ville. Le fait de resituer nos moyens de communications – de faire renaître l’utilisation de téléphones fixes et non-individualisés, par exemple – conjointement avec une bonne discipline de focalisation sur l’exécution des tâches humaines, sans la facilité de l’hyper-consommation d’énergie - rendent encore plus intéressant cette approche. L’augmentation de l’horticulture en campagne n’est pas une proposition alléchante pour des gens riches ou cultivés, sinon pour des pauvres qui veulent s’en sortir.
Cela nécessite des entreprises en commun – de la coopération, de la coordination. Cela fait renaître l’intérêt pratique qu’apportent d’autres êtres humains.
Ce que je décris ici est une pensée systémique. J’ai toujours été de l’avis que cela sied très mal à un membre de la société « toute voiture » – une vraie monoculture, surtout en campagne – de protester contre la création de systèmes qui ne dépendent pas des machines industrielles. Si on est pro-humain, on devrait pouvoir envisager des systèmes qui mettent la primauté sur le fonctionnement physique et social humains. Si on prétend valoriser la dignité et les droits humains, la cohérence veut qu’on crée des possibilités de vie fonctionnelle sociale très humaines. Cette pensée « systémique » n’est autre qu’une reconnaissance que l’infrastructure, l’entre-nous, l’altérité font partie de notre humanité – que de traiter de chaque humain ou petit groupe d’humains comme un isolat social nie à la communalité de nos vies.
« Nous ne pouvons pas tous vivre comme des Amishs » - c’est le président Macron qui a dit quelque chose du genre. Dans un reportage sur les Amishs de cette époque-là (c.2018-9), on a raconté qu’on a vu des Amish utiliser des portables (dans un marché de bétail), que ceux qui en utilisaient ont expliqué qu’ils allaient aussi à la « petite maison » au fond du jardin en cas de besoin sévère pour les utiliser et que c’était pour pouvoir au moins être en contact avec la société en dehors de leurs communautés.
Je pense que les Amish donnent à réfléchir. Je ne connais pas leurs raisons religieuses, mais ils ont quand même réussi à se tenir, sans fléchir, face à la « techno-société » la plus forte du monde. L’exemple ci-dessus montre leur pragmatisme et non pas la psycho-rigidité qu’on leur attribue. L’urgence écologique est une urgence physique – nous devons déjà être en mode carbone-positive, bio-diversité-positive, dépollution et tout le reste, surtout là où la surconsommation est enracinée, si c’est du tout du tout possible. L’exemple compte pour beaucoup – il y a plein de cultures qui sont « en voie de développement » vers le modèle que nous présentons. Les chiffres pratiques comptent pour beaucoup – c’est nous qui sommes actuellement en train de faire consommer le monde, de par notre surconsommation actuelle.
Le marche à pied et l’emploi physique humains sont potentiellement carbone-positives, productives – et socialement utiles. Dans une infrastructure économique qui prend en compte les critères écologiques, elles le sont plus encore. Il est sûr que de telles normes sociales rencontreront de la résistance, mais aussi du soutien. Il y a beaucoup de formes de travail qui deviennent rentables, surtout en campagne, si on n’a plus à payer la voiture individuelle. Et en engageant les gens physiquement avec la nature dans laquelle ils se déplacent, on est en train de créer, de former des outils d’apprentissage pour des populations qui en sont éloignées. Nous n’avons qu’à créer les formations qui permettent aux gens de se déplacer en faisant revivre la nature pour donner la confiance aux gens que c’est faisable.
Cela mettrait en net relief les technologies qui servent et celles qui ne servent pas à l’intérêt collectif. Ayant au moins une méthode sociétale qui nous permet de stopper le réchauffement climatique, etc., nous nous créons une marge de manœuvre pour rétablir le rapport de force avec lesdites machines, une manière de les accommoder culturellement, tant soit peu. Par rapport à l’argent, le fait de faire tourner une économie physique, sans ou avec peu d’argent, est une manière de resituer les impôts là où on génère la revenu. C'est d'une logique impeccable ... écologique. Sinon, à quoi sont destinés les impôts?
Ce ne sont donc ni des solutions bison-ours ni Utopiques, mais très enracinées dans toute nos réalités, capables d’être soutenues pragmatiquement par des acteurs à toute échelle de la pyramide décisionnelle.
Si j’ai commencé par l’exemple que donne ce livre Le ménage des champs ... par Xavier Noulhianne, c’est que lui, comme la quasi-totalité des écrivains et penseurs jusqu’à là, ont une pensée que je qualifierais de « statique » de fonte en comble. Et cela alors qu’il a un cheptel de ruminants qui sont faits pour bouger (transhumance) à travers des pays où il se passe autre chose que l’élevage. Cette pensée me paraît manquer de calculer le mouvement – les choses et l’information qui bougent – et louper donc les questions fondamentales de l’infrastructure qui nous inclut. Chacun est plaqué sur place, à attendre « les visites ». Il est vrai qu’une pensée systémique non-dynamique nous oblige à l’application de normes qui viennent d’en haut. Si ce n’est pas par le consentement, par la force. Je propose des solutions dans lesquelles on participe, où on est acteur, à l’échelle requise. Il est évident que tout système proposé peut avoir ses défauts – que l’on découvre, au fur et à mesure. Le fait de bouger, sans être isolé, est déjà un passage à l’acte, à l’acte qui mobilise, qui fait découvrir. Pour les gens statiques, j’ai l’impression que cela représente une profonde menace – et je peux les comprendre. Mais il faut chercher l'engagement quand même. Dans mon expérience il n'est pas nécessaire de "chercher le conflit" - cela vient tout seul. "s'imposer dans la réalité de cet autre afin qu'il ne puisse échapper à notre propre perception du monde" (p.230) - cela revient à ce que j'ai déjà dit - il faut bouger. Les manifestations et d'autres actions symboliques de courte durée sont pires que rien, elles font acte de n'être que symboliques.
La liberté de mouvement et d’association (la non-censure) sont quand même les libertés primordiales desquelles écoulent toutes les autres. La « race » des agriculteurs est très bloquée, plus apte à des travaux de force que des courses de fond – ce serait peut-être le résultat de la sélection artificielle ? Blagues à part, la dignité et les droits humaines se perpétuent parce qu’on cherchent à les défendre pour tout le monde, pas parce qu’on les accorde à soi-même en fermant la porte aux étrangers.
Et j’ai des petits doutes. Dans une société agricole tellement appauvrie en petits paysans, est-ce que ceux qui ont trouvé bien de « rentrer dans le système », malgré ses défauts, sont vraiment les meilleurs conseillers ? Est-ce que Xavier a un tracteur ? Est-ce qu’il accepterait de faire faire à main ce qu’il fait actuellement avec le tracteur ? Est-ce qu’il traiterait les gens de passage comme des gens de statu social égal ? Est-ce qu’il accepterait de replanter des arbres (fruitiers) et des haies, en leur assurant la protection des déprédations du bétail pendant qu’ils poussent ? Il me paraît que tous ces efforts sont des efforts conjoints avec autrui et qu’ils ne marcheront que lorsque chacun y trouve son intérêt, pas seulement le détenteur du terrain. La ré-physicalisation (rématérialisation) de ces intérêts, en dehors du sphère purement financier, est la même chose, en réalité, que la reprise en compte du physique – de l’environnement, du vivant, comme des ayants valeur et des ayant droit.
C’est-à-dire des vrais intérêts, qui ne tarderont pas à se réintégrer dans l’économie globale. Cela implique que la dominance de ces « biens » de surface terrestre deviendra de nouveau un sujet très chaud. Des tout-petits paysans vont se trouver en relation avec des grands propriétaires terriens. Il va falloir s’arranger avec des « colons » (« métayers » qui se déplacent, c’est le sens original du mot), des « sans terres » qui veulent cultiver et qui n'attendent pas l'argent qui tombe du ciel. La renaissance d’un sphère d’action sociale restimulera les activités de groupes sociales organisées autour du travail vivrier. Ceux qui viennent planter des arbres, cultiver des potagers et aménager des chemins risquent de faire naître un autre équilibre de pouvoir politique qui n’a rien à voir avec ce qui existe actuellement dans les territoires non-urbains. Très loin des préoccupations des paysans et des fermiers actuels et souvent conflictuels.
Il est évident que le bio vient de la préoccupation avec la manière de pratiquer l’horticulture (l’agriculture est à une échelle trop grande pour être sérieusement écologique, pour moi) et non pas de la « qualité » de ces produits – qui en écoule en tous cas. Mais on peut se permettre de penser que si notre lutte écologique est sur tout le territoire, la production de fruits et légumes n’est pas l’aune par lequel on peut juger notre réussite. La transformation, les arts culinaires, la santé publique, mais à vrai dire toute l’infrastructure qui se concentre dans les autres industries et dans les centres urbains va se retrouver également intégrés au tissu de ce qu’on appelle la campagne, la « ruralité ». C’est notre affaire à toutes et à tous.
Il est donc important que les agriculteurs et ceux qui habitent actuellement en milieu rural soient proactifs dans l'invention de cette nouvelle infrastructure s’ils ne veulent pas couler sans trace. S’ils veulent se spécialiser – dans l’élevage par exemple – qu’ils pensent à créer des bails pour que d’autres gens puissent produire des légumes, beaucoup moins dépensières en surface. L’augmentation des fissures sociales – des gouffres – prend une forme où elle permet à des très riches et leurs dépendants de bouger entre la ville et la campagne en toute liberté, alors que les pauvres doivent rester dans et à proximité des milieux urbains. Cette polarisation est tellement forte – et croissante – que l’écologie sociale se trouve de plus en plus en antagonisme profonde avec les conservateurs de la nature, excessivement privilégiés, excessivement informés des traditions perdues dans les génocides culturelles successives des couches inférieures. Avec la fluidification, en bon ordre, de nos voyages en milieu rural, nous pouvons espérer trouver des remèdes à cette situation, mais s’il y a fermeture, l’occupation des zones rurales deviendra une source de conflit croissant. La possibilité de créer une vraie interactivité située, entre des agents situées autonomes, fait partie de la science nouvelle, qui révalorise l'humain, qui passe par l'humain.
Tournons maintenant à des manières d’agir pragmatiques dans notre situation actuelle, réelle. Avec le confinement et le couvre-feu qui se terminent, le désir d’aller voir le pays, de se décontracter, est en train, sans doute, de se manifester et de prendre forme. Ceux qui sont les mieux à même de passer à l’acte vont relancer des initiatives. Il y a bien besoin de soutien logistique. Le mouvement écologique devient plus radicalement opposée à la société industrielle, il occupe des grandes mairies en milieu urbain mais pas des petites mairies en milieu rural, en général. Il prend le relais, dans le radicalisme de gauche, sur les partis de gauche traditionnels. Malgré les tentatives de désamorcer la formation de centres de pouvoir territorial conséquents, les anciens centres régionaux, les grandes villes provinciales, ont des liens forts avec leur arrière-pays, si ce n’est que parce qu’une grande partie de l’élite et de la population active y vie, y va en vacances une partie de l’année, est originaire des départements autour de la grande ville.
Il serait donc intéressant d’étendre ces liens à la population ouvrière – que les actifs désœuvrés en ville trouvent du travail écologique dans la campagne. La logique de la situation écologique, économique et politique est telle que cela est devenu presque inévitable.
N'oublions pas un seul moment que les paysages qu'il nous faut analyser sont ici – pas dans les pays sous-pliants, dans la mesure que c'est ici que l'on a consommé et qu'on va consommer le monde – dans les pays dominateurs d'origine. La rapidité de l'épuisement des ressources, de l'extinctinction d'espèces et d'individus est telle qu'il restera très peu pour les pays en voie d'adopter notre mode d'hyperconsommation hyper-destructrice.
Mais cette analyse ne doit pas se faire sur des critères purement physiques au niveau dit «local» – c'est la logique du paysage dans sa manière d'appuyer nos valeurs qui en est le sujet, de l'analyse. Car, bien sûr, ce sont les dégâts perpétrés dans des pays lointains, pour fournir nos «besoins» de consommation, qui font partie de notre paysage actuel. C'est même pour cette raison que notre paysage local ne nous sert plus guère à rien en termes de fourniture physique de ce qu'il nous «faut» pour vivre. Au contraire, il nous est façonné pour créer le néant, le vide sur lequel nous imprimons nos rêves et nos désirs secrets, sans nous déranger outre mesure.
Voyons comment ça marche. A l'époque de ma naissance, en Angleterre, les «bed-and-breakfasts» mettaient encore des panneaux avec «pas de noirs, pas de chiens et pas d'irlandais» écrit dessus – et la moitié de ma famille est très identifiée à son origine irlandaise de par le nom de famille de divers personnages célèbres ... en Amérique. Rappelons-nous que John Fitzgerald-Kennedy a décidé d'occulter la première partie de son vrai nom de famille pour des raisons électoraux. Il s'est fait élire, aux États-Unis, presque au moment de ma naissance. Cela a marché, dans les deux cas, malgré les obstacles.
Ces irlandais et leur histoire servent presque de «testbed» pour le modèle colonial grand-plan instauré entre le dix-huitième et le dix-neuvième siècle. Ils étaient les «navvies» («ouvriers de base» - péjoratif) sur les gros œuvres des chemins de fer, des canaux, etc., sur le «Mainland» - la base manufacturière pour les importations de ressources primaires dans les colonies. Les pouvoirs anglais ont toujours cherché à garder les ouvriers «noirs» en dehors de leurs frontières métropolitaines – ce n'est que dans les années 1960s qu'on a vu arriver des antillais en grand nombre (la génération «Windrush») un peu de la manière qu'on a vu arriver les algériens en France, même si les circonstances furent moins tendues. S'il y a une raison à cette absence de noirs dans le mixte, naguère, elle est que les anglais ont un concept de la liberté et de l'égalité de tout le monde dans leur lois et dans leurs mœurs depuis toujours, qui ne sied pas du tout avec l'esclavagisme. Le «deux poids deux mesures» s'est entretenu en limitant la présence des coloniaux au minimum sur les îles britanniques – et en parlant encore moins de cette existence, sauf au niveau de l'exoticisme. C'est le Bristol, port primaire des armateurs de l'esclavagisme, qui en a connu le plus, historiquement. Mais la libération et la révolution se sont passés heureusement ailleurs, nous avons déjà eu la nôtre, à titre relatif, et nous l'avons poursuivie en extrayant nos bénéfices des autres par le free trade. Vive la liberté!.
Le modèle est encore plus malicieux – puisque une grande partie de ces irlandais (écossais, gallois, cornouaillais) servaient à l'empire britannique comme la classe d'administration coloniale de base – les pirates, les marchands, les petits chefs de chantier – et maîtres d'esclaves. On peut aussi observer à quel point les irlandais arrivaient à pénétrer partout si on jette un coup d'œil sur les noms des participants à … la révolution française, ou à la révolte dans la Vendée. «Takes one to know one» - d'après tout, ils savaient mieux que personne là d'où ils venaient … les grandes familles, l'extrême pauvreté rurale, les nettoyages ethniques ont tous étés d'abord le lot des ethnies discriminées des îles britanniques, leur rendant capables d'infliger leur «savoir faire avec» aux autres.
Pendant le cours du dix-neuvième et du vingtième siècle, tout le monde, peu à peu, a changé de station sociale. De nouveau, le trajectoire de mon grand-père d'origine purement irlandaise (sa famille est venue autour de la «Famine des Patates» génocidaire - c. 1850) en est un bon exemple. Il a intégré les forces navales anglaises pendant la première guerre mondiale au plus bas dans la salle des machines, pour terminer dans la deuxième guerre mondiale chef ingénieur sur les plus grands navires de la flotte. Pour l'anecdote, tous les bâtiments de guerre dans lesquels il a exercé ses fonctions ont coulé, sans qu'il soit jamais present au moment de leur némésis. Son fils, mon père, est devenu prof. Cette «ascension sociale» est des plus banales, dans l'histoire de presque tout «anglais» du début du vingtième siècle. Cela fait que l'Angleterre n'est décidément pas anglaise et le caractère national d'autant moins, la majorité de la «classe dirigeante» se sentant encore bien heureuse de s'être échappée du plus bas – il n'existe que le besoin de s'inventer quelque chose de discernable dans le flou des génocides progressives culturelles qui terminent par rendre ridicule l'idée d'une «guerre de classes» dans le sens figé du terme. Une guerre de l'entre-soi contre soi, sotto voce, à la rigueur.
racisme résumé
Ce qu'on appelle le racisme, ou de manière encore plus indéterminée la discrimination, a commencé très près de chez nous, partout, avant de se mondialiser. On pourrait dire que le racisme est «fractal» dans le sens qu'il va trouver moyen de s'appliquer dans tous les cas, si on lui donne sa tête.
Les échelles de la fractalité sont physiquement déterminées, on peut affirmer cela aussi. Les «classes discriminées» vont se trouver tout près lorsque les moyens de transport ne sont pas très rapides, ensuite ils vont s'éloigner - à l'époque des empires maritimes, pour, dans leur incarnation présente, se trouver partout, au temps de l'instantanéité éthèréale. Il faut simplement des marqueurs clairs – couleur de peau, voiture, âge, nom de famille, fric – lorsque la connaissance est dans le détail défaillante.
L'oligarchie, un mot sans importance jusqu'à il y a peu, a aujourd'hui un caractère défini surtout par la richesse et la mobilité matérielles et non pas par la couleur de la peau, le sexe, l'éducation, la langue. Les plaintes de racisme et de discrimination, par contre, se font par rapport à des vieilles histoires qui ne sont plus à l'ordre du jour réel – tout au moins dans la mesure que l'anti-discrimination à ces égards est devenue, en soi, une force de discrimination massive.
Dans notre trame d'analyse du racisme des États-Unis, un racisme d'apparence qui est, pour nous, anachronique, nous oublions cela – c'est-à-dire que de nouveaux motifs de discrimination peuvent naître et créer un ou plusieurs «effets ricochet» qui font resurgir les anciens ressentiments. Il nous faudrait y prêter plus d'attention sérieuse. La discrimination positive, basée sur des déterminants de classe saillants, laisse son empreinte négative sur des individus qui sont par conséquence exclus, sans motif, qui forment ensuite des coalitions de «pas contents». Ce n'est pas étonnant: sur le principe bien anglais de céder avant que la barque «craque», la proto-révolution américaine du déplacement d'une grande quantité de gens tout-à-fait compétents et aiguisés à la tâche de gouverner, blancs, mâles et d'une certaine âge, pour les remplacer par des gens moins rôdés, bien que ne manquant ni d'enthousiasme, ni de compétence, juste parce qu'ils ne sont pas blancs, pas des hommes et pas très âgés, peut paraître un peu fort de café. La logique statistique, hypothétiquement au service de l'individu, termine par violer l'égalité d'opportunité pour le dit individu, comme si on rajoutait dulestage à un plongeur pour l'interdire de refaire surface avant les autres. Il ne faut pas laisser hors compte le calcul politique des dirigeants encore en poste, de voir des barracudas voraces de la même taille remplacés par des poissons «sage-femme» à la plaisante complicité. L'individuation statistique de notre analyse de ces phénomènes insulte, en quelque sorte, notre intelligence collective, tout comme l'atomisation numérique et économique de nos intérêts masque habilement l'enjeu si favorable pour les pouvoirs hiérarchiques - qui soudent ainsi de plus en plus le pouvoir et de richesse entre leurs seules mains à cause de ces effets «secondaires».
L'un de ces effets secondaires non-identifiés est que l'oligarchie a, aujourd'hui, adopte ostensiblement une idéologie illusoire définie de plus en plus par des critères d'affect, aidé par ce tabou sur la discussion ouverte de leur fonctionnalité combinatorielle - leur «fractalité». Des mots comme performance, mérite, docilité, vitalité, beauté, chaleur humaine, empathie, autonomie, facilité, adaptivité, charisme, dynamisme, compatibilité foisonnent et contrastent joyeusement avec d'autres mots comme compliqué, difficile, intriqué, caractère, insoumission, marginal, psycho-rigide … sans que l'on se demande s'il est vraiment possible, socio-psychologiquement, d'expliquer des effets de groupe en termes de pure psychologie individuelle. Témoigne la concentration qui se prête aux qualités exaltées nécessaires aux astronautes putatifs ...
Les mots choisis ci-dessus se veulent universels et neutres mais dans leurs effets exercent autant de tyrannie sur la «non-conformité» que n'importe quelle catégorie arbitrairement discriminatoire d'antan. Dans leur usage réel, dans leur subjectivité relationnelle, ces mots donnent le feu vert à toutes les manipulations du pouvoir social possibles.
L'anti-universalisme naît du désir de s'échapper des confins de cette monoculture amorphe en auto-service des privilégiés. Les idéologies de repli «identitaire» servent comme drapeaux rassembleurs auto-protecteurs dans le sens qu'étant, par définition, non-universelles, on ne peut pas les attaquer en utilisant les codes de ce cadre de logique devenu orthodoxe et politiquement correct. Noblesse oblige. Inconformité oblige plus.
La petite expression assassine qui représente le mieux cette situation de repli identitaire est: «c'est ton choix»
(mais, ... merci pour me le faire connaître …).
re-paysage – gre-unwash
Bon, cela a été une grande parenthèse – du moins en apparence – dans le sujet de tête - l'analyse du paysage. Ce paysage, il est cependant le résultat, le produit de cette trame analytique. Vu d'un avion, le paysage de l'Europe de l'ouest est affreusement répétitif, un patchwork de rectangles à perte de vue, qui ne cesse que lorsque la mer ou les montagnes empêchent l'intervention humano-machinale directe. A l'instar des HLMs anglaises, fondées sur la doctrine du choix, ces rectangles sont d'une uniformité éclatant de mornitude. Pour ne pas perdre la face dans notre accaparation du monde entier, notre abandon des quelques friches inaptes à l'occupation se qualifié de «réserve» – pour que personne d'autre ne s'y aventure non plus - la nature humaine remplit ainsi le vide.
Mais la bio-nature et la biodiversité sont ici en état catastrophique, la régularité «anti-naturelle» du paysage met en évidence les spasmes et contractions qui ont arrêté le «cœur» de cette nature. La qualité géométrique de ces phénomènes n'est pas dû au hasard, ni est-elle dû à un dessinateur global «conscient», elle est le produit d'un système, oui, mais surtout d'un système qui a perdu le sens de ses aboutissants géophysiques contextuels, sa seule cohérence étant auto-référentielle.
Le plus pitoyable, dans ce système qui s'est échappé à ses dessinateurs, est que la «nature», pour nous, ce sont les montagnes, la mer, qui avec leurs formes d'apparence insoumise à l'artificialisation de l'anthropocène, représentent des éléments d'espoir de retrouvailles avec notre nature propre. Cette mode de pensée «anti-classique, néo-gothique», est née avec la révolution industrielle, c'est comme l'idéal du jardin anglais en contre-point de l'idéal du jardin de Versailles.
En réalité, les friches qui se trouvent aux marges de notre artificialisation du sol n'ont pas plus de sens que le paysage domestiqué – l'échelle des choix décisifs qui les a formé n'est nullement en phase avec les besoins de la planète et ces vestiges dites «naturelles» ne sont que les bords de page non-guillotinés dans une œuvre d'auto-destruction quasi-complète.
Tout ce dont on peut être sûr, c'est que les paysages qui en résultent représentent les manifestations physiques de la dynamique qui les a créés – si on sait les lire.
randonnée en vaine-pâture
Ce matin, j'ai marché, sur la route qui mène vers le haut, vers l'éco-golf (sans encore le trouver, j'espère que ma bonne chance continuera). L'ambiance sonore, le matin de ma sortie, a été remplie par le vrombissement d'automobiles vacancières d'un beau dimanche de «couvre-feu», en symphonie avec des tirs soutenus de fusil assez gros-calibre. Les fourgonnettes et 4x4 blancs qui sont de rigueur pour le transport des chiens de chasse surnuméraires étaient librement distribués au bas du chemin. En montant, j'ai noté l'oblitération standarde de tout arbuste, tout roseau par le fauchage, au bord d'une route goudronnée en état immaculé. Des panneaux d'apparence rustique indiquaient les gîtes tout prêts à accueillir le touriste aux poches profondes. Le panorama qui s'étalait devant moi était d'un paysage de champs vides entourés de clôtures électriques, quelques moignons d'arbres erratiques, quelques vaches vacantes. Ensuite, des tas de pierres et d'agrégats qui donnaient à penser qu'il y avait eu des travaux de construction «en cours», des champs déchiquetés en ornières de boue par les tracteurs, deux ou trois petits conglomérats de hangars massifs qui devaient être les fermes du coin. En surplomb, la garrigue du haut des «causses», trop pentues, trop dénuées de sol arable pour subir des mis-à-ras systématiques, peuplés d'épineux résistants aux vaches, avec des antennes relais encerclées de clôtures défensives tout au sommet comme des cornes surdimensionnées.
J'ai trouvé ce paysage désolant parce que désolé, désert. Le désert néo-rural réel. Les objets matériels épars étaient comme des bouts de lego géant placés ci et là. Il ne s'y trouvait aucun véritable lien avec les contours du paysage, à part la sinuosité précise de la route, aucune échelle mineure, aucune diversité, juste un gros dessin délaissé d'enfant désenchanté et distrait, avec les crayons couleurs abandonnés sur place. Seulement le LIDAR serait capable d'y voir quelques restes d'activité contingente humaine. Pas de jardin, pas d'abri pour des gens «bosseurs» qui ne prennent leurs loisirs qu'«en voiture», au dedans – dans un tel paysage je pouvais les comprendre. Très peu de variation chromatique. Des bennes en plastique au bout de chaque chemin de chaque «amateur de la nature» qui a décidé de venir vivre dans ce désert qu'il pensait plus prêt de la nature. Des bennes aliènes qui servaient à extraire les intrants dont dépendait le ménage.
Un paysage «infractal», où l'ordre de l'infractalité arbitraire s'impose, plus que l'ordre des êtres vivants qui s'accordent à en faire quelque chose. Même les vaches n'y voient que le sens d'entrée du grain et du foin d'ailleurs – elles sont équipées, ces ruminantes à courte vie d'ennui, pour rêvasser jusqu'à la fin du temps tronqué. Une fractalité unique – donc impossiblement contre-nature, idéale pour la chasse et les grosses machines, aucune anfractuosité de terrain pour se cacher, des champs de libre tir à perte de vue.
Ce paysage dit «pastoral», il peut s'apercevoir sur toutes les landes et les haut-pays de l'Europe, surtout au nord de l'Angleterre, là où les écossais ont été chassés de leurs terres (crofts), reprises par des aristocrates chasseurs qui en ont fait des réserves d'abattage «naturelles» pour ensuite douglasser le domaine forestier, ne laissant finalement que l'ossature du pays nu dans les vents hurlants, là où il y avait jadis des jardins, de la tourbe, des arbres anciens, des accidents de terrain vécu partout.
Les premiers «touristes», les premiers consommateurs, les premières vaches-à-lait de l'obsolescence programmée du paysage trouveraient ici les héritiers qu'ils méritent.
Je me rappelle qu'en Suisse, dans l'une des réserves naturelles les plus anciennes d'Europe, on réintroduit au bout de cent ans les loups pour permettre la croissance des jeunes arbres, broutés jusqu'à l'extinction sinon par les cerfs non-chassés du coin. Je me demande si l'effet majeur de la présence des loups n'est pas tout simplement que les cerfs savent qu'on les guette, qu'une présence familière les regarde de nouveau avec du sens.
Un paysage qui n'a pas de sens, peut-être ça se sent – que le vide se sent et qu'il est devenu la nature de l'étoffe cérébrale des esthètes du monde entier. Le silence. L'absence. L'effacement et son observateur, émerveillé, niais devant cette merveille insondable du vide qu'il sait créer, là où la vie a renoncé à son savoir-vivre.
Dans un écosystème, il existe une (en réalité plusieurs) dynamiques de réaction-diffusion – des insectes voraces pullulent, des prédateurs qui les mangent commencent à pulluler, l'équilibre entre les deux populations s'établit, mais cet équilibre est toujours oscillant – il y a des années où il y a plus de prédateurs, des années où il y a plus d'insectes, …
La vastitude de la nature nous a permis d'alimenter la croyance que nos petits efforts humains, que chaque «patch» de notre «work», n'allait jamais porter atteinte à l'énorme réservoir naturel qui rengraissait chaque année nos propres réserves. Ou plutôt, cet article de mauvaise foi s'est érigé en bannière de l'exploitation agricole (sic.), c'est-à-dire que son temps est venu avec les projets chaque fois plus ambitieux de spoliation outre-mesure de ces réserves. Il nous a fallu produire une autre mythe, celle des terres vierges et non-exploitées au delà de la montagne, toujours plus loin, pour continuer d'y croire, lorsque le monde sans limites s'est montré à bout de souffle chez nous. Les mythes présentes de «solution technique» à notre excroissance de consommation suivent dans la droite lignée de ces abjects mensonges. En foutant des engrais artificiels sur des terres agricoles écrasés et compactés par nos tracteurs trop lourds, nous pouvons faire des calculs optimistes de productivité augmentée, pour arriver à des bilans net-positifs de «développement durable». Il nous faut juste trouver les moyens de créer une énergie sans limites pour que le système se relance - je pense à l'abondance de croquettes de chien qui pourraient mieux servir à alimenter les feux éternels de l'église de l'industrie, mais ces sacrés amateurs de la nature me lyncheraient sur les seuls arbres qui restent.
Le patchwork du paysage actuel nous peint un tableau qui ne correspond à aucun augure du futur.
C'est la non-fractalité de ce patchwork de champs qui nous démontre cette réalité, de nouveau. C'est les champs carrés d'un mile anglais pendant des milliers de kilomètres au Canada, avec des villes identiques, avec des magasins identiques, chaque mil de miles. C'est les franges de ce règne anthropique qui, comme les franges délabrées d'une aile de papillon migrateur au bout du voyage, mettent en évidence l'usure qui condamne le système. Ce système auto-organisatif qui à l'origine était fait pour «jouer les échelles» comme un jeu de ciseaux, papier, pierre, qui n'était jamais réductionniste, mais expansiviste, contre toute épreuve. Du passé. Ses noyaux d'interférence à petite échelle pouvaient «pulluler» à n'importe quel instant, sauf que les moments de leur interaction avaient de l'échelle, coïncidaient et divergeaient de manière à créer des foyers et des granules à la mesure de leur environnement – puisqu'ils étaient faits de et avec leurs environnements, en contact intime.
Les grands migrateurs, les oiseaux, les virus, les planktons et nous, les éléphants de mer, nous sommes des vecteurs et nous nous devons d'en faire un sens et une cohérence de nos interactions, d'exporter et d'importer des modes «à diffusion lente» dans un monde qui dorénavant décollera de rapidité sinon.
du tout au rien
Les modèles statistiques ont du mal à traiter de cette réalité mais imposent leur camisole sur notre univers perceptuel. La météo utilise des modèles cellulaires qui créent des prédictions gros-plan de ce qui va se passer, au coût d'une consommation effarante de données. Les modèles climatiques et écologiques qui nous font si peur pour l'avenir fonctionnent de manière analogue, comme si le futur n'était qu'une projection du présent – rien de plus … simpliste.
La vie, non. Il suffit d'une seule mutation, à l'extrême limite de l'improbabilité, pour bouleverser le monde – (salut Covid!). On peut même oser dire que les principaux déterminants de l'avenir sont ceux qu'on n'a pas su anticiper ou comprendre ou accepter – bien que la meilleure manière de prédire l'avenir est d'essayer de le créer, avec ou sans connaissance de ses causes et de ses effets. Le monde humain s'est embullé, pour ne plus savoir cela, il se terraforme tout seul dans son coin, en splendide ignorance virtuelle.
Malgré tout la vie, dans ce sens, est expressément dessinée pour créer de l'exponentiation d'un presque rien – pour se reproduire, se multiplier, à partir de l'infiniment petit. Il faudrait vraiment que les pessimistes abandonnent l'espoir de se faire valoir, leur monde n'est pas du nôtre.
Les grains d'espoir réaliste se logent partout ou ils trouvent prise. Pour devenir des perles, leurs hôtes ont besoin d'une courbe d'oxygénation et d'alimentation régulière et pour qu'on les apprécie, ces perles ont besoin qu'on les récupère.
Il faut une tissu propice, une culture à même de faire fleurir des solutions écologiques réelles. Le conformiste industriel jette donc ses énergies dans l'élimination de tout sou-strate propice pour que l'avenir du possible soit mort-né. Il est pessimiste, sinon il n'est rien, il se défend en attaquant l'espoir, là où l'espoir a l'habitude de pousser. Sa récompense, les ronces.
Mais l'idée que parce que les probabilités sont là, le chemin logique doit les suivre, est ainsi invalidée. Plus on généralise l'infaillible statistique (comme s'il n'y avait que cela de scientifique), plus on se met en otage à l'inévitabilisme: le destin en tant que doctrine. Le problème avec cela est que l'on crée le monde de l'inévitable en s'appuyant pour la prise de décisions sur les analyses d'anticipation statistique qui le confirment – qui ne peuvent que projeter les probabilités -jeter les dés pour entraver notre avenir.
Cette analyse indique qu'il serait mieux qu'on arrive à parcelliser à petite échelle un monde de grande échelle, tout en maintenant le liaison entre les deux – que par exemple des grandes entités nationales et supra-nationales ne peuvent pas répondre à nos besoins collectifs, à moins de créer des cadres qui laissent le pouvoir décisionnaire à des entités cohérentes à chacune des échelles de dynamique localisable, pour y cueillir les fruits réflexifs après. Un jardin bien réfléchi n'a besoin que d'être laissé à se faire, la plupart du temps, pour qu'on cueillit ses fruits.
de la frilosité numériquement induite
Des raisonnements: des protocoles; des cadres logiques: des itérations. Nous ne sommes que «des machines» à penser. Le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas. Instinct, intuition, sens commun.
C'est comme si chaque expression devenait le cible pour les salves de son ennemi. Si les gens se réfugient dans la non-raison et exècrent l'intellectualisme, ils ont des fois bien raison, pense-t-on - pas de bravoure sans sentir le succès.
Le problème est l'apparent déterminisme des cadres logiques proposés. L'être humain est sous attaque depuis que Freud lui attribue des déterminismes structurels mentaux trop fixes, un peu à la «Fairy Tales de Grimm». La psycho-analyse nous achève – cherche les raisons de cœur supposément innées et enfouillées pour débusquer une raison devenue extrinsèque, déclarée, … analysable.
Ce sont les britanniques les plus résistants à cette vague d'absolutisme raisonnée qui ne donne pas son nom. «Soyez raisonnables» disent-ils, lorsque les extrémistes de la raison absolue tentent de les épingler. «Quand même, …!», ou «C'est un peu limite».
Peut-être toutes ces expressions ne veulent qu'exprimer l'importance du jeu et de la nuance, face à la rigidité dite «cartésienne». Cette rigidité peut se voir dans tous les dogmatismes, y inclus celui de «l'esprit» administré en antidote à «la raison». Le corpus de culture que j'ai stigmatisé de l'épithète «britannique» est important parce qu'il ne se réfugie pas dans l'absolu et il ne tente pas non plus d'abolir l'emploi de la raison, mais plutôt de chercher «le juste milieu», aussi inconfortable qu'il soit. Il est en fait adaptatif aux absolutismes auxquels il a du faire face – il sait maintenir le cap (une certaine cohérence) face au vent de proue.
«Vive la différence» est une expression très bien connue et très souvent utilisée en Angleterre – elle est, bien sûr, toujours exprimée en français - c'est l'une des rares expressions en langue française qu'on maîtrise. Il n'est donc pas tout-à-fait par hasard que Darwin a eu les moyens intellectuels de comprendre que pour que la spéciation et l'adaptation aient lieu, l'isolement, bien que temporaire, des populations, plutôt que leur constant métissage (brassage), soit un prérequis. Les anglais ont tendance à s'identifier avec une certaine fierté comme «nation bâtarde» – c'est a dire très métissée – ce qui est absolument vraie, surtout au niveau de leurs multiples cultures, qui se maintiennent en tension mutuelle. L'agnosticisme britannique dépasse de loin le sens de ce mot, se crée sans état laïc et sans état d'âme.
Il est dommage que le «Brexit» provoque un retranchement européen, à la lumière de cette analyse. L'Angleterre, dans sa digestion interne des empires externes, ne fait que miroiter notre sort collectif. Nous souffrons des mêmes maux que tout le monde, même un peu plus, et le mot «patchwork» s'est ré-employé d'abord en Angleterre pour décrire notre système champêtre, notre système d'«enclosure», qui s'est universalisé depuis … et comment! C'est sans doute, à l'origine, une adaptation culturelle à une démographie potentiellement affolante et aux tensions « cocotte-minute» qui en écoulent – préfigurant en symétrie fractale l'affreux élan démographique du monde entier - alors que nous avons déjà «immobilisé» notre campagne pour soutenir notre richesse, en rêvant d'ailleurs.
Lorsqu'on parle de «conscience collective» au singulier – de la transmission, de nos outillages et de nos technologies, il est légitime de se référer à des corps de connaissance culturelle comme celui des britanniques du fait qu'ils ont souvent étés les premiers à souffrir un mal de la modernité et ont donc eu plusieurs générations de génération du savoir-faire adaptatif aux problèmes – le paysage est ce qu'on peut appeler l'empreinte de sa «mémoire institutionnelle», pour le bien et pour le mal.
Le pays a en plus la qualité d'être assez grand, en termes de population et de convolutions côtières, pour modéliser vraisemblablement des problèmes à plus vaste échelle. Il est intéressant de noter l'imitativité des américains – sur leur îlot-continent – à cet égard, souvent plus anglais-parodie que les faux-anglais autochtones n'ont su l'être – puisque la présence de puissances continentales de l'autre côté de la Manche n'a jamais cessé de nous absorber l'esprit. Plus on est loin ... pour les écossais, le Continent représente la salvation de la gueule de «Big Brother». Le trop-absolutisme rationaliste, l'empirisme littéral de l'âge des lumières, sont le propre du collectif européen qui, de fait, occupe le continent nord-américain. Lorsque cette plaque continentale rencontre les premières bastions de l'Europe – les Îles Britanniques, elle fait des dégâts culturels: elle germanise, elle franchise, elle hispanise, elle lusitanise, elle latinise, pour ensuite être labellisée «anglo-saxone», une amalgame on ne peut plus paradoxale. L'Angleterre observe, sentinelle de l'Europe de toujours: elle fait le gué.
la pieuvre apprenante
La pieuvre nous donne des leçons sur la transmission et la sociabilité. Il est très intéressant de noter que ses petits, pendant qu'ils sont encore dans l'œuf translucide, enregistrent et sont formés par ce qu'ils observent et expérimentent dans la tanière de leur mère attentive. Les êtres humains sont nés «prématurés» – comme les petites pieuvres ils observent et ils enregistrent – ils «goûtent» à ce qu'il y a autours d'eux avant de devenir «acteurs» à part entière dans le grand monde. Pareillement aux britanniques – la deuxième phase dans l'apprentissage des pieuvres est de se trouver jetées dans les écumes des vagues en «flotsam and jetsam» («cannon fodder») pour des voyages qui ne peuvent que leur faire apprendre l'importance de l'adaptation à l'aléatoire dans la vie.
Dans le meilleur des cas, on rentre ensuite chez soi, bien équipé pour construire une vie casanière. C'est ce que font les pieuvres, en tous cas. Chaque nuit, ils sortent de leurs tanières, pour faire des promenades autour de leurs territoires chéris, en sentant la houle qui se défoule jusqu'au loin.
Or, la pieuvre est notée et notable pour être solitaire – avec les congénères il n'y a que peu de commisération – et plutôt en fin de vie. Elles peuvent cependant être grégaires – et leur «capacité» interactive est étonnante – changements de couleur, de texture et de forme, selon l'identité du prédateur ou de la proie qu'elles rencontrent. La «sociabilité» est déversée, dans leurs cas, surtout dans l'interaction avec plusieurs autres êtres – à part leurs congénères, si ce n'est que pour les maintenir à distance.
L'entre-soi d'une pieuvre est également très intense, elle a huit bras quasi-autonomes avec des milliers de ventouses collaboratrices, trois cœurs, deux yeux autonomes et des neurones partout. Le bas d'une pieuvre est plein d'intériorité tandis que le haut, à part, sert de plateforme aux yeux et le tout peut ou marcher ou se propulser moyennant son siphon et sa «jupe», ou encore s'insérer dans le plus petit des trous. De quoi se divertir tout seul, à l'infini. Les êtres humains partagent des facettes de ce jeu entre l'image mentale et l'interactivité dynamique, la plasticité de l'imaginaire et l'exigence du réel. Laisserons-nous la fractalité de nos vies nous échapper, par désir de l'autonomie absolue inatteignable? Pieuvreusement, j'ai l'espoir du contraire.
la méthode scientifique
«Trial and error» ... «destructive testing». La méthode scientifique suppose que l'on vérifie les hypothèses dans le monde réel - que l'on mesure les résultats dans le champs. En ceci, la dérive du scientisme a beaucoup en commun avec les «idées reçues», le «sens commun» et la tradition. A force de ridiculiser les us et coutûmes qui n'ont pas de base «scientifique», nous éliminons des corps de savoir faire importants ... tout en en infligeant d'autres qui n'ont que peu de temps opératif, en nous assénant de leurs lois de causalité rudimentaires.
règles de la fractalité
C'est par rapport à soi qu'on est fractal, finalement. On peut commencer par dire que c'est en interaction avec ce qui est le plus proche de soi que se bâtit la structure fractale, l'alterité la plus proche - la complémentarité, antagonisme, mutualité la plus proche, les sosies de soi. Les pieuvres et les humains vont beaucoup plus loin. Ils peuvent se contenter pendant de longues périodes avec les histoires qu'ils font courir dans l'intérieur de leurs machines à rêves, leurs têtes et leurs corps, une sorte d'involution du monde externe, un animisme affûté à l'énième.
L'indéterminisme causal réquiert ce dynamisme précaire. Les neurones miroirs signalent la moindre asymmétrie ou faille dans un dessein, elles s'alignent face à ces fentes dans la réalité plausible. Pourquoi un si grand nombre de neurones - nos cerveaux sont-ils un genre de cancer? Nos cerveaux, pourquoi ne prennent-il jamais de pause? Plus ils ont de l'information, plus ils en extrayent de la pertinence. Quel est le gain, dans ce tri incessant, interminable? Cela ne nous laisse même pas le temps pour réfléchir, c'est les rails qu'il nous faut observer, pour rouler dessus, voilà tout.
Les renouvelables, le développement durable, ces vieilles dogues. Le scénario fait songer à une histoire d'avion perdu dans les Andes avec un équipe de joueurs de rugby dedans. Les survivants ont leur esprit de corps, leur vigueur comme atouts. Ils les convertissent en cannibalisme. Ayant consommé leurs camarades, les derniers survivants pensent finalement qu'il vaudrait mieux sortir de là. Soyons positifs, comme eux! Mais pas juste pour masquer la déroute, l'effort requis est de relier la positivité aux raisons pour l'être. N'ayons pas peur de notre pouvoir démocratique - il est basé sur l'alternance! L'échelle du catastrophe déferlant commence à correspondre au cycle electoral, tellement il raccourcit - même un politicien raisonnable peut s'y risquer un peu dorénavant - à dire que le développement durable ne durera point - qu'il faut quitter l'avion.
J'ai toujours eu l'impression que les mots avaient un usage similaire aux pierres dans une rivière ou sur une côte. On saute, de l'une à l'autre, en perdant de vu la fin du chemin, pour se concentrer sur l'équilibre précaire de chaque bond en avant. On avance ainsi très bien, pour atterir pas trop loin du point visé, sans réelle intelligence du chemin qu'on a parcouru. C'est même une méthode: on choisit le cap, on met l'autopilote, on dort. Mais la barque, la barque, il faut la quitter!
«écraser l'autre avec sa science»
«je le savais»
«après coup»
«gros problème de timing»
… mais encore plus gros si on l'avait dit correctement, en anticipation, la double erreur d'avoir raison, pile et face, devant ses «tort»ionnaires.
L'excès d'immodestie devient modeste – et après?
Les «tentatives de domination» deviennent quoi?
Lorsqu'on participe à ce jeu qu'on ne peut pas gagner, il ne reste que la parodie.
L'injustice
Les universitaires s'en tirent le mieux – mais bien sûr – ils ont affûté l'art de la parodie au point que le bafouage de leurs dignités les plus vraies ne fait qu'aiguiser le couteau de leur dédain. Ce ne sont pas des piègistes, avec les mots ils peuvent faire des jeux ...
… pendant que France Culture, sur ses rails invisibles cherche des experts extérieurs pour dire l'indicible chez eux, en faisant que cela reste ainsi dans le légèrement non-dit – on l'a juste traduit.
Le droit d'en tirer bénéfice, de son lopin de terre – le propre des américains du sud et des espagnols, devient le droit à l'emploi devant ses pairs anglo-saxons, chacun le stéréotype porteur de sa culture.
Avec le revenu universel, les logiciens européens pensent éviter l'esclavage salarial.
Comme un fleuve paisible, la radio eunuque promeut des politiques fixes la longueur de la journée.
De la complaisance rassasiée
Je le savais, … diraient-ils à chaque reproche, … Et oui, mais vous ne le disiez pas …
On ne pouvait pas le dire, sans perdre la cote Et oui, et vous le disiez, ça? Ou vous le faisiez dire d'autrui, en les ridiculisant, dans le dit?
Il est déjà un acte de mépris de non-dire que les américains automatisés ne font pas concurrence à leurs pairs, sinon aux machines de la vente aux enchères, qu'ils n'ôtent pas l'argent de la bouche des bons bosseurs, mais au contraire ne cherchent que l'auto-money qui les assimile au rêve.
La dissonance cognitive n'est pas ici produite par des publicitaires sinon par les meneurs du cœur de l'opinion du service public.
Le «droit» d'un paysan de l'Amérique du Sud à tirer profit de son lopin de terre, c'est le terroir de Bolzanaro, c'est ce qui le rend, chez lui, où les latifundia s'étalent, inattaquable par des écolos étrangers qui en parfaite incohérence demandent à réserver ces terres à des indiens vouées à l'extinction auxquels ils profèrent des marques de noblesse partagée.
La solution existe, mais elle ne peut pas être dite. Le seul travail irremplaçable humain capable d'absorber les masses qui a du sens écologique ici et là est celui de la répartition des latifundia en œuvre d'homme et du vivant. Sans réserve. Sans sub-primes.
Selon un reportage à la radio nationale, une étude récente
(2022) démontre une corrélation entre l’exposition au son
amplifié et la sénilité précoce. On savait déjà, à travers
l’expérience des ingénieurs du son, que travailler avec les
décibels n’est pas sans conséquences auditives. Après deux ou
trois décennies de métier, ils se trouvent souvent obligés à
« égaliser » le son das leurs écouteurs pour qu’il
correspond à l’audition normale. Cette dernière étude ne concerne
cependant pas les effets de la détérioration physique
de l’oreille, sinon les effets sur l’appareil cognitif, le nerf
auditif, partie intégrante de notre cerveau.
Il est connu que les corbeaux savent compter, jusqu’à 5, en
tous cas – mais sans langage élaboré, les êtres humains ne font
pas mieux …
En général, cependant, un corbeau émet deux croassements :
« crôac, crôac », parfois trois, parfois juste un. Nous
connaissons tous l’effet Doppler – c’est le fait qu’une
voiture qui t’approche fait un son montant et lorsqu’elle
s’éloigne, le ton va descendant, niaoooou ! C’est l’effet de la vélocité du son dans l’air plus la vélocité du véhicule.
Plus l’objet qui émet le son va vite, plus le ton change.
Lorsqu’on atteint le mur du son, comme Concorde et tout avion
supersonique, toute balle de fusil haute-vélocité, il y a un crac !
L’objet a rattrapé et dépassé l’onde sonore qu’il a émis
dans l’air, ce qui crée une concaténation - une onde de choc. Le
crissement des pneus sur l’asphalte, pareil, il consiste en
plusieurs petites détonations d’air comprimé qui dépassent le
mur du son.
Les corbeaux bougent en bande organisée. Les deux quarks qu'émet périodiquement chaque oiseau permet à la fois d’entendre le mouvement et la direction de ce mouvement. En termes mathématiques, c’est un monde vectoriel qui est ainsi créé. L’effet Doppler, le déplacement angulaire entre les deux côacs et le volume du son émis, tous contribuent de manière complexe à son calcul. Même l'orientation de sa tête et la force du vent vont enrichir sa perception. Pas mal, pour deux petits sons. Le sonar, chez les mammifères océaniques et les sous-marins, a une fonction similaire.
Lorsqu’on écoute la radio, le stéréo, le « high
fidelity », même un enregistrement des corbeaux qui se disent
« côac côac », on n’a plus cette information
tri-dimensionnelle, on doit la reconstruire, à partir des paysages
sonores connus. Mais qu’est-ce qui se passe, si nous ne les
connaissons plus assez de vrai vie ? Dans un livre, on
peut imaginer, mais avec l’audio-visuel, c’est la vision –
l’imaginaire des autres qui impose son carcan. Les films se créent avec des "storyboards", des bandes dessinés qui deviennent des dessins animés, souvent préférés par les générations abbreuvées de "cartoons" et de jeux vidéos.
Les voix à la radio, même les livres audio, par contre, ont le mérite, comme les livres et les journaux, de nous permettre d’imaginer, de conceptualiser, à travers le seul sens de ce qui est dit. Un espace mental bien plus humainement abordable et tangible. Cela devient un peu plus compliqué, par contre, de comprendre, en écoutant la radio, ce qui se passe en studio, ce qui se passe au niveau du « paysage sonore ». On imagine, on fait des inférences, comme pour le téléphone. Tangible-abstrait. On a toujours aimé jouer avec les réverbérations acoustiques qui font rêver. En témoignent les orgues dans les cathédrales, les chambres d’écho, bénies soient les techniques d’autrefois !
Mais depuis l’arrivée du son réproduit et transmis, nous sommes tous sujets à un conditionnement nouveau, qui nous a d’abord peu impacté, par rapport à notre vécu réel, mais qui depuis les dernières années a tendance à dominer, à devenir monoculture. Et c’est une monoculture à très fort impact sur notre expérience somatique, à l’intégrité de notre détection du monde existentiel. D’accord pour le libre choix de chacun, mais dans quel cadre social, quel cadre sensoriel, quelle structure perceptive ?
Le choix du repli social, face au débordement venant des intrus qui à tout moment cherchent à saccader notre attention sans nous faire part de leur propre positionnement, crée un épuisement, une surcharge mentale sans répit.
On peut devenir « allergique »
aux téléphones portables, aux réseaux sociaux – l’allergie
étant le synonyme d’un abandon de l’effort d’absorption, de
compréhension ou de maîtrise. On tente de créer des périmètres,
sociaux, physiques et psychiques, là où, sinon, nous avons la
sensation qu’à tout moment, toute personne sur la planète risque
de faire intrusion sur notre intimité. Le pire, c'est qu'il devient impossible de s'en priver - la socialisation passe obligatoirement par là. Allergie et addiction, un enfer littéral qui crée une dissonance cognitive.
Une fois habitué à
une exposition régulière au son sans référence spatiale réelle, il
peut être difficile de maintenir une intelligence auditive, dans toute son étendue, du réel. Les réseaux sociaux se composent de plusieurs addictes anonymes qui se contaminent. Les textos simplifient la cacophonie.
D’autant plus si on n’a plus beaucoup de socialisation physique et peu d'engagement. On n'enrégistre que des paysages, en voiture. La signalétique est écrite en gros, au bord de la route, c'est ce qui compte. L'audition se sépare du visuel, tous regardent vers l'avant.
Ou prenons la personne âgée isolée dans sa chambre à écouter la radio ou à
regarder la télé, à longueur de journée, ce qui rélègue la voix entendue au statut de « bruit de fond » sans interactivité réelle, remplaçant
les cris des oiseaux et les croassements des reinettes. Le "sens" de ces cris devient périphérique - mais où est le "centre" de son attention, de son "être là" ? Seuls les politicens, les chercheurs et autres "professionnels" du média peuvent en tirer un bénéfice actif, et encore ...
Et tous se trouvent sous le joug de la tyrannie sonore des machines. Cela peut
concerner les écouteurs, les haut parleurs, où même tout son en
endroit fermé – à la maison, dans les bureaux, les voitures ... Cela peut
expliquer aussi la préférence de certains d’entre nous pour les fréquences basses, artificiellement enrichies et même, après le Covid, pour les
vidéos-conférences ou les conversations téléphoniques.
langue humaine assiègée
Qui n’a
pas expérimenté la coupure abrupte de l'attention de son interlocuteur
lorsque le téléphone sonne ? Est-ce que les interruptions constantes du flux d'une conversation – imitatives des techniques publicitaires qui nous harcèlent – ne nous obligent pas à élaguer nos phrases, à ne parler qu'en expressions répétitives, en slogans préparés à l'avance ?
Tout son qui n’est pas « réel » est vastement
simplifié, du point de vue sensoriel puis cognitif. Combien d’entre
nous sont encore bilingues, encore des pratiquants de la complexité
des échanges vocaux en temps réel ?
On peut vite perdre la main sur les interactions sociales
physiques, sur le maniement du son social en vif et en direct, si
l'on a longtemps été cantonné dans son appartement à parler
avec des gens à distance. La vie au bureau est depuis longtemps en prise du « virtuel ».
Même le « burn-out »
peut être en grande partie expliqué par ce genre d’analyse, si
l’on rajoute au bilan de l’épuisement
au travail la charge mentale d'être constamment disponible pour
des intervenants à distance. C’est l’un des impacts des machines censées nous aider à communiquer.
La complexité des gestes, le non-dit, les pauses, la
tonalité de la voix, les micro-expressions du visage, ont
tendance à passer à la trappe. On veut des signaux forts, des
grands sourires, des smileys, parce que l’on s’y est habitué,
parce qu’on a moins confiance par rapport à sa performance
rouillée « socio-physique ». Réseau social (virtuel) égale fatigue sociale (réelle).
Le social, l’envie de brasser avec les
autres, devient surtout un désir dominant de décontraction, s’accompagne surtout de la beuverie et d’un fond sonore pénétrant
qui ne permettent que peu de communication complexe. En ville et auprès
des routes, les vibrations industrielles de fond sont omniprésentes
et on s’y est peu ou prou adapté, à force. À la campagne on remarque donc le silence !
Quel dommage que l'on soit devenu à ce point insensible aux chants des oiseaux, aux
vibrations de la terre et de l’air, qui portent leurs messages sur
notre environnement, proche et loin.
Le transe, la méditation, la décentration, souvent induites par des résonances et des incantations, sont-elles des rémèdes où des adaptations forcées à l'absence de milieu ambient ?
Le travail en groupe.
– Il dit toujours « non, non, non ! »
– Mais dans ce cas il devrait proposer une alternative ?! »
Des climato-sceptiques se réfugient dans l'effondrisme, pour maintenir la barrière mentale ...
Lorsque quelqu’un se bloque le cerveau contre celui qui parle, il fait amalgame, comme on a tendance à faire par rapport à des intervenants d'un parti politique déprécié. Peu importe ce qui est dit, on va toujours dire « non ». On peut entendre ça, dans les conversations. C’est contagieux, cela produit des interactions
stéréotypées.
alambiqué, éloquent, ... ou quoi ?
On dit souvent « non » avant que la
personne ne termine ce qu’elle dit, ou
pour l’empêcher d’articuler sa pensée (« parce qu’il y
en a trop, et ça suffit »).
A moins de me tromper, ici un
phénomène qui s’est généralisé assez récemment, ce zapping et
ce channel-surfing sociaux, devenus des manips de l'interlocution systématiques. N'empêche que l'on trie depuis toujours ceux auxquels on prète attention, par des indicateurs comme l'accent, la manière de parler, le code vestimentaire, etc.
Les
politiciens et les journalistes dans les interviews vifs et
combatifs mènent le jeu. C’est la performance, l’agilité instantanée, qui sont
mises en valeur. Le politicien écoute les questions harcelantes du journaliste, tout
en continuant de parler, ne céde pas le terrain,
donne parfois quelques bribes de reconnaissance aux questions.
Il faut beaucoup de doigté et de clarté pour mener à bien cet
exercice bien particulier du débat. La reflexion profonde qui donne leurs vérités aux paroles est à peine là. Et tout à un débit digne de rappeur, laissant peu
de traces indélibles. De là le besoin du slogan, des beaux mots qui rendent captif ...
Dans la mesure que l’on entend des échanges verbaux à sens réduit, on écoute moins la substance de ce qui est dit – ou pas du tout. On pouvait s’y attendre. La politique du chiffre, où il n’y a
que le vote qui compte, le système électoral où l’on vote toujours contre,
toujours pour le moindre mal, y mènent. On écoute la « qualité » votive du politique, les mots clés pour ne pas dire "éléments de langage" qui dirigent son allégeance, en majorité affective. On s'immunise contre le sens de ce qu'il dit, l'élu, l'administratif, avec sa langue de serpent, rien ne percute.
Les gens ont soif du réel, besoin de relier les actes aux mots. Faute de quoi le faire, ils ne se fient qu'aux actes.
Lorsqu’on ne vote pas, ou on vote blanc, n’est-ce pas une expression du sentiment d’impuissance, face à l’offre et à l’issu probable du vote ? C’est logique. Il y a des millions de votants, chacun avec une seule voix.
On vient de dire à la média d'état qu’il y a un pléthore de candidats (douze, dans les faits). Qu’il y a des vrais choix, une vraie diversité de politiques proposée. Comment se fait-il que la population ne partage pas cet avis, alors ?
C'est une question de jugement. On sait que la plupart des candidats n’auront aucune chance d’être au second tour. Ils peuvent promettre n’importe quoi, en toute sécurité. On tient en compte que les candidats ne feront sans doute pas ce qu’ils disent qu’ils feront.
C’est souvent ceux qui s'affichent contre une politique qui terminent par la faire voter. Il me semble que c’est le Général de Gaulle qui a donné la vote aux femmes et que c’est Giscard d’Estaing qui a fait abolir la peine de mort.
Le pléthore supposé de candidats et de politiques proposés se réduit à un conformisme objectifiant. L'opinion publique se montre bien plus discernante là-dessus que les commentateurs littéraires. Tout candidat peut, comme l’a fait François Mitterrand, prétendre à une politique « ambitieuse » avant de faire volte face devant la "réalité du pouvoir". D’ailleurs, est-ce que nos candidats ont vraiment autant de pouvoir qu'ils laissent supposer ? Le Président Trump, est-ce qu’il a vraiment pu changer le monde à sa guise, face aux lobbies ?
La plupart des thèmes, historiquement de gauche, refont surface actuellement. Les réfugiés, les déplacements, la vie rurale, hostile aux pauvres, la nécessaire frugalité, la nécessaire rélocaliation énergetiques, le besoin de réphysicaliser les relations sociales humaines. Les relations entre les humains et entre les vivants assument l'avant-scène …
Normalement, nous devrions être en train de réduire massivement l’usage de la voiture – et l’entretien des routes à voiture. On relocalise la production de fruits et légumes en les produisant et en les transportant localement. Repeupler la campagne avec des travailleurs humains et non pas des machines signifie une intégration active avec le reste du vivant. Les nouvelles populations rurales, y inclus les réfugiés, s'emploient à des fins écologiques - et ils se nourrissent ! Ce sont des politiques si évidentes que leur absence est suspecte.
Il y a convergence, me dit l’ami, tu devrais être content. Pourquoi, lui ai-je répondu, si cette raison reste sans application ? Si j'ai autant raison, j'aurais déjà du boulot ! S’il y a convergence, je suis déjà au point rencontre. J'y attends encore ...
tunnel voie verte
À noter : il n'y a pas eu de victoire rurale écologiste. Quelle contraste avec leur relative réussite dans des métropoles importants. Preuve politique de la non-représentativité de nos représentants.
Cette élite rurale de plus inséparable de l’élite urbaine. Le fléau écologique du consumérisme industriel bascule de plus en plus en pleine ruralité. Le nettoyage ethnique de la campagne, sur la critère du seuil de richesse nécessaire pour y accéder, cela s'accélére depuis ces dernières sept années (2015-22).
Parlons de profiles énergétiques, du bilan carbone. Il faut qu'on consomme pas plus d'une tonne par personne par an, en moyenne, pour arriver à un monde écologiquement soutenable. La moyenne française est de sept tonnes – sept fois trop.
La moyenne à la campagne française est de douze tonnes par personne par an.
coléoptère écrasé
La majorité de cette empreinte désastreuse est dûe aux frais de voiture, y inclus sa route, à un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres de "chez soi". Les maisons sont souvent grandes et isolées. Les gens sont riches, même s’ils ne se le sentent pas, vu les frais de ce style de vie.
Si la majorité de la surface de la campagne est maintenant non-cultivée, c’est que la culture sans machines n’y est plus économiquement rentable. Si l’on mène ce style de vie de riche, on ne peut pas gagner assez en grattant la terre. On assèche la campagne de ses pauvres, on est donc bien obligé de n’utiliser que des machines. C’est à la campagne, terre par excellence de la subvention masquée, que l’on demande le salaire universel, plutôt que l’honneur du travail qui mérite salaire.
Le résultat électoral est un tri radical qui ne laisse voter, à la campagne, que ceux qui veulent bien s’accommoder à cette vie rurale d’une incohérence écologique profonde. Même les touristes participent à ce jeu de destruction de la nature – de sa biodiversité, de son hydrologie, pour ne laisser que des déserts industriels qui se font souvent passer pour des réserves naturels. Les élevages de bétail écologiquement génocidaires se font passer pour des « prairies fleuries », les forêts de douglas pour des zones d’agroforesterie et ainsi de suite.
On montre souvent du doigt les chasseurs et les agriculteurs. Il paraît nous échapper que ces gens tentent au moins de maintenir un rapport fonctionnel avec les terres qu’ils occupent. Nommons plutôt les vrais coupables – les néoruraux, les touristes, enfin tous ceux qui visitent la campagne sans autre raison que de l’aimer et d’y passer du temps … en voiture, dans une résidence secondaire, au service des riches et vieux, en visitant ses attractions, en mangeant ses friandises.
Tarn vista
Et toutes ces populations s’enchevêtrent, s’imitent et se parodient. Prenons l’exemple de l’Ariège, qui avec une superficie qui s’approche de la moyenne pour un département français (5000km2) a une population éparse d’environ 150,000. Cette population augmente jusqu’à 250,000 en été.
La grande majorité des visiteurs estivaux sont les fils et filles actifs des vieux qui restent en Ariège. Ils sont allés à et ils reviennent de la grande ville – surtout de Toulouse. On peut tenir en compte que ces lieux de résidence deviennent de plus en plus nominatives, avec le transport en voiture privée, souvent à moins d’une heure de trajet. Qui s’occupe des enfants cette fin de semaine, sera-ce les grands-parents ou les parents … ?
Lorsqu’il prennent la retraite à leur tour, ils vont revenir sur l’Ariège, pour occuper les maisons familiales que leur ont laissé leurs aînés. Le même dessein, avec ses micro-variants, se répète pour chaque secteur – et encore plus depuis l’avenu du Covid et du télétravail. Pour les éco-hameaux, les réseaux de camions, de caravanes, de teufs et d’événements divers assurent une flux constant de visiteurs privilégiés, mais souvent à distance augmentée – Toulouse, mais aussi la Suisse, l’Allemagne, la Bretagne, la Hollande, la Catalogne. Les élites politiques de la ville ont depuis parfois au moins un siècle multiples connexions, des colonies de vacances, des campings, des stages, des sièges, des organes délibératives d’urbanisation et de patrimoine.
Les gens se démasquent, en proclamant leur authenticité rurale – leur spécificité locale. Leur usage de voitures est incompatible avec cette prétension. On est arrivé à un tel point que ceux qui en font vraiment leur vie productive sont en toute petite minorité. L’effet est notoire dans le sens que l’on apporte très peu à la grande ville à proximité, qui ne pense guère à sa campagne – sauf en termes de récréation et de périurbanisation. Pour ces élites maints mais finalement pas si variées, l’intérêt est plutôt de cacher son intérêt et d’y voir un prime d’exclusivité, un peu comme si l'on était tous des russes qui maintiennent un dascha familial dans les alentours de Moscou, sans aucun attrait pour la paysannerie du coin. Un genre de kitsch rural, dénué de sens dans la topologie du lieu, prend la place de la symbiose humain-nature.
Bordes shanty
On le voit aussi dans les îlots de pauvreté relative que sont devenus certaines petites villes rurales. Les élites les ont effectivement dépassés, tout comme les périphériques et les grandes surfaces. Dans une petite ville, on peut vivre sans voiture, sur le RSA. Les conditions, dans les seuls « centres » de population physique restants, sont bonnes pour la pauvreté réelle et l’exclusion sociale tangible. Des populations de professionnels de santé et des spécialistes de « cas sociaux » se greffent sur la souffrance, justifiant l’existence des centres de santé et services sociaux qui desservent ainsi d’autres populations locales aussi.
Dans la section ci-dessus je caractérise, jusqu’à la caricature, les formes sociales qui créent l’emprise de la société riche industrielle sur la campagne, sans guère mentionner les sujets de débat habituel – les « exploitants » et les machines agricoles, le mis-à-ras systématique de la campagne, puisque il suffit, à vrai dire, de la seule voiture et la seule route pour créer ce désarroi. De même pour les formes administratives que prennent ces blocages apparemment insurmontables, le cadastre intraitable, les règlements du bâti et de l’agriculture qui réduisent les mazets et les terrasses d’autrefois, à l’égal de toute tentative d’habitat léger néorural, impossibles, administrativement, à vivre, sauf pour celui qui n’en vit pas.
L’important est de rester au-dessus de la mêlée pour y voir clair les grandes lignes, les grandes axes du mouvement. Il est sûr que les structures administratives et de la démocratie représentative ont été conçues pour créer des bastions et des fiefs locaux pour les politiciens nationaux et pour défaire toute possibilité de prise de pouvoir par la gauche et les partis progressistes. Il en va de même pour le contexte résolument jacobin et les efforts pitoyables déployés pour induire, à travers l’architecture préfectorale, une seule et unique voix d’autorité d’en haut.
En ceci, la défense de la propriété, la défense de la propriété surtout, montre une certaine continuité, même à travers les époques révolutionnaires, qui, sous cet aspect-là, n’étaient pas si révolutionnaires que cela.
waterlily
Le problème est que cela a trop bien réussi. Au début du livre les limites de la croissance, le livre séminal écologique du Club de Rome (publié c.1973), on décrit le progrès géométrique d’un nénuphar, lorsqu’il couvre un étang, en exterminant toute autre vie. On demande sur quel jour il occupe la moitié de l’étang, s’il recouvre tout l’étang le trentième jour. La réponse : le 29ième jour.
Dans un autre livre analytique, on explique qu’en toute probabilité, l’empire romain s’est effondré lorsque les impôts ont atteint un niveau qui a rendu non-rentable la culture des terres autour du métropole. En même temps, les lignes de provision venant des limites de l’empire sont également devenues trop longues. Dans les deux cas, l’espérance de niveau ou de qualité de vie – la surconsommation à laquelle on s’est habitué, ont fait écrouler le système, devenu non-adaptatif à la réalité matérielle induite par sa propre surconsommation de richesses.
marathon start
Bien sûr, ce qu’on appelle la réalité économique – qui n’est, tout compte rendu, qu’une réalité tout au plus sociale – fait que la France riche a tout intérêt à maintenir ses terres hors de prix pour tous sauf les classes moyennes et riches. Sans ce prix exagéré du mètre carré d’immobilier, la France ne pourrait guère assurer sa monnaie et ses dettes – la même logique s’applique au niveau européen … ou en Amérique du Nord. Sans importations, sans la sur-exploitation des ressources naturelles, la France ne pourrait guère assumer son rôle de puissance mondiale, de soft power et de hard power. De surcroît, elle risquerait de se faire menacer par toute une série de nations jusqu’à là sous-dominantes qui, étant donné leur dépouillement par les nations de haute consommation comme la France, la menaceraient d’invasion, d’accaparation de ses propres ressources.
Tout comme Rome, le sort de la France – et par extension du monde riche post-colonial – pourrait bien être de subir plusieurs siècles de fragmentation, de parcellisation et de dominance étrangère avant de pouvoir réassumer une semblance d’autonomie souveraine – si jamais. Condamné par son succès, le pouvoir « culturel » de Rome, de Grèce et des autres empires précédents indique peut-être leur maturation, jusqu’à ce que le pouvoir ostentatoire ne soit plus de mise, étant sublimé dans le monde entier.
Il reste qu’avant que ce soit trop tard - le dernier rapport du GIEC donne deux ans et demie pour qu'on change définitivement de cap – nous devons arrêter notre surconsommation d’énergie. Le secteur du transport routier est épinglé. Ceci crée une vraie chance d'une approche logistique et infrastructurelle qui nous évite de tourner nos empires en déserts. Si ceux qui prônent la Transition ont eu tendance à diluer fortement ce message, l'abondance relative de ressources a une vertu, elle nous permet de ne pas trop nous préoccuper des moyens à notre disposition. Paradoxalement, ce sont les moyens humains qui sont déficitaires – la main d’œuvre – et il faut encore chercher des arguments gagnants pour qu’un ouvrier jardinier accepte d’être très mal payé pour du travail dur manuel, sans machines.
L’un de ces arguments est peut-être qu’il peut ainsi accéder à la propriété d’usage à laquelle il n’aurait jamais pu aspirer dans un contexte de pays riche et propriétarial. C’est une approche déjà bien connue en Amérique Latine, où, au lieu d’un salaire universel, on demande le droit a son lopin de terre, dont on va soi-même tirer la bénéfice.
Pourquoi pas en France ? Dès que l’on commence à pratiquer une culture vivrière plus les transformations et les conservations qui assurent la continuité alimentaire, les surfaces requises se réduisent – 500 mètres carrés, 3000 mètres carrés, on ne parle plus de 30 ou de 300 hectares (30,000 ou 300,000 mètres carrés), ni d’exploitation agricole, ni même de maraîchage, sinon de jardinage, de potagers, de symbiose avec la biodiversité, de gestion de l’hydrologie du lieu – ce dernier voulant dire la génération de l’eau douce, de l’humidité et de la fraîcheur.
Et si l’on mettait notre savoir faire, notre science et notre technologie au service de ces finalités, plutôt qu’au service d’un monde sans avenir, pour nous au moins ?
La situation des réfugiés ukrainiens devrait nous rappeler, étant donné qu’elle est précédée de plusieurs autres crises dans la même veine, qu’il y a une potentielle main d’œuvre expérimentée et capable de nous former à ces nouvelle épreuves – une vraie ressource humaine. Cela peut donner lieu à une nouvelle synergie entre le meilleur du savoir technique européen et du savoir non moins technique de faire pousser les plantes à petite échelle sans machines – propre aux travailleurs horticulturels pauvres partout dans le monde.
Notre métissage civilisationnel peut être conçu comme un atout, de nouveau, dans ce nouveau monde exemplaire de l’économie de ressources et la culture du vivant. Des nouvelles techniques fusionnelles, synergiques, peuvent essaimer, à partir des ancienne unités post-coloniales, créant de nouvelles viabilités.
Le défi n’est pas à sous-estimer, mais il existe surtout en nous – dans nos habitudes et nos principes de vie industrielle, contre et malgré tout. Pour reprendre le début de cet écrit, le problème existentiel est un problème de partage de pouvoir. Comment puis-je moi – ou tout autre jardinier – faire prévaloir ma voix contre les voix numériquement supérieures dans chaque instance, chaque réunion, chaque assemblée décisionnaire ? On voit déjà la trame probable de notre déroute, la croissance du secteur des recycleries, de réparateurs de vélo, de co-voiturage, de « technologie intermédiaire » qui reste et qui dépend, finalement, des productions industrielles. Ici se trouvent, dans chaque assemblée décisionnaire, 19 experts en habitat léger transportable (en camion), des mécaniciens, des utilisateurs accomplis de tracteurs, de rotivateurs, de biogaz, pour chaque jardinier.
églantier
Et à ce moment-là, la tâche du jardinier, qui est, de surcroît, résolument humble face à ses co-opérands, principalement les animaux et les plantes avec lesquels ils propose de collaborer, dans l’acte de manger (on ne peut guère décrire leur « travail »
autrement), est de faire appliquer la raison contre les habitudes de toute une civilisation de barbares technophiles.
Essayons quand même. L’eau est le prérequis de la vie. Une couche d’herbe qui atteint à peine 20 centimètres contient une volume, une colonne d’air humide proportionnelle à sa hauteur. Un arbre de quinze mètres, ou plutôt une couche d’arbres de quinze mètres, contient, sous sa canopée, 75 fois plus de volume d’air relativement humide que l’herbe à 20 centimètres, pour la même surface. Ceci sans compter les multiples effets, encore mal-compris, que sait induire l’arbre, au-dessus et en dessous du sol, pour régler l’humidité de son environnement.
Si l’on choisit, comme on l’a fait dans cet écrit, les effets quantitatifs plus que qualitatifs, parlant d’énergie et de surconsommation plutôt que de qualité de vie et de spiritualisme, c’est qu’on essaie de mettre les points sur les i’s, non pas en termes de finance et d’économie conventionnelles, mais en termes de notre survie objective. L’arbre n’est pas là pour faire des stères de bois, ni des meubles, ni du charbon, du gazole ou du pétrole dans le futur lointain. Il est là comme régulateur au présent de nos vies sur terre. Nous pouvons vivre avec, mais nous ne pouvons pas vivre sans.
Il en va de même pour les jardiniers. L’humain peut vivre avec, mais pas sans. On a tout intérêt, non pas à convertir les jardiniers en robots, sinon à convertir les mécaniciens en jardiniers purs, qui utilisent le meilleur outillage écologique connu jusqu’à présent, qui date d’il y a au moins deux mil ans, qui vient de nos ancêtres (ou c’est ce qu’on dit!) les gaulois. La faucille, la pelle-bêche, et ainsi de suite. Et pourquoi cet outillage ? Parce qu’en termes de son efficacité et sa durée de vie utile, il est plusieurs fois plus efficient, à notre service, que n’importe quelle tronçonneuse, débroussailleuse, rotivateur ou tracteur existant. Son efficacité est complémenté par le fait qu’il utilise l’énergie humaine, une énergie renouvelable, d’une redoutable performance énergétique par rapport à n’importe quelle machine à énergie électrique ou fossile.
On pourrait avancer que le jardinage, fait de cette manière-là, c’est pour les cons. Ceci dit, l’implication serait que les machines sont plus intelligentes et capables que nous. Mais au contraire, elles réduisent la complexité à une simplicité si grossière que l’intelligence appliquée humaine n’y trouve plus lieu d’être. L’outil le plus utile d’un jardinier accompli, c’est sa main – il est capable d’identifier et de préférer une plante entre mil dans un coup d’œil, là où une machine se voit encore obligé de tout mettre à ras. Si on sous-estime l’intelligence du jardinier tant, c’est qu’on a développé une croyance quasi-mystique dans la technologie, qui nous rend aveugle à nos propres attributs clés.
beatle bicolor
Transport
globalize : downsize
... is it that simple ?
Les métaux exotiques qui permettent à nos smartphones de se constituer viennent de plusieurs endroits dans le monde, on n’est pas prêt à renoncer à tout commerce de grande échelle, dit un commentateur.
La compétition sur l’échiquier mondial des autonomies relatives de chaque sphère d’influence régionale, idéologique, économique, s’est mis à l’avant, ces derniers temps. La biotech a aussi commencé à démontrer son importance stratégique, en lien avec à la fois les enjeux écologique et de santé humaine.
La branche d’études de l’auto-agencement par voie humaine – l’auto-administration de « médicaments sociaux », de pouvoirs d’auto-constitution et d’auto-restitution de ressources (ressourceries). La question d'échelle organisative de sociétés humaines expérimente une renaissance. Le rapport dépend beaucoup de l’exposition aux risques, locales ou globales, de la fédération référencielle dont l’organisme social fait preuve.
Communications
satellite météo
Référents : anonymat
Dans la mesure qu’un nœud dans un réseau et visible ou détectable, et par qui, l’orientation de l’individu est subjective … ou emprise. Un système de référents qui s’auto-choisissent et s’autodéterminent permet « l’occupation » d’un territoire par la décision autonome, système fourmis, d’être un messager ou non, d’être un référent en étant acteur.
colour maze
Down size
insecte cherche chemin de manière autonome,
cerveau très petit mais performant.
Les fourmis laissent sur leur chemin une tracée de phéromones qui communique à leurs camarades de passage leur « état phéromonal », au moment où elles étaient présentes sur le lieu de passage. On appréciera la finesse du mécanisme – les fourmis sont mobiles, ainsi étendent-ils la connaissance et l’intelligence du territoire autour du nid dans son ensemble, parce qu’elles sont mobiles, parce qu’elles ont libre arbitre, parce que il y en a plusieurs et que chacune agit localement tout en renforçant l’intelligence et la cohésion collectives …
L’être humain est également équipé d’une autonomie locale de décision, de mouvement, et de plusieurs méthodes de communication ou d’incommunication, mais souvent sujet à des décisions adaptatives préalables, mises en œuvre collectivement – par des modes de partage d’intelligence pré-accordés. L’autonomie qui sera accordé à l’être humain est l’un des facteurs qui rentre en jeu lors de décisions prises sur la mode d’action.
La « liberté de mouvement », la « liberté de communication » permettent à l’agent d’interagir pleinement, à son gré, avec son environnement. Agent de sa propre vie, il peut prendre son destin en main. Tant que cette décision est harmonieuse avec le destin du collectif, tel qu’il est défini, la force de travail de l’agent est en partie « mutualisée ». Avec et par qui ? Avec et par le collectif (ou ses agents), tel qu’il est défini, dans le cas particulier …
Julius César : la guerre des gaules, (livre 1, c. -51 av. jc)
… attribue le respect qui lui est accordé par les Helvètes à sa réussite, en un jour, de la traversée du fleuve qu’il leur a fallu vingt jours d'effort pour accomplir. C’est sa démonstration de prouesse technique et logistique qui a exigé le respect … selon lui.
Il essaie d’imposer sa logique sur le champs, disons. Une campagne, ou une saison de campagnes, c’est un mouvement, ou une série de mouvements orchestrés par rapport aux tributs à recevoir, aux alliances à cimenter, aux arbitrages à trancher et aux prestations de services à donner.
Je previens le lecteur que les mots ci-dessous sont écrits avec beaucoup d'émotion. Ils ne sont pas virulents, mais parfois la colère et l'exaspération se font voir. Mille excuses. Le but est de taper juste, même si les paroles peuvent parfois se faire sentir comme injustes.
Celui avec
le cerveau pré-fermé aura cessé de lire les mots qui sont écrits
ici, dès qu’il croit identifiér le positionnement idéologique.
Il existe une
logique circulaire qui n’a aucune logique, finalement. C’est
celle où on dit que pour nourrir le monde, il faut de l’agriculture
à l’échelle industrielle, avec des tracteurs et des techniques
ultra-sophistiquées. Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas
revenir en arrière. Parce qu’on ne peut pas se réduire à la
pauvreté, aux conditions de vie moyenâgeuses.
Peut-être faut-il
tout simplement dire qu’on nous a eu – et que oui, on peut, puisque avec toute notre technologie, on ne fait guère mieux, et souvent pire. Ce
n’est pas en stigmatisant des modes de vie frugales, pleines de
santé et de vitalité, par des épithètes péjoratives, que l’on
gagne l’argument objectif. La question n’est pas là – la
question posée est « peut-on nourrir le monde par des méthodes
non-industrielles, à une échelle non-industrielle ? » La
réponse est « oui », et qu’on le fait déjà –
regardez les chiffres, disponibles en dehors de cet écrit, si vous
ne me croyez pas. Les cultures paysannes nourrissent depuis toujours
la plupart de la population mondiale, l’industriel ne nourrit que
ceux qui sont les plus consommateurs d’énergie – ceux qui sont,
objectivement, en train de tuer notre monde à tous.
Il faut voir qu’à
l’origine de l’idée de l’économie de marché, dès l’époque
industrielle, est l’idée que le marché, la compétition sur les
prix, est comme un bâton magique dans le sens qu’il s’autostabilise.
Mais il a plutôt l’air d’être la guerre par d’autre moyennes,
s’il réduit des humbles paysans d’une pauvreté digne à la
pénurie et à la précarité absolues, par une compétition
déloyale. Cela se réduit à « on est plus grand, on écrase
l’autre », un simple rapport de force. Pour peur qu’ils se
mettent en collectif, pour établir un rapport de force réel, on
interdit aux pauvres de se rassembler. La voie publique et l’espace
public deviennent le territoire exclusif des voitures. Les machines
de communication communiquent à notre place. Etc. Nous arrêtons de
penser pour nous-mêmes.
Dans un livre récent
sur la résilience alimentaire, j’ai été frappé par une photo
aérienne de Novosibirsk, une ville Russe près du lac Baïkal, où
l’on voit d’énormes étendues de potagers ouvriers à la limite
de la ville – chaque ville russe en possède, il paraît. Lors de
la crise financière des années 1990 en Russie, les russes pauvres
ont pu survivre, en grande partie, grâce à ces traditions – tout
comme dans d’autres périodes d’intense privation. C’est pareil
pour les anglais, lors de la deuxième guerre mondiale. « Dig
for Britain » était le slogan patriotique de l’époque. Au
lieu d’expérimenter ces « privations » comme des
signes de souffrance et d’abaissement devant l’ennemi, on les a
finalement incorporées dans le mythe national comme des
manifestations de résilience, d’autonomie et de respect pour soi.
Des masses de jeunes urbains ont été envoyés à la campagne, pour
aider dans l’autonomie alimentaire, face au blocus des « U-boots »
allemands. En Chine et ailleurs dans l’Asie du Sud et de l’Est,
des mosaïques de rizières sont entretenus ans aucun moyen motoriséet sans engrais chimique.
Donc, oui, on peut.
Si les organes de média nationale française font de ce sujet un
absolu tabou, c’est que notre « intelligence collective »
nous a joué un sale tour, elle nous a fait de ce sujet un interdit.
Oui, on peut vivre à la campagne sans voiture. Oui, on peut
pratiquer du jardinage maraîcher, sans machines, sans transport
mécanisé, sans routes surdimensionnées.
L’empire Inca s’est
construit par palier écologique, sans roues, sans parler de routes,
et sans langue écrite. La technicité Inca, leurs savoirs-faires n’ont
rien à envier aux autres civilisations de l’époque – ce n’est
pas parce que l’on élimine ce qui est trop coûteux,
énergétiquement, que l’on renonce à tout savoir. Au contraire,
c’est une signe de l’intelligence de l’organisation collective,
contre l’application de la force brute.
Nos revenus seront
vastement réduits, mais nos frais d’entreprise aussi. Si
l’objectif est de se nourrir et d’avoir une bonne qualité de
vie, aucun problème. Le leurre est de confondre le chiffre
d’affaires (le salaire brut) avec le marge (ce qui nous reste après
avoir payé tous les frais de l’entreprise). C’est une tromperie
d’une telle évidence qu’elle insulte notre intelligence. Si on
répète sans cesse qu’il faut hausser les salaires, surtout en
période électorale, c’est un mantra codé de la fuite en avant
dont personne, ou presque, n’est dupe.
D’ailleurs, les
rendements par hectare ne seront pas réduits – attention,
l’argument par lequel on nous fait croire que le rendement « en
bio », sans chimie, est forcément moindre que le rendement
industriel, est archifaux. Il consiste à prétendre qu’en prenant
certaines semences, faîtes pour l’agriculture industrielle et non
pas pour le jardinage, en rajoutant de l’engrais à gogo, en
utilisant des tracteurs, etc., on fait mieux que si l’on pratique
une agriculture « raisonnée » (industrielle), paysanne
(avec tracteur), sans jamais regarder d’en face l’efficacité
globale de l’opération (il faut bien des hectares pour payer les
gens qui produisent le tracteur, par exemple). Et en parlant de tout cela, on oublie de parler du jardinage ... de l'interaction directe, à petite échelle, d'un être humain avec la terre, avec ses animaux et ses plantes, sans aucune assistance mécanique.
Attention ! Les
machines biologiques (nous) sont encore beaucoup plus « efficients »
que les machines thermiques, électriques, nucléaires. L'être
humain : environ un ou deux Kilowatts par journée entière, pas par minute. L'être
humain, plus d‘intelligence et d’autonomie que n’importe quelle
machine, à moindre prix, une efficacité, rapidité et précision
sans pareilles, si l’on considère son adaptabilité (une seule
machine pour faire une multiplicité de tâches). À moins que tu
t’arranges pour que ses frais de vie soient tellement exorbitants
qu’il doit toujours « travailler plus pour gagner plus ». Un être humain accompagné de toutes ses machines et toutes ses prothèses, c'est vrai que cela coûte très cher.
Pareil pour les
critiques systématiques des écologistes en éco-hameau, qui
n’arrivent même pas à se nourrir s'ils ne trichent pas avec les aides
sociales (RSA), sans l’aide de leurs parents, sans l’accès aux
bio-coops en voiture. Ces critiques sont malheureusement entièrement justifiées. La
campagne française est en train de devenir la préserve des riches,
les tentatives d’en faire des réserves de la nature où, de fait,
il n’y a que les riches et les amis des riches qui y ont accès,
sont de nouveau bien méritées. Ces générations ont eu cinquante ans
pour démontrer que leurs modèles de "retour à la nature sont accessibles à la majorité
de la population – et elles ne le sont pas. La voiture prend tout. Ce n’est pas en
mettant en exergue sa profonde identité avec les « peuples
premiers » (et les autres?), qui eux-mêmes occupent souvent
des vastes tracts à une densité de population également réduite,
que l’on peut convaincre à un pauvre paysan sans terres de la
justice de sa cause. L’espace cultivable est là. La
bio-diversité s'augmente, la précipitation est augmentée,
pas réduite, par des techniques de
jardinage à l’échelle humaine et non pas d’« agro-forestrie ». Ce qui
manque, c’est les êtres humains – et pourtant, il y en a … des
millions.
Ce n’est pas en
prenant de mauvais contre-exemples de ce qu’il ne faut pas faire
qu’on gagne l’argument de fond. Toutes les élites rurales
doivent être mises en question maintenant – leur campagne est en
train de devenir un désert, plus industriel que la ville. Ces élites
se confondent, d’ailleurs, avec les élites urbaines. Leurs excès
de consommation sont tout simplement ahurissants. Comme au Moyen Âge,
les riches peuvent voyager (et comment!), les pauvres sont plaqués
sur place (même pas l’argent pour payer l’essence). Le touriste
qui dépense de l’argent, qui consomme à outrance, est le
bienvenu. Le pauvre, qui voudrait bien travailler pour gagner son
pain, et celui des autres, en faisant un potager, est considéré un fardeau, un parasite même. Bien sûr qu’il
l’est, si le coût réel de la vie à la campagne est devenu
prohibitif ! Et pendant ce temps, les réfugiés s’amassent à
nos frontières, et les potagers stagnent. L’irréalisme est tel
que les riches se plaignent du manque de services (de servants),
d’« aide à la personne » à la campagne. Mais qu’il
fassent qu’il soit faisable d’y vivre !
Nous avons ôté et
nous continuons de détruire à peu près toute l’infrastructure
nécessaire pour vivre une vie humble et digne à la campagne.
Cherchez les bancs, les abris, les bivouacs. Cherchez les endroits où
faire un feu de cuisine, où se réunir sur le chemin, où garer son
vélo, son sac-à-dos, son âne. Cherchez les lieux de stockage, les
gîtes de passage, les travaux saisonniers, les jardins à cultiver.
Les « salles polyvalentes » (quelle ironie) restent la
plupart du temps totalement vides. Les mazets, les orris, les lieux d'hospitalité sont obstrués. Les « médiathèques »
restent la plupart du temps fermées. Les champs sont visités deux ou trois fois à l’année, en tracteur. « On n’a pas d’argent pour cela ».
Non. Vous n’avez tout simplement perdu le désir de partager vos
biens !
On les a presque
éradiqué, ces lieux de convivialité ouverte, dans le dernier
demi-siècle. Des années 1970, où il était banal de crapahuter
avec son sac-à-dos pour trouver du travail, sans être traité comme
un vagabond, aux années 2020, où les mobilhomes ont plus de droit
d’exister sur la place publique que les êtres humains, l’hostilité
contre l’humain mobile par ses propres moyens est devenu
envahissante. « Sans domicile fixe » est devenu « sans
droits civiques » – ce n’est qu’en se « domiciliant »
et en s’humiliant (accueils de jour, principalement desservant des
populations considérées comme des toxicomanes, des alcooliques ou
des « tolards », le « 115 » pour des
« hébergements d’urgence ») que l’on peut faire
reconnaître ses droits humains théoriques. Les plus démunis sont
noyés sous les excès, de piètre qualité nutritif, de la société
de la consommation, ils n’ont aucune motivation ni possibilité
même, pour la plupart, de produire leur propre alimentation.
Peut-être qu’il
faudrait rappeler aux héritiers du christianisme que Jésus et ses
disciples étaient eux-mêmes SDFs. Pauvres ? Mais oui ! « Je viens manger chez toi » a dit Jésus au riche.
Si l’on veut
vraiment retrouver une productivité nourricière qui concerne toute
la population, il faut donc d’abord, et avant tout, rendre possible
l’accès digne à la campagne pour les gens à pied, sans moyens,
en capacité de travailler la terre, de transporter et redistribuer
les denrèes.
L’effet de
l’industrialisation massive de la campagne, y inclus les systèmes
de transport et le réseau routier, est de rendre « hors de
prix » l’accès à la ruralité, pour la vaste majorité des
citoyens. Mais « travailler » à la campagne est devenu
« travailler seul, avec ses machines ». Tout le temps ...
une vie d’enfer. Il faut être quelqu’un de bien particulier, ou
bien riche et socialement connecté, pour vouloir vivre dans ces
conditions d’isolement social. Pour un urbain, le seuil est rendu
encore plus difficile à franchir, il s’aventure, sans aucun
soutien social, sans aucun appui logistique, dans une terre qui lui
est devenu étrangère.
A ce défi, autant
les potagers ouvriers que la vie de nomade, les deux sans recours
aux machines, sont des manières de socialiser le transport et le
travail vivrier. Comme lieux de vie, la route et le jardin comptent,
énormément. Qu’ils deviennent de nouveau vivables, pour tous et
pas pour une infime minorité !
Mieux dit « société d’attention », il semblerait,
sauf que l’inattention y joue pour beaucoup, …
mais commençons aux origines – la mémoire.
Là où beaucoup d’entre nous aurons commencé leur éducation
en croyant essayer d’apprendre des choses par cœur pour s’en
souvenir après, j’ai été d’entre ceux qui voyaient certains
sujets comme des risques de contamination mentale et faisais de mon
mieux pour ne pas les connaître. Ces sujets n’étaient pas des
moindres. L’écriture et la lecture, j’étais contre, basé sur
les prémisses que cela allait interférer avec ma perception du vrai
monde et qu’une histoire racontée de vive voix vaut mil histoires
livresques. Je n’ai pas changé d’avis depuis. D’autres sujets
qui attiraient mes foudres étaient les écrans et ce qu’ils
projetaient, très inférieur à la vrai vie et sa narration, et tout
ce qui traitait de la religion, qui me paraissait, tout au moins,
malhonnête.
L’économie de l’attention est donc, pour moi, un peu comme
l’intelligence collective, une description incomplète du même
verre à moitié plein, à moitié vide. Cela pourrait tout aussi bien être la stupidité collective, qu'est-ce que j'en sais? Ou le savoir faire collectif (par exemple, les romains ont bien utiliser du plomb pour l'eau potable, et nous après, cela abrutit, quand même ...). On n’apprend pas comme une
éponge, on apprend en discriminant ... on apprend à discriminer.
Ceux qui essaient de comprendre le fonctionnement du cerveau sont
venus plutôt renforcer mes intuitions sur ces sujets depuis lors. On
bloque beaucoup. C’est même l’essentiel de l’apprentissage –
savoir distinguer entre les bruits parasites et le signal. Et un
métaphore basé sur l’audition marche mieux pour décrire le
fonctionnement du cerveau à cet égard qu’un métaphore visuel.
Imaginons une foule de gens qui parlent, tous à la fois, d’entre
lesquelles on ne veut entendre que la voix d’une seule personne.
Qu’on y arrive est déjà assez impressionnant. A-t-on écouté l'un, ou coupé tous les autres?
On a du délibèrément ignorer le son des voix de tous les autres,
mais la complexité ne s’arrête pas là – mettons que c’est
une conversation que nous essayons de suivre, contre le sifflement du
vent … Pour apprécier la différence entre l’auditif et le
visuel, un sourd-muet qui lit sur les lèvres n’a
qu’à se focaliser sur le visage de celui qu’il est désireux
d’« écouter ». Pour entendre la conversation entre
deux personnes, il doit les avoir tous les deux dans son champs
visuel, encore qu’il n’« entendra » pas tout – il
n’entendra que difficilement les interruptions. En réalité, c’est
une question non-neutre de comment focaliser son attention - et avec quels moyens.
Et qu’est-ce qui se passe si tout cela se réduit à écouter celui qui n'oublie pas de mettre des
« smileys » ? Q'on écoute le texte, mais on coupe la voix de celui qui est devant nous, lorsqu'on cherche de la connaissance "avérée"?
Essayons de voir le verre à moitié plein.
Si ce sont les égyptiens qui ont inventé l’une des premières
langues riches d’expression écrite, c’est surtout dans le
métaphore visuel, auditif, conceptuel qu’ils ont été forts,
leurs hiéroglyphes étaient tout sauf universelles, ne faisant du
bon sens que lorsqu’on les localisait dans la culture et
l’environnement de leur production. Le Sanskrite, une autre langue
écrite ancienne, a servi de base pour la construction de l’alphabet
phonétique, puisque ses signes représentent ni plus ni moins que chaque
petite nuance de l’articulation, la vocalisation et l'aspiration de nos voix.
Mais la langue des signes n’est pas la langue des voix – cela n'a pas empêché au Sanskrite d’avoir cent différents mots désignant
l’éléphant dans tous ses états.
Si une langue est comme une espèce qui suit les lois
(non-écrites!) de la sélection naturelle, on peut dire que
l’égyptien est tombé en désuétude, après une période réservée
à la pratique par l’élite religieuse, que le sanskrite et même le
chinois écrits sont dans le domaine des liturgiques et des lettrés,
puisque pour les opérations de jour en jour, d’autres formes
d’écriture simplifiée ont été adoptées.
Le français et d’autres langues européennes ont aussi suivi ce
double sentier de jeux entre l’orthographe et la prononciation
réelle d’un mot, tandis que l’espagnol est invariablement
phonétique, au moins théoriquement, tout en utilisant exactement
les mêmes symboles, les lettres, un grammaire et une syntaxe très
proche des langues voisines (à l’exception du basque).
L’économie de l’attention numérique ne se déroule pas
paisiblement dans l’arrière plan, sinon dans l’immédiateté.
Elle nous « saccade », nous brusque l’attention,
jusqu’au mini-moment quantique. Or, la science peut en dire loin
sur ces « moments d’attention » - ils ont une cadence,
même un certain rythme. Chaque être vivant « détecte »
différemment des détails plus ou moins comprimés dans le temps, localisés ou dispersés dans l'espace, de
l’ultrabasse aux très hautes fréquences qui, par leurs vibrations, nous communiquent leurs "informations".
L’ensemble de ces faits ci-dessus, ce corpus de connaissance,
nous mène à certaines conclusions. Notre attention n’est pas
figée, c’est une bataille constante de triage entre l’essentiel
et le non-essentiel, tout en retenant le maximum de points d’accès
sensoriels aux données. On parle ici des appareils que la nature a
cru bien nous donner pour cette tâche, nos yeux, nos oreilles, nos
langues, nos corps, tous nos corps, y inclus ceux des autres. Une économie de l'attention, come une langue, est aussi une économie de la communication - payante, peut-être (!).
L’intelligence collective, dans sa version 2016 en amont,
suppose que c’est notre culture partagée qui nous donne le dessus
évolutionnaire – la transmission, en ignorant très largement la
forme précise que prend cette transmission du savoir - sa trame sociale. Elle
présuppose que c’est l’essentiel qu’il faut transmettre – du
son sans parasites. Des lettres sans sons. Des clés universelles de
la compréhension sans contexte – des formules de la pensée
abstraite. Mais dans ce cas, nos paradigmes sont toujours
incomplets. La tentation sera toujours de les compléter en forçant
la réalité, pour qu’elle se conforme au pied des lettres.
Plus loin, la société de machines à penser et à agir à tout
intérêt à extraire de la terre la conformité à ses règles
socio-machinales, plutôt qu’à se conformer à sa réalité
terrienne. Elle n’est pas « adaptable » - elle « adapte ».
On nivelle le champs, pour qu’il soit « exploitable »,
plutôt que d’inventer des machines à respecter les accidents de
terrain d’origine. La facilité devient « l’absence de
complexité », bien que ce ne soit pas le cas réel. Au service
des machines, nous essayons de penser comme des machines, pour
pouvoir mieux accommoder la terre à leurs exigences, pensant très
peu aux nôtres, en tant qu’animal physique humain, tout en
réclamant nos droits au confort matériel et psychique. Peut-être les deux en même temps sont incompatibles, vu l'état actuel des choses ?
Et par conséquence la pollution sonore, on pense ne pas y penser
– mais à voir comment ça joue si nous considérons ce qui marche pour les machines, pour
attirer notre attention. Les sons marchent très peu. Ils marchent très
peu parce qu’ils sont trop efficaces pour casser/réattribuer notre attention –
et on les éteint, ces machines qui ne nous laissent pas tranquilles ! Comme un « pas de pub » collé à
la boîte aux lettres de presque tout le monde, sauf ceux qui ne ressentent pas le besoin parce qu'ils n'en reçoivent jamais.
Auparavant, ce comportement de refus même de s’ouvrir à la
possibilité de la communication était réservé au voyageur
commercial, porte-à-porte – aux « colporteurs »
maudits. On assimile les causes de ce rejet à des raisons
raisonnables – « s’il a quelque chose à me vendre, ce ne
sera pas à mon profit sinon au sien », pense-t-on, « je
n’y aurai sans doute aucun intérêt ». Mais le refus
communicatif s’épand, lorsque les possibilités communicatives
s’universalisent.
Dans une économie de l’attention, le calcul primaire devient
exclusivement social – à qui permet-on l’accès à notre
attention ? A notre réseau social et point. Face à ce refus
d’attention, ceux qui veulent réclamer notre attention appliquent,
faute de mieux, le chantage et l’exigence. Tu t’inscris sur
« Pôle Emploi » parce que tu n’as guère de choix, si
tu veux accéder aux opportunités d’embauche. Tu te reconnais être
en besoin urgent d’« insertion sociale » parce que tu n’as guère le
choix, pour toucher de l’argent. Tout devient « urgent » – de là l'expression « cas social ».
Tu te considères pragmatique, en permettant que ces parasites de ton
attention soient prioritaires. C’est la réalité sociale –
tu n’as pas de choix, sauf de t’abstenir des vaisseaux
communicants qui n’attendent de toi qu’un « si » ou
un « non », en guise d’échange. L’économie de
l’attention c’est aussi l’économie du temps, elle termine par
nous pénétrer tous de ses codes insensés – insensés par
rapport à nous en êtres primaires.
On observe que l’économie de l’attention est aussi un rapport
de force social, et que le conditionnement subi peut changer les
valeurs de ceux qui le subissent – jusqu’au plus profond de leurs
êtres – le sexe et les relations humaines représentent la plupart
des modes d’expression « levier » des nudges tentés. Chaque bastion de la communication humaine cède devant les exigences machinales, jusqu'à devenir peau de chagrin.
Or, la communication – pour nous incarnée par « la
langue » est sans exception situationnelle, personnelle,
singulière. Le chat peut nous apprendre des bons leçons à cet
égard. C’est avec grand amusement que l’on peut observer qu’un
chat essaie de ne jamais agir sur un objet sur sa trajectoire - il les contourne. Et
pourtant son premier objet de désir, c’est lui-même, et il se
lèche avec assiduité. Il est ce que l'on appelle "auto-centré". Il sait faire, mais il ne se laisse pas
faire. C’est lui qui veut absolument choisir ses objets d’attention
– qui focalise, qui dirige ses oreilles envers les sources sonores,
qui feigne la surdité en espérant qu’on lui fout la paix, qui
entrave le pas de son familier humain pour réclamer l’attention,
même à son propre risque et péril – comme un enfant au
supermarché.
Le harcèlement comme moyen d’attirer l’attention n’est
qu’un terme générique, vu de cette manière – on peut avoir le
harcèlement doux (la charme), le harcèlement dur (la menace) mais
c’est pile et face. Si on s’en lasse, c’est aussi un
épi-phénomène, le burn-out n’est autre qu’une réaction
théâtrale allergique – on a « trop donné » de son
attention à des causes qui « ne sont pas les siennes », on
a besoin d’un « temps pour soi », on devient
mouton devant les autres. Cela fait un sens parfait dans une économie
de l’attention simulée. Mais comme je tente de décortiquer, on
peut voir que beaucoup tourne autour des moyens – des techniques de
communication d’un savoir collectif. Ce n'est pas que la nature humaine ait changé, c'est que la nature de l'expression "technique" a changé sa mise en oeuvre, sa logique combinatorielle. Pouvons-nous suivre, collectivement ?
Avec les termes « présentiel » et « distanciel »,
tous deux très récents, on voit la langue conceptuelle humaine en
train d’évoluer pour accéder à une articulation de ces concepts.
Être là ou ne pas être là sont les définitions même de cette
ouverture ou non-ouverture ou fermeture des vannes de la
concentration, de la focalisation sur un objet subjectif. "Oui je suis là" on entendra avec fréquence dans des conversations d'un bout à l'autre du monde. Le chat,
mais tout être vivant, à vrai dire, maîtrise bien ces rudiments de
savoir, le rayon du cercle présentiel. Le virtuel les bafoue, notre langue traine. N’oublions pas que la conversation –
l’échange de paroles – fait pleinement partie de cette économie.
Savons-nous mieux nous écouter, nous parler, aujourd’hui qu’hier
– et à qui ? Savons-nous mieux négocier la prise de parole,
les réunions ? Une langue humaine n’est jamais universelle,
elle est faite autant pour exclure que pour inclure, autant par
référence à d’autres langues voisines ou « en
compétition » que par rapport à sa propre structure. Il est
donc important de se pencher sur la probabilité que lorsque la
machine prend le pas sur nos propres moyens socialo-communicatifs,
nous serons en tension dynamique avec ce nouveau véhicule de
transmission de savoir – que nos langues en subiront
l’empreinte.
Il est surtout clair que la hiérarchie de savoirs produites par
ce nouveau parler qui n’est pas parlé, ni articulé par des
langues communes, casse l’individualité et la pertinence de la
source de la parole. Depuis les égyptiens, depuis la langue des
signes. La novlangue a tendance à entretenir des blancs là où
l’affect, le tactile, l’odoriférant, trouvent encore leur place.
L’attention ne mériterait pas notre attention, en termes
économiques, si elle n’était pas éphémère. En jouant sur cette
impermanence à excès, en la convertissant en consommables
(exemple : 5G) et en mettant sa gestion hors nos mains, on ne
joue que les cartes du commerce conventionnel, pour en extraire
le maximum de bénéfice.
Rappelons-nous que « même un chat » sait très bien
gérer ses communications, normalement – il s’éloigne ou il
s’approche de la main qui cherche à le caresser. L’être humain
apprend à se taire – ou à parler. La territorialité – et la
co-territorialité - nous servent à tous les deux également –
dans ce cas le capitalisme de propriété prend toute sa place –
dans l’économie de l’attention. Le « silence »
devient un bien précieux, sauf qu’il n’existe que dans la tête
de celui qui y croit. Le silence est en fait un mur de bruits
auxquels on s’accommode fort bien – dans la texture même de
notre attention. Celui qui réclame le silence a perdu la main sur le
bruit du monde, il en est dépaysé.
Exemple : on change les fuseaux horaires en Europe pour que
les pays coïncident, tandis que localement l’aube et la crépuscule
ne sont plus à nous pour des périodes de l’année chaque fois
plus grandes. La glande pinéale et le rythme d’éveil-sommeil des
humains, tellement important pour leur bonne santé, conditionnés par
l’exposition à la lumière du jour, prennent le deuxième rang sur
« les intérêts économiques et sociaux » de ceux qui
travaillent, souvent tard la nuit sur des ordinateurs desquels la lumière
exacerbe l’effet délétère.
La campagne devient « tout télétravail, toute agriculture
industrielle »
La socialisation, la familiarité – il suffit de chercher les
similitudes entre l’époque du téléphone fixe, où les gens
passaient des heures là-dessus avec leurs proches lointains à l'exclusion de leurs proches ... tout près, l’époque de la
correspondance, où les amants passaient un temps
interminable à s’écrire des lettres, en général en espérant
pouvoir se voir ...
pour s’apercevoir qu’il est assez facile de créer assez vite
une civilisation où le présentiel cesse d’être la manière prioritaire de se
relationner socialement
mais … le présentiel, c’est nous, en tant que société, en
tant qu’individus où socialisation coïncide avec fonctionnement
physique
j’ai conduit une expérience d’immersion dans les années 1990
– est-ce que multiplier les moyens de communication (email, fixe,
portable, réseau social, papier, réunion physique, etc.) allait
enrichir et rendre plus efficaces les relations sociales et
fonctionnelles, je travaillais en tant que lobbyiste. Je suis même
arrivé à faire des sites web et des « groupes sociaux »
polylingues et avoir des collaborateurs principaux en Californie, en
Allemagne et au Chile.
Mais j’étais forcé de conclure que cela marchait à l’inverse
de ce qui était sincèrement recherché. On ne partageait pas du
tout les mêmes priorités, le même univers physique. Oui,
j’arrivais à bien connaître par Skype le perroquet dans la
chambre de ma collaboratrice en Californie … ou comprendre les
enjeux des québecois, mais on ne pouvait pas développer une
relation de confiance forte. Des études scientifiques récentes montrent que pour une conférence internationale présentielle il peut y avoir mille fois l'énergie consommée que si on le faisait en distanciel. Les scientifiques (avec les politiciens) sont ceux qui réussissent le mieux à entretenir des groupes sociaux à distance, de par la clarté des buts de leur relationnement et de par le financement de leurs institutions, sans doute. En tous cas, ce n'est pas ou peu accessible à ceux qui n'en que peu de moyens financiers. Et le présentiel, lorsqu'on peut le faire, marche mieux.
Est-ce que la combinaison de ces facteurs n'est pas en train de nous indiquer quelque chose - que c'est la trame même de notre organisation sociale et économique qui est défaillante? Progressivement, nous pouvons solutionner ces problèmes de
distanciation, croyons-nous, mais en fait non. Nous allons juste
pouvoir remplacer nos réalités somatiques par des réalités
chimériques ou malinterprétées qui nous coupent des autres,
fonctionnellement. Il faut penser physique et local d'abord, avant de songer à se combiner efficacement à grande distance, que ce soit en présentiel ou autrement.
Comme dans la contribution du « téléphone sonne »
d’aujourd’hui, quelqu’un qui travaille essentiellement sur des
fichiers excel ne va plus trouver besoin du présentiel et va quand
même se retrouver plus socialisé qu’avant – on peut lui parler
à distance, comme les autres, alors qu’avant, il était cloisonné,
par rapport à ses collègues « non-excel inféodés » de
par la nature de son travail asocial. Étant déjà en ménage, donc
socialisé dans sa campagne, il pourra peut-être continuer comme ça
jusqu’à la retraite et au-delà – il est déjà en retraite sociale.
D’ailleurs l’avantage social des retraités est augmenté par le
social numérique, dans la mesure que leurs performances et présence
physiques assument moins d’importance et leurs réseau sociaux sont
déjà établis. Par contre, les exclus âgés (sans accès
numérique, avec peu de liens sociaux) seront d’autant plus discriminés,
par rapport à leurs contemporains en âge.
L’écrivain est par contre plutôt favorisé, il « rêve déjà
debout » - il remplace activité et interaction sociales par la
fantaisie d’interaction sociale, il crée des univers surtout dans sa tête.
On peut dire qu’au moins dans les exemples donnés, le numérique
et le distanciel exacerbent les inégalités sociales, tout en donnant une semblance d'équitabilité plus grande. Comme
on le verra plus bas, ce n’est pas cela qu’il nous faut,
écologiquement – le rapport physique et social inter-générationnel
pour tous devient critique.
La mise en cause de ces systèmes qui nous remplacent, depuis le
début de l’histoire – ces systèmes de narration des rêves debout sans nous – devient
de plus en plus urgente. Ils nous mènent à l’extinction, potentiellement. C’est
le rêve transhumaniste – en cherchant la perfection et la vie
éternelle au singulier, ils démolissent les raisons pour aimer et
soutenir les autres, qui deviennent des instincts vestigiaux, sans
fonctionnement réel.
Les réseaux sociaux nous servent de flautiste d’Hameln (pied
piper of Hamelyn), nous mesmerisant (hypnotisant), nous offrant
l’illusion de bonheur et de société, nous menant toujours plus
loin, nous éloignant de nos proches … On peut prétendre que
l’illusion d’une génération devient la réalité de la
prochaine, mais cela n’a pas l’air. Réalité humaine sociale
n’égale pas réalité toute courte, surtout aujourd'hui.
Et puis … de dire que les écologistes comme moi, contre les
machines, sont comme des néo-Luddites n’est pas loin de la vérité.
C’est l’idée que le terme « Luddite » soit un terme
d’opprobre évident qui n’est pas clair. Ce n’est pas une doxa.
C’est un acte d’auto-préservation, d’auto-défense, des
humains. Tant que l’idée que "les machines nous aident" reste valide,
nous n’avons aucune raison de les délaisser sur le chemin de la
vie. Mais si leur utilisation à excès nous tue, nous avons toutes
les raisons du monde pour les rejeter. Si elles nous remplacent, il
faut bien que notre bien être nous soit assuré, si ce n’est pas
nous mais d’autres qui en profitent, quelle est leur fonction
réelle ?
Cette expression trop réductionniste, simpliste et généralisée,
d’une pensée qui dans le détail devient de plus en plus
vraisemblable, nous donne au moins le besoin d’examiner pourquoi ça
foire, tellement, lorsque nous réussissons excessivement dans l'usage des machines.
vendredi 18 juin 2021
deep learning et Genghis Khan
S’il y a des millions de descendants de Genghis Khan
aujourd’hui, du fait de la préférence sociale donnée à sa
descendance, ceci illustre deux failles évolutionnaires humaines –
la faille de choisir préférentiellement la reproduction de gènes
pour des raisons sociales, et non pas pour leur « qualité »,
la faille d’avoir une population qui augmente trop vite si l’on
passe d’un style de vie essentiellement mobile à un style de vie
essentiellement sédentaire.
Deep Learning – not shallow learning then ?
Pour nous, en ce moment, la grille d’analyse de ce qu’on
appelle l’intelligence artificielle est « est-ce que les
machines sont aussi intelligentes que nous, est-ce qu’elles
dépassent notre intelligence fonctionnelle ? ».
Abordons la question autrement. C’est quoi un chat ?
Réponse : un chat. Est-ce que les chats sont plus intelligents
que les humains ? Non. Comment se fait-il qu’ils peuvent
attraper des souris presque nonchalamment, une tâche qui nous
dépasse, alors ? Bin, ils ont des attributs de chat, et nous,
nous avons des attributs d’être humain – c’est pas pareil.
Comment se fait-il donc qu’un ordinateur peut élaborer des
microprocesseurs plus efficaces en quelques heures qu’un équipe
d’êtres humains en plusieurs mois ?
Bin, c’est quand même un environnement qui lui est bien
familier, auquel on peut supposer qu'il est bien adapté - il est entre ses semblables.
Il y a une fausseté dans ce qui est écrit plus haut. L’être
humain n’est ni plus ni moins intelligent que le chat.
L’intelligence d’une situation varie selon plusieurs variables.
Lorsqu’on utilise le mot « intelligence » dans ce sens,
on parle souvent des « faits qui sont à sa disposition »
et leur intégration dans notre prise de décision, comme pour
l’usage « intelligence service ». C’est un usage qui
précède notre usage présent. Notre présent est lourdement
influencé par la culture des « intelligence tests » (QI) qui
est, dans le fond, erronée dans ses présupposées, selon la communauté scientifique d'aujourd'hui.
Le chat a des appareils de captage d’information (des yeux et
des oreilles) très affûtés et dédiés à la tâche de choper des
rongeurs, entre autre. Nous, non. Les furets, c’est pas la même
chose. Bien que plus léger et longiligne, sa mâchoire est plus
forte et il a des techniques un peu pourries, il peut choper des poules, comme le martre. Mais les deux sont
doués d’une force de motivation pour se lancer à la poursuite de
tout ce qui bouge, d’une certaine taille. Et le chat a gagné sur
le furet, comme animal domestique, tout simplement parce qu’il est
moins dangereux, pas plus, que le furet. Un chat qi nous mord ne
risque pas de nous segmenter le doigt parce qu’il ne sait pas se
gérer. Ceci explique aussi la taille d’un chat domestique – il
est relativement petit, par rapport à ses cousins sauvages.
C’est aussi la raison probable pour la taille moins grande du
cerveau de la plupart des animaux domestiques, par rapport à leurs
cousins sauvages. Ils ne nous font pas trop concurrence – nous
arrivons à leur cacher des choses et ils sentent que nous sommes
dominants.
Revenons à Ghenghis Khan et sa remarquable réussite
reproductrice. Il paraît que c’est le fait d’une société
fortement patrilinéaire, avec une passion généalogique. Juste un
à-côté, on sait tout ça parce que le chromosome « Y »
se transmet de père en fils exclusivement. On fait des
échantillonnages d’ADN. Il suffisait de créer un seul exemple de
réussite hiérarchique et de l’entretenir, socialement, pour que
tous ses descendants maintiennent l’ascendance.
Mais le désavantage, par rapport à notre intelligence, est que
l’avantage relatif des uns peut être augmenté aussi par le
désavantage reproductif des autres. L’homme moderne a en général
un cerveau plus petit que ses proches ancêtres « sauvages »,
il est vraiment le premier animal « domestiqué », ce
n’est pas juste une expression.
Et les hommes ne sont pas égaux aux femmes, à cet égard. On
sait suivre la descendance féminine, exclusivement de fille en
fille, par l’ADN mitochondriale. Chaque femme ne peut pas engendrer
des descendances aussi grandes, numériquement, que chaque homme.
C’est probablement pour cela qu’elle est fortement motivée à
investir dans le peu d’enfants qu’elle a, et que l’homme qui
participe à leur conception peut l’être moins. D’ailleurs la
tradition de harems – du sérail, avec ses eunuques, explique
l’intérêt des femmes dans ce système de dominance hiérarchique
mâle. Même s’il y a moins de proximité de sang entre
demi-frères et sœurs, il y a quand même de la proximité – et le
grand chef et père de tous est garant de la survie de tous. Ni les
femmes, ni les hommes ne sont « naturellement »
solidaires avec tous leurs semblables, bien que lorsqu'ils vivaient dans des groupes relativement réduits,relativement proches génétiquement, ils pouvaient l'être par socialisation. Les problèmes de génocide et aliénation franches commencent à se dessiner lorsqu'on vit en masse.
Un système matrilinéaire où la femme choisit marche autrement –
il permet une plus grande variété de gènes de brasser et peut
donner lieu à moins de dimorphisme entre hommes et femmes. C’est,
pour cette raison mais pas seulement, probablement le système social
le plus ancien des êtres humains – celui qui a donné lieu à des
cerveaux plus grands. Les études sur la distribution de l’ADN
mitochondrial ont montré que les femmes voyagent plus loin (ou en
tous cas réussissent à avoir une descendance qui dure en voyageant
plus loin), que les hommes. Et un cerveau social plus grand favorise
la lignée de la femme plus que celle de l’homme – on peut même
dire qu’être simple et brute peut servir à l’homme, en termes
de reproduction de ses gènes, toujours en termes relatifs - et que
cela peut être un trait qui attire les femmes aussi bien que les
hommes susceptibles de se trouver dans son entourage.
Ces arguments sont avancés pour s’attaquer au problème de
l’anthropocène, de la surproduction à la fois de ressources et
d’êtres humains auxquelles cette période géologique a pu mener. Pour dominer socialement et
donc assurer la survie et la reproduction de sa descendance, le
rapport de force entre humains devient le critère déterminant –
ce qui donne une forte motivation à accumuler, montrer et employer
des biens matériaux – comme l’ont fait les égyptiens. Il y a
aussi une forte motivation à éliminer de la surface de la terre les
signes visibles de ses concurrents – comme l’ont tenté de faire
« les égyptiens » avec diverses civilisations qui leur faisaient concurrence. Même un examen superficiel de la
performance des lignées des pharaons indique qu’elle était fort
variable et que leur qualité génétique y comptait pour beaucoup
moins que leur généalogie et leur "publicité politique collective".
Un petit point d’à côté, de nouveau – parler de cette
manière de ces données n’est pas l’évidence d’un certain
eugénisme de ma part, plutôt l’inverse. Je démontre que, si la
sélection se fait par des critères sociaux basés sur des
hiérarchies sociales (y inclus celles basées sur la "race" et la
« qualité » des gènes), la qualité des gènes risque
de détériorer et de toute évidence l’a fait, globalement. Ce
procédé peut s’appeler la domestication ou même, dans nos yeux
seulement, la civilisation [sédentaire]. Il commence à se
manifester de bonnes raisons pour croire que la civilisation mène à
l’extinction de l’espèce, par surpopulation, surconsommation et
inaptitude générale à la survie dans la durée. Une manifestation de cette inaptitude culturelle que je trouve personnellement amusante est la culte de l'individu, sans penser à sa déscendance, ni à celle des autres.
L’état d’avant, où nous étions plus libres de nos
mouvements et où nous vivions dans des groupements moins grands,
évitait ces faux pas et de par l’évidence funéraire, nous
attachait moins à la généalogie et à la culte des chefs. De nouveau, dans cette lumière, le plurithéisme est plus avancé, culturellement et surtout écologiquement, que le monothéisme d'aujourd'hui - c'est plus intelligent.
Cette argumentation a tendance à montrer une possible solution
écologique humaine, en termes d’organisation humaine, une
diminution radicale de la hiérarchisation et de la centralisation
sociale, une diminution de la taille des groupes (des villes) plus la
facilitation d’une vie de liberté de mouvement et d’association, en groupes non-menaçants de par leur taille ou leur intentionnalité. C'est l'inverse de nos pratiques culturelles actuelles.
Non pas pour des raisons sentimentales, mais pragmatiques.
Et qu’est-ce que cela a à voir avec les ordinateurs et le
« deep learning » ?
Beaucoup. Beaucoup beaucoup.
Nous savons concentrer les groupes de spécialistes et d’experts.
Des exemples sont les « codebreakers » - ceux qui ont
cassé le code « enigma » des allemands en Angleterre, le
projet « Manhattan » qui a créé la bombe nucléaire,
les programme spatiales de l’Union Soviétique et de NASA …
Google et le GAFAMs en général utilisent la même technique, pour
devancer les autres et établir des monopoles de savoir appliqué.
En fait, ces hiérarchies de savoir, avec le choix du meilleur à
la grande perte de tous les autres (AppleMac), créent la même
dynamique concurrentielle qui est décrite en haut, par rapport aux
égyptiens. Si l’on pense au savoir collectif, si les américains
inventent et les européens légifèrent dessus ensuite, c’est
parce que, à la suite de quelques guerres mondiales mais surtout
chez eux, les européens ont appris collectivement l’intérêt de
ne pas laisser dominer la libre concurrence sur toute autre chose,
puisque cela ne marche pas. Le savoir faire du maintien d’un
certain équilibre entre puissances du « vieux monde »,
il transparaît, est son atout, pas sa fragilité, bien que ce ne
soit plus le cas.
Le « deep learning » des ordinateurs sur les
ordinateurs se passe dans un monde (d’ordinateurs) paramétré,
dans une bulle. L’Amérique du Nord, de fait, n’a plus rien du
Nouveau Monde, mais s’est assimilé culturellement au vieux monde,
un simple « Grande Angleterre », puissance
« européenne ». Comme la plupart de ces supposées
innovations informatiques, le nerf de la guerre est de paramétrer le
monde à l’avantage des détenteurs de machine. L’hypothèse que
d’obliger, par intérêt commun, ce paramétrage, soit justifié
par la supériorité des machines et de leurs méthodes est la même
idée qui soutient la définition de l’intelligence comme une
mesure de Q.I. - un quota d’intelligence, ce qui a été prouvé
faux comme thèse lorsqu’on s’est aperçu que l’intelligence
mesurée n’était, en réalité, qu’une mesure d’assimilation
culturelle aux normes de la culture dominante de l’époque.
Quelques exemples : rapidité de pensée et exécution des
tâches ? Oui d’accord, mais pourquoi ?
Intelligence spatiale ? Oui mais pourquoi ?
Capacité de manipulation des chiffres, des symboles, des mots ?
Oui, mais pourquoi ?
Etc. Les meilleurs footballers, comme les chats, n’ont pas
tendance à venir des meilleures écoles, sinon de la rue.
Ce qui se met très frontalement en cause, en termes de survie
écologique du monde, des humains qui y vivent (sans parler des
autres formes de vie, qui y ont autant de droit et d’intérêt
mutuel) et de toutes leurs descendance, c’est cette compétition
entre puissances, cette hiérarchisation de pouvoir et de mérite.
Dans cette courte investigation ou expérience de pensée, étayée
par des références à des faits réels, nous pourrons citer aussi
les petites phrases et expressions qui essaient d’accommoder ces
dominances – les anglais avec leur « fair play » et
leur « ce n’est pas le fait de gagner mais de participer qui
compte » ont peut-être compris collectivement avant les autres
ce problème, de toute façon je viens de citer l’évidence
lexicographique de cette compréhension. Et s’ils l’ont compris
collectivement avant, ce n’est pas par mérite, mais parce que ce
sont les premiers à rencontre ce vrai problème, de par leur contact
très étendu avec d’autres puissances, souvent totalitaires,
autoritaires et hiérarchisées, partout dans le monde. Il fallait
des principes. Ils ont évolué des principes – de gouvernance.
Et si et si. Et si je le cite, c’est pour répondre à la mode
de « pensée collective » - je cherche, comme pleins
d’autres, des exemples de pensée collective utiles, je cherche à
m ‘adresser à une audience de gens qui est réceptive à ce
genre de raisonnement, qui n’est finalement pas très satisfaisant
comme raisonnement – donc j’ai même eu l’audace d’y rajouter
quelques raisonnements à moi. Pour moi, par exemple, il devient un
peu évident que, dans l’histoire récente, la France et
l’Angleterre représentent une sorte de duopole de savoir et
d’influence sur la gestion sociale, ce qui n’est pas rien, dans
un monde en crise écologique.
Pour casser ces modèles dominants d’origine européen (des
modèles qui cherchent à établir des équilibres), d’autres
puissances ont beaucoup de mal. Ils deviennent parfois très
autoritaires chez eux pour pouvoir prévaloir avec leur propre
mimétique. Un brin de racisme peut monter à la surface, dans ma
critique, puisque l’ancien modèle d’empire et de sédentarisation
civilisationnelle est quand même donné par la Chine, l’Inde et
l’Égypte – et il a donné comme résultat une eugénique
physique et sociale forte.
Il est important de noter que cette critique n’est ni
traditionaliste (qui cherche un retour aux origines) ni progressiste
(dans le sens de « transhumaniste »). Les faits sont là.
La possibilité de gros replis communautaires est visiblement là et
ne cesse de se magnifier. Le multi- ou pluri-culturalisme est là
aussi, mais regresse progressivement, ensemble avec les valeurs
humanistes. Le repli identitaire, souvent derrière des frontières
géographiquement définies, s’attaque à l’internationalisme
comme auparavant, en choisissant les cibles molles, les juifs, par
exemple. Et plus les juifs réussissent à contester ce rapport de
forces apparemment asymétrique, avec des techniques novatrices de
partage de territoires et d’entretien d’un diaspora vital, plus
leurs ennemis apprennent de leurs techniques et plus ils sont des
ennemis de taille, à vrai dire.
L’intelligence de cette situation à souligner est que les
raisons sous-jacentes de tous ces comportements sont démographiques,
le social réfléchit le sentiment de manque d’espace et de
ressources ou d’absence de stress et de compétition à cet égard.
On ne peut pas abandonner une société de surconsommation parce que
l’on risque de se retrouver les victimes d’une autre puissance
plus forte et même génocidaire, même si c’est dans tous nos
intérêts de le faire.
L’intelligence écologique de cette situation est de voir
comment on pourrait décontracter les pulsions démographiques
crispées qui donnent lieu à ces compétitions fortes et sans limite
destructrice (MAD – Mutually Assured Destruction). Physiquement, la
solution est simple, il nous faut devenir beaucoup plus nomades en
consommant beaucoup moins de ressources. Si l’on fait cela, on n’a
plus besoin de se regrouper en communautés identitaires pour
s’accaparer des ressources qui nous assurent la survie qui est niée
aux autres. C’est évidemment les riches et les classes moyennes, à
l’échelle mondiale, qui doivent consommer beaucoup moins, leur
dominance hiérarchique, leur pouvoir relatif disparaît, pour
autant. L’argent est un cible légitime à ce fin, aussi bien que
la démocratie, dans la mesure que les deux favorisent la
continuation de la dominance par la richesse, en favorisant
l’émergence des grands chefs défenseurs de « certains »
pauvres – mais surtout des riches dont ils dépendent.
C’est pour cela que la territorialisation de l’affaire
démocratique dissimule l’inéquitabilité sociale. La classe
dirigeante des pays démocratiques peut légitimement avancer
l’argument que s’ils ne donnent pas assez de vaccin anti-covid
aux pays pauvres, tout en allant jusqu’à l’obligation de se
faire vacciner de leurs propres populations, c’est parce qu’il
n’est pas politiquement faisable de faire autrement, même s’il
est illogique de le faire. Qu’ils commencent à le faire maintenant
indique qu’il est devenu politiquement faisable de le faire. Les
deux raisons sont : 1. dans les pays riches on commence à voir
que la situation se gère et on a moins peur, pour soi et ses
proches. 2. Que dans les pays riches l’intelligence collective sur
le comportement des virus est devenue suffisante pour permettre de
vacciner sélectivement pour éviter la mutation dans les pays
non-vaccinés et la contamination ensuite des pays riches.
Le virus de l’information sur le virus s’est suffisamment
répandue, dans un délai temporel fixé par la courbe
d’apprentissage collectif sur le phénomène. L’information sur
le virus collectivement acquise nous a permis de retenir ce processus
dans un cadre « démocratique » et non-chaotique. Mais si
l’on avait eu la capacité de le faire plus vite, en autonomisant
la transmission de savoir, la gestion aurait été encore mieux. Par
exemple, si on avait mieux encouragé la production de masques
adéquats par tous ceux qui se montraient volontiers, dès le début,
et si l’on avait cru pouvoir expliquer aux gens qu’en dehors, ils
ne couraient presque aucun risque de contamination, avec une certaine
distanciation, alors que dedans, c’était mortel sans masques,
l’auto-gestion de la crise par les populations concernées aurait
été plusieurs fois plus efficace. C’est la courroie de
transmission de l’information qui a failli à ce moment-là.
Et le partage d’information utile se fait mieux si on est là,
en même temps que les autres.
Il commence à apparaître des livres et des discours qui
s’approximent à la connaissance et le savoir faire de ceux qui
« le savaient déjà » mais qui n’étaient pas écoutés.
Il reste que ceux qui sont allés trop loin dans leur accommodation
des conventions doivent maintenant ramer vers la cohérence
écologique, sans perdre la face. L’exemple clé est l’utilisation
de la voiture en campagne par des gens qui se font voir comme des
écolos. Il ne suffit pas de ne pas utiliser la voiture – il faut
activement créer des systèmes qui ne dépendent pas de l’usage de
la voiture. Le « confinement » fait que les gens
dépendent plus que jamais de la voiture, en campagne.
La latence est encore là – des dinosaures de l’épopée
industrielle continuent de se montrer ouvertement hostiles et
stigmatisants, mais des mots comme « illuminés » et
« radicaux », extrémistes » et « utopistes »
avec lesquels on tente de labelliser les écologistes modérés,
clochent avec certains éléments de la réalité incontestable.
Effectivement, il n’y a presque plus d’insectes et il commence à
faire beaucoup plus chaud. Les virus se répandent autour du monde –
notre civilisation industrielle assure sa transmission. La
conjoncture n’a jamais été aussi propice pour un tournant
décisif, les pouvoirs existants s’y opposent de toutes leurs
force.
En même temps, les semeurs de doute, dont les climato-sceptiques
au premier plan, avec leurs histoires légèrement tordues, ont
suffisamment exaspérés les gens qui réfléchissent pour qu’on
ait envie d’y voir plus clair. A force de nous expliquer qu’il
suffit d’être populaire et charmant pour influencer les masses,
les masses ont compris que cela ne suffira pas. Le problème étant
que les « masses » eux-mêmes sont les auteurs principaux
du crime.
Une société sous le choc essaie de se reconstituer, les
premières tentatives visent donc à être rassurantes – et peuvent
être ignorées – elles ne sont là que pour faire semblant, pour
ne pas « perdre la main ». Il faut un certain temps pour
arriver à un nouveau consensus, il faut attendre « le bon
vent » pour lancer les bateaux. Cet attentisme fait partie de
la malaise.
Wikipédia est un sujet intéressant, parce qu’il contredit le
discours de l’accaparation de toutes nos vies par les géants
commerciaux du web. Dans son cas, c’est surtout nous – les
communs - qui décidons, dans un cadre assez rigoureux,
intellectuellement et socialement, avec des débats contradictoires,
de ce qui est vrai et de ce qui est faux, même si le modèle
principal s’enlise dans une sorte de bureaucratise. Le modèle est
également extensible – nous ne sommes pas obligés de nous plier
au wiki géant, sa structure permet que des milliers de wikis se
créent – il est même fait pour. Le morcellement médiatique qui
entretient des bulles de désinformation nous empêche de développer
une vraie intelligence collective. Il est bien sûr urgent de créer
de nouvelles infrastructures humaines qui peuvent rétablir cette
possibilité, mais on va plutôt dans l’autre sens, avec un
didactisme défensif de l’élite de plus en plus prononcé, avec
des groupements hermétiques de savoir élitiste. Les groupuscules
qui y résistent ne font pas mieux – ils exacerbent le
retranchement en « sectes sociaux ». L’argent parle
pour nous.
Le Covid nous éduque aussi, dans ce sens. Des pays et des groupes
de pays différents ont pratiqué des stratégies différentes, avec
du succès variable, ce qui nous a permis d’apprendre plus vite,
avec plus d’options à notre disposition, ce qui n’empêche par
nos meneurs d’opinion de devenir volontairement aveugles.
L’évaluation collective, la délibération collective resurgissent
et leur pratique souligne l’importance des autonomies et des
libertés à plusieurs échelles. Par exemple, nous pouvons déjà
observer qu’un aspect clé de la sortie de crise Covid est
l’allégeance populaire à des règles collectives – que ce soit
dans un cadre démocratique (l’Australie) ou totalitaire (la
Chine). Notons qu’en Australie, la vote est obligatoire, il n’y a
pas de vote blanche. Notons aussi qu’il est très risqué d’attirer
l’attention à des telles explications causales du succès, en
Europe. D’autres raisons pourraient être que le défi et son
riposte ont commencé plus tôt en Chine, ou que l’Australie a des
populations plus faciles à isoler et adaptées à l’isolement, ou
qu’il fait plus chaud et que les gens passent plus de leur temps
dehors.
En puisant un peu plus, on peut dire qu’il y a une conscience et
une préparation collectives dans l’Asie de L’Est et donc en
Australasie par rapport aux maladies contagieuses d’une part, aux
catastrophes naturelles de l’autre. L’autoritarisme social et la
solidarité ont des effets coercitifs très proches, l’un de
l’autre. Notons que ceux qui ont réussi le mieux à limiter
l’étendue de la contagion ne sont pas ceux qui se sont le plus
appuyés sur les vaccinations.
L’autoritarisme social dans les pays européens fait écho à la
culture « scientiste » prédominante – des mouvements
sont en cours à la fois pour obliger tout le monde à se vacciner et
pour instaurer un régime de passeports numériques sanitaires. C’est
le symbole qui compte – à part Tarascon en Ariège, tout le monde
suit comme des moutons l’injonction de se balader masqués dehors,
malgré le fait que c’est le moment où ce geste ne sert à rien –
c’est la signe visible qui compte. L’analyse qui justifie ces
mesures liberticides se fait strictement dans un cadre nationaliste –
ce qui n’a plus rien à voir avec la science donc. La distribution
des antivirales, entre les pays riches en excluant les pays pauvres,
assure la propagation des nouveaux variants du virus, tout en
renforçant le climat de populisme raciste et discriminatoire dans
lequel on s’enfonce.
En France, la technique « populiste » de surenchérir
sur les politiques emblématiques de droite, pour éviter les vrais
fascistes, une stratégie suivie depuis la fin de l’ère
Mitterrand, ne correspond plus du tout à une politique
fonctionnelle, elle se fait par réflexe. En somme, nous sommes en
train de créer une société anti-libertaire en prétendant défendre
nos libertés. Paradoxalement, ceux qui sont les plus libres pour
réinventer une politique qui « casse le moule » se
trouvent à l’extrême droite, étant donné que
l’extrême-droitisation de la société conventionnelle fait qu’ils
nous ressemblent et qu’ils paraissent plus « honnêtes »
dans leur malhonnêté que la société « libérale » qui
s’est enrichie sur nos dos.
L’empire industriel est donc à bout de souffle – c’est le
prix du succès de tout régime qui dépouille les marges pour
enrichir le centre, sauf que dans le cadre actuel, c’est le monde
entier qui manque de ressources. Le repli dit « identitaire »
est une réaction pavlovienne des sociétés humaines – dans notre
cas cela se traduit en « sauve qui peut ». Il ne rime à
rien, dans le contexte actuel. On peut déduire que la trame du monde
futur reste à découvrir. C’est dans l’entre-nous où ce courant
nouveau passera – pour cela que les empêchements à la
libre-circulation, la Balkanisation progressive de nos sociétés
trouvera sa riposte dans nos tentatives de libre circulation de plus
en plus coordonnées.
Il y en a qui disent que la crise covid est purement
conjoncturelle, séparée de la crise écologique, ce sont ceux qui
ont une idée très vieillotte du sens du mot « écologique ».
On parle, à la légère, de l’époque industrielle, jusqu’à
inventer l’expression « post-industriel ». C’est la
marque de l’arrogance, celle qui va avec le colonialisme et le
post-colonialisme, la modernité et la post-modernité, tout ce qui
est « nouveau », le progressisme et le développement.
Ce qui fait naître mes doutes sur ces concepts, c’est un
certain sens qu’on n’a jamais eu autant de pensée
pro-industrielle qu’à l’époque d’avant l’industriel, et
ainsi de suite pour toutes les appellations. La mode déclarative ne
fait pas le phénomène. C’est toujours un jeu d’oppositions,
avec ceux qui ont le plus raison de cacher leur tendance réelle les
plus vocifères dans leur allégeance.
Prenons les néo-ruraux. Les plus près de l’écologie. Non
seulement est-ce qu’ils votent moins que les gens des grandes
villes pour l’écologie, mais les vies qu’ils mènent sont les
plus éloignées d’une vie écologiquement compatible. La campagne
est imbue de la doctrine de l’industrialisme - de
l’archéo-industrialisme.
Il ne faut pas se laisser prendre dans ces pièges conceptuels.
Capitalisme, esclavagisme, socialisme, communisme. Ce sont des
couches superposées sur des réalités existantes – qui s’y
adaptent, très vite très éloignées des idéologies épurées dont
elles se réclament. C’est comme le paire : humanisme,
eugénisme, qui coexistent dans le même cerveau, de manière peu
plausible.
Comment va-t-on désigner l’époque présente ? Les termes
du débat dépendent de la tournure de l’histoire – l’empire
romain, a-t-il cessé d’exister ? En tous cas, on a intérêt
à se méfier de termes auto-référentielles, de dualismes qui
excluent des pans entiers de l’histoire de leur cadre de référence.
Pour nous, ce qui est exclu est le féodalisme et la Renaissance.
C’est-à-dire, les époques où les fondements de notre culture
présente ont été établis. Idéologiquement, c’est comme si cela
n’a jamais existé. Tous deux reconnaissent la supériorité d’une
civilisation passée et la récupèrent, ce qui est hors la capacité
d’une civilisation qui se pense au-dessus de tout, progressiste,
développementale, supérieure ...
Et si l’époque industrielle n’a jamais vraiment existé ?
Où en serait notre analyse de l’époque présente, sans cette
béquille intellectuelle ? Des idées reçues permettent de
dater l’époque de leur conception. Histoire, préhistoire, cette
compartimentation est née de notre incapacité à lire les signes
archéologiques laissées par nos ancêtres. Aujourd’hui, de plus
en plus, on les lit – tout est ou peut devenir « histoire ».
De même pour l’idée que les romains – et à la rigueur les
grecs de quelques siècles avant Jésus Christ, étaient les premiers
civilisés – qui nous ressemblaient donc. Cette date AD, il y a
2000 ans, a de moins en moins de sens historique.
L’histoire orale, les mythes, la mémoire collective ont plutôt
un bon avenir devant elles, par contre. Les nains, les elfes et les
gobelins, aussi bien que d’autres créatures mythologiques, ont
réellement existé, jusqu’à il y a dix à vingt mil ans, au
moins. La technologie ancienne aussi. Le transport maritime aussi.
Dans la mesure que les êtres humains et leurs semblables ont peuplé
la terre pendant des dizaines et des centaines de milliers d’années,
il reste des plis de l’histoire ancienne qui pourraient nous
surprendre. Il suffit de combien de centaines d’années pour qu’une
civilisation existe ? De combien de millénaires pour que ses
traces s’effacent ?
Notre présent, si différent en apparence – il a commencé son
essor quand ? Il y a deux mil ans, lorsque les romains ont
commencé à bâtir leurs HLMs en béton avec leur plomberie en
plomb ? Ou il y a huit mil ans, lorsque ce genre de construction
urbaine se bâtissait dans des contrées verdoyantes, aujourd’hui
arides (le Sahel, le Pakistan) ?
Physiquement, la mécanisation, l’utilisation de pétrole, n’ont
commencé à s’accélérer décisivement qu’à partir d’il y a
deux siècles. L’essor démographique a dramatiquement accélérée
conjoncturellement. Est-ce que notre « attitude »
civilisationnelle est née de ce transfert de l’énergie du vivant
vers l’énergie non-vivante ? Est-ce que nos centres d’intérêt
récents (socio-psychologie, droits humains, bio-sciences), ne
seraient que des recherches de valeur humaine là où, auparavant, sa
valeur était évidente, basique ?
Le colonialisme et l’esclavagisme ne sont pas du tout des idées
nouvelles – pour cela il est simplement bizarre de les identifier
surtout avec l’époque actuelle et la dominance des européens.
Notre époque – peut-on vraiment la juger par rapport à ces idées
et ces pratiques anciennes ? Surtout qu’elle est marquée par
la perte de valeur et d’importance du travail humain – tant
intellectuel que physique.
Être industrieux. Cette idée, comme celle du néorural, va avec
l’inutilité, voire la contre-productivité croissante humaine. On
sert à quoi, sinon ? Il est amusant de noter que les ingénieurs
des algorithmes prétendent qu’il est impossible d’expliquer leur
manière d’arriver à leurs conclusions, comme jadis on disait qu’à
l’origine, la pensée humaine serait à tout jamais impondérable,
impénétrable (le numérique lit de mieux en mieux dans la pensée
humaine, il lui donne des « nudges » maintenant, comme
nous, aux chiens).
Le débat se centralise de plus en plus autour des questions non
pas de ce qui peut se faire techniquement, mais de ce qu’il faut
limiter – sur toute la gamme. Les voitures – on ne cherche pas à
les faire aller plus vite, on les limite. Les réseaux sociaux, on se
bat contre leur acquisition de notre information. Les écrans, on les
interdit aux enfants. Avec le confinement, ceux qui ont pris
l’habitude de voyager par le monde entier, avec de l’assistance
technologique, ont senti de plus en plus d’hostilité de la part
des populations locales. La préférence naturelle,
anti-artificielle, va croissant dans le monde actuel, d’autant plus
qu’il y a fission – l’être humain appartient à la règne du
vivant. L’industriel, l’artificiel s’en fiche du vivant.
L’industriel paraît, de plus en plus, être un pacte suicidaire
avec le diable, le diable qui emploie tous ses pouvoirs de
persuasion, tous les conforts, tous les biens de consommation, pour
acheter nos âmes – pour nous contraindre à l’utiliser, à
défaut de pouvoir nous persuader.
Mais notre conceptualisation de ce phénomène doit encore
beaucoup aux images de l’univers Newtonien, où tout pouvait
« rentrer dans l’ordre », l’harmonie des sciences
naturelles, mécaniques – pour cela que plein de nos trames
d’analyse, d’ingénieur, de mécanicien, de technicien humain,
sont devenues anachroniques, tout en retenant l’étiquette,
dépassée, de la modernité.
Si ce monde dans lequel on vit nous donne encore un sens, ce sens
sera orienté autour des biosciences, comme celui de nos plus anciens
ancêtres, pas seulement proche de la nature, sinon partie
intégrante. Nos traditions et nos cultures – elles si souvent
artificialisantes, industrialisantes, sont devenues nos ennemis
mortels. Nos outils de salut, nos « solutions techniques »,
nous tuent. Notre « productivisme » pareil, c’est
vraiment le monde à l’inverse, tourné très rapidement, sans
possibilité d’ajustement civilisationnel, tête dessus-dessous.
Le rejet sociétal qui menace de nous envahir agit, elle aussi,
par plusieurs couches superposées – c’est justement le problème.
La démocratie (représentative) – qui à une certaine distance
culturelle peut être considérée comme faisant partie de la culte
des chiffres, très loin de l’idéal de la démocratie
participative qui nous rend une autonomie réelle, cette démocratie
qui n’en est pas une peut participer à notre auto-destruction.
Les solutions « émergentes » qu’il nous faut sont
tuées dans l’œuf, la temporalité de leur pertinence est moins
longue que le temps nécessaire pour leur saisie et mise en œuvre.
Le temps saccadé qui nous est accordé n’est pas celui de nos
vies, mais celle régie par des machines. Si tout cela veut dire
« époque industrielle », je ne le pense pas, nous vivons
les aspirations de nos ancêtres « civilisants », qui ne
se trouvaient jamais devant les fruits de leurs fantaisies, comme
nous. Nous attendons le « mouvement providentiel », nous
attendons le bon dieu salvateur. De nous-mêmes, nous attendons très
peu, fatalistes, pas progressistes.
Par contre, notre expérience est là – nous saurons mieux
reconnaître la providence lorsqu’elle arrive que quiconque du
passée. Notre renaissance ne fait que se commencer.
« Laissons les arbres se débrouiller, ils n'ont pas besoin de nous »
France Culture et France Inter nous rendent une radio de très mauvaise qualité écologique en ce moment. Elles rendent les vies des vrais écologistes pratiquants invisibles. C'est quoi un écologiste pratiquant ? C'est quelqu'un qui consomme – qui fait consommer au moins cinq fois moins d'énergie dans sa vie que la moyenne, s'il est en France. Je n'en connais aucun qui parle à la radio nationale.
Le problème de l'invisibilité est que cela (l'écologie humaine) ne peut se faire qu'en ayant une infrastructure qui la permette, et on ne l'a pas. On n'en parle pas. Je ne m'attaque qu'à ça.
Cela permet des singularités d'analyse. Le sujet des radios nationales bascule entre solutions techniques et adoration de la nature. De ce fait, on n'a presque aucune analyse sociopolitique de la géographie humaine. Que des experts en « nature » où en technologie verte. Rappelons-nous où nous en sommes. Quelque chose de l'ordre de 70 % des insectes détruites dans les 30 dernières années en Europe. Des vastes tractes de territoire avec le sol impacté, semi-stérile, vidée de vie. Le désert rural, pour les humains aussi. Je traduis : il faut de plus en plus d'argent et d'essence (diesel) pour vivre à la campagne.
En fait la radio décrit assez précisément la sociologie de cette catastrophe. D'un côté, les techniciens avec leurs machines – industrielles – de l'autre les amateurs de la nature, avec le désir que la nature reprenne le pouvoir, sans intervention humaine.
Dans les deux cas, c'est le désert qu'on produit. A l'échéance actuel du réchauffement climatique, ces deux forces vont continuer d'agir pour vider la campagne de toute interaction saine humaine.
Ils vont aller où les gens ? « Dans la nature ? » La nature leur étant interdite ? La « campagne », c'est une manière de décrire « la surface » de la terre. C'est cette surface dont dépend la vie – et les humains n'y sont pas. Ils ne la voient pas. Ils ne la touchent pas. Ils ne la connaissent pas. La campagne moderne est un phénomène tragique, si on la regarde de près, ou de loin. Autour de chaque maison, des arbres. Plus loin, des champs. Tout nivelé, pas une haie. Sec à pleurer, ouvert au plein vent. Que des morts, au bord de la route, incrustées dans la route. En fait, la seule nature qui reste, c'est auprès des maisons et le long des routes. Les humains, ils aiment être à l'ombre, quand il fait trop chaud. Ils laissent pousser des arbres. Les tracteurs n'aiment pas les arbres – ils les arrachent.
Donc il y a une question toute naturelle qui se pose – comment faire que le gens se réintègrent à la nature, sans la détruire, en la faisant fleurir ? La réponse est aussi simple – ils viennent là-dedans en tant qu'humains – sans leurs machines.
Si nous retournons aux thèmes médiatiques – aux thèmes prétendument écologiques, observons qui parle … ce sont des gens qui vont en avion aux tropiques, qui créent des machines qui vont loin …
C'est comme si on voulait tout faire sauf briser le modèle – comme si on voulait éviter surtout de se poser les vraies questions, comme si on voulait créer des magnifiques diversions juste pour éviter de parler du sujet.
Mais le sujet, c'est vraiment ça – comment faire qu'on soit surtout des êtres humains, et pas des véhicules, des personnes qui se parlent et qui se touchent, et pas des portables et des ordinateurs. Et si on tue les forêts des tropiques, c'est surtout pour nous alimenter et nous fournir des produits ici. Nous pouvons nous alimenter en faisant des jardins. Nous ne le faisons point.
Ici j'essaie de faire parler du gros du truc, de « semer » le périphérique. On parle du gros de ce qui compte dans la vie. On parle d'une petite ferme bovine de 30 hectares, avec une famille de 4 personnes dessus. 300 000 mètres carrés. En jardinage, il faut peut-être 500 mètres carrés pour fournir l'alimentation d'une personne – 30 hectares, cela fait 600 personnes, là où une famille de quatre vit.
On peut argumenter sur les chiffres, mais on a de la marge, là. 150 fois plus de personnes sur la même surface. Pour la voiture, le tracteur, le téléphone portable et l'ordinateur individuels, nous sommes prêts à tuer le monde entier. « L'exploitant agricole » s'y voit même obligé. N'oublions pas une seule seconde que les règlements et la loi nous OBLIGENT à tuer la terre, on marche sur la tête à ce point-là.
Il est peut-être important de noter que le vivant est adaptable – de sa façon, il est programmable. Donc le chien qui saute sur le siège arrière de la voiture lorsque son maître l'amène est parfaitement adapté aux véhicules – c'est sa culture. La génération de nos arrières grands-pères ne connaissaient pas les tronçonneuses et encore moins les débroussailleuses. Leurs scies, leurs haches et leurs faucilles duraient très longtemps et leur permettaient de faire le travail sans assistance mécanique. La plupart de ces outils en acier existaient à l'époque des gaulois – ils avaient déjà la forme moderne.
Pour le transport, nous avions nos pieds. Cela fait encore partie de notre culture, les gens savent encore marcher. Mais très peu.
Par rapport aux vrais problèmes écologiques, mettons le climat et la biodiversité, dans les prochaines années, la prochaine décennie, nous avons donc des vraies solutions. Notre culture milite contre, mais les solutions existent, pour le gros du problème. Il suffit juste qu'on soit un peu humain.
Pourquoi donc est-ce qu'on n'en parle jamais ? Les pieds sur terre, nous serions dans une position de mieux réfléchir sur ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas de la technologie moderne. Tout cet argent qu'il nous fallait pour alimenter les machines, comme les tracteurs et les voitures, si ces machines n'étaient plus là, en quoi nous priverions-nous? Si nous avions un hectare de jardin et le temps nécessaire pour le cultiver, au lieu de trente hectares de désert monoculturel, serions-nous plus pauvres ou plus riches ? Pour le prix d'un ordinateur, nous aurions de quoi manger pour l'année. A qui le bénéfice ?
Cela n'a pas été spécifié, mais en fait cet écrit est basé sur l'observation – des décennies. Des décennies de hérissons écrasés sur la route de chez nous par des « amateurs de l'Amazonie ». Jusqu'à ce qu'il n'y en ait presque plus. La lâcheté de l'homme au volant, qui écrase sans même le savoir des créatures qui ne sont pas à la taille de son véhicule. Lui, il « est » son véhicule ? Il est quoi ? Qui chasse avec des chiens en meute et des chevrotines, un brave gars ? Compétitif ? Intelligent ? Ou juste un brute ? Ou une autre question – comment l'amateur de la nature, est-ce qu'il propose de prendre la route mouillée la nuit, lorsque les salamandres sortent, pour frimer leur orangé ? Peut-être il pourrait marcher ?
Qui marche, à la campagne ?
En fait ces belles forêts de notre imaginaire sont dans nos écrans, tandis qu'autour de nous, il y a la dévastation de notre présence, dont on ne parle pas. Nos « héros » écologiques sont ceux qui ont fait le plus de kilomètres en avion pour nous faire venir les images dans nos écrans.
Des riches qui proposent maintenant de vider la nature de tout autre humain, pour y vivre eux-mêmes.
Comment serait-ce possible de maintenir une discussion intelligente sur notre engagement avec la nature dans de telles circonstances ?
Il m'arrive de penser qu'il y aurait intérêt à faire une note de bas de page pour expliquer l'apparente rancune – d'un écologiste contre les écologistes, d'un amateur de la nature contre les amateurs de la nature. En fait il y a un problème du faire semblant et du faire. Briser le consensus, faire qu'il existe d'autres polarités dans l'analyse, …. je prends l'exemple de la fameuse muraille verte en Afrique. Il n'y a qu'au Sénégal que cela a « avancé » un peu. L'expert des forêts interviewé sur France Culture a répondu avec ce qu'on peut appeler du mépris au questionnement de l'intervieweuse, sur la nécessité d'intégrer les gens locaux. Il a dit que ce qu'il faut, c'est des jardiniers.
Moi, je dirais que ce qu'il faut, c'est une absence d'experts qui parlent de la régénération de forêt primaire dans l'espace de 600 ans. On a dix ans, pour la crise climatique. Les paysans du Sahel, ils ont des fenêtres de temps encore plus réduites.
Je suis d'accord, par contre, qu'il faut des jardiniers – l'un n'empêche pas l'autre.
Mais l'indifférence patente du forestier qui s'occupe des forêts, et pas des humains, ou du techno-enthousiaste qui s'auto-convainc du superbe de ses solutions, il faut que ça cesse d'être la note dominante. C'est une question de confiance politique. Il faudra sans doute des armées pour permettre aux jardiniers de construire une muraille verte au Sahel. Il n'y a pas confiance – les gens sont bien obligés de défendre les siens – il n'y a aucune prise en compte, par les scientifiques et écologistes, de la réalité sociale de l'animal en question : nous. Ils se débarrassent du « nous ».
Et en fait ce qui crève les yeux, c'est que la solidarité et l'intelligence sociales sont du côté des gens qu'on propose d'ignorer. Les solutions techniques (« jardiniers, armées, fric ») c'est nous. Comme donneurs de leçon, des gens qui épandent de l'insecticide, qui se montrent très défaillants par rapport à toute solidarité humaine et cohésion sociale, qui ont déjà terriblement abîmé leur propre nature. Il faut parler aux esprit sensibles avec humilité, avec des actes de contrition.
Donc il faut un modèle de vie sociale et civique qui convainc – qui donne un sens de mouvement écologique intelligible, cohérent. Sinon chaque intérêt limité va défendre le sien, sachant que personne d'autre le fera. Les scientifiques et les experts suivent la tendance – ils sont loyaux à leurs domaines et leurs spécialismes – ils sont en plus récompensés, médiatiquement, pour cela. Mais ils devraient au contraire vivre eux-mêmes les vies basse-énergie, d'entropie négative, qu'il nous faut.
Être solidaires et pas contradictoires avec la vie qu'ils proposent. C'est tout un tissu de vie coopératif et communicatif qu'il faut créer, pour que la solidarité ait un sens.
Et lorsqu'on y vient, à cette réalité là, qui s'ouvre à présent devant nous, c'est le premier pas envers un constat de la réalité sur le terrain – notre terrain, sans écran. L'asphalte devant nous. C'est dans cet état d'esprit qu'on commence à rapiécer le paysage fonctionnel de sa vie. Les jardiniers, pour la muraille verte d'Europe, ils ne viennent pas de nul part. Déjà faut-il les reconnaître. C'est le même procédé de reconnaissance – d'ouvrir grand les yeux, de passer aux actes nécessaires, parce qu'on constate leur nécessité, qu'on se rend compte de sa propre incompétence, qu'on désire apprendre.
C'est à ce moment-là qu'on constate que les seuls à vraiment avoir les compétences nécessaires sont les pauvres – ceux qui n'ont pas pas « réussi » leurs vies, ceux qui n'ont pas de portable, qui n'ont même pas de maison ou de voiture. Que, tout comme pour la nature en général, la première chose qu'il nous faut est une infrastructure qui permet la réussite d'une vie écologique. C'est tellement simple.
Si l'on veut créer des réserves, créons des réserves pour les objecteurs de conscience écologique, pour ceux qui refusent de toucher aux mécanismes de notre auto-destruction. Faisons de toute la surface une réserve, soyons scandalisés de chaque crime écocidaire. La volonté, la joie de vivre, ce sont des valeurs vitales – jouons en faveur de cette vitalité.
Tout
mouvement écologique termine par être inséparable de l’agenda
politique conventionnelle. Dans la mesure qu’il réussit à se
faire élire, il n’est plus écologique
take two
La violence n’a jamais été aussi présente dans la société contemporaine,
elle devient à peine masquée.
C’est la gestion par la violence. J’ai été beaucoup frappé
par la lecture d’une article sur le web qui relatait l’expulsion
d’un squat de grande envergure à Saint Denis, tellement l’histoire
était typée. Typée dans le sens qu’on peut faire une
copiée-collée de cette histoire 1000 fois, il n’y a qu’à
changer lieu, date et échelle. Les faits sont à peu près invariables. Nous avons une police et une classe administrative qui a comme rôle structurant de leur métier d'induire la précarité chez les pauvres, ce qui ne doit ni leur améliorer le sommeil, ni leur aider à devenir des êtres humains sensibles et reponsifs à la souffrance des autres.
Pour reprendre l’histoire, telle qu’elle a été racontée, un
collectif qui a déjà été expulsé d’autres lieux, squatte
depuis quelque temps un immeuble désaffecté en besoin de
réparation. Non seulement est-ce qu’il y a des artistes et des
acteurs sociaux divers, mais aussi des réfugiés et d’autres
dépossédés de la société qui y vivent. Depuis la crise du virus,
il ne reste qu’une quarantaine d’habitants, les autres activités
ayant été très largement suspendues. Ils ont fait des aménagements
et demandent d’en faire d’autres, mais avec la venue des jeux
olympiques, le lieu va en tous cas être détruit et remplacé par d’autres
logements, plus bourgeois, la date prévue étant juillet 2021. Un
petit incendie a lieu, est contrôlé par les habitants sans conséquences, mais la
mairie locale utilise cet événement pour déclarer
l’endroit dangereux et exiger l’évacuation immédiate des lieux.
Le collectif qui s’occupe de maintenir un stock de vêtements et
objets divers pour venir en aide aux plus démunis lance une demande
d’urgence pour un autre lieu de stockage. La mairie a promis de
trouver des logements pour les familles, mais pas pour les personnes
seules.
En effet, la précarisation délibérée est le fait, surtout, des autorités et instances sociales supposées, si l'on en juge par la rhétorique, militer contre cette précarité. C'est un conditionnement à la précarisation à tous les égards – on préfère
leur donner des logements à l’hôtel, bien que cela coûte
vastement plus cher, en leur interdisant même de cuisiner, que de
leur donner leur autonomie en toute légalité, dans des bâtiments désaffectés mais
parfaitement habitables. Que ce soit tout-à-fait faisable est démontré par l'existence de ces schémas d'utilisation d'espaces vides en plusieurs villes autour de l'Europe (Bruxelles, Berlin) et que l'inverse soit déterminé politiquement, pour des raisons idéologiques et électorales. On le vérifie en observant le changement de comportement lorsqu'un gouvernement local de droite remplace un gouvernement local de gauche (exemple Toulouse). Par rapport aux individus, on les met à dos
l’un contre l’autre, arbitrairement, en établissant des
catégories de misère avec plus ou moins de droit aux bénéfices
(de la "considération") sociales, avec des obligations administratives qui n’ont aucun
rapport avec leurs propres intérêts, coup sur coup. On ralentit l’application
des obligations de logement social – obligeant aux pauvres de se
replier dans des zones géographiques qui se spécialisent dans la
prise en charge des pauvres, créant des « prisons à ciel
ouvert » où les matons sont au moins plus gentils que dans les
banlieues riches desquels on cherche à les exclure. Exemple : la difficult ou la facilité de s'inscrire comme sans domicile fixe à une mairie ou autre. Cette "zonification" de la misère.
L’une des fautes majeures des associations qui prétendent aider
les pauvres, c’est qu’ils participent à répétition à créer
ces histoires, ces narratives, jusqu’à en terminer les co-auteurs.
C’est un conditionnement à la brutalité et l’indifférence
comme la réalité inaltérable - je ne sais pas s'ils en ont conscience tout-à-fait.
Les gens « normaux » terminent dégoûtés, ils font
leur vie ailleurs – ils se replient sur eux-mêmes, ils s’absentent
de la sphère publique. C’est cet effet-là qui est le plus
violent. Ne croire en rien et rester chez soi. Se dire socialiste de
cœur mais ne défendre que sa petite maison « durement acquise
par le travail » – être capitaliste égoïste de fait. Le
champs de bataille reste libre, à ce moment-là, libre aux
bien-faiseurs moraux, aux charitables, d’un côté, et aux
tortureurs et administrateurs de la souffrance perpétuelle de
l’autre.
Ceux qui s’en sortent (croient-ils) s’en sortent groupés. Ils
créent des bulles d’humanité, entre eux, ils mettent des
barrières invisibles entre ces bulles et la société en générale.
Ils se disent libertaires, même anarchistes, tout en étant,
objectivement, formés en groupes d’autodéfense tribaux et
communautaires. Ce sont les amateurs de chiens et de chèvres,
d’enfants et de petits vieux, farouches dans leur défense des
faibles et soumis, si l’opportunité de se faire subtilement voir
en tant qu’esprit chaleureux est là. De temps en temps une manif.
Ils se croient incapables de changer la société en général, si ce
n’est dans leurs intérêts personnels locaux. « Qu’on
est bien chez soi », disent-ils - « pourvu que ça
continue ». « Qu’on donne aux pauvres des minimas sociaux, comme à nous » …
sauf que voilà on ne les donne pas - il faut les mendier, parfois en faisant la queue chaque jour.
Cela donne lieu a des phénomènes d’abaissement et d'humiliation
rituelles publiques, comme l’aide aux gens qui veulent se suicider, pour les en empêcher.
L’aide d’ultime secours aux individus qui se montrent défaillants. Il est donc préférable d’en arriver
là, si on veut être reconnu comme membre de la société, que de
souffrir la discrimination d’office sans mot dire et sans fléchir. On y
réfléchissant un seul instant, il devient évident que la plupart
des gens suicidaires ne le seraient pas si le maltraitement et le
manque de dignité n’étaient pas installés comme normes dans leurs vies. La mort
prématurée à la rue est une forme de suicide lente induite par l’absence
de droits et de dignité humains. La suicide du fonctionnaire qui a fait un sale
boulot et ne peut vivre avec le remords pareil. Le fait qu’ils
« auraient raison » de vouloir se suicider et qu’il
faut changer les raisons, plutôt que d'individualiser les réponses après coup, en ultime recours, ne rentre pas dans le discours.
Le Front National – que j’appelle par son nom, a eu une phase,
dans son apprentissage de la prise du pouvoir, d’études
linguistiques – ou « comment prendre des objets lexicaux pour
arriver au pouvoir ». Le procédé était à peu près le
suivant. Ils observaient ce qui se passait vraiment dans la société
– dont ils faisaient quand même partie, et ils l’épinglaient
avec des phrases assassines qui produisaient un petit choc de
reconnaissance chez tout le monde. Les deux qui ont marché fort bien étaient :
« On ne peut pas accueillir toutes les misères du monde »
et « appel d’air ». Il suffisait de les dire pour créer de l'outrage et s'identifier comme "favorable à l'extrême droite", et pourtant presque tout le monde était déjà partisan de ces pratiques dans le jour-à-jour.
A partir de ce moment-là, les autorités publiques et les
citoyens privés se devaient d’appliquer cette politique – ils
n’étaient plus censés être en opposition, mais en faveur de
traiter les gens comme du bétail. On a oublié de remarquer que le
Front National n’a fait qu’observer ce qui se passait vraiment
dans la société existante pour y mettre une phrase descriptive
juste, c'était trop juste, justement. Une campagne électorale très bon marché. Nommer le
phénomène ne faisait qu’avancer la possibilité de pratiquer de
manière ouverte et déclarée ce qui se faisait déjà, mais en
cachette. C'était un peu comme prendre sa liberté.
La précarisation des pauvres est une politique du pouvoir – et
du peuple solidaire du pouvoir. La média nationale aide cette
politique en se prétendant choquée, en parlant de cette
précarisation comme si c’était un phénomène social et non pas
une politique délibérée, de repression des plus faibles par les
plus forts.
Prenons les gardiens dans les prisons et les camps de
concentration. Non seulement est-ce qu’il y aura consensus, dans
ceux qui ont expérimenté ces milieux, qu’il y a des mauvais et
des bons matons, mais dans ces régimes il arrivera que des
prisonniers prennent le rôle de gardiens et administrent ou
maintiennent, de jour en jour, le régime carcéral, souvent de
manière beaucoup plus sauvage que l’administration de la prison.
On accommode, de cette manière-là, la nécessité du régime. Il
est sous-entendu que les incarcérés le méritent et que la
préférence pour l’administrer de manière « humaine »
n’existe que s’ils ne créent pas de vagues.
Les milieux dits de gauche qui s’occupent du droit au logement
coïncident très largement avec les milieux qui s’opposent à la
prison (l'anticarcéral), les deux phénomènes étant associés. Ils sont cependant
imprégnés des valeurs de ces régimes de maltraitance, habitués à
résister à des comportements stylisés à répétition, comme dans
un ballet éternel de l’enfer. Il m’arrive souvent de penser que
c’est de cette manière que les valeurs d’une société carcérale
vont arriver à pénétrer la société entière, si ce n’est pas
déjà le cas. L’attitude plus saine serait de sortir de ces
valeurs-là pour établir des normes sociales de tolérance, de
gentillesse, de non-brutalité et de liberté de la peur, communément
associées avec une partie progressiste de la bourgeoisie. Cela est à peu près inacceptable
pour des gens qui se trouvent idéologiquement opposés à cette même
bourgeoisie. Ainsi, de nouveau, dans la sphère publique et
associative les normes brutalisées de régime carcérale
s’appliquent, tandis que dans la sphère privée, entre codétenus
de confiance, des normes bourgeoises peuvent s’assumer.
La sphère publique, rappelons-nous, étant précisément
l’endroit où se trouvent les plus démunis et les sans abri. Dans
des immeubles insalubres et dangereux, souvent sans facilités de
base (douches, chauffage, électricité), dans des occupations
illégales, sujets à changements de statut et expulsion sans
anticipation et arbitraires. Avec une police qui non seulement ne
prend pas les plaintes des pauvres mais qui trouve tous les moyens de
les « classer sans suite », qui administre les expulsions
et le régime d’indignité qui crée la précarité. Qui s’habitue
aux mensonges d’office qui évitent sa propre poursuite judiciaire.
Le policier à la retraite dans son petit pavillon est assez
typique de la classe sociale qui votera volontiers Front National –
ceux qui votent sont beaucoup plus vieux que la population adulte en
général, la population générale dans un pays riche étant déjà plus
vieille en moyenne que dans un pays moins riche. C’est-à-dire
qu’il a passé sa vie en immersion dans la violence, à se taire
sur ce qu’il fait vraiment, à brimer des gens qui ont toute la
raison du monde de venir se plaindre – pour qu’ils ne se
plaignent pas - « faute de moyens », qui est plein dans
l’administration de politiques hypocrites, déguisées, dont on nie
l’existence et qu’on ne veut pas voir, de répression
systématique. Il doit encaisser la haine née de son application de
décisions dont il n’est pas responsable, mais c'est son boulot et il essaie de le faire bien …
S’il vote Front National, c’est qu’il veut en finir avec
l’hypocrisie et dire droit dan ses bottes ce qu’il n’a pas pu
dire pendant toute sa vie. Il cherche la compétence – il n’a que
faire avec la procédure, le faire semblant des mous et des doux qui
ne vont pas sur le terrain – qui n’encaissent rien. Pour y voir
clair, il faut au moins dire ce qui est vrai. Il a sa maison – il
l’a payé avec un travail terrible. Il a sa liberté, il l’a
gagné. Non seulement est-ce qu’il va défendre cette maison, mais
il va apprendre ce dur leçon de la vie à tout le monde, que la
société ne tolère pas les fainéants et les plaignants, que la vie
est dure et qu'il faut la mériter.
Il y a plusieurs autres métiers qui mènent au même genre de
conclusion d’extrême droite – des métiers de gestion sociale,
mais aussi des métiers de petit et grand entrepreneuriat – le
« monde du travail », mais aussi le monde de tous ceux
qui dépendent du « monde de travail ». D’autres
petites phrases assassines viennent se rajouter à l’équation :
« ils parlent de la fin du monde mais pour moi c’est la fin
du mois qui compte ». Celle-ci se traduit par "le petit monde
social dans lequel on vie tous les jours, dont il n'y a que soi-même qui s'en occupe", et qui termine par assumer
plus d’importance que "des projets lointains dont on ne peut pas
être tenu responsable".
La rhétorique des gens de gauche – des écologistes donc, est
révolutionnaire – elle propose de balayer le système actuel et
agir en faveur des plus démunis, qui ne sont souvent pas ici. Dans
l’analyse des gens de gauche, on pose souvent le point de vue qu’on
ne comprend pas pourquoi la classe pauvre et ouvrière vote pour la
droite qui ne tient par leurs intérêts à cœur. C’est une
ignorance délibérée, l’extrême droite est composée d’une
hiérarchie de ces mêmes gens à l’origine pauvre qui commencent à
s’en sortir, d'ex-petits et grands chefs qui ont été dans la
guerre de tranchées d’une politique gauche-droite profondément
injuste, d'administratifs qui a mis en œuvre, pendant des décennies, des politiques
de déni collectif chapotées idéologiquement par des titulaires de
gauche et du centre.
Une gauche qui, en proposant une politique de décroissance,
promet de les ré-enfoncer dans la misère !
Ceux qui votent sont en majorité les vieux, mais derrière chaque
vieux il y a aussi une génération de jeunes qui aspirent, eux
aussi, à être les héritiers du pavillon de leurs parents. Ils
comprennent que c’est normal d’attendre leur tour, étant donné
qu’il n’ont même pas le temps de faire le ménage, tant ils
s’acharnent à accumuler le capital qui leur achète la liberté de
fait, et non pas rhétorique. Il comprennent que le monde est
hiérarchique et préfèrent des chefs compétents et forts, qui
partagent au moins les mêmes aspirations qu’eux. Ils sont souvent
républicains, la laïcité leur parle parce qu’ils sont ainsi
absous de toute responsabilité morale non-volontaire. Des bons gens
de cœur qui ne se laissent pas marcher dessus non plus ...
Dans ce sens-là Jean-Luc Melanchon représente, à lui seul, le
pire des cauchemars du petit peuple. On peut savoir qu’il incarne
le dictateur parce que personne n’ose lui demander de se taire,
préférant attendre qu’il s’autodétruise ou devienne trop vieux
pour représenter une candidature « sérieuse » qui met le mot " sérieux" en question. Il est en fait le plus proche de
l’incarnation de l’homme de providence Gaullien qu’on puisse
trouver, de nos jours, un repoussoir pour tout activiste de gauche
qui vaille le nom et un allié de fait pour la montée de l’extrême
droite. Il aurait pu se dédouaner du rôle – ou au moins traiter
du sujet "sérieusement", mais préfère l’auto-défense
incarnationniste qui est à l’origine du problème. « Je suis
la Gauche » devient « et la gauche ne sera pas sans moi, …
donc ».
Le paragraphe ci-dessus parle tellement d’une évidence que
Melanchon aura sans doute disparu de la scène politique d’ici peu,
même si ce n’est que pour se réincarner dans une vie future, bien qu'il est remarquablement coriace. Le
candidat qui paraît le plus faisable, pour gagner, actuellement, est
Cécile DuFlot, mais il est difficile de voir comment elle peut
assumer le rôle d’autorité nécessaire pour le travail, sans
céder la lucidité qui la rendrait une candidate potable. On pense à la jeune Ségolène Royale suivie de la version présente. La candidature collégiale
qui est la seule consistante avec des valeurs de gauche cohérentes
est possible seulement dans la mesure qu’on révolutionnise la
média, qui ne peut actuellement que personnifier les candidats,
comme si il n’existait rien que quelques personnalités
décisionnaires.
L’abandon de la politique politicienne pour se reformer
tranquilo sans y penser paraît avancer bon train. Sans crise Corona, ce ne serait peut-être pas
le cas, mais cette crise a donné énormément de temps de réflexion
et d’organisation à des gens qui d’habitude seraient absorbés
dans la vie quotidienne. Les secteurs les plus actifs n’ont pas eu
ce temps de consolidation, ce qui a donné sa chance aux marginaux,
intensifiant leurs relations et créant beaucoup plus de chance de
collaborations fructueuses futures.
C’est le syndrome « bouteille de champagne » qui va
bientôt sortir de la cave et être ouverte. On s'y prépare mais c'est une question de 'timing".
Face à cette muraille de Chine de l’indifférence au sort des
autres, qui commence à se banaliser, Europe écologie les verts fait
fausse route en essayant d’apaiser les égoïstes. Les politiciens
au pouvoir font déjà ça et regardent EELV comme un bon terrain de
recrutement pour de futurs ministres.
La seule voie actuellement ouverte est de faire quelque chose de
radicalement différente sur le terrain et, qui plus est, qui marche,
à l’échelle économique et sociale. Une fois que les gens
commencent à comprendre d’abord que ça marche, ils peuvent
constater qu’effectivement, il y a beaucoup de gens qui y sont
investis, et ils peuvent même prêter l'oreille, mais pas avant. J'ai l'impression qu'il y aura beaucoup de spoilers, beaucoup de distractions, beaucoup de fausses routes et beaucoup de populisme, avant la fin de cette année.
Il faut comprendre que la génération d’extrêmes égoïstes,
les baby boomers actuellement au pouvoir, sont aussi très
(narcissiquement) idéalistes. Une fois qu’ils comprennent qu’il
y a une ouverture qui permet la liberté et non pas la bureaucratie,
ils peuvent soutenir de telle initiatives, ce qui à la fois tire
leurs enfants et proches et jette leur argent dans l’arène – il y a
des milliardaires dans cette catégorie-là. Il suffit d’avoir un
plan qui peut logistiquement accommoder l’effet boule de neige de
la réussite, en intégrant chaque fois plus de volontaires (je ne
parle pas de « bénévoles »), sans perdre la voie et
sans être récupérée, pour que ce soit reconnu comme un vrai
projet d’avenir qui, cette fois-ci, est mené non pas par des
apparatchiks de l’ancien régime mais par les « nouveaux
compétents ».
C’est cela le chemin vers le gouvernement écologique, parce que
sinon, le gouvernement ne sera pas écologique. On peut espérer encore beaucou d'argent, jetés sur des fausses initiatives écologistes, pour créer la mélée dont sort la balle de la victoire.
Mais laissons-nou rever un moment. On ne parlera plus du fonctionnariat brutaliste, ni des blacks
blocks, sinon de comment contribuer à l’effort collectif. Mais
pour cela il y a besoin, en quelque sorte, d’une comité d’éthique
au pouvoir et non pas une série de mégalomanes assoiffés du
toujours plus, ni des doux parleurs virils qui trahissent leurs paroles données san faille.
L’analogie serait d’avoir, d’un côté, le pouvoir civil et de
l’autre côté, les militaires, interdits de prendre le pouvoir.
D’un côté, on peut avoir donc un conseil de deux chambres
décisionnaires, ce serait peut-être le conseil citoyen tournant, et
le conseil d’experts, tous les deux obligés dans leurs rôle exécutif de se
mettre en binome, un de chaque chambre. Cela créerait une version nouvelle du copinage. Le concept a déjà fait ses
preuves dans le sens que c’est une combinaison d’experts et de
citoyens qui a réussi à faire des propositions quelque peu lucides sur
l’écologie.
De l’autre côté, il y aurait les activistes qui agissent dans
le champs, l’analogie serait les généraux en campagne, parfois
charismatiques et capables de représenter une menace au pouvoir
central, sauf que les structures seraient plus fortes,
intentionnellement, que ces incarnations temporaires du « chef » qui induisent le reflexe pavlovien de la soumission volontaire chez le français moyen.
Je ne propose pas d’aller plus loin dans la présentation d’une
possible structure législative et exécutive sur le plan national,
j’ai juste voulu démontrer qu’il est possible d’en présenter
une qui est tout-à-fait raisonnable, bien fondée, et facile de compréhension et application dans le
contexte moderne. On ne peut pas argumenter qu’il est dangereux
d’éliminer les partis actuels, laissant une vide de compétences –
ils se sont déjà très bien débrouillés pour s’auto-éliminer
du champ du pouvoir démocratique national tous seuls, et ce n’est
que le Plan B de l’installation d’Emmanuel Macron qui a pu leurs sauver
quelques peaux, in extrèmis.
Attention! Macron survivra dans la mesure qu’il
peut éliminer des propositions crédibles de grand remplacement à
gauche, malgré le fait que tout le monde aura compris qu’il ne représente aucun
changement de fond dans la classe dirigeante, vouée à
l’incompétence dans la gestion d’une succession de crises. Pour
la génération de politiciens qui attend de prendre la main,
l’association avec l’image de la vieille politique est plutôt
une contamination de leurs chances futures. Heureusement que Macron a fait des interviews d'embauche pour les représentants en Marche de l'Assemblée, cela en fera quelques uns de moins d'Apparatchiks pour très bientôt.
J’anticipe plutôt des problèmes au niveau local que national.
Les élites locales, autant celles de la vie alternative que de la
vie conventionnelle, peuvent faire le boulot de tuer dans l’œuf
tout changement réel en paraissant adopter les modes du moment, avec ou sans Macron. La
gouvernance alternative, les futures alliances à la Macron de la
vieille et de la nouvelle garde menacent de noyer le poisson - on a quand même une quantité énorme d'administratifs en manque de mission, grâce à l'état imprévu de l'etat providence. Avec
deux métaphores animaliers en deux phrases, j’espère avoir convaincu le lecteur
que la gouvernance du faire est plus important que la gouvernance du
faire semblant - mais ce n'est pas gagné - je propose de mesurer sérieusement l'empreinte énergique (Kilowatt heures, joules, calories) de chaque candidat, de jour en jour, et de ses stratégies d'infrastructure pour nous tous. Cel aurait la vertu d'éliminer à peu près tous les français du combat électoral, d'un trait - sauf Cinderella, qui, il me paraît, n'est même pas d'origine.
Je propose, par exemple, que la semaine de travail pour tout le
monde soit divisée en :
- trois jours de travail à mi-temps aux jardins, à mi-temps en études écologiques, pour tout le monde - ce n'est pas exactement mon idée, sauf pour le sujet d'étude, mais plutôt celui de notre vieil ami, Chairman Mao.
- trois jours de travail en apprenant à se déplacer à pied, surtout pour les ex-députés en Marche, et bien sûr pour l'ex-président Macron lui-même - et pour sa femme, si elle est encore en vie.
- Un jour de jeunes, à contempler la nature, tout seul dans son coin, en silence - pour dire: interdit aux chasseurs de prendre leurs fusils, interdit à tout le monde de prendre leurs débroussailleuses, et interdit aux viellots-ruraux de prendre leurs coqs - sinon on se verra obligé de leur administrer "le tri sélectif" - et je ne parle pas des coqs.
Je me croirais dans un camp de rééducation chinois – c’est comme Mao II.
La femme de Mao d’office me regarde avec une malveillance à
peine dissimulée. Peut-elle me dominer ? Suis-je assimilable
à son fief ? Son adjudante, angulaire, se maintient droite et
rigide à ses côtés. Le métier d’interrogatrice s’étudie.
Je me trouve dan le réfectoire. Comme on est en
plein crise Covid, il est vide et nous sommes assis des deux côtés
d’une grande table d’état majeur au centre. L’entreprise
zombie se porte plutôt bien, s’ayant accrochée des contrats de
travail précaire pour entretenir son chiffre d’affaires. Comme presque toute entreprise en secteur rural, le profit est dans les
subventions et pour faire tourner les subventions, il faut faire tourner la boîte, coûte que coûte.
Je n’ai pas encore appris que la réputation de cette entreprise
rivalise celle de Kokopelli (le livre écrit dessus s'appelle « Je ne pointerai plus chez Gaïa »)
pour les abus du personnel. Qu’y-a-t-il avec ces entreprises
prétendument écologiques pour générer une telle infamie ?
Disons qu’au cours de mon contrat de travail (un jour de travail
par semaine au salaire minimum [76 euros], limité à 100 heures de
travail total, dispositif PEPS), j’ai eu la réponse à cette question tout au moins
en ce qui concerne l’organisme pour lequel je travaille. Lorsque le travail est de faire
semblant de travailler, la déficience du management s’expie sur
les employés. Toute velléité de compétence d’en bas doit être
supprimée, pour ne pas miner la fragile autocratie. Il y a des
fiches pour tout – subornez-vous !
Version moderne
La modernité a une faille. C’est que des gens comme moi, même
s’ils ne sont pas d’accord avec l’idée, peuvent trop
facilement utiliser l’expression « la version moderne ».
La version moderne d’une société Dickensienne. Les camps de
concentration de Mao Tse Tung. Que disaient les romains – ont-ils
inventé la modernité ? En utilsant le béton partout, en créant les premiers grands HLMs, en faisant leurs routes? En termes de camps concentrationnaires,
c’est peut-être les pharaons égyptiens. Un camp de réfugiés
dans le désert doit ressembler, de tout temps, à un camp de
réfugiés dans le désert. Finalement, il n’y a rien de moderne
dans tout cela, l’histoire ne fait que de se répéter.
Si nous nous sommes sentis particulièrement bien assis dans la modernité de notre modernité, c’est que le monde
d’avant était en noir et blanc. Chaque manifestation physique de
notre époque, qui allait sous le nom d’industrielle, puis de
post-industrielle, était « tout neuf ». Nous passions
par dessus l’histoire.
Étant donné que ce n’est manifestement pas le cas, nous étions
plutôt très arrogants – comme tous ceux qui se sentent
supérieurs, si ce n’est que pour la raison sotte de l’ordre
chronologique.
L’amorce de sketch d’un jour dans la vie, non pas d’Ivan
Denisovich sinon d’un ouvrier dans une démocratie libérale
moderne - qui se proclame adhérente et même originaire de l’idée
des droits de l’homme, elle me fait penser à ce qui nous attend à
l’avenir. Je ne fais qu’éprouver ce qui est le quotidien de la
plupart de mes co-travailleurs en France, à toute échelle – c’est
comme ça, ils me le disent, d’autant plus qu’ils sont plutôt
d’accord que ce soit comme ça et que s’ils étaient les
contre-maîtres, ils feraient pareil. Quant à l’idéal de
l’écologie, elle est une fille à violer, à salir, à faire
rentrer dans les normes de la soumission, rien de plus. Elle est, ou
était, A Fish called Wanda. (No fish were killed in the
making of this film : Donald Duck Trompe).
Là où les militants de l’écologie échouent dans leur compréhension du changement séismique,
c’est que nos héritiers ont déjà largement accommodé ce qu’ils
croient être une réalité inévitable. Cet inévitabilisme est
intégral. Il s’applique à tout aspect de la vie. Là où nous
disons « non , il ne faut pas que ça se passe comme ça,
on résiste », on nous répond « cela s’est déjà
passé comme ça ». « Les éléphants ne sont pas encore
extincts ». « Ah bon ? Mais c’est prévu, non ?
Il faut juste attendre un peu. » Même les mots sont assassins.
Dans le débat sur la résilience, le poison se répand –
personne n’ose dire que le vrai sens stricte du mot en français
n’est pas qu’on est élastique, capable d’absorber les chocs et
rebondir, sinon qu’on a dépassé le point du rebond élastique et
qu’avec quelques fléchissements supplémentaires, on va casser. La
résilience est en effet un pacte suicidaire.
Avançons un peu plus vers ce monde à venir où, comme des
surnuméraires Covid, on nous trie pour le droit à la survie. Les
droits humains n’existeront plus, cela au moins est évident.
L’égalité ? L’égalité des chances ? La pente
glissante est telle que les mots ne veulent pas dire grand’chose.
Dans les faits, le faits inaltérables, les droits ne sont pas égaux,
et ils ne sont pas basés sur la justice sociale, au contraire.
Je pense à une émission sur la justice médiévale et le concept
de l’ordalie, l’idée étant que Dieu fera que l’innocence ou
la culpabilité seront déterminées par la preuve du combat. Dans
l’Inquisition, la torture utilise une logique similaire. On a du
mal à encaisser, même à comprendre, dans les pays progressistes,
comment on a pu penser comme ça, parce qu’il nous paraît évident
que c’est le plus fort qui gagne, sans que cela prouve quoi que ce
soit.
Mais si, ça prouve quelque chose. Cela prouve que la force a
toujours raison. Dans un monde mauvais, on doit gagner le droit à la
survie, objectivement. Surmonter l’épreuve, c’est une bonne
démonstration de viabilité. La vitalité, réelle ou imaginée,
elle compte, elle fait partie de la comptabilité, elle est
« vraie ».
La résistance déclarée des médecins au concept du tri ouvert
des malades, pour le droit d’accès à des techniques qui peuvent
leur sauver la vie, a toujours été une grande dissimulation – ils
n’ont jamais cessé de trier de cette manière. Les critères n’ont
jamais cessé d’être eugéniques. Là où le bat blesse, c’est
lorsqu’ils doivent le déclarer, ouvertement, parce que la
visibilité est telle qu’ils ne peuvent plus le dissimuler. Ils
ferment des lits opératoires pour installer un patient Covid, un
jeune accidenté de moto arrive – ils ont le choix d’arracher les
tuyaux au vieillard qui ne peut plus respirer et tenter de sauver le
jeune homme, ou non. Qu’est-ce qu’ils font ? D’habitude ces
choses se font dans le non-dit – on dit plutôt, « vous venez
dans deux mois », sachant que sans intervention immédiate, le
prognostique est mortel. Ou bien - "on va lui chercher un lit d'urgence" - et ils le cherchent vraiment, par téléphone, d'hôpital en hôpital, avec l'hélicoptère en attente, deux heures après ils le trouvent, sauf que, bon, il est déjà mort. Ils ont essayé - ils n'ont pas trahi leur vocation, quel relaxe ! Il y a plein de manières de contenancer la
mort de l’amour propre (There are many ways to quit your lover,
Paul Simon).
L’ajustement impliqué, pour la politique en général, est
important, il faut l’enregistrer. « Quoi qu’il en coûte »
peut être la phrase qui a fait perdre les élections à Macron. A
une certaine distance devant nous, la fausse adoration des enfants
qui nous est doctement obligé à présent peut s’évanouir –
c’est après tout un phénomène historiquement récent. Les
groupes d’affect – certains disent « affinité » sans
guère changer le sens - ne cessent de croître en légitimité
politique – nous les croyons plus humains que la logique froide,
numérique et étatiste, mais en termes politiques, ils se révèlent
plutôt le résultat d’un chaud calcul social d’intérêt
personnel. Leur intérêt épistémologique est surtout d’accommoder
l’abandon de toute prétention à l’égalité et à la justice
universelles.
De cette manière nous nous préparons à marcher dans le vallon
de la mort annoncée. Ce qui est intéressant est de noter la
coïncidence d’analyse entre les différentes ailes de l'oiseau
politique. Les libertaires ont beaucoup en commun, objectivement,
avec les chasseurs, ils chassent sur les mêmes chasses gardées.
S’il y a conflit entre néo-ruraux et chasseurs, c’est qu’ils
ont tous deux compris qu’ils veulent sortir vainqueurs dans la
possession du même territoire. L’assimilation va très vite. Ce
sont les écolos les grands perdants, ni néo-ruraux ni chasseurs
veulent que leur domaine devienne le champs de bataille des grandes
idéologies. Une fois établis, ils constatent que ce qu’ils
veulent surtout est qu’on leur foute la paix, "chez eux". Libertaire est propriétaire.
On peut critiquer cette manière de voir la chose, mais pour
décoincer un paysan français de son terroir il faut plus que des
paroles. La zonification physique du territoire français est en
plein essor. Cela fait partie d’un phénomène global : « the
land grab », c’est-à-dire l’accaparation, par les riches,
de toutes les terres possibles et l’expulsion de tous les pauvres
qui s’y trouvent. Les groupes d’affinité, dans ce contexte,
prennent la forme d’un militia qui trie et qui tire, à la porte d’entrée
pour ainsi dire, les postulants à une vie rurale, dans chaque
commune. Un peu à la guise des états Unis qui, à la fin du
dix-neuvième et au début du vingtième siècles, faisait le tri,
devant la statue de liberté, pour renvoyer en Europe tout activiste
de gauche connu ou soupçonné qui cherchait à immigrer.
On peut le concevoir de la manière suivante. Il y a deux manières
de résoudre le conflit, l’une par l’acceptation, l’autre par
l’élimination. Un groupe de babas à la campagne où on dit « nous
sommes tous d’accord et joyeux » a sûrement éliminé de son sein tous
ceux qui ne l’étaient pas – et qui ne sont pas là pour en
témoigner. Si de telles procédures prédominent, on se
trouve plutôt dans une situation fasciste que libertaire, puisque la
dissension n’est plus possible. La fermeture de la campagne et
l’emprise de riches totalitaires est à ce moment-là presque
inévitable.
C’est ce qui est en train de se passer. Avec humour ironique, on peut observer que ce n'est absolument pas la réalité rurale que les citadins veulent voir d'en face. L'herbe plus verte de l'autre côté doit rester toujours plus verte. Mais pour cela il faut s'y immiscer, les yeux plein ouverts. Il faut aider la campagne à revivre, à debattre sans peur.
Il a été avancé dans un livre par Edgar Morin qu’une famille
peut produire de quoi se nourrir et un peu plus – tout en vivant
sur 1,000m².
En réalité, il y a des facteurs qui peuvent faire varier ce
calcul – fertilité du sol, précipitation, pente, angle
d’incidence du soleil, vent/intempéries, accessibilité, etc.
On va donc multiplier par 5 ce chiffre (5000m² – 1/2 hectare) et
supposer que la famille est composée de deux adultes et deux
enfants. Pour 5 hectares, on calcule donc 40 personnes, pour 10ha 80 personnes. Pour un km²
(100ha), 800 personnes. La densité moyenne par km² de la population
française métropolitaine tourne autour de 125 personnes par km²,
il faudrait la multiplier par un peu plus de 6 pour atteindre une
densité de 800 personnes par km². En France, l’un des pays les
plus densément peuplés du monde, il y a encore de la place, si la
distribution et l'usage des terres sont bien réfléchis.
Les 5000m², pour notre famille, peuvent être divisés en:
- 100m² à terre pour l’habitat humain, 900m² de jardins,
espaces de travail et appentis (1000m² total).
- Arbres et arbustes fruitiers 1000m².
- Bois/forêt, 1000m².
- Cela laisse approximativement 2000m² (2/5 du total) en jachère
– peut être un étang, peut-être des récoltes annuelles de
patates ou de graminées, une serre ou bien du pâturage, un terrain de sport,
un enclos à poules, d‘autres activités encore.
Certaines activités, comme l’élevage de vaches ou de chèvres,
nécessitent des surfaces assez grandes et ne sont pas compatibles,
sur la même surface, avec le jardinage – on estime jusqu’à
trois vaches par hectare par exemple (ou deux familles, 8 personnes).
La production laitière d’une seule vache peut supplémenter la
régime alimentaire de quelques familles. Des petites vaches avec un
lait plus crémeux nécessitent moins de place, par rapport à leur
production réelle nutritive (qui ne se mesure pas seulement en
litres écrémés).
Les externalités – les services dont dépend la famille, ne
sont pas négligeables non plus. La santé, l’éducation, la
sécurité, par exemple. Cependant, la ferme en soi peut apporter une
meilleure santé, une meilleure éducation et pas mal de sécurité,
ainsi réduisant le coût réel de ces externalités à la société en général. Il se pourrait que les médécins et les gendarmes aient plus de temps disponible pour jardiner. Pour les profs, c'est une évidence - ils ne peuvent pas enseigner ce qu'ils ne savent pas faire. C'est très antiviral à l'extérieur - on court 20 fois moins de risque qu'à l'intérieur - il est déjà beaucoup plus facile de maintenir ses distances et bécher tient chaud.
Finalement, il n’y a pas à supposer que la famille reste fixée
sur l’endroit, elle peut également contenir des spécialistes en
divers métiers – la construction d’espaces de jardinage pour
autrui et le co-jardinage avec autrui, par exemple.
La raison pour donner ces chiffres très simplifiés, par ménage,
est d’au moins avoir quelques référents en commun, pour lancer la
réflexion. Dans le même temps, il faut quand même mentionner que
le «1000m² par famille [nombreuse]»,
mentionné en haut de page, est plutôt banal pour beaucoup de
ceux d'entre nous qui habitent les pays plus pauvres. Non seulement est-ce qu'ils n'ont pas de subvention, mais pas de sécurité non plus. La saisie des terres et des jardins
des pauvres par les riches est en train de s’accélérer, sans
aucune prétention d’équité ou de justice, partout, y inclus chez nous, surtout avec la collusion des autorités existantes - qui se rangent massivement du côté des riches, tout compte rendu.
5000m² est mieux que 1000, en partie parce que cela décontracte
la situation – on n’est pas obligé de ne produire que des
patates ou du maïs pour avoir assez à manger, et on peut utiliser
le bois de la forêt sans la réduire à néant, avec des bonnes
pratiques économes. En France ce genre de petite ferme à
pluricultures a été fréquente, avant l’époque industrielle, et bien apprécié.
Actuellement, la politique agricole pré-suppose qu’il faut une
ferme de 30ha ou plus pour être rentable. Dans les faits, il faut un
salaire supplémentaire, donc le travail en entier se fait par une
seule personne dans la famille, sept jours sur sept, sans relâche - l'autre sort travailler pour maintenir le ménage à flot.
Les coûts qui produisent cette situation sont celles du transport,
des machines agricoles et de la maintenance des normes fixées par le
gouvernement, moyennant l’achat des plusieurs ingrédients que
requiert cette manière de faire de l’agriculture, dite
industrielle. Le fermier peut louer ses terres ou être propriétaire.
Son chiffre d’affaires, pour en tirer un salaire de 12000 euros
((2016) peut dépasser 60000 à 100000 euros par an. Il est, d’une
certaine manière, riche, surtout s’il arrête de travailler,
vend ses terres et es instruments de travail, même si, au regard des heures travaillés, il est
payé bien moins que le SMIC. Le plus souvent il est endetté, obligé
de travailler presque tout le temps et sous pression d’une extrême rentabilité, pour
payer les dettes qu’on lui encourage de prendre – style:
nouveau tracteur, semence brevetée, système de trait et de
refroidissement de lait automatisé, tout en inox par raison
de normes d’hygiène obligatoires et sans bases scientifiques - le fermier est lui-même une vache-à-lait au service d'autres industriels.
Rappelons-nous que le cadre administratif dans lequel il est
obligé de travailler crée cette situation et qu’il est très
surveillé, habitué à un manque de liberté de décision par des
décennies d’interventionnisme d’état, quoi qu’il en pense. Un fermier traditionnel aime ses terres - c'est un genre de chantage moral qu'on exerce, une menace constante à sa raison d'être.
Faisons le calcul par hectare de nouveau. Il a 30 hectares – 30,000
mètres carrés ou un tiers de kilomètre carré, pour une famille de
quatre. Sur la même surface, 240 personnes (60 familles) pourraient
trouver, confortablement, de quoi vivre et où vivre, en jardinage
paysan et maraîcher. Leur jardinage pourrait être parfaitement
compatible avec le renouvellement de la biodiversité et l’équilibre
de la nature, alors que pour le fermier solitaire,
accablé d'une charge de travail colossale, c'est à peu près impossible.
Est-ce que le fermier produit plus, tout seul, que les 60
familles, sur la même surface? La réponse est «non»,
une réponse qui n’est pas toujours enregistrée par ceux qui
supposent que ces méthodes industrielles «modernes» sont forcément plus
productives que des méthodes non-industrielles.
Il y a plusieurs raisons pour cela, nous pouvons en énumérer
quelques-unes.
D'abord, la plupart des profits (théoriques) de l'industriel sont investis dans des machines, daan l'alchimie et non pas dans des plantes qui poussent, ou sinon dans la production d'animaux, de moins efficaces producteurs de valeur alimentaire, et pas de plantes faites pour la consommation humaine. Deuxio, ce que produit le fermier industriel est largement subventionné, ce qui en toute justice comptable doit être soustrait de sa production chiffrée pour arriver à un chiffre de production réel.
Le fermier industriel (c’est-à-dire tout fermier avec tracteur)
dépense beaucoup d’énergie fossile pour un retour donné en
énergie alimentaire. Une valeur énergique qui excède, souvent, la valeur
calorifique de ce qu’il produit en alimentation. Rappelons-nous que les énergies
fossiles sont gratuites, on ne paie que les concessions pour les
exploiter, le coût de leur extraction, leur raffinement et leur
acheminement chez nous, plus, bien sûr, les impôts qui en sont
prélevés par le gouvernement. Or, l’agriculteur industriel
bénéficie d’un rabais sur ces impôts. De surcroît, son chiffre
d’affaires doit obligatoirement être assez élevé pour absorber
les coûts d’entrée (un tracteur d’occas. ou bas d’échelle
coûte dans les 50000 euros, pour commencer).
Les conditions du sol dans un jardin bien entretenu sont souvent
meilleures et plus productives que dans un champs – le sol n’est
ni compacté par des machines lourdes, ni exposé, nu, au
dessèchement répété et à la montée des sels et n’est qu’en
partie cassé et retourné chaque année. A production égale, un sol
de jardin a besoin d’être moins amendé, peut être désherbé
sélectivement à main et, avec un peu d’intelligence et savoir
faire, ne nécessite aucun traitement chimique contre les bestioles, étant donné qu'il y a d'autres bestioles pour manger lesdites bestioles.
Non seulement peut-il y avoir une succession de fruits et légumes
au cours de l’année, mais les plantes pérennes, tels les arbustes
à baie, les fines herbes, les arbres fruitiers, multiplient aussi la
production par mètre carré, tout en réduisant le travail humain ou
mécanique nécessaire pour l’obtenir. Les divers produits
non-alimentaires (paille, tiges, fleurs, épluchures) servent à
plusieurs usages, puisqu’elles sont à portée de main, évitant
l’achat de plusieurs autres produits à leur tour.
L’absence d’outils à carburant fossile et la présence
humaine permettent une attention au détail à l’échelle des
plantes concernées, ce qui augmente aussi la productivité, tout en
diminuant le besoin d’intrants coûteux. La préparation et
transformation immédiate pour la consommation et la conservation
directe, sur place, créent une valeur nutritive supérieure, évitent
l'achat et le transport de plats cuisinés et autres. Le gaspillage des aliments
est ainsi non seulement réduit mais réinvesti dans le terreau qui
sert de soustrat pour la prochaine génération, ou l’alimentation des animaux de
basse-cour.
Si l’on calcule le poids sec, la valeur calorifique et la valeur
nutritive par mètre carré, de la production en jardins de ce type,
contre le poids, par exemple, du blé par mètre carré en
industriel, la production du jardin sera supérieure, même en
chiffres simples et non-ajustés.
Le seul chiffre favorable au fermier est sa "productivité" personnelle, mais comme on l'a vu, ce n'est pas lui qui produit (sinon le déploiement d'énergie fossile à gogo, sur toute la chaîne en amont et en aval de surcroît), et il se fait payer très peu, en se cassant le dos, à moins de s'endetter et utiliser encore plus d'énergie fossile. Il peut aussi essayer de se désindustrialiser et employer quelques-unes des techniques décrites ci-dessus, mais pas avec la grande surface, les charges et le statut d'exploitant agricole. Il ne peut pas faire la chose logique - créer des bails pour que plusieurs jardiniers vivriers puissent repeupler la ferme, puisque ses terres sont classées agricoles non-constructibles - ce qui est à la pointe de l'absurdité. Tout cela contribue à la désertification de la campagne, parce que ce ne sont que les riches qui peuvent se payer des hectares qu'ils ne vont pas utiliser, sinon comme "puits de capital". Il est peu probable que cette situation puisse longtemps durer - il faut complètement réformer le cadre légal et administratif, qui étaiet inventés pour une autre époque mais dont on n'arrive pas à saper l'inertie.
Finalement, avoir un jardin dédié à sa propre consommation
évite très largement le paiement d’impôts sur cette production
et cette consommation «endogènes», ce qui en termes
d’argent représente une grande bénéfice, dans un pays comme la
France. Cette bénéfice peut être défendue moralement, dans le sens qu’en
termes écologiques, il est plus efficace que la famille perçoive
directement un avantage par un impôt non-payé (pour des services écologiques effectivement rendus) que d’attendre qu’un
prélèvement fasse le tour de tous les corps intermédiaires avant
de lui tomber dessus en forme de subvention. Le fait que cela ne
s’appliquerait qu’à des cultures vivrières ou de très petite
échelle ferait sans doute un impact socialement progressif, tout
au moins si une grande proportion de la population avait accès
à des terres vivrières, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Il reste que le tout industriel a formaté presque tout le monde à l'usage de techniques exclusivement à énergie non-humaine (à petite échelle, c'est "mini-pelle, débroussailleuse, tronçonneuse, motoculteur", même "clouteuse"), remplacé le jardinage par le maraîchage et réduit le savoir faire collectif à peau de
chagrin, bien que le savoir faire d'une petite élite existe, totalement coupé du métier, de son administration et de son enseignement, qui traitent essentiellement de comment se conformer à la paperasse et les idées erronées des "grandes" écoles agricoles, comme l'INRA.
Ce qui existe, par inertie, contre tout bon sens, est une agriculture industrielle planifiée afin de produire
d’énormes tonnages, nécessitant à leur tour des transports
routiers de grande taille et tonnage, des grandes usines automatisées
ou semi-automatisées, des transformations et des emballages
obligatoires, suivis par la ré-expédition dans des magasins de grande
échelle, avec des grosses pertes de qualité et des déchets sur toute la ligne, y
inclus dans la chaîne du froid que de telles complexités obligent.
Ces coûts ne sont pas en grande partie évitables – la ligne est
très longue. Les coûts de l’infrastructure, les routes renforcées et élargies, les
camions, le carburant, sont payés par l’ensemble de la population,
par nos impôts et notre travail, sinon encore plus par les pauvres
du monde entier qui fournissent une grande partie des intrants
nécessaires à moindre prix – ou qui perdent leurs terres
nourricières à faveur des industriels qui nous fournissent de produits coûteux et
non-essentiels.
Ces coûts ne sont pas calculés de manière
imputable aux bénéficiaires industriels, sinon ignorés -
«externalisés». C’est donc le monde en entier qui
subit les conséquences de ce système terriblement inefficace. Le
pollueur redistribue les coûts et concentre les profits - c'est bien un système redistributif, mais dans le sens de l'inique, qui termine par teinter tous nos comportements moraux de la même enseigne, fataliste, cruel, profiteur et indifférent. De manière perverse mais logique, ceux qui ont le plus à se réprocher dans cette affaire sont les plus auto-défensifs - ils ont beaucoup à craindre parce qu'ils ont beaucoup à cacher, pour inverser une autre expression connue, et leurs démarches pour adoucir et s'allier avec les ONGs écologiques sont donc sincères: ils veulent qu'on sauve leurs peaux, face à la colère croissante collective, en toute sincérité - c'est compréhensible - mais ils ne sont pas convaincus que cela marchera, donc ils retiennent le pouvoir et le désir de mouiller tout le monde dans la même incohérence que la leur.
On peut
rajouter l’observation qu’un système si dispendieux et
inefficace doit constamment augmenter de taille, comme l’exploitation
du fermier industriel, pour compenser les énormes frais engendrés - c'est une fuite en avant - on est déjà dans le vol de humus et de sable, transportés par route pour remplacer des terres effritées et sans vie - résultat d'une incompétence navrante.
Autrefois cela s‘appelait «les économies d’échelle».
Aujourd’hui, on peut voir que les économies d’échelle, dans un
monde réaliste, favorisent la petite échelle – et que ceux qui
ont le plus besoin de subventions pour ne pas écrouler sous les
dettes sont les très grandes entreprises industrielles. L’expression
«on ne prête qu’aux riches» n’a jamais été si
vrai, sauf qu’on peut rajouter, «plus ça pollue, plus on
lui prête». C'est la folle époque.
Et si on se trompait carrément sur ce qu’on appelle les zoonoses, les maladies dont la hôte d’origine est animale?
L’hypothèse, rappelons-nous, est qu’à cause de notre invasion de la nature, on se met en contact avec des animaux qu’on ne rencontre pas habituellement.
Prenons la chauve-souris. Apparemment, on vie plus à proximité avec elles qu’auparavant. L’homme des cavernes habite maintenant plus les mêmes lieux avec les chauve-souris qu’il faisait dans le passé. Il mange plus de «bushmeat». Il utilise plus la médecine traditionnelle.
Identifiez l’erreur.
A l’origine de ces pensées-là, je pense qu’on a l’hygiénisme et la méthode scientifique. Je dis «scientifique», mais en fait c’est plutôt industrielle, puisque la science est censée être basée sur la raison.
On tue tous les animaux, on élimine le vecteur, dans les élevages. On tue toutes les chauve-souris? On tue tous les animaux? On vie dan des endroits hyper-cleans, où il n’y a aucune risque de contact avec la règne animale? Quelle idée géniale, il fallait bien une post-justification.
Et puis on dit que c’est parce qu’il y a plus de contact avec les animaux sauvages aujourd’hui?
En fait, la quantité d’endroits dans lesquelles j’ai trouvé des chauve-souris, dernièrement, est très grande – c’est plutôt de ne pas les trouver, dès qu’un endroit avec un toit au sec est marginalement désaffecté, qui est inattendu. Et leurs excréments. Je n’ai jamais vu d’animal qui choisit de vivre autant à proximité de l’homme, à part les rongeurs.
Elles s’en nourrissent, de nous fréquenter – c’est nous qui attirons les moustiques et autres insectes, avec notre sang et notre lumière. Elles volent souvent autours de nous quand nous dormons, pour prendre les moustiques, ce qui est plutôt sympa. Je crois qu’elles ne le font que lorsque nous cessons de bouger nous-mêmes. Il faut s’y connaître un peu pour savoir qu’elles sont là, tellement elles sont silencieuses, discrètes et rapides – elles n’aiment pas qu’on leur prête attention mais on peut leur parler.
Dans mon enfance, au fond du jardin de mes grand-parents, il y avait l’hôpital expérimental de la Rhume Commune, c’était une série de huttes de l’époque de la guerre dans un champs au plein vent. Des volontaires étaient payés pour venir s’infecter et être étudiés – on cherchait un vaccin – on ne l’a jamais trouvé, il me semble, le virus n’arrêtait pas de muter. Ils étaient souvent très malades, on les rassurait que ce n’était rien et que c’était pour le bien commun. En tous cas, ils étaient en quarantaine, pour des raisons évidentes et ils restaient dedans, il faisait sacrément froid là où ils étaient et ils étaient très malades.
Quand on se baladait, on se demandait si on n’allait pas attraper une rhume, nous aussi, selon la direction du vent. Pour une raison et autre, depuis le plus jeune âge, j’ai côtoyé des scientifique de diverses espèces. C’est vrai qu’il y en avait certains qui se prenaient pour une caste à part. Mais d’habitude c’est parce qu’ils travaillaient sur quelque chose de secret, comme la bombe atomique, ou de contaminant, comme les virus, ou les deux, comme la guerre bactériologique.
Une fois j’en ai rencontré un sur les bancs arrière d’un bus, il était très saoul. J’avais douze ans. C’était une de ces bus de campagne, ou on allait loin et il n’y avait personne. Il me racontait des histoires pour me faire peur. Son chef gardait toujours de l’atropine (je crois que c’est ce qu’il a dit, c’était un genre de botulisme qui était l’arme) dans son bureau, dans le cas où il se faisait contaminer. C’était le seul remède, il fallait le faire tout de suite, - ces armes chimiques peuvent te tuer en quelques minutes. Donc il se présente au bureau de son chef un jour, et tout est obscur, il n’y voit rien. Peu à peu son chef sort de l’ombre, il porte des lunettes de soleil. Il paraît qu’il a du se piquer de l’antidote alors qu’il n’était même pas contaminé – l’un des effets marquants dans ce cas est de dilater les pupilles, pendant des jours entiers.
Une bonne proportion des scientifiques étaient des malades mentaux – ceux qui n’étaient pas des psychopathes. Ils avaient mauvaise conscience de ce qu’ils faisaient et ils étaient voués au secret en plus, même pas de psychanalyse. Il se passait n’importe quoi dans leurs laboratoires.
Oui, c’est l’Andorre. Avec ses alliés Russes, de Dubaï, de la Golfe. Mais vraiment dingue. Ils veulent construire un aéroport, que pour les riches, à côté de Pas de la Case.
Mais, … merci les andorrans, vous nous avez vraiment donné un cadeau. Les écologistes qui essaient de se tenir dans un endroit de plus en plus impossible à vivre, tout simplement à cause de l’exceptionnelle atmosphère réactionnaire dans laquelle baigne ce pays frontalier, vous nous en avez donné la preuve.
Vous voulez des riches touristes, pas de pauvres écologistes. Vous voulez des gens qui pensent que l’argent achète tout, pas de sobres humanistes, qui veulent que la planète vive encore.
Au moins c’est clair.
Qu’est-ce qu’on en fait de ça?
Peut-être quelque catharsis, quelque chose de bien, peut venir de votre tentative de saigner, encore et encore, la planète. Vous qui vivez en pleine nature – qui cherchez à la tuer.
Une autre planète là-haut, perdue dans les brumes toxiques de l’époque industrielle.
« Ah, les arbres, il n’en manque pas ici !. On peut bien s’en passer de quelques hectares de neige, il faut bien qu’on vive ! » Dit le chef de la mafia russe locale.
Déjà que Pas de la Case est une abomination écologique. Dans sa démence, le gouvernement français a décidé que tous ceux qui veulent acheter le tabac à moindre prix doivent aller jusqu’à en haut de la montagne pour en avoir, maximisant les frais énergiques de l’opération, cultivant la contrebande. Une fabrique à fric. Alors que le tabac est une plante qui pousse très bien dans le sud de la France, très intéressant comme plante protectrice, avec des fleurs qui sentent si bon le soir, presque comme du jasmin.
Ayant corrompu et compromis les andorrans, jusqu’à ce qu’il ne reste que les riches et les corrompus, le gouvernement français menace de couper le commerce, comme si, subitement, il avait compris la sale magouille qu’il avait lui-même mis en œuvre.
Et la Mafia, se croyant en Sibérie, coupée de la réalité du pays, ne vivant que par « go-fast » de luxe, se dit, dans son vodka: « mais merde, il nous faut un aéroport, pour qu’il y ait d’autres pourris riches pour camoufler nos activités. » Ils passent la commande aux « élus ». «Ainsi soit-il», disent ces derniers. «Nous vous sommes déjà reconnaissants, pour ne pas dire en état de chantage. Nous allons appeler à nos potes chasseurs d’en bas, en Ariège, au P.O. Nous mangerons le mouflon ensemble.»
A Toulouse, ce qui reste de la gauche écologiste ouïe parler de cette folie. « C’est mieux que la mine à amiante – on touche à notre tabac», ils se disent. «Mais merde, il y a de quoi faire une vraie ZAD! Vous nous invitez au méchouis, les chasseurs? De la llena al fuego!»
Et tout le monde monte là-haut, en plein camoufle, avec les machettes, les « night-view », les bang-bangs, les grenades, la mort subite à 90 % (tous achetés en Andorre), pour faire une énorme rixe, une faîte de l’auto-destruction par hyperconsommation, comme dans le bon vieux temps.
Ce serait une erreur de croire que la Pelouse tient au-dessus de tout toute seule, ses racines pendant dans le vide des murs écroulés. Elle est le symbole même du pastoralisme, mais le calcul n'est plus économique, ni productif, sinon esthétique, voire éthique : une tentative de figer le moment nostalgique de l'éternelle Nature.
On vient ici pour débusquer le silence et le dénuement humains, comme s'ils étaient des trésors d'une valeur inestimable. Le collectif de l'Estive collabore, en réalité, dans le but d'empêcher la restitution des ruines et de leurs cultures potagères, leurs champs de céréales vivrières, leur familles, leurs enfants qui y vivent. Le « tout bétail » met sous le sabot chaque mouvement visant à démonoculturiser l'affaire. La Monoculture fait régner la Paix : c'est, après tout, l'aspiration de toute hégémonie collective, de toute dictature consensuelle.
La Vallée de Liers est le pays des Versantiles – chaque versant comprend jusqu'à 1,000m de dénivelé. À mi-pente on a vue, à un kilomètre de distance, sur un pays où on ne va jamais, l'autre versant de sa vallée.
Comment articuler un pays de « randonneurs » ?
... chemin faisant ... chemin vers ... chemin versantile
Dans les Andes, les ancêtres des Incas et des autres civilisations andines vivaient un ordre socio-géographique au vertical, gouverné par les transhumances périodiques entre des « paliers » écologiques : en bas le maïs, là où l'irrigation le permet, en haut les patates, pour pouvoir les sécher et les stocker.
Au Port, en principe, chaque maisonnée a une étroite découpe, du bas jusqu'au haut, de paliers écologiques qui se travaillent à diverses époques de l'année. Selon Le Journal d'Ici (№ 27, mars 2020), en 2010 le Massatois comprend « 2268 ha en SAU (Surface Agricole Utilisée), dont 2248 ha en herbe à bétail, 10 ha en terres arables et 5 ha en cultures pérennes (fruits) ».
L'ouverture des estives au véhicules rompt à peu près totalement cette obligation de transhumances concertées, permettant aux sédentaires que nous sommes de nous cantonner dans de petites parcelles cadastrales ombiliquement reliées aux « sources » que sont devenus les supermarchés d'en bas, l'Estive prend le reste.
L'origine de ces maintes parcelles cadastrées est, comme au Port, la connectivité de ses paliers écologiques, l'échange et le partage de biens et de services se fait sur place, dans le détail.
Tombées sous le joug de la civilisation véhiculaire supermarchisée, le sens même de ces parcelles et subverti à diverses causes, celle de la propriété immobilière, celle des amateurs de « La Nature », celle de ceux qui aiment les vaches, les ovins les caprins, les desmans.
Ces objets de nos affects symbolisent notre « intégration ». La fonctionnalité manifeste des orris, des granges et des petites maisons parsemés sur les versants – qui est de mettre à proximité et en collaboration ceux qui entreprennent les maints travaux physiques de la vallée - est totalement bafouée par nos dépendances à distance, qui nous font consommer à un niveau qui ne pourrait jamais être atteint par la vallée elle-même. Et pourtant, cette même vallée serait capable d'absorber, sans frémir, dix fois plus que sa population présente, sans cette consommation dédiée aux véhicules.
Comment faire évoluer une estive pastorale et potagère, pastorale et céréalière ? Déjà en confrontant les « estivants » à leurs propres incohérences d'amateurs de la Nature. La Pelouse ne peut pas longtemps supporter la population actuelle de bétail, ni est-ce supportable.
La Vallée de Liers a un atout écologique : ses habitats ruinés et son absence de viabilité carrossable permettent l'essor d'une économie humaine qui prend partie pour la nature de manière intégrée, pouvant servir d'exemple à d'autres milieux ruraux dépeuplés.
Je me réveille à 7h moins 10. Silence. Quelques étoiles. Le soleil se lève à 7.31. J’allume un petit feu de cuisine, la radio. Peu après 7h, un bruit étrange, un peu de mouvement dans le branchage. Et le bruit. C’est comme un TGV, et bientôt plusieurs TGVs et je vois le grand chêne FLÉCHIR vers l’ouest – ce qui n’arrive jamais – et LA RAFALE est sur nous, et des craquements d’arbres qui se cassent comme des pistolets partout.
Ce que je viens d’expérimenter est un phénomène météorologique qui s’avérera de plus en plus fréquent. Dans l’Ariège on est un peu à l’Est du centre des Pyrénées. L’aube touche d’abord à l’Est, mais nous sommes encore sous le coup du refroidissement matinal – la différence de pression entre les terres touchées par les premières lueurs du soleil et celles encore en refroidissement à l’intérieur est maximal. Des deux littoraux, méditerranéen et atlantique après, les fronts de vent courent pour se rencontrer au milieu de la chaîne, mais nous ne sommes pas au milieu, mais un peu à l’Est – côté aube. Et la météo le dit : ciel dégagé, en région côtière méditerranéenne et dans l’Est de la Corse. Et il fait sec – et même chaud – on est quand même au début mars …
Tous les arbres se construisent ici pour contester les vents prédominants – de l’Ouest. Et ils n’ont même pas eu le temps de se raidir – là sur le chemin de retour en vélo, partout je vois des arbres brisés – les plus grands et ceux en lisière, là où on fait les travaux, là où il y a eu de la coupe, au bord des routes, laissant les troncs des grands exposés. Ces arbres sont devenus stupides – mais ce n’est pas de leur faute – et de toute façon – et de toute façon, c’est leur rôle de se sacrifier pur la nouvelle génération qu’ils maternent. La mer fouettarde prend tout. Vive les haies !
Commentaire/analyse
Ce texte a été écrit sur place, sous le coup de l’expérience. On a du mal à apprécier pleinement un phénomène écologique sans être dedans – touché viscéralement par le vécu, à mon avis. Plus loin sur la route,dans la tempête, j’étais en train de regarder un grand et beau sapin qui s’est déraciné et cassé en deux, emportant un autre conifère derrière lui, sur une aire de pique-nique. J’ai vu des cantonniers arriver – trois, dans un camion, qui se sont arrêtés pour observer les dégâts. L’un des trois est sorti, en frissonnant.
L’arbre de plantation « scénique » est tombé, en effet, parce que ses racines, moins profondes que celles des arbres caduques, n’avaient prise que sur du gravier malengoudronné – et parce que l’arbre, plus élancé que les autres, portait ses aiguilles à une saison où les adventices du coin étaient nus, ainsi offrant une surface optimale au vent.
« C’est bien coincé, vous n’allez pas le bouger sans treuil » je leur dis. « Il nous faut le tractopelle » il répond, et puis « il fait trop froid pour rester ici dehors » et il monte dans son camion chauffé, sans corde en acier et sans treuil. Actuellement, on déblaie les lisières des routes à 10 à 20 mètres de chaque côté, « pour ouvrir le paysage », laissant des troncs de dix à vingt mètres exposés au vents. On « nettoie » les fossés avec des grosses machines, on roule sur le talus,laissant des hématomes dans le sol, les écoulements d’eaux boueuses se creusent quand elles ne se bloquent pas, les routes s’affaissent …
Et partout, les arbres tombent.
Vous comprenez, j’en ai un peu marre – ils sont payés pour ça … Peu à peu, malgré eux, ils commencent à faire des élagages qui commencent à ressembler à des haies, à fur et à mesure que les arbres de forêt qu’ils ont exposé en lisière tombent sur la route – ils sont bien obligés … peut-être ils ont oublié qu’un arbre, ça pousse ...
Le mécanisme par lequel on vit est qu'il n'y a pas d'alternatif, comme l'a dit Margaret Thatcher. Ce sont des choix contraints qu'on prétend "pragmatiques", entre "le moins pire" et "le pire". Mais dire qu'il n'y a pas d'alternatif est reconnaître qu'il n'y a que le rapport de force qui prévaut ... qu'il n'y a que ça qui compte. A quoi sert la conversation? Sûrement pas à encourager le débat. A quoi sert l'innovation ? A s'exposer innécessairement par sa non-conformité aux "normes" sociales.
dimanche 1 mai 2022
Mobile
Portable complexe – mutualiser la mobilité
Mobile … mais c’est les machines qui sont mobiles, finalement.
Nous, non. Nous restons assis, nous nous laissons transporter. Nos
voix se communiquent par interposition électronique, jusqu’à se
séparer de nous dans ce métavers d’illusions de masse. Sans prothèse électronique, perdu - tu n'as pas de portable, tu n'es pas potable. Il paraît être dans l'intérêt relatif de chacun de démutualiser la mobilité, mais à quel coût ! L'eau potable, elle manque maintenant aussi, mais de l'eau, il y en a partout - je ne sais pas si c'est un métaphore ou un mode de désemploi.
L’âge de la machine est un âge de remplacement terminal des
capacités humaines (et du vivant en général) par les capacités limitantes des machines. Y inclus en ce
qui concerne nos choix sacrés - point devenu tendre. Le GPS, ne choisit-il pas notre
parcours à travers les embouteillages ? On traverse une ville
schématique, une radiographie de ville matrix. Et l'errance? Pour ceux qui ne peuvent plus s'orienter ? Rien de neuf, l'ordi l'a tout avalé. Que des rubans de voitures, des peuples rendus intangibles, illisibles. Une ville c'est quoi? Un hoquet, une interruption du flux.
La simplification de nos parcours supérieurs de vie fait que
chacun de nous se fie plus au jugement des machines qu’à son
propre jugement – ou à celui d'un quiconque humain – cela nous dépasse. Pourquoi parler avec un pair, sans accompagnement machinal, c'est un moins que rien ? Comment négocier
notre amour propre lorsque ceci ne se confirme pleinement que par
"réseaux sociaux" ?
Plus loin, comment tout simplement « agir » lorsque
la vision devient paysage, un flou en mouvement ? Déjà que
notre vécu à haute vitesse nécessite des routes larges comme des fleuves avec des
panneaux indicateurs taille HOLLYWOOD – ce qui devrait nous
indiquer l’erreur de nos rêves de grandeur. Les avions de chasse
qui ne sont déjà plus en mesure d'esquiver drones et
missiles, cette vitesse qui tue. Ce toujours plus qui nous a assuré
la motivation de la survie fait qu’on a toujours moins de prise sur
les excès de la réussite. Dans le domaine auditif, la puissance
indiscriminée de nos amplis nous rend sourds, voir séniles,
incapables de différencier la direction, la distance et le sens des
sons qui nous parviennent, au niveau strictement cognitif.
Nos muscles mentales s'atrophient, faute de pratique, notre rédondance nous ouvre la voie sans issu de la paresse, la recherche infantilisant du "facile", du "confortable". Sommes-nous destinés à devenir surnuméraires, inécessaires ?
C’est impossible. Sans nous, nos machines font quoi ? La
science du « comment » ne donne pas la raison du
« pourquoi ». Pourquoi vivre ? Pourquoi sentir ?
Peut-être la vie incarne la réponse, et que les machines n’ont
que faire de cette intelligence, qui les empêche de nous simplifier l'existence. Si un jour une machine trouve la volonté et la joie de vivre, ce ne sera plus une machine, par définition ce sera un être vivant.
J’écris dans l’enceinte d’une énorme bâtisse de l’époque
industrielle, devenue une ressourcerie, dont je suis, à cette heure
de la nuit, le seul occupant humain. L’endroit est engorgé de
toutes les reliques – les trésors de l’épopée industrielle.
Malgré leurs meilleurs vœux, les « bénévoles » du
recyclage peuvent se trouver noyés sous des océans de désuétude,
et au lieu de remettre en état ce qu'ils sont censés donner une seconde vie,
sont souvent réduits à l’amener à la déchetterie pour être
broyé. Ils deviennent ainsi les complices du système auquel leur
mission, normalement, les oppose.
Je ferai ici, s’il n’y a pas d’accroc, le pôle du vivant ?!
A côté de cette montagne de matière industrielle je tenterai de
créer un jardin d’échange de graines et de plants, mais je serai
un sur vingt. Le bâtiment avec ses murs met la barrière, crée le carcan sécurisant de l'artificiel, confectionne l'illusion du cadre logique hermétique. Lors du vote, donc, la vie foisonne, mais sa voix est muette pour les malentendants. Comme dans ce bâtiment où les oiseaux chantent lorsque le vacarme du non-vivant s'apaise, au milieu de la nuit, à l'aube - c'est ce que homo industrialis appelle le silence(!). La nature est trop économe en ressources pour compter
dans un monde de surconsommation, ses chiffres sont ridicules,
pathétiques, elle réussit trop bien à se multiplier, dans chaque
anfractuosité de ce monde que nous nous sommes créé. Lorsqu’on a
tout cramé, tout broyé, cette nature commencera à sortir de son
coquillage, comme l’escargot qui attend que ça passe … La nature
recycle sans en faire une histoire, elle est si efficace que cela ne
se remarque même pas. La nature pourrit la vie ? Je rigole. La
pourriture est la vie.
Coulé!
Bateau
Un bateau, c’est une yourte à l’envers. Sur terre, yourte :
ça bouge pas. Sur mer, coque, ça bouge. Rien d’étonnant à
constater que dans un monde de sédentaires, les bateaux ne bougent
pas, ils sont tous rivetés sur terre – et voilà que la vérité
toute nue du nomadisme de riches s’étale devant nous – des
milliers de cales et de coques valant des millions d’euros plaqués
dans un parc à voiliers au port de plaisance du Port Saint Louis, à
l’embouchure du Rhône.
Un yacht club est un petit monde, des efforts d’ingéniosité
herculéens se sont dépensés pour faire rentrer la tracasserie des plus grands dans
le plus petit espace possible. Le résultat : un aire pour les gens de voyage –
on me dit que le tiers des bateaux sont occupés à l’année et on
ne peut pas dire qu’à 300 euros par mois ils payent bien cher …
Un mec avec son bateau, face à une éternité de bricolage, tableau
typique. Qui ne va jamais en mer, mais qui fait tout comme si …
j’imagine que la complexité de la tâche et les rêves de liberté
suffisent, et qu’en tout cas, le risque de l’océan déchaînée qui peut casser
ces odes à la technologie comme des boites à allumettes, crée cette latence de jeu virtuel, sans danger réel.
Et les coques et les cales sont belles – mais vraiment belles.
D’habitude cette partie de la machine se cache sous la
mer, mais ici il faut des échelles pour arriver jusqu’à sur le
pont. Un bateau, il peut être plus grand qu’une baleine … ou
plus petit qu’un kayak, svelte ou rond, catamaran, à trois coques,
vieux, en bois, en fibre de verre, en alu, même en béton armé.
Pour dire qu’on comprend subitement que les voitures super
« stream-lined » (aérodynamiques) d’aujourd’hui ne
sont que le reflet de toute l’inventivité marine de tous temps.
Que la beauté de la forme – et même sa laideur performante, ne
sont que les manifestations de sa fonction. Il y a plusieurs espèces
de bateau, qui vivent plusieurs vies, qui se transforment,
s’adaptent, coulent, s’incrustent, évoluent, polluent.
Ma présence est possible parce qu’il existe encore et tout juste
l’amarrage pirate, en menace d’élimination par la mairie, et un
pote y a trouvé un bateau qu’il retape. Moi, j’observe et je
prends des centaines de photos, de cette beauté d’une nature
désuète, industrialisée. Contre ciel, les mâts, les grues du port
industriel, mais aussi la plante à genêts, les lichens, les
aulnes, les peupliers, les maints roseaux, graminées et autres
rugueux s’accrochent au sol graveleux et pollué. Sous l’eau,
accrochés aux épaves, indifférents à la pollution cependant
gravissime des peintures antisalissure des bateaux, des anémones de
mer, des moules, des algues, des rochers roses …
« Ils font partie de l’organigramme » (la manière
de décrire/percevoir l’organisation d’une entité)
Un corps social a besoin d’étrangers – d’interaction avec
ceux qui le font se voir dans son intimité sous l’angle d’une
autre paire d’yeux.
Humano-industrialisme
L’homme pense créer et manier la machine, qu’il lance et
il lâche – c’est la soumission industrielle. Mais sur le dos de
chaque projet industriel s’accrochent des femmes et des hommes,
avec leurs valeurs. De la fusion de ce mixte naît un être
multiloculaire, dont l’homme et sa culture, la machine et sa
performance sont les principaux composants.
Préconisations
- Binomie systémique – « deux parfaits » –
référant à la coutume Cathare d’avoir un homme et une femme (ou
deux hommes, ou deux femmes) qui s’accompagnent en apportant leurs
savoirs (tisserands, médecins, sources de grâce spirituelle, etc.)
à la population. Cette forme à minima binaire a l’avantage de
permettre l’encadrement social à tout acte social – il y aura
toujours au moins trois personnes dans l’échange. De ce fait, la
transmission de savoirs est plus assurée, la boule de neige de cette
transmission sociale peut exister parce qu’il y a « encadrement
social », au sens purement mathématique !
- Accueil ≠
assimilation à un corps social statique – une « attitude »
d’accueil est celle de créer de l’infrastructure à bénéfice
de l’autre en voyant son intégration et même sa simple présence
comme un bienfait « utile », qu’elle soit transitoire
ou non.
Il s’ensuit qu’il y a
besoin de lieux de stockage, d’être nourris-logés de manière
non-aléatoire, prévisible. La logistique à taille unique (les
conteneurs en bref) a l’effet d’assécher le stockage autre que
lui et de « statifier » ou figer les mouvements.
Il y a besoin, pour faire
autrement, de « motels » de la transition, sans essence,
qui permettent d’établir un équilibre dynamique. La vie menée
dynamiquement – la vie légère en mouvement devient ainsi
faisable. L’égalité de dignité, qui est la précondition du
« commerce équitable » entre les humains, est réalisée
grâce à l’équilibre de droits et de devoirs accordés entre les
parties. Un commerce vraiment équitable est à l’opposé de la
précarité.
Ceux qui parlent de
s’accommoder à « l’aménagement du territoire »
industriel sont en train de non-dire, de crypter le mot « taille »
– taille industrielle. Lorsqu’ils parlent de l’agriculture, ou
de l’agroforesterie, parlent-ils de l’acheminement des petites
et des grandes machines agricoles, des balafres dans les coteaux
créées par les machines qui extraient le bois, des autoroutes, des
routes nationales et départementales qui strient le paysage, des
« externalités » qui, vu l’ensemble de critères de
cette agriculture/aménagement de territoire, forment l’épine
dorsale du système « Wal-Mart » qui régit sur nos vies.
C’est une monoculture –
une taille pour tous – mais à cause de cela c’est aussi un
monopole – l’ubiquité du système noie tout alternatif. La
réussite industrielle de la multitude condamne toute force de
proposition autre qu’elle-même à l’exclusion, mieux dite la
marginalisation sociale.
Une société de
« subventions à l’humain » est née. Tout « projet
personnel », individuel, a besoin de son petit paquet d’argent
de l’état pour être considéré légitime et loyal. On gagne des
« point de vie », de chômage rémunéré, de droits à
la retraite en se conformant aux règles de ce jeu – et ceci depuis
bien avant les chinois et leurs systèmes de contrôle social.
Si les « rentiers »
du système veulent tant parler du salaire universel, c’est bien
pour réconcilier leurs consciences au modèle dont ils bénéficient
déjà, de manière différenciée. Un « vrai pauvre »
pur jus se trouve systématiquement exclu, puisqu’il ne cherche
qu’à travailler productivement pour justifier de sa présence sur
terre, mais se trouve face à la concurrence de « bénévoles »
- d’« entreprises personnelles » zombies, maintenues
par la grâce de l’état.
Son travail ne pourrait être
reconnu comme ayant une valeur qu’en liaison avec autrui, mais tout
au contraire il se trouve face à des phalanges de pré-nourris (par
l’état) qui donnent bénévolement de leur travail alors que lui,
il doit « gagner » son pain quotidien, juste pour obtenir
le droit à l’autonomie – le choix – de ses achats. Lui, il n’a
droit qu’aux décisions des autres sur son sort, par les « instance
sociales », contre des individus « libérés » par
l’état qui peuvent eux-mêmes déterminer leurs achats.
Les plus démunis sont ceux
qui refusent ce choix (contraint). Mieux dit, ils payent le prix de
leur auto-exclusion appelée « sociale », en réalité
économique.
Polarisons – que personne ne bouge !
Analogue ≠
digital (numérique – les « digits » sont les doigts
utilisés pour compter, donc les nombres, en anglais)
dynamique (indépendant des
flux quantiques) ≠
statique (sans flux)
La percée de la géométrie
Euclidienne. Le point se détermine exclusivement par rapport aux
alentours, il n’a lui-même ni rayon, ni centre, ni surface. Dans
un état fixe, ces points (quanta)
se rajoutent pour décrire des lignes digitalement « calculables ».
Dans l’art de nos ancêtres
lointains, nous nous étonnons du geste rupestre – engendrant un
trait fluide et constant. Cette pensée dynamique n’est pas une
pensée des flux ni une pensée quanta (=quantitative) sinon une
pensée de la transmission/réception d’information « gaînée »
(myélinisée) en mouvement à peu près constant, en « équilibre
dynamique ».
Ceci engendre un rapport
constant « statique-dynamique » - qui donne à voir un
trait sur un paroi de caverne peint par un observateur du mouvement
lui-même en mouvement. Il suit les troupeaux, il tente d’exprimer
l’essence de l’articulation de l’animal en mouvement, sujet
d’étude et d’inspiration, source de vie.
Analogue – une vague, une
onde capte tout, même ce que l’on n’a pas cherché à ni voulu
retenir. Le digital capte des « quanta », des objets
censés faire du sens pour nous. Il nous les prédigère et il les
« boost » - les augmente pour être sûr de bien les
faire détecter (rapport son : bruit). Il rejette les déchets
sonores. Un raisonnement « statiste » (de « statique »
- qui ne bouge pas) part du centre (non-existant, pointillé) et y
revient en boucle fermée. L’analogue, par contre, trace sa ligne,
est en dialogue constant, est dans l’entre-nous. Notre « réalité
somatique », nos « moments d’attention » (fps :
26 clichés par seconde), notre interface à la fois « digitale »
et analogue en extrait le sens, tout en faisant elle-même partie de
l’espace-temps, sans centre.
L’information « gaînée », comme notre système
nerveux gainé, contraste en termes d’efficacité spécifique avec
le rayonnement en micro-ondes des satellites, d’ordinateurs et
d’objets connectés par le wifi et le bluetooth qui eux
« occupent » un espace 3-dimensionnel, en toute volume,
pour nous atteindre – beaucoup de dispersion de dépense
énergétique pour peu d’effet conséquent, des lignes de force
converties en bruit constant. Les câbles fibre-optiques et Ethernet
(NIC) seraient, dans cette vision des choses, les équivalents de nos
cellules nerveux myélinisées, plus efficients, plus capables de
donner des signaux clairs à moindre dépense ou perte énergetique.
Le ciblage, l’économie du geste, la fluidité du mouvement
s’expriment dans la ligne de l’art rupestre, ne pouvant naître
que d’une vie dynamique, où les points sont toujours des pointes
et les lignes sont toujours des flèches (des vecteurs de transmission) et où, de manière « animiste », à
chaque objet est attribué une destinée, un point d’arrivée ou un
croisement de chemins.
Une pensée donc de géométrie dynamique, non-Euclidéenne (on conçoit cette
dernière comme étant à la fois statique et abstraite), qui fonctionne
dans l’espace-temps, sans chercher à s’en accaparer, ni par
l’espace, ni par la volume, sinon par la seule tracée vectorielle
– l’interaction.
Dans ce monde les gens bougent par groupe multigénérationnel
(granulaire, mésotique), ne se sédentarisent que pendant un temps,
leur sol est un substrat d’interaction.
Ce qui échappe à la l’analyse statistique
Le terroir et tous ses dérivés territoriaux ont leurs limites
(qui seraient sinon détectés, dans un monde vectoriel, comme des
lisières et des chemins). La monnaie locale basque (l’Eusko,
première en Europe de par sa taille, 2021), comment
s’échangerait-elle avec une autre monnaie locale (Béarnaise par
exemple) aux limites de son territoire ? Il ne faut pas
discriminer les franges, quand même.
Les millions de nouveaux paysans, nécessaires dans la pensée
écologique, comment se déplacent-ils et interagissent-ils ?
Comment se calent les saisonniers en mouvement avec la paysannerie
sédentaire ? Ils ne peuvent pas être considérés des
externalités non-prises en compte territorialement, puisqu’ils en
font partie intégrante et nécessaire, même au passage.
Rien de tout cela n’apparaît dans une approche statique et
localiste, non pas parce que l’analyste en est inconscient, mais
parce que la structure sémantique (système ou cadre logique
articulé par des signes) est inadapté à cette tâche. « Soyez
en transit » (« évangile » de Thomas).
Or, la société à son intérieur peut se figurer en figue, où
les « pétales » internes reproduisent la symétrie des
inflorescences externes, leurs ensemenceurs captifs (des petites
guêpes) volontaires. Il n’y a jamais de croisement de chemins dans
un univers pareil – un univers contenu, coupé, captif.
Je me rends compte que ces derniers mois, je n’ai cessé, dans
mes pérégrinations, de parcourir les cours d’eau, principalement
l’Ariège, la Garonne, le Tarn et la Neste. J’écris ces lignes
au moulin de Roques, une médiathèque très accommodante. Mais il y
a plus – l’idée me naît que l’on pourrait autant dire
« rivières-ponts » – des croisements, non pas de
chemins, mais de deux entités – route (nous) et rivière (l’eau
de nos vies). Chaque fois qu’il y a une rivière, il y a un flux.
Des expressions telle que « ce qui compte est le cheminement,
pas la destination » ou inversement « la fin justifie les
moyens » n’ont plus de sens, c’est un flux constant, un
film qui se déroule sans fin.
Il y a une semblance de contraste entre cet état d’affaires et
celle d’une route qui n’est faite que pour nous acheminer de
point à point, en théorie, dans sa pratique. Il m’a toujours paru
ironique que l’une des fonctions majeures de la route,
la mise en contact des gens qui se croisent, même endroit, même moment, est totalement bafouée par nos véhicules, capsules
d’expédition de point A à point B – et on s’étonne de
l’absence de gens sur la voie publique et de leur clanisme !
Question : c’est quoi, deux bolides qui se rencontrent ?
Réponse : un accident de route. Les tous terrains passent
outre, bien sûr, ils écrasent tout terrain sur leur passage. Dans l’espace proche de la Terre,
l’embouteillage se fait par fragmentation.
J’espère que ce que je viens d’écrire à un sens pour vous,
lectrices, lecteurs. Le chemin et le cours d’eau se croisent et se
longent, dans une infinie de richesses paysagères, usagères, sans
aucun effort sauf celui du moindre coût de la gravité.
C’est la chose liquide qui bouge qui nous atèle à la tâche de
sa navigation, elle est là et elle bouge, comme nous. Comme un
serpent, l’inondation nous induit le respect, acier liquide.
Semer le vent
En nous réintégrant au flux de l’eau, dans nos mouvements,
n’est-ce pas que l’on s’attache à la vie ? La tuyauterie,
l’eau invisible, qui craint d’être vue au plein jour, fait vœu
d’une sorte de parcimonie accapareuse … devant une ubiquité
patente. Je viens de regarder des photos satellite du désert, l’œil
de l’Afrique en Mauritanie, par exemple. Le désert écorché qui
s’étend au sud-est de ce tourbillon de terre paraît un clin d’œil
dans le sens contraire, dans cette étendue nue depuis des
millénaires. On protège ses sources, n’est-ce pas, sinon ils
seront évaporées et aspirées par le néant, écho de l’éternité ?
Récolter la tempête
Les sacrifices victualières, l’offrande de l’ablution,
existent depuis bien longtemps, elles indiquent une conscience
imprécise de ce qui est défini de nos jours comme une boucle de
rétroaction entre nature et nous. Donner et recevoir. Droit et
devoir. Des réciprocités inaliénables. La liberté ne se confine
pas à soi, elle se cherche dans l’entre-nous.
Mon journal de bord de route est en jachère, en cette lisière de
rivière. J’ai perdu ma route, je me suis égaré pour mieux me
retrouver, par la voie de moindre résistance.
C’est l’une des « vaches sacrées ». « Place
aux femmes ». On vient de le dire à la radio. Suite à un
morceau sur la tentative de suicide d’un mari. Je ne sais pas si
c’est encore vrai, mais depuis les années 1990 il y a beaucoup
plus de suicides d’hommes en Europe que de femmes, beaucoup plus de
suicides de femmes en Chine que d’hommes. Lorsqu’on parle de
discrimination, tenons ces équilibres en tête, de manière non pas
sexiste, mais humaniste. Parler constamment de féminicide, comme si
la violence devrait rester entre hommes, c’est quand même très
discriminatoire (*j’utilise le mot « discriminer » dans
le sens populaire qu’il a pris d’« injustement
discriminant » pendant tout cet écrit). Surtout si les hommes
souffrent plus de violences et de menaces de violence que les femmes.
Il y a besoin de discernement et de compassion. A cet égard, la
compassion des femmes pour les hommes est « étonnante ».
Si l’on croyait la rhétorique féministe pure et dure, on croirait
qu’ils ne la méritaient pas et qu’en disant le contraire, on se
mettait dans le camp de l’extrême droite. Du point de vue d’un
homme, la compassion des hommes pour les femmes n’a rien
d’étonnant. On peut même y détecter un certain intéressement.
La compassion des femmes pour les femmes est donc également
compréhensible. Si les hommes occupent souvent des postes
« régaliennes » où ils encaissent, cela peut être
parce que les femmes veulent bien les y mettre.
Finalement, tout cela est très très sexiste. Un sacré pot
pourri de messages contradictoires. Mais reprenons. N’est-ce pas un
peu normal que les hommes cherchent l’amour des femmes et que les
femmes cherchent l’amour des hommes ? On ne peut pas vraiment
en vouloir aux deux sexes de chercher la douceur et la bonne volonté
dans l’autre. C’est la norme uniforme qui est en cause, où la
fonction de la femme est d’être douce et attractive et la fonction
de l’homme est d’être fort et dominant, le fait que ces rôles
qui opèrent fréquemment dans la vie entre les sexes
soient des applications rigides générales – des camisoles de
conformisme.
Quand le sous-dominant domine ...
Mais dans ce cas, il faut quand même comprendre et accepter que
la norme est appliquée – ou non – par les deux sexes. En
démocratie représentative, nous choisissons nos maîtres –
souvent en leur dictant ce qu’il doivent faire. Il paraît que le
corps de votants femmes est plus conservateur, socialement, que celui
des hommes – que le suffrage universel a plutôt favorisé le
maintien des archétypes sociaux qui restreignent le rôle des femmes
– et des hommes.
L’écologie … est féministe … ?
Ou prenons l’écologie. Le confort et la sécurité, la
préférence aux familles, aux femmes et aux enfants, n’est-ce pas
que ces facteurs priment très largement sur des sujets plus vastes
et apparemment abstraits, dans un cadre sexiste ? On peut
prendre comme exemple Angela Merkel, souvent caractérisée comme une
sorte de grand-mère qui évite d’envenimer la situation. On dit
qu’elle fait avancer l’agenda écologique ainsi. Il faut donc
croire que le fait d’être encore une économie basée sur
l’industrie automobile et les centrales à charbon est
progressiste, écologiquement. J’y vois plutôt que la paix
sociale, elle a son prix écologique, qui est, dans le fond, de ne
rien changer dans les délais qui sont exigés par notre réalité
physique encadrante. En toute logique, il faut briser ce consensus,
d’urgence.
Cependant, j’ai du mal à en vouloir à Merkel et ses turcs.
Serait-ce que c’est parce que je suis moi-même conditionné par
« la préférence féminine » ? Barak Obama est
moins à l’abri de la critique bien fondée, pour n’avoir pas fait assez qui était vraiment au niveau, alors qu’il avait beaucoup de marge. Par
contre, Margaret Thatcher est vilipendée, elle qui n’a pas cherché
à ménager ses mots et qui a joué un rôle qui nous est aussi
familier, la femme de fer. Suivant la règle de toujours se situer
par rapport à l’archétype.
Prenons un autre genre d’exemple, très contemporain. On vient
de dire à la radio qu’il y a une exposition qui s’ouvre
exclusivement réservée aux œuvres des femmes. En fait on est en
général en train de revisiter toute notre histoire pour redécouvrir
les femmes qui en ont été occultées. C’est même une industrie
naissante, qui promet du boulot. Il y en a beaucoup plus qu’on ne
croyait. Ce n’est pas de l’imaginaire. La normalisation de la
société selon des typifications a été farouche, pendant
longtemps. On a systématiquement éliminé des langues et des
cultures et ce n’est pas terminé. Les femmes y ont joué leurs
rôles – il y a une illogique profonde à ne pas les tenir
responsables tout en condamnant la culture des hommes. A accuser les
supposés dominants, également dominés dans leur vaste majorité.
Pourquoi se désolidariser, quel sens a-t-il ?
Si l’on identifie les femmes – et en général les catégories
historiquement dominées – avec la possibilité d’avancées
politiques que les hommes ne sont plus en mesure de pourvoir, c’est
un amalgame discriminatoire en soi et plutôt dangereux pour nous
tous. Si l’on crée un front de divers groupes discriminés,
souvent de manière contradictoire d’ailleurs, on ne fait pas
mieux. Joe Biden nous a coupé la terre sous les pieds à cet égard,
tant mieux. Mais la combinaison avec sa vice-présidente, noire et
plutôt de droite, nous donne encore un exemple de l’alliance
politique homme-femme qui marche si bien – pour des raisons
sexistes, mais à laquelle les féministes dogmatiques paraissent
volontairement aveugles, en public. John Stuart Mills peut manger son
chapeau.
Le pouvoir se prend même lorsqu’on le donne (désocialisation)
« Derrière chaque homme de pouvoir il y a une femme
méconnue ». Dans le cas de Margaret Thatcher – ou de la
reine d’Angleterre, cela a été plutôt le cas inverse. Cela étaie
mon thèse que l’aspect combinatoriel de la logique sociale –
c’est-à-dire politique – humaine ne peut pas s’ignorer, en
toute bonne foi. Cependant, c’est ce que font souvent les
féministes. Par exemple, le prix de la liberté féminine
individuelle est l’insécurité sociale de beaucoup de garçons de
mères solitaires. C’est comme un grand point d’aveuglément dans
la politique contre les féminicides. Quelle est la reconnaissance
donnée à ces garçons, dans leur état de droit ou de non-droit, de
dignité et d’indignité ? S’ils se trouvent
« désocialisés » ou souvent stéréotypés comme des
voyous ingérables, n’est-ce pas qu’en membres du foyer des
« femmes discriminées » ils sont autant discriminées …
ou pas, puisqu’ils doivent forcément vivre le niveau de
discrimination du ménage dans lequel ils vivent ? Sont-ils
féministes ?
Désexisation
Si l’état les prend en charge, prenant « la place du
père », est-ce que cela les aidera à trouver un rôle social
adéquat, au titre du monde privé et intime ? Le plus incongru,
dans cette discrimination non-déclarée devenue massive, est que ces
garçons sont plutôt formés aux normes exclusivement féminines,
chez eux, tout en étant tenus pour les « petits hommes »
auxquels rêvent leurs mères. Leur expérience de l’autorité peut
se révéler presque exclusivement féminine – les métiers du
« care » et de l’enseignement étant massivement
occupées par les femmes. En quoi est-ce que cela les aide, à ces
unités familiales, si on les nourrit de caricatures stigmatiques de
l’homme oppresseur ? Cette schizophrénie sociale laisse
imaginer que ceux qui prennent le sentier du renégat viriliste et
ceux qui prennent le sentier de l’homosexualité ne sont que les
deux faces de cette marginalisation identitaire sociale. Remplacer la
primauté du pouvoir masculin par le pouvoir féminin, c’est ...
Pouvoir féminin remplace pouvoir masculin – l’erreur se
répète
Je rajoute que si je n’ai pas traité le cas des filles de mère
seule – ou en famille reconstituée – ou tout simplement en
famille avec père absent, ou presque absent, c’est plutôt pour
créer une image nette basée sur un exemple, sans y consacrer des
pages et des pages. Disons que là où la dérive devient absolument
frappante, c’est au niveau de la collectivité humaine. On peut
critiquer le père absent, la femme au foyer, mais dans ce cas,
constituer des pans entières de la société majoritairement
monoparentaux, en remplaçant des concepts de primauté mâle par des
concepts de dominance féminine, est également à déprécier – et
pour à peu près les mêmes raisons. Bref, cela ne fait qu’enfoncer
le clou. Il y a une incohérence foncière dans ces pensées dites
féministes, mais peut-être surtout au sens qu’elles mettent en
jeu les droits humains collectifs et solidaires – entre autres le
droit à son identité, sa culture, etc ; … de l’enfant et
de son entourage.
Politisons, en dernier recours
Essayons de voir la chose un peu objectivement, à distance. La
femme forte est un archétype presque aussi répandue que la femme
tendre et soumise – mais en réalité, les femmes ne sont pas très
fortes et les hommes non plus. Ce sont les projections de force qui
comptent, un peu comme les charges de gorille. Ce sont aussi les
conventions sociales – les interdictions et tabous sur la violence
réelle. Joe Biden n’est pas très fort. Gare à celui qui touche à
un cheveu sur sa tête. Macron « le prend comme un homme »
… sauf que non – tout est cinéma social – tout dépend de la
réaction des autres – pluriels. Jouer au plus fort, c’est
vraiment juvénile. Il n’y a vraiment aucune indice qu’un
« chef » – militaire ou civil – est un meilleur chef
parce qu’il est physiquement plus fort ou plus agressif. Macron a
un grand désavantage à cet égard, en jouant les cartes de la
jeunesse et la vitalité personnelle, il insulte ceux qui sont moins
à niveau – il devient lui-même son propre « champion »,
erreur cardinale – il s’est coupé sa cordée.
Dans la même veine, ces critiques du féminisme devenu incohérent
n’ôtent en rien la justice d’une critique de la société
machiste. C’est juste que ce machisme n’a pas l’air de
disparaître, pour autant, peut-être parce que la fabrique sociale a
juste laissé un grand vide là où il y avait une certaine cohérence
– une cohérence infecte, basée sur les symboles de force majeure,
mais une cohérence quand même.
C’est personnel – soyons amicaux
C’est en tous cas mon ressenti. Ici j’injecte une note à
propos de ma propre socialisation, c’est le monde à l’inverse de
l’orthodoxie conventionnelle que je tente de décrire. La culture
de ma famille est plutôt Quaker – pacifiste, bien que je n’ai
jamais été ni l’un ni l’autre, fils aîné de mère seule, etc.
En général, le milieu social de mes aînés a consisté en mères
très largement dominantes – qui travaillaient – et de pères
très assimilés aux rôles familiaux. Paradoxe numéro un. Je suis
donc assez bien placé pour commenter ces anomalies sociales
émergentes dont je suis à la fois le témoin et le produit.
Les Quakers représentent un cas très intéressant. Ils ont
établi le droit, il y a trois siècles et demie, de ne pas se battre
pour le roi. On voyait mal l’exécution en masse de gens voués au
pacifisme. La situation était un peu délicate, on venait
d’expérimenter une guerre civile et une régicide en Angleterre,
dont les Quakers ont été, religieusement, des figures de proue. Ils
étaient strictement égalitaires (homme-femme aussi) et il n’avaient
pas de prêtres. Leurs services religieux étaient plutôt des
séances de méditation, ouvertes à tous, silencieux pendant des
heures sauf si dieu inspirait quelqu’un à parler, sans aucune
signe religieuse. Étant strictement bibliques et tenus à leurs
parole, à la pauvreté et à l’amitié entre tous (leur vrai nom
est « La Société d’Amis », ils étaient de l’avis
qu’il fallait juger les gens par leurs actes, pas sur parole,
puisque personne ne pouvait savoir ce qui se passait vraiment dans la
tête de l’autre et ils étaient donc les premiers laïcs
systématiques de fait, entre autre.
Des Quakers
Il est important donc de souligner que là où beaucoup d‘entre
nous disent que l’homme est un loup pour l’homme, que le
pacifisme ne marche pas et qu’il faut toujours un chef, il existe,
dans notre société occidentale, la preuve du contraire, depuis
plusieurs siècles. Le secte continue d’exister, si ses valeurs
d’origine existent bien moins – mais assez invisiblement
puisqu’ils sont voués à la modestie, bien que Voltaire en a fait
la lancée de sa carrière littéraire. Les français ont tendance à
penser qu’on parle ici de l’histoire de l’Angleterre puritaine,
ou dans une ignorance encore plus profonde, que les Quakers sont
américains – ou céréaliers. Mais c’est probablement dans leur
impact sur l’Âge des Lumières en France, la puissance dominante
de l’époque, à travers les écrits de Voltaire, qu’ils ont eu
l’impact historique le plus profond. Sans parler d’Henri IV et
d’autres tendances sur le continent européen qui les ont précédés
et fortement influencés. Il nous faut noter que le passage du bâton
entre divers pays des idées progressistes était, il paraît, très
efficace à cette époque-là, malgré les tentatives de censure.
Est-ce qu’on est mieux doté aujourd’hui ?
Je parlais de mon ressenti. C’est surtout que je suis entouré
de réactionnaires, de droite, de gauche, de partout, c’est très
pernicieux. J’ai un livre de textes choisis sur l’anarchisme, qui
ne parlent que de prêtres et du droit à la violence personnelle,
c’est très étrange. Il y a, il semble, des oppresseurs partout,
on n’a qu’à être violent à son tour. Le courage, c’est de se
défendre. La lâcheté, c’est de ne pas se défendre. Ici je
mentionne l’anecdote qui a lancé le fondateur des Quakers sur son
chemin – dans un tribunal il a refusé de vouvoyer le juge et a été
condamné à cent coups de fouet. Les ayant reçus, face au
prisonniers rassemblés, il en a demandé cent de plus – puisqu’il
n’allait pas pour autant vouvoyer le juge. Je ne le sais que par
Voltaire, pas de culte des personnalités dans les Quakers.
Du courage des lâches
Je suis même un peu critique de ce « courage », bien
qu’il sert à séparer la violence des brutes du courage « noble ».
Pour moi, le vrai courage, c’est celui des lâches, dont je suis.
D’ailleurs, dans tout conflit sérieusement brutal, on n’entend
que ce qu’a dit Fox (fondateur des Quakers, sans aucune ascendance
noble). Aux actualités, un reporteur mis en prison en Algérie
pendant plusieurs mois accepte d’être remis en prison, si c’est
cela le prix de la liberté. Thoreau, l’un des fondateurs du
concept de la désobéissance civile, a dit (et fait) le même. Je
pense que dans le fond, le fait de « faire », dans le
sens souvent de subir des épreuves épouvantables, est la preuve de
la vérité de ce que l’on prétend, pour l’audience politique.
N’étant pas ou peu exalté, comme Fox a la réputation de l’avoir
été, je ne trouve que du dégoût pour le martyr et l’ordalie –
qui s’imposent néanmoins sur nous, si nous voulons bouger le monde
et retrouver de l’amour pour nos prochains.
Naissance de la dominance de la société anarchiste
Le premier écrit du livre anarchiste que je lis rapporte les
dires de Diogène, dit « le chien » - une appellation
qu’il a lui-même choisi. Alexandre le Grand lui a demandé un jour
de lui dire ce qu’il voulait, il le lui donnerait. Le chien a
répondu « ôtes-toi de mon soleil ». Le fils de Philippe
a bien calculé son offre, il paraît. Il y a des fortes similitudes
entre cet anecdote et celui, raconté par Voltaire, sur George Fox.
Notons que Diogène n’était pas chrétien, il existait trois
siècles avant la venue du supposé messie.
L’autre écrit dans le livre qui m’a touché est celui de
Jean-Paul Marat, connu pour (la peinture de) son atroce mort dans sa
baignoire aux mains de Charlotte Corday, pendant la Terreur de la
Révolution Française. On peut dire, de l’écrit, qu’il laisse
entrevoir pourquoi on a pu être motivé à le tuer – au nom de la
révolution (!). Il s’attaque à peu près frontalement à tous les
concepts que je viens d’énumérer. Il est décidément
anti-chrétien – j’aime bien sa mise en cause caustique. Je cite
la préface à l’écrit :
« Toutes les religions prêtent la main au despotisme »
et le christianisme est présenté comme celle qui s’y emploie avec
le plus d’efficacité et de zèle .
Ce n’est pas le cas par rapport aux Quakers, il me semble. Étant
scrupuleusement religieux – chrétiens – et anti-hiérarchiques
dans leurs pratiques, ils ont créé le plateforme – à travers le
écrits de Voltaire en premier, pour la révolution dont Marat était
l’un des luminaires.
Étant athée et plutôt de culture scientifique moi-même, cette
preuve du contraire me suffit pour invalider la thèse de Marat, mais
néanmoins de reconnaître l’intensité de l’enjeu à son époque
– et depuis, en France. Conjoncturellement, Marat peut avoir eu
raison, pour une fois je ne juge pas (mais pas plus). Globalement, il
ne l’a pas. D’ailleurs, il ne me paraît pas efficace d’éliminer
les modérés (sens : « gentils ») en polarisant les
conflits et en leur donnant l’étiquette de « radicaux ».
L’histoire saccadée de la France au dix-neuvième siècle est à
l’image de la révolution, dans ce sens – un énorme coup de
barre à gauche suivi d’un énorme coup de barre à droite, de
manière répétée, un pays qui ressemble parfois à un énorme
champs de bataille – et ceci depuis le Moyen Age, à vrai dire.
Histoires imbriquées
Tenons en compte que le même ordre de critique peut être fait
contre Oliver Cromwell dans la révolution anglaise, dans sa
brutalité « inécessaire » contre les irlandais
catholiques, lui étant plutôt très humaniste dans la plupart de
ses décisions et réflexions, que contre les opérateurs de la
génocide dans la Vendée pendant l’époque révolutionnaire
française un siècle et demie après. Le lien n’est pas aléatoire
– beaucoup de combattants irlandais catholiques ont afflué du côté
des Vendéens – allez voir pourquoi.
Appareillement de la violence
Une autre contre-partie au point de vue strictement pacifique
(pacifiste donc) est donné par Edgar Morin, qui a reconnu deux
grandes erreurs dans sa vie, celle d’avoir été pacifiste face aux
Nazis dans les années trente, celle d’avoir été communiste
pendant une période après la deuxième guerre mondiale. Or, les
Quakers étaient très influents, du côté de l’apaisement
pacifiste entre les deux guerres. Mon grand-père est même allé en
Allemagne, sur une mission de paix, selon mon histoire familiale. On
peut dire après-coup que les Quakers et leur extrême renonciation
de la violence ne pouvaient exister que dans un cadre de maintien
actif de la paix de la part d’autrui – ces derniers n’étant
pas pour autant des « violents ». Il y a analogie ici
entre le rôle habituel des femmes et celui des hommes, dans une
politique de sexes stéréotypée. Les femmes peuvent sanctionner, ou
refuser, la violence entre les hommes. La différence entre un
ministère de la défense et un ministère de la guerre n’est
finalement qu’une différence d’apparence. C’est un peu la
thèse entretenue par Marat – c’est en tous cas ce qui a paru
justifier la Terreur. Si l’on accepte cette thèse, on peut
cependant avancer d’autres raisons pour invalider la méthode
« terrorisme d’état » - principalement en disant qu’en
brutalisant la population, en s’habituant soi-même à utiliser la
violence, sans tabou, on favorise la violence comme méthode et on
empêche le bon fonctionnement d’une société civile et digne.
Qui est à l’origine de tout ce bordel ?
Chemin faisant, il y a besoin de faire abstraction des buts
conjoncturels et intéressés d’une politique, pour les remplacer
par l’intérêt général et l’état sociopsychologique général
d’une société. On devient très vite ingénieur social, avec des
calculs expédients qui ne sont pas satisfaisants, même en termes
des résultats. Prenons les Cathares, qui marchaient au bûcher,
apparemment sans peur, pour être engouffrés dans les flammes. Ce
sont d’autres représentants de cet élan, qu’on croit moderne,
ou chrétien, d’extrême pacifisme – ils étaient contre la peine
de mort, par exemple. On peut dire que cela n’a pas marché.
Quelques siècles après, il n’existe guère de livres cathares,
guère de langue occitane, et une civilisation à la fois plus riche
et plus éduquée que celle de ses conquérants a été à peu près
totalement remplacée par des rugbymen qui vivent dans des bastides
et votent à l’extrême droite (je demande pardon, je suis lâche).
Il faut néanmoins observer que ces faits ont eu lieu dans un cadre
civilisationnel beaucoup plus large où, par exemple, les chrétiens
ont oblitéré les musulmans – civilisés – sur la péninsule
ibérique, où les principes de l’absolutisme centraliste (de
grands états despotiques) étaient déjà en train de reprendre
racine.
Un autre exemple plus nuancé de notre incohérence sociétale par
rapport à la violence vient à l’esprit. Un officier dans la
guerre d’Algérie dit n’avoir aucun remords (interviewé à la
média en 2001, il me semble) de lui-même avoir exécuté
sommairement et illégalement 25 « terroristes »
algériens. Dans la deuxième guerre mondiale il était dans la
Résistance, où on avait l’habitude d’abattre des collaborateurs
sommairement, de la même manière. On mentionne en passant qu’Edgar
Morin a été dans la Résistance et qu’il ne l’a pas compté
entre ses erreurs.
L’idée réunificatrice de tous ces exemples est un peu
« c’était la guerre » ... que dans des circonstances
extrêmes, il faut des comportements extrêmes et que même s’il ne
le faut pas, cela arrive et il faut y faire face. Mais dans ce cas,
on peut faire une boucle logique complète et dire que les vrais
héros sont ceux qui refusent de se battre ou qui s’opposent aux
atrocités – ils y font face sans aucun doute – c’est les
modérés qu’on tue en premier dans une guerre sans quartier .
Depuis bien longtemps, ces débats existent, les trancher relève du
type de civilisation que nous voulons, qui nous convient et qui peut
durer plus que des faits ponctuels. Étant donné le peu de temps que
l’humain moderne existe, il est tout-à-fait possible que de
nouveaux modèles bien plus viables que le présent peuvent se créer,
pour contrer l’inévitabilisme extrémiste de notre époque.
Régressons toujours plus
J’aime bien faire de très longues digressions, c’en était
une. Le titre de ce que j’écris, pour me rappeler à l’ordre,
est « le féminisme et la post-anarchie ». Je crois que
j’en ai parlé, dans ma digression, de manière très pertinente !
N’étant pas anarchiste, mais étant souvent accusé de l’être,
je suis cependant plutôt dégoûté (oui ce mot redevenu populaire)
du livre « La Bible des Anars » - je n’y vois pas du
tout, par la sélection des textes, une bonne représentation de
l’anarchie politique. Faire « à sa tête », être
libertaire, violent, anti-social, c’est la caricature de
l’anarchie, utilisée pour la condamner. L’anarchie est l’absence
d’autorité hiérarchique, pas l’opposition (la réaction) à
l’autorité hiérarchique. On peut dire que le monde naturel n’a
jamais eu de roi, il s’est « auto-organisé ». Il ne
manque donc pas d’exemple concret de la réussite de l’anarchie –
nous sommes là grâce à l’anarchie – en tant que système. La
Bible des Anars est vraiment inflammatoire – elle choisit de citer
sur la couverture, de Kropotkine, l’un des plus forts avocats de
l’écologie anarchique, connu pour son humanisme « les
libertés ne se donnent pas, elles se prennent », quelle
ânerie, hors contexte.
Mais même l’écrit choisi d’Etienne de La Boétie me
désillusionne, il fait équivaloir le fait d’être vigoureux dans
sa propre défense avec le fait de ne pas être un couard – c’est
une lecture qui reprend « De la Servitude Volontaire » de
manière qui m’est très négative. J’aime bien servir aux gens,
anticiper leur plaisir. J’aime bien faire partie de la société et
ne pas être aliéné de mes pairs, même si ce n’est pas gagné.
Si le but de l’opération est d’améliorer ou au moins de rendre
plus consistent le monde dans lequel on vit (que ce soit en s’y
adaptant ou en le changeant), il ne faut pas en faire un monde social
dans lequel on tolère n’importe quoi pour les autres en ne pensant
qu’à soi.
Je lis La Boétie à tort et de travers de nouveau, puisqu’il
dit à la fin : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous
voilà libres », mais il le dit par rapport au tyran, sur
lequel il s’est fixé – c’est compréhensible, il n’a que
dix-huit ans au moment de l’écriture. C’est juste que parfois un
« symbole d’autorité » ne veut même pas d’obéissance
et les gens vont quand même se rechigner contre sa « dominance »
- ce qui veut dire peut-être qu’ils aimeraient bien le pouvoir
pour eux-mêmes, fin de compte. Le mot « servir » a au
moins deux sens. L’expression « servitude volontaire »
a au moins deux sens.
Autant vaut pour l’anarchie – qui, il paraît, ne l’est
jamais. Le vrai sens de l’anarchie en France, c’est
l’insoumission aux despotes … et plus loin, à toute autorité,
ce dernier étant un non-sens. D’abord parce que cela devrait
s’appeler l’anti-autoritarisme. Ensuite parce que le sens stricte
du mot autorité ne veut pas dire « autorité arbitraire »
– il peut simplement vouloir dire « convaincant » ou
« qui induit l’écoute et le respect, sans même le
chercher ».
Les Quakers paraissent faire à peu près toutes les choses
requises par cette philosophie anarchiste, tout en étant strictement
fraternels, religieux, anti-despotiques, égalitaires … et bons
gestionnaires. Ils savent que l’homme et la femme sont libres. Ils
ne passent pas leur temps à tester les confins d’une prison
non-existante pour s’en échapper, bien que …
C’est tenu
Analogiquement on peut critiquer les cathares pour leur dédain
supposé de ce monde, en faveur du monde de l’au-delà (chair
versus esprit), mais une autre interprétation serait que militer
pour le bien dans ce monde donne la liberté … (de conscience,
d’esprit) et qu’on se fie à une propagande de leurs ennemis en
croyant qu’ils croyaient cela, de la manière qu’un philosophe
imbu de catholicisme l’interpréterait. Dans les faits, les
cathares se sont combattus, dans les faits, leurs parfaits et leurs
« bras armés » étaient solidaires, frères et sœurs,
jusqu’à la fin – et au-delà, un petit oiselet vient de me le
dire. Si la France d’aujourd’hui n’était pas juste du côté
des vainqueurs, elle reconnaîtrait que les francs, c’étaient ce
qu’on appelle les allemands aujourd’hui, que sa civilisation,
comme celle des anglais, est une société mixte – fusion, où la
meilleur partie a appris à rester sous les radars sauf en temps de
grave nécessité comme dans les mythes d’Arthur que nos deux pays
partagent – à travers les mythes celto-britanniques et non pas
gaulo-germaniques.
Dernière tentative
Pour la partie féministe de cet écrit, j’essaie de démontrer
que ce n’est pas en jouant les stéréotypes et en discriminant les
hommes – de manière active ou passive – qu’on promeut la cause
des femmes, ni des hommes, ni surtout de leurs enfants. Si les femmes
peuvent être très violentes, comme les hommes (exemple : les
bataillons de femmes combattantes russes dans la deuxième guerre
mondiale) de manière directe, c’est tout le monde qui peut l’être
indirectement – mais vraiment tous. Vivre en démocratie libre en
maudisant ses gérants – sans agir autrement, est un bon exemple –
oui, le féminisme version présente fait exactement cela. Je raconte
l’exemple d’une partie de mon expérience personnelle avec les
conséquences de ce mouvement pour démontrer qu’il peut servir à
créer de la violence structurelle, parce qu’il est dans le fond
devenu injuste et intolérant à l’instar des systèmes qu’il
critique. Et on est dans le pays de « Aux armes, citoyens ! »
ou chaque action indigne provoque une réaction indigne, d’habitude
adressée contre les plus faibles et démunis – Marat, réfléchis-y,
outre-tombe.
parlons du cirque du coup
La vaste distraction politique que représente cette concentration
sur le féminisme et les autres discriminations groupales, sous la
rubrique, toujours, de la violence, n’est pas cathartique, mais
inflammatoire. Dans une vraie guerre, la réaction spontanée des
gens est la solidarité de la population concernée, pas la
discrimination systémique. Première ligne, deuxième ligne,
troisième ligne … et les dernières en ligne ? C’est
normalement le « sale boulot » de l’ennemi de briser
notre solidarité. Autant pour la Covid que pour la crise écologique,
notre solidarité est plus que fragile et ce disant, il me vient à
l’esprit que nous nous voyons plus en ennemis qu’en amis. Que
l’histoire se répète … le « boom » de la
consommation recherché à la sortie de notre confinement confirme de
nouveau l’exclusion des plus pauvres, encore une gifle, peut-être
la gifle de trop.
Avec cette lecture des faits, on peut mieux cerner les origines de
ces comportements politiques apparemment irrationnelles. Autant pour
la Covid que pour l’écologie, ce sont principalement les riches
qui portent la responsabilité. Leur peur d’être tenus pour
coupables est contagieuse. En plus, ils sont dans un piège :
même s’ils éliminaient les pauvres, cela ne solutionnerait pas le
problème structurel que représente leur excès de richesse – il
n’y a pas de vrai bouc émissaire sur place. Ils délestent le
vaisseau – il y a abondance de richesse – en essayant de
distribuer la largesse là où cela peut pacifier le forces les plus
vives et dangereuses, ils s’inventent des liens d’affect avec les
groupes discriminés qu’ils désignent, dans le vain espoir de se
forger des alliances et en ce faisant, leur trouille devient de plus
en plus manifeste. Accuser les étrangers de tous les maux est aussi
une manière magnifique de ne punir personne qui compte – mais la
guerre externe inventée est encore plus satisfaisante à cet égard.
C’est jouer avec le feu lorsque votre souffre douleur est encore
plus inadéquat et prêt à l’hyperbole que vous. En tous cas, il
n’y a pas d’étranger, il est chez nous et partout.
Les outils de dominance – le contrôle social, l’avantage
matériel, deviennent des vrais dards envenimés – si tu ne peux
pas acheter les gens qui savent compter, qu’est-ce qui te reste ?
Dans ce sens, on se prépare déjà pour un vrai changement de
régime, pour cela que le « nudge » de première ligne,
deuxième ligne, etc., mène, lexicographiquement, à la fin de la
lignée des marketeurs mensongers.
D’ailleurs
L’élection présidentielle au Pérou, un pays que je connais
bien qui attire rarement l’attention ici, est devenu un focus de
l’attention en France parce que justement elle se fait entre
l’extrême gauche (entre guillemets) et l’extrême droite (sans
guillemets – une sosie de Marie Sous-lieutenante le Pen, ou
l’inverse, peu importe). Il paraît que la Gauche va gagner. Est-ce
qu’on est content ? Normalement, Macron met la barre à
l’extrême droite à peu près un an avant l’élection (mais il
échoue, on rejette sa législation, quelle honte) pour gagner le
centre avec des mesures conciliatrices ou proposées « à
gauche » un peu plus tard. Cela part en vrille. Les nudges,
c’est un désastre, ils veulent dire « il n’est pas honnête
et il nous prend pour des cons », alors qu’il nous prend
honnêtement pour des cons.
Et on a éliminé la gauche – le pays dépend cent pour cent sur
la stratégie de s’enrichir sur le dos du monde. Il n’y a pas de
plan B. Les pauvres ici votent pour les riches – ils ne sont pas
cons, il n’y a pas d’autre remède. Même Biden ne sait pas mieux
faire que de réunir les pays riches et de secouer les milliardaires
pour que des bit coins leur tombent des poches. Les milliardaires
comprennent que c’est la fin de la ligne pour eux sinon – ils ne
sont pas cons non plus – et de l’argent, ce n’est pas ça qu’il
leur manque.
On peut supposer que les pays pauvres n’y voient même pas leur
intérêt – avec raison, puisque leur seule vraie fonction est de
se faire dépouiller du peu de richesse naturelle qui leur reste.
Pendant le Covid, les pays riches ont oublié d’être solidaires
même avec les oligarchies de ces pays, en leur refusant
l’expatriement en cas de grosse merde. Ces oligarchies se trouvent
le dos contre le mur, face à des populations locales de plus en plus
ingérables, parce que chaque fois plus désespérées, sans
prospectus d’avenir. Chouette pour eux deux.
Et tout cela a l’air de venir de nulle part, comme si on ne s‘y
attendait pas – alors qu’on s’y attendait bien. Voilà
l’impasse dans laquelle se trouve l’élite française et
mondiale, tôt ou tard. Il est temps de chercher l’homme – ou
plutôt la femme providentielle. C’est logiquement la cheffe
d’Oxfam France – Cécile DuFlot – qui n’a pas du tout l’air
d’en avoir envie. Emmanuel Macron, malgré sa jeunesse, est
virus-contaminé – il n’est pas, même plus du tout providentiel
– pas présidentiable donc. Et pourtant, il en avait tous les
attributs, et il n’a pas fait beaucoup de faux pas. C’est sa
politique qui est fêlée, mais lui, il est en parfaite condition.
Autant lui que Cécile DuFlot, il me paraît, sont très
culturellement anglo-assimilés. Un atout politique ? En termes
de compétences, sans doute, en termes de rapport électoral,
l’inverse.
De l’air frais recyclé
Un gouvernement d’unité nationale ? Une vraie démocratie
parlementaire ? Cela m’étonnerait – mais un gouvernement du
Front National qui crée la solidarité nationale m’étonnerait
encore plus. Allons pour la deuxième option. Son joug pourrait
libérer la parole – surtout contre lui, … engendrer de la
créativité – surtout pour défaire ce qu’il tente de faire et
s’opposer viscéralement à sa politique. Ce serait une
décontraction des inhibitions nationales – plutôt nationalistes –
qui militent contre le « bon sens » des français.
Cathartique … quoi. Le FN (R), en incarnant la république pour du
vrai, permettrait aux français de trouver un vrai bouc émissaire
charnu enfin, et de rejeter la république qui n’en est plus une,
pour en inventer une autre.
L’idée n’est pas si folle, puisque si la cohésion sociale et
l’humanisme sont au nadir, alors qu’on prétend l’inverse, si
la société est déjà extrême-droitisée, en se prétendant
altruiste, si elle est anti-écologiste, tout en se faisant un bon
greenwash chaque matin avec de l’Aloe Vera importé, il est
vraiment le moment de mettre ses cartes sur la table pour voir ce
qu’elles valent. Une désobéissance civile généralisée, plus
ouverte, plus légitime, une franche hostilité au gouvernement de la
part de la société civile « respectable », lettrée,
compétente, sied mieux lorsqu’on a un gouvernement clairement
fasciste et incompétente que lorsqu’on a un gouvernement
hypocrite, mesmérisé par ses propres doctrines, presque normal. Et
puis il manque de l’humour. Ce sont à peu près ces arguments qui
ont du entrer en jeu aux États Unis lors de l’élection de Trump –
et qui lui ont donné un successeur source d’optimisme potentiel –
un « nice guy ». Les années d’opposition et
d’obligation, de la part des états individuels, de tirer leur
épingle du jeu tous seuls, sous Trump, leur ont donné une vraie
énergie politique directionnelle lors de la défaite de ce dernier –
et on s’est beaucoup amusé.
On espérerait en dire autant pour la France. Malheureusement –
et malgré l’abolition de l’ENA par Macron, la France n’est
aucunement fédérale. Pour être plus précis encore, elle est
anti-fédérale (c’est une blague, les États Unis aussi, elle est
contre l’état fédéral=centralisant, dans son cas). Ici, de
nouveau, le Front National (pardon, le front Azur-Craie) donne de
l’espoir là où les autres partis n’en donnent aucun. Comme la
référence l’indique, ce parti est surtout présent dans les
extrémités régionales de la France, dans le Sud et le Sud-Ouest
principalement, dans le Nord, en petite Bretagne.
Paradoxalement et avec un certain humour ironique, on peut dire
que le Front National est plutôt régionaliste, ultramontaniste et
hostile au centre. Il est peu probable qu’il peut en faire de la
France un rassemblement national. Il aimerait bien casser le centre
et en expulser ses occupants, étant donné qu’il ne sont même pas
des français de souche. Cela promet le fatras. Cela permet d’espérer
que les gens, au niveau local, prennent leurs responsabilités
publiques au sérieux, plutôt que d’attendre la manne du centre de
l’état providence – qui se sera expatrié avec le pognon dés
qu’il peut mettre la main dessus. Ce qu’on appelle « les
territoires » (la province) ou encore plus créatif « les
régions » pourraient laisser le centre vide au Front, si le
Front les laisse les provinces – le Front, bien entendu, ne
cherchant pas plus qu’à se déposséder de toute compétence
administrative possible, étant donné leur incompétence collective
dans ce domaine. Ils y auraient un fort intérêt politique, leur
politique de laisser faire pourrait leur faire ré-élire. S’ils
faisaient vraiment ce qu’ils sont connus pour vouloir faire,
hypothétiquement, ils risqueraient, comme Trump, de n’avoir qu’un
mandat – ils ont intérêt à faire à peu près l’inverse de ce
qu’ils disent, se comportant en républicains modèles, tout au
moins jusqu’à ce qu’ils réussissent à passer la législation
et établir la main-mise nécessaire, ce qui faudrait plus qu’un
mandat – comme c’était le cas pour l’un de leurs mentors,
déifié par la gauche littéraire récemment.
Dans une démocratie bipolaire, c’est à peu près normal qu’un
gouvernement de droite fasse passer des politiques de gauche et qu’un
gouvernement de gauche fasse passer des politiques de droite.
L’anomalie se fait sentir lorsqu’un gouvernement d’énarques
sans partie prise trouve bien d’abolir l’institution qui lui a
donné vie (En Marche – l’ENA ). EN mArche cherche sa bipolarité,
sa pathologie est unipolaire et c’est peut-être pour cela qu’il
rate le pouvoir. Pour le Front National, étant clairement
extrêmement polarisé dans un sens bien orienté, ce problème ne se
présente pas, mais il existe une obstacle majeure. L’infrastructure
napoléonienne de préfets, etc., etc. pourrait très bien
trouver moyen d’administrer la France même dans l’absence de
gouvernement compétent. Le Front National adore le pouvoir régalien.
Le pays se trouverait à ce moment-là entre le marteau et l’enclume,
une position non-enviable. Les grands métropoles, surtout Paris et
Bordeaux, se trouveraient dans leurs position habituelle de casseurs
principaux du pouvoir titulaire central – du Front National. Le
centre réassumerait le pouvoir de fait comme si rien n’était et
rien ne changerait.
Cette analyse se fait avec la meilleure volonté du monde, dans
l’absence de tout espoir d’une politique écologique venant des
institutions et des individus présents sur le terrain dans des
positions de pouvoir décisionnaire actuelles ou potentielles. Leurs
opposants sont encore plus à craindre, pour leur capacité de ne
rien offrir comme vision d’avenir plausible. S’il faut passer
outre, cela n’a rien à voir avec le radicalisme, mais parce que
toute autre option est bloquée. La politique se joue comme un jeu
d’échecs – ou de daims – on déclare forfait lorsque la fin
devient inévitable – ou par simple ennui parce qu’il n’y a
aucun prospect de succès, malgré une répétition jusqu’à
l’infini des mêmes mouvements.
Hallucinons positivement
J’aimerais bien entendre Cécile DuFlot dire qu’elle va
réduire le salaire des professeurs et des infirmières pour donner
le surplus aux services de santé et d’éducation des pays du tiers
monde, ou bien qu’elle abolit le droit à une voiture aux
particuliers en campagne si ledit véhicule n’a pas été produit
après 2035, ou qu’au lieu du maraîchage, elle offrirait des
jardins à des jardiniers, récupérés aux agriculteurs qui passent
à la retraite (s’ils y arrivent), en abolissant tout usage de
machines agricoles, en particulier les débroussailleuses, les
tronçonneuses et les tracteurs – et le lion couchait avec
l’agneau. Juste pour étendre l’idée de ce que c’est, d’être
radical en politique, d’étirer un peu l’enveloppe du
politiquement possible. Je suis sûr que c’est possible. Sans
voiture et avec de quoi manger, même un gilet jaune peut très bien
vivre en campagne sans se sentir expatrié. Et s’il ne veut pas, il
y a plein de Franciliens qui tenteraient leurs chances. Dés que le
désert rural cesse de l’être, parce qu’il s’y trouve des gens
qui en tirent leurs vies, en rehaussant la santé de la biosphère
par des travaux attentifs dans le détail – ce qui ne peut pas se
faire avec les machines – leur présence assure les services qui
manquent et la fiction d’une campagne « protégée »
par l’absence d’humains est à jamais détruite.
Pour que la contre-vérité existe, il faut une vérité de
référence. Le problème commence là.
Les rêves, c’est notre manière d’arranger les choses – de
les rendre cohérentes. Ont-ils une trame, un cadre ? Est-ce
cohérent ?
Dans un rêve, ce que les « créatifs » appellent un
imaginaire, même une fiction, on suspend la non-croyance, on accepte
le cadre logique, on rentre dans l’histoire, comme Alice au pays de
merveilles. La plausibilité ou vérisimilitude de l’histoire est
une fonction de l’intégration histoire-cadre d’histoire, aussi
bien que de nos aspirations – et nos déceptions.
Dans les rêves on intègre les événements du jour – on leur
attribue un sens, ou plusieurs – un peu comme « essayer des
vêtements », on les revêt, les rêves. On peut imaginer que le
« vrai » est comme un revêtement qui « va comme un
gant » à une expérience, qui permet son assimilation.
Et donc on est bien loin du vrai, pour dire vrai. Le besoin de
référence extérieure, par exemple une photo, un témoignage,
témoignent de cette incertitude ressentie du vrai. On a besoin du
vrai … mais à chacun sa vérité – les critères varient
dramatiquement. Une copine, spécialiste du sujet, à l’époque
grecque classique, m’a dit que le vrai, c’est ce que dit
l’oracle de Delphes – à nous de chercher le comment, si cela
paraît contrefactuel.
Vérité émotionnelle
Avec la vérité émotionnelle, le tissu de nos vies se densifie,
mais confirme l’hypothèse – la vérité n’est pas ce qu’elle
paraît être. Comme je l’ai dit ailleurs, l’amour, son
intensité, en font un bon candidat à la vérité absolue – on y
croit, profondément et on est d’autant plus déçu par la trahison
de cet édifice sur lequel se construit, pour beaucoup d’entre
nous, la vie. Certains opposent, pour autant, la vérité des
émotions – subjective, à la vérité des objets. Mais qu’est-ce
qui se passe si l’émergence de la vérité dite objective dépend
de la vérité subjective ? Réponse : la tendance. On
essaie de prédire l’issu objectif par une étude logique, ou
encore mieux une étude chiffrée. La preuve ! La preuve
s’exprime en termes de probabilité, comme si ce probable serait
plus vrai que l’improbable.
Le problème avec cette manière d'aborder la question est déjà que l’histoire et
l’évolution sont faites d’exceptions, une mutation est toujours
non-anticipée dans sa spécificité et c’est parce qu’on n’a
pas anticipé un événement qu’il nous prend au dépourvu et peut
transformer nos vies de manière inattendue. C’est pour cela que
les tendances sont des mauvaises conseillères, et que plus on
choisit de calculer ses actes de manière raisonnable, selon les
tendances, plus le non-anticipé risque de prendre l’ascendant, si
ce n’est que parce que nous n’avons plus de plan pour le
canaliser. Les cauchemars indiquent la vérité de cette supposition,
nos cerveaux, non-contents de la route lisse et prévisible, nous
mettent des bâtons dans les roues, nous rappellent … au désordre.
Les rêves et les cauchemars éveillés donnent une autre indice
de cette … vérité … Être dans le pouvoir d’un autre,
impuissant devant une situation qui se déroule malgré sa meilleure
volonté, ce sont des exemples de l’imbrication de sa propre vie
dans la vie d’autrui. La « dominance » de la situation,
c’est l’une des portes de sortie de ce problème. N’est-ce pas
que la meilleure manière de prédire l’avenir est de tenter de la
créer ?
Si j’ai préfacé toutes ces vérités alambiquées par le
constat que « Je n’y crois pas trop à la vérité »,
j’avoue que c’était ma contre-vérité. J’y crois. L’oracle
de Delphes ne compte pour rien dans mon monde, j’y crois à l’amour
et à la vérité raisonnée, observable. Ce sont les moyens d’y
arriver qui sont incertains et il faut rajouter que du fait que les
cadres varient, selon nos points de référence, plusieurs vérités
peuvent coexister, de manière tangible, si elles ne se contredisent
pas. La vérité existe donc, cette existence est à ne pas confondre
avec nos moyens de l’appréhender.
Par voie d’exemple, prenons l’éruption non-anticipée d‘un
volcan près d’une grande ville, imaginons une flue pyroclastique
qui se déclenche. Nous pouvons supposer que plusieurs vérités
amoureuses sont détruites, d’un instant à l’autre. Pour
compléter le tableau, imaginons un effet sismique d’intelligence
collective qui, ayant accumulée un certain poids critique, nous fait
basculer d’un monde industriel, fait de tendances et
d’inévitabilisme, à un monde totalement transformé en amour, en
êtres vivants qui vibrent d’espoir renouvelé. Ici je ne parle pas
d’optimisme ni de pessimisme, sinon du développement d’une
conviction bien fondée, qui a un certain moment critique déborde.
Ce genre d’enjeu est omniprésent actuellement. La conjecture de
l’espoir est en ce moment déprécié, coincé entre deux
anticipations (rêves d’avenir, vérités possibles), d’un côté
le besoin de la part des humanistes de nous faire peur de ce qui
adviendra si nous continuons comme ça, de l’autre, le besoin de
tuer l’espoir dans l’œuf pour ne pas obnubiler les espoirs rêvés
de ceux qui sont attrapés dans les rêves d‘avenir du passé.
Comme un amant qui refuse d’accepter qu’on l’a quitté, qui
tuera son amour plutôt que reconnaître qu’il n’a plus lieu
d’être.
La vérité est donc une histoire subjective, pour nous, elle est
en interface avec la réalité, pour cela que les deux mots distincts
existent. La fiction, de manière assez ironique finalement, est
toujours moins « inventive », moins « créative »
que la réalité, même si elle peut servir à créer le réel.
L’idée que les humains et par extension la vie en général
dépassent l’intelligence artificielle et les machines – qu’ils
ne peuvent jamais s’assimiler au pur mécanique, est plutôt mis en
doute par cette dernière observation, si notre créativité, notre
inventivité ne peuvent jamais surpasser l’incongruité – la
non-anticipation - du réel. De se réfugier, comme il est
actuellement conventionnel de le faire, dans une sorte de « biopic » du
réel, fait de tendances – on pense au Big Bang et à l’expansion
de l’univers – n’est pas plus une vérité surplombante qu’une
autre.
La vérité scientifique n’affirme pas cette vérité-là, non
plus, elle présuppose que la dernière vérité n’obtiendra que
jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une autre, consonante
avec les faits observés. Par voie d’exemple, la théorie du Big
Bang n’est aucunement une vérité universelle, il lui manque
l’avant, l’après, et la raison d’être de l’ensemble. Ce
sont des lacunes majeures. Même cette vérité « universelle »
ne donne qu’une partie de la vérité de l’ensemble, et ceci par
commun accord. Elle ne donne pas carte blanche à toute croyance,
surtout aux croyances aveuglantes, elle ne donne qu'une indice, peut-être trompeuse, du chemin à
parcourir encore.
De dire que des êtres conçus par nous ne peuvent pas développer,
de manière émergente, des réalités qui dépassent leurs
créateurs, est comme dire que nos enfants, engendrés par nous, de
nous, n’ont pas leur existence et leur expérience propre. Toutes
deux, elles nous échappent, en tous cas. La vérité est « hors
de nous », hors notre contrôle réelle, d’autant moins
« vraie » que nous cherchons à l’imposer. Ceci malgré
le constat que la meilleure manière de prédire l’avenir et de
tenter de l’exécuter – ceci est finalement peu de chose. Quel est
la valeur de ces concepts ? Sont-elles « vraies » ?
Jusqu’à preuve du contraire, elles sont plus « vraies »
que les vérités personnelles de tout un chacun, parce que,
justement, elles admettent la preuve – la boucle de rétro-action
avec le réel – ce que ne permet pas l’oracle de Delphes. Et la
preuve du réel, c’est une rude épreuve – pour ceux qui se
limitent à leurs réalités quotidiennes, et considèrent que tout
ce qui les dépasse n’est que de la philosophie sans utilité.
Objectivement, le subjectif est d’importance critique, pour nous
tous. Les rêves ont leur fonction – et comment ! Que cette
fonctionnalité a ses limites ne l’élimine pas. Que les machines
pourraient un jour avoir leur propre subjectivité n’amoindrit pas,
en principe, la nôtre – surtout pas en ce qui nous concerne,
collectivement et parfois en tant qu’êtres singuliers. Que nos
émotions et nos expériences fassent partie de notre vérité
n’invalide pas l’existence de cette vérité – ce sont des
moyens d’y accéder. Même une machine serait d’accord avec ce
constat, j’ose espérer.
Voilà, je vis dans l’espoir que cette tracte pro-vérité(s) est
restée strictement dans les bornes de la vérité argumentée, sans
aucune trace de mysticisme ni d’exaltation. La pensée n’est
jamais propre, mais on essaie, quand même. J’hésite à le
souligner, des explications jusqu’à l’épuisement peuvent être
ennuyeuses, mais malgré ma non-éducation joyeuse à la
philosophie, j’espère avoir expliqué pourquoi émotion et raison
marchent ensemble – qu’il n’y a pas de nécessité d’exclusion
de l’une par l’autre. La vérité, dans la mesure qu’elle sert
de cible, s’enrichit de rêves, qui ne sont que des amalgames
d’émotion et d’argumentation raisonnée – de
conceptualisation. Il n’y a aucune distinction, dans ce sens, entre
les rêves éveillés et tout autre rêve qui nous survient, d’où
qu’il vient. Ce qui serait dévastateur pour toutes nos vérités, à vrai dire, ce
serait l’absence de rêves.
Ce n’est pas comme si l’époque des machines ne nous avait pas
fait de dégâts. Je ne prends pas la position de l’homme de
l’esprit, le mystique ou le poète en ce disant. Je ne prétends
pas, non plus, qu’il n’y ait pas eu d’autres dérives
collectives à d’autres époques.
C’est une question de sens – quel sens y-a-t-il dans la vie ?
Cela a tracassé l’esprit de George Orwell, qui a terminé,
d’apparence faiblement, par dire « La décence humaine ».
La quête de sens termine souvent par une « croyance forte »
- ce qui a l’utilité d’être hors le champs du débat rationnel.
Pourquoi pas une croyance forte faible ?
Il y a aussi le fait de vivre, tout simplement, sans se demander
quelle serait la motivation profonde. Il y a beaucoup de « vérité »
dans ce positionnement – on peut observer que les vérités morales
d’une époque cèdent à la réalité d’une autre. Il serait donc
incohérent d’avoir des croyances rigides qui risquent d’être
contredites par les faits.
C’est le sujet de cet écrit. Mais rien n’empêche les
passions de prendre le relais – beaucoup d’entre nous « croient »
à l’amour, bien que l’amour est souvent sujet à trahison et
donc l’une des valeurs les moins sûres qui soit. Les sensations
envahissantes affirment leur vérité, indépendantes de notre
volonté apparente. Et c’est peut-être cela qui fait que nous
voulons y croire – cette vérité sociale existe en dehors de notre
croyance.
Pour terminer cette brève perspective globale, on peut considérer
la question d’intérêt : intérêt personnel, social ou
général. La rationalité de l’être humain et de toute vie
dépend, en grande partie, de sa réalité somatique ou
expérientielle. J’en donnerai deux exemples. Lorsque je suis bien
nourri et je vois un chevreuil sur ma route en voiture, je ferai tout
pour l’éviter. Lorsque j’ai faim, j’aurai envie de lui rentrer
dedans. On dit que les Perses avaient l’habitude, lors de la prise
de décisions importantes, de discuter une fois autour du repas du
soir, plutôt saouls, et une deuxième fois le lendemain matin,
plutôt avec mal aux cheveux.
Donc le premier leçon de la moralité écologique est « quelles
sont les conditions physiques et sociales lors des prises de décision
concernant l’écologie ? » Nos gouvernants ne l’ignorent
pas, ce leçon – c’est même l’une des critères de base de
leurs prises de décision.
Les penseurs écologiques ne l’ignorent pas non plus. L’une de
nos vérités inconfortables principales est notre éloignement de la
nature. Comment, donc, prendre des décisions sur cette cause lorsque
nous n’avons pas connaissance de cause ? C’est la démocratie
même qui est en jeu !
Si on met ces deux constats ensemble, on peut se demander pourquoi
nos gérants sont si frileux à créer des programmes systémiques
d’initiation à la nature ? Il ne manque pas d’exemples dans
l’histoire – que ce soit la rencontre entre Roosevelt, le
chasseur invétéré et John Muir, le formateur du Sierra Club, qui
ont scellé la création des parcs naturels. Où le mouvement des
Scouts de Brandon Powell, les rites d’initiation à la nature des
tribus lointaines et la chasse sous toutes ses formes. La nature na
jamais cessé d’être terreau fertile pour les mouvements sociaux
et les modes.
François Terrasson, dans son livre posthume « La Peur de la
Nature » a proposé que c’est une question de culture, qu’il
y a des cultures du bocage et des cultures du monde artificiel.
Sommes-nous sous le joug de la culture dominante, celle qui veut
imposer le monde artificiel partout ? Il y a beaucoup de
discours qui vont dans ce sens – qui accusent l’homme moderne
d’hypocrisie pure et simple, lorsqu’il prétend aimer la nature
qu’il détruit.
Mais dans ce cas, les écologistes qui en parlent sont les
premiers coupables. Je ne connais pas d’écologiste de renom qui ne
pêche pas par ses excès de consommation – principalement ses
voyages à des contrées lointaines. On peut beau critiquer la
colonisation, l’un de ses aspects les plus nocifs continue bon
train – le « globe-trotting », l’élite
internationale est florissante. Pour moi, comme pour beaucoup de
vrais écologistes, cette contradiction est telle que je ne peux pas
vraiment accepter cette génération de voyageurs de par le monde
comme des écologistes authentiques. J’attends avec impatience –
et fais de mon mieux de faire naître, une véritable cohérence
écologique autour de cette problématique. Dans ce cas, c’est le
transport, mais on peut également questionner l’écologie des
riches en général – si, pour initier des projets prétendument
écologiques, il faut commencer par « acheter » les
terrains – n’est-il pas question de biens mal acquis ? Si
une compagnie pétrolière ou un particulier a gagné ses avoirs en
exploitant la terre, tandis que l’écologue frugal se voit nié à
tous égards, l’écologie devient une pratique à bilan net
anti-écologique.
Je me rappelle, par voie d’exemple, une édition passionnante de
« Carbone 14 » sur France Culture, où le sujet était
l’héritage génétique de l’être humain moderne. Pendant cette
émission, l’expert concerné a avoué qu’en Afrique, il n’y
avait guère d’exemples d’ADN ancienne corrélés avec les
profiles des populations modernes, parce qu’il n’y avait presque
pas d’experts et de ressources sur ce continent. Il faut imaginer
qu’en Afrique Centrale, il existe un seul archéologue. En France,
il en existe des milliers. C’est la même chose pour les
échantillons d’ADN. Et cependant, si nous savons si peu sur les
plusieurs humanités qui existaient jusqu’à il y a peu (de dix à
vingt mille ans avant notre ère), c’est à cause de ces carences.
Il est parfaitement grotesque de constater que malgré le prétendu
effet civilisateur de l’époque moderne, nos médias continuent
d’envoyer sur place et de recevoir dans leurs studios des experts
qui n’existent pas dans les pays qu’ils étudient.
Ce qui donne encore plus de chagrin, c’est le manque
d’introspection ouvert à ce sujet. Une fois alerté, on ne voit
que des exemples en série. Le sujet n’est jamais adressé, et on
ne peut que supposer que dans ces élites de voyageurs, bien
ressourcés, confortables, il est né un genre de complicité – sur
les sujets qu’on ne va pas regarder d’en face, en public. Ce sont
les sujets les plus brûlants, à vrai dire. Je n’ai aucun doute
que personnellement, plusieurs membres de ces élites font toute
sorte de chose pour réduire leur empreinte carbone, tout sauf
arrêter de voyager – ou arrêter d’étayer cette mode
d’opération. Il en va de leur choix de vie.
Dans le cas de l’Afrique, la solution est claire – on forme
les experts de l’Afrique, on contribue à la création de leur
infrastructure et on collabore avec. Terminés les voyages – il
faut faire autrement. On se débrouille bien avec les anglophones –
il y a des interprètes. Ouvrons des écoles d’interprètes –
pour toute langue – toute richesse de notre biodiversité.
Le phénomène de l’essentialisation de notre mode de vie
destructrice est également observable chez nous. C’est une
question de ni vu ni su. L’essence de nos vies dépend de la
voiture et du camion, dans ce cas. Il nous arrive de vivre en
parfaite cohérence écologique … sauf pour la voiture. Enfin,
c’est réducteur – sauf pour les planches de douglas qu’on a
préféré acheter plutôt qu’en couper soi-même, sauf pour la
viande et les produits laitiers que nous choisissons de manger à
chaque repas. L’important paraît être que ce ne soit pas nous qui
l’avons directement fait. Notre argent l’a acheté, mais nous ne
l’avons pas fait. L’important est que toute notre empreinte de
consommation visible se réduit à un voyage en voiture, avec les
denrées qu’on a acheté. Personne n’est vraiment dupe de cette
supercherie – c’est un peu comme l’inceste – tant qu’on ne
le déclare pas, cela n’existe pas.
L’une des solutions, ce serait de faire du chiffrage de notre
consommation d’énergie un sujet d’étude, pour chaque acte. Un
être humain de 70kg consomme à peu près 60Wh – une ampoule
incandescente. Nos machines sont infiniment plus énergivores – des
kilowatts, voire plus. Nos besoins, notre manque d’argent, ne sont
pas des vrais besoins à nous, sinon au train de vie que nous
choisissons – les voitures, les maisons – un peu comme si nous
étions tous des caractères dans un roman de Stendhal, avec un
besoin d’un certain revenu pour pouvoir maintenir les apparences.
Rappelons-nous que l’analyse globale est irréfutable – la
France a exporté son empreinte carbone native en achetant les
produits d’ailleurs. Notre empreinte n’a pas diminué, pour
autant. Nos vies « modernes », surtout à la campagne,
nous « obligent » à gagner 5000 euros de plus par an
pour avoir une voiture qui marche – de ce fait nous sommes souvent
fauchés, mais nous y tenons quand même.
Le plus grand collectif d’intérêt commun observable à
présent, c’est l’imbrisable consensus sur l’usage
« nécessaire » de la voiture en milieu rural. Le milieu
rural français qui est, normalement, un lieu particulièrement apte
à produire sur place ce qu’on préfère importer d’ailleurs.
L’éternelle mascarade de la plainte des exploitants agricoles peut
se voir comme un détournement du vrai débat – pourquoi y-a-t-il
si peu de gens en train de tirer leur vie de la terre, alors qu’elle
est tellement riche ?
Il me semble que ce petit résumé des plusieurs incohérences de
nos vies actuelles – de fonte en comble – permet de revenir au
sujet principal – la moralité écologique.
Ce que j’essaie de démontrer est que, pour le moins, c’est un
sujet qu’on préfère à tout coût éviter. Si vous voulez, je
veux bien ignorer les questions de moralité et de culpabilité
collectives, mais on ne me laisse pas faire, ces questions sont
imbriquées dans notre mode de vie, dans notre aveuglement
volontaire. Si les gens étaient vraiment de bonne conscience
là-dessus, ils en parleraient librement, ils chercheraient même des
solutions, mais ils préfèrent rester silencieux, du moins en
public, de toute évidence. Cela s’applique particulièrement aux
plus « écolos » d’entre nous, bien entendu – c’est
la particularité de ce sujet sensible.
Ce n’était pas toujours le cas – la sincérité de la
recherche d’un retour à la nature existait, à l’époque.
Presque insensiblement, les choses ont évolué – ce sont souvent
les mêmes gens, avec les mêmes vies, sauf que ces vies n’ont plus
le même sens – là où on allait quelque part, on va nulle part.
Là où on brisait radicalement le modèle, on en fait partie, du
modèle à briser.
On aurait du y regarder de plus près il y a longtemps. Pourquoi
est-ce que l’écologie – et la gauche en général, n’ont cessé
de faiblir, ces dernières années ? Ma théorie (je ne suis pas
le seul à l’épouser) – parce qu’ils sont devenus,
progressivement, ni écolos, ni de gauche, sinon privilégiés … et
de droite. Pendant ce temps – les quelques décennies entre 1968 et
maintenant – la campagne-nature a cessé d’exister, en grande
partie, et ceci, juste au moment de sa grande redécouverte
populaire. De nouveau, je n’ai pas besoin de culpabiliser, ni de
chercher à qui la faute – elle est là, de presque tous les bords,
mais surtout chez les riches et puissants.
Le partage de richesse est devenu le partage de la nature – et,
objectivement, sa répartition est allée dans le sens inverse de
l’équité sociale. Pendant ce temps, le lobby de l’écologie est
devenu le lobby en faveur de l’exclusion des pauvres de la
campagne. En ceci, ils sont d’accord avec les industriels. Dans
cette lumière, l’explication de l’absence d’une vraie
éducation-nature populaire devient une évidence – on n’éduque
pas les gens à désirer ce qu’on ne veut pas leur donner – un
accès réel à la campagne. Pour cela on n’a pas le désir de
jeter la faute sur quelqu’un en particulier – le particulier
risque d’être nous. La solidarité, c’est d’accepter que nous
sommes tous coupables – et d’arrêter d’en parler. N’est-ce
pas tout-à-fait normal de vouloir élever ses enfants dans un
paradis rural, entouré de gens éduqués et bien pensants ?
Quelques boucs émissaires, suffisamment loin, suffisamment haineux,
et le service est fait.
L’erreur sociale, ce serait de suggérer qu’il y a des vraies
solutions , que la campagne doit se repeupler, que ceux qui s’y
opposent sont par définition réactionnaires, de tenter de mettre en
pratique ces solutions – aujourd’hui – et pas demain.
L’erreur, c’est d’avoir raison. Bien sûr que c’est
préoccupant – nos pratiques actuelles nous mènent droit dans le
mur. Et avant que quelqu’un ne se lance dans des réflexions sur
l’improbabilité qu’en démocratie les gens votent contre leurs
intérêts, rassurons-nous – les intérêts perçus par l’électorat
votant sont d’être du côté des riches. Le pays entier est riche.
Les subventions permettent aux pauvres qui vivent ici de vivre. Quel
sens de vouloir revenir à la pauvreté ? C’est beaucoup plus
simple d’arrêter la pauvreté de l’autre côté de nos
frontières. De cette manière, le peuple s’allie aux intérêts
des riches, les yeux grand ouverts.
Cela me fait penser qu’il y a tout un pan de réflexion absente
du livre de Joseph Henrich sur l’Intelligence Collective
(2016 - Harvard) qui vient de sa détermination culturelle
progressiste – une sorte d’optimisme positiviste contre tout
épreuve. C’est quand même d’une arrogance sans pareille de
supposer que le progrès mène vers le mieux – la vieille erreur de
l’évolution toujours positive.
Il ne s’adresse pas frontalement au consensus lorsque cette
pensée collective se décide à faire le mal – ou à occulter le
mal qui se fait. C’est, cependant, le cas le plus fréquent. Il
s’efforce à expliquer la transmission, lorsque les groupes sociaux
sont suffisamment grands, de nouveaux savoirs faire, de manière
durable. Mais son erreur d’analyse est de se vouloir neutre.
Si les inventions ne prennent pas, c’est surtout parce qu’on y
résiste. Si les us et coutumes perdurent, c’est parce que les
conventions exercent un règne de terreur. Pour les délits
d’opinion, on peut souffrir la peine capitale, si ce n’est de
l’ostracisme à perpétuité. Le créateur se trouve face à son
propre martyr – pour que les générations futures s’enfoncent
dans la brèche de la réalité reçue qu’à créée sa
singularité. A quoi sert l’histoire … ? A pilonner le mur
de l’avenir. A quoi ne sert pas l’histoire – à entretenir le
présent – l’éternelle amnésie. L’histoire crée la ligne de
temps qui fait que le présent ne soit que transitoire. L’histoire
permet de considérer l’avenir sans mort d’homme.
Pour que toute cette incohérence sociétale jaillisse, il a fallu
des mouvements de masse, sans message clair. Les messages clairs ont
été censurés – de fait. Enfin, le non-dit assume les proportions
d’un colosse.
Samedi 15 mai 2021
discrimination
L’une des questions qui se pose est celle de l’incongruité
des raisons données pour expliquer la résistance à la progression
– le développement. Si les forces « conservatrices »
qui y résistent sont souvent identifiées avec la vieillesse, c’est
qu’on imagine les vieux comme des personnes avec des pouvoir
consolidés, qui n’ont aucun intérêt personnel à voir « passer »
leur époque – à passer le bâton aux « générations
futures » - l’éternel présent, c’est l’absence de mort.
On peut jouer ce jeu avec plusieurs intérêts sectoriels, mais il
m’arrive de penser que c’est mal poser le problème, qui est
multifactoriel, tout comme la société humaine l’est. En nous
simplifiant en prétendus représentants de notre propre intérêt
sectoriel, nous sur-simplifions tous les problèmes sociaux – qui
ne ont pas des problèmes de « l’essence » de l’homme
– ou, justement, de « l’être humain ». Prenons une
analogie entre le racisme et le « morvisme ». Qui,
lorsqu’il se croit non-observé, ne fouille ps dans son nez pour
décoincer les morves qui s’y sont accumulées ? Qui dit « ça
ne se fait pas » ? Qui dit que lui, personnellement, ne le
fait pas ?
Si je rajoute ces observations, c’est que je viens d’écouter
une émission où une femme décrit ses problèmes pour être
acceptée comme coureuse de marathon (une discipline qui a résisté
à la féminisation) en 1967. Elle est physiquement agressée par le
directeur de la course, avant que lui, il soit déguerpi par un autre
coureur, plutôt costaud – puisqu’il est aussi joueur de foot
américain. Dans ce documentaire, on enchaîne avec le commentaire
d’un homme qui parle de la dominance masculine, les hommes …
Ce n’est pas mon analyse. Il faut autant de femmes que d’hommes
pour maintenir l’ordre établie. Pour chaque groupe discriminé, il
y a des membres du groupe – jusqu’aux individus qui le subissent,
qui fidèlement appliquent les discriminations qui représentent la
norme attendue. Et il y a des membres du groupe discriminant qui
cassent la discrimination.
Les groupes « non-mixtes » sont des groupes
discriminants. La discrimination positive discrimine, injustement –
une injustice envers des individus pour en compenser une autre. Je
cite un sondage, où on a trouvé que des hommes allaient discriminer
en faveur des hommes pour des postes techniques, mais qui se
montraient plus reconnaissants par rapport aux qualités des femmes,
une fois embauchées et au travail.
Cela pourrait s’expliquer par le rapport – l’intégration
sociale – qui est d’abord indéfini et ensuite déterminé. Dans
cette analyse, les « niches » sociales qui permettent
l’émergence d’un paysage social sont plus importantes que les
qualités individuelles. Les mouvements d’anti-discrimination, qui
commencent avec un poids critique de « non-contents »
dans le paysage social existant, dans la mesure qu’il réussit à
établir une articulation sociale, passera lui aussi par la case
« conservatisme sociale ». L’internationale
anarcho-syndicaliste deviendra l’URSS de Staline.
L’essentiel, le processus d’assemblage d’un corps cohérent
social, est de nature impermanente, instable – ce qui explique
aussi la résistance, par les pouvoirs séants, contre la nouveauté
– qui les menace dans leur pouvoir.
Europe Ecologie les Verts. Die Grünen. Tout mouvement écologique
à visée électorale finit par être inséparable de l’agenda
politique conventionnel. Dans la mesure qu’il réussit à se faire
élire, il n’est plus écologique. Et cela n’est plus suffisant.
Il faut redéfinir les termes du faisable.
Il y a besoin, pour avancer vers un monde sérieusement
écologique, de convaincre en faisant d’abord un modèle
d’infrastructure écologique qui marche, pour bouger l’enveloppe,
d’établir un rapport de raison, en ayant suffisamment de force
pour pouvoir énoncer nos termes d’engagement plutôt que d’essayer
de persuader nos opposants à nous laisser rentrer dans les zones de
pouvoir, selon leurs critères. Ceci est particulièrement important
vu l’incapacité des institutions historiques de s’adapter au
monde évolutif, dans le délai nécessaire, quoique soit leur bonne
ou mauvaise volonté.
Il y a maintenant plusieurs facteurs qui jouent en faveur de cette
stratégie.
La stratégie d’adoucir la population avec le développement
durable n’a pas marché – c’est plutôt les écolos qui ont été
achetés par les industries conventionnelles, génération sur
génération.
La Convention Citoyenne a réalisée une bonne chose. Elle a
démontrée qu’une sélection représentative de la population,
confrontée avec les faits, s’est montrée infiniment plus
écologique que le gouvernement élu et les « pragmatistes »
de l’écologie politique.
Un schisme entre gouvernés et gouvernants s’est ouvert qui
n’était pas si déterminant auparavant. Les lobbies sont nettement perçus
comme trop dominants dans les cercles du pouvoir – mettant en cause
la démocratie représentative actuelle. Le traçage est considéré
trop intrusif – mais il continue. L’exécutif et l’administration
se sont montrés peu fiables, voire incompétents. Il y a besoin de
renouvellement.
Le système où les riches entretenaient les pauvres avec leur
production de richesse n’a visiblement pas marché – cet argent
est resté de plus en plus chez eux, sans partage. Le monde n’est
plus en train de progresser matériellement. Le pacte est rompu.
Avec la probable extinction des éléphants en Afrique et la
quasi-extinction de la plupart des insectes en Europe, on est en
train de comprendre que l’écologie a beaucoup plus de dimensions
que le seul réchauffement climatique. Le débat « vérités »
s’est lancé, pour remplacer le débat « symboles ».
Avec la politique de la conservation de la nature, liée aux
intérêts des riches et qui interdit la terre aux paysans pauvres,
nous sommes en train de comprendre que l’écologie sociale est
l’écologie tout court, que nous faisons partie interdépendante du
vivant et non pas de l’artificiel.
Je cite un bout d’interview sur France Inter : « nous
sommes dans un débat sur quelle société nous souhaitons »
(par rapport aux SUVs et la question de permettre ou interdire la
publicité pour ces véhicules)
La média actuelle, dominée par les lobbies et les forces
politiques conventionnelles, s’obstine à ne pas comprendre que les
SUVs n’existeront bientôt plus – que ce ne sera bientôt plus
une question de « souhaits ». Il y a décalage absolu
entre réalité et réalité prétendue, surtout parce que les médias
évitent de mettre en avant les gens qui racontent les choses telles
qu’elles sont. Ils ont cédés pour le réchauffement climatique - plus de climatosceptiques au droit de parole. Pourquoi pas pour les SUVs? La média conventionnelle prétend que les seuls qui
peuvent parler avec légitimité de ces choses sont des
scientifiques, des naturalistes et des célébrités, tandis que pour
parler de l’économie ou du social, le choix est beaucoup plus
ample. Où est le sens ?
Comme exemple, il est falsificateur du problème de la ruralité
de choisir de faire parler des personnes de classe supérieure
parisienne qui veulent devenir des éleveurs de chèvres comme
représentants du problème de la paysannerie française, alors que
tout le monde sait que l’élevage fait partie du problème, aussi
bien que le prix d’entrée au monde agricole prohibitif, par
décision administrative. Qu'est-ce qu'ils ont, ces journalistes ?
Il faut vraiment s'adresser à un phénomène général, le
positionnement du pessimiste écologique.
En fait cela se résume à:
«Puisque tout est foutu, pas la peine de chercher la porte de
sortie».
«Puisque nous sommes des nuisibles agressifs, ce sera pour le
mieux si l'on disparaît.»
Il est facile de comprendre ainsi le raisonnement derrière la
pensée – il nous absout d''une réflexion soutenue sur les
changements que nous pourrions mettre en œuvre pour que tout ne soit pas foutu, tout en paraissant absolument raisonnable. Il fait
supposer qu'on y a déjà réfléchi, qu'on a déjà pesé le pour et
le contre.
La science, les tendances, le fait même que nous risquons un
effondrement grave, tout renforce le point de vue «abandonnez tout
espoir, ceux qui passent par là.» Il n'y a ni responsabilité ni
culpabilité si il n'y a pas de solution. Toute bonne volonté est un bonus, un acte de charité condescendant. Cette pensée négative
nous permet de nous concentrer sur nos vies quotidiennes sans gène.
Elle convient bien, donc, à tous ceux qui ont une «vie
quotidienne» plus ou moins en équilibre, à défendre cette
équilibre.
Elle se manifeste surtout face aux constructivistes et aux
progressistes, ceux qui refusent d'abandonner tout espoir, qui
proposent des changements, vite caractérisés de «radical», de
cette vie quotidienne. Ces derniers se voient obligés de défendre leur point de vu, comme s'ils étaient des optimistes qui nient la réalité. Premier indice explicatif de l'éco-pessimisme, c'est un positionnement de contre-attaque défensif.
Il permet la liberté d'expression. «J'en ai marre des
solutionnistes écologiques» veut-il dire. «J'adore être
réactionnaire, juste pour décontenancer cet incessant débit de
pensée politiquement correcte mal-fondé.» On peut le comprendre,
la plupart des solutions écologiques proposées ne sont pas bien
fondées et ceux qui les proposent devraient pouvoir démontrer leur
efficacité. Il y a une fonction à l'éco-pessimisme, il permet de
bien choisir avant d'agir.
En temps de guerre, la pensée négative est étiquetée
«défaitiste» - elle sape le moral. Dans une situation génocidaire,
ce genre de pensée peut être considéré comme «génocidaire» -
conductif au génocide. Pour normaliser une situation
d'hystérie collective, d'état d'urgence perpétuelle, on refuse de
participer à l'extrèmisation et la censure. C'est le sens d'humour
du soldat.
Faisons une deuxième passe. Est-ce qu'il y a des raisons sincères pour en vouloir à l'humanité jusqu'au point de désirer sa
disparution? Émotivement, oui. On pourrait apprécier que quelqu'un
qui a subi la torture ou perdu sa famille à cause de la violence des hommes peut les regarder de mauvais œil. Mais en général, ce n'est pas ces gens-là qui sont si misanthropes. Aimer la vie, aimer soi-même, vouloir être «en vie», ce sont des choses qui ne
marchent pas de manière linéaire avec ce qu'on appelle le «niveau»
de vie. C'est ceux qui ont les vies les plus dures qui sont, le plus souvent, les plus donnés à la vie.
Par rapport à l'idéologie philosophique qui justifie ou invalide la thèse du péché originel ou inversement l'essentielle bonté de l'homme, il surgit la question de preuves plus matérielles. Notre compréhension de la sélection «Darwinienne» est colorée par nos idées reçues. Concevoir de la vie comme une bataille où c'est le plus fort qui gagne, c'est la survie du plus apte défini par Darwin, ou on le suppose : a priori cela paraît logique. Mais dans les faits, le plus apte c'est souvent le plus doux – ne représentant pas de menace, il ne provoque pas de réponse conflictuelle. Le plus apte peut aussi être celui qui arrive à générer le plus de soutien social, c'est, par exemple, le cas pour les enfants en général. La survie du plus apte ne parle pas, en fait, des compétences individuelles, sinon des gènes transmises – l'individu peut être mort, sa descendance non – et c'est cela qui compte, du point de vu évolutionnaire. Dés que l'on vit en société, la protection du groupe et non pas la protection purement égoïste de soi-même et de ses proches peut se révéler la stratégie gagnante, en termes évolutionnaires.
Si on considère ce que diable peut bien faire l'homme pour
justifier un tel rancœur de la part des éco-pessimistes, il est
vrai qu'il y a des bonnes raisons pour lui en vouloir. La position
industrielle et coloniale est extractiviste – on s'en fout de la
destruction qu'on laisse derrière. Comme dans une guerre, la
mobilité permet de spolier des terres ennemis et rentrer chez soi
après. C'est cela «l'externalisation» des coûts.
Mais le paradigme écologique est très pointu là-dessus: c'est
terminé pour l'externalisation, l'ennemi s'invite chez nous. On s'y prépare avec une nationalisme et une xénophobie rampante, ce qui ne promet pas d’y jeter grande lumière dessus.
C'est une explication sociopsychologique du pessimisme écologique: ne pouvant plus nous isoler du mal, nous en faisons logiquement partie. Nous sommes à découverte, tous pourris (tous ensemble), plus la peine de nous faire passer pour des gentils. C’est la force « autruche » de la stupidité collective.
Mais ce sont des faits conjoncturels, c'est-à-dire que rien n'est écrit dans le sable. Au contraire, on peut épingler certains
aspects de nos cultures qui sont nocifs, sans pour autant généraliser sur la nature nocive de l'homme ou de sa culture. On peut ainsi se séparer du mal, en essayant de faire autre chose. L'écopessimiste perçoit la menace, il ne veut pas se trouver isolé dans son atroce nihilisme. Il ne suffit donc pas de garder son opinion pessimiste à l'abri: il faut éliminer les lueurs d'espoir chez les autres, éteindre les foyers de construction d'un monde qui a un avenir.
Pour cela, l'écolosceptique, qui n’est qu’un écopessimiste
démasqué, doit se faire passer pour quelqu'un de raisonnable, doit
accuser ceux qui proposent des solutions d'être des radicaux,
extrémistes, illuminés, même des éco terroristes.
Au «mais c'est foutu», il peut rajouter que ce que nous avons
déjà fait va nous tuer, en tous cas, parce qu'il y a latence de
quelques décennies, pour la hausse mondiale de température, par
exemple. Cela nous dépasse, l'échelle est trop grande, la boîte de
Pandore est ouverte, il y en a un tas, d'expressions de résignation.
En suivant cette logique méticuleusement, on pourrait lui
répondre qu'il vient d'expliquer pourquoi la révolution
industrielle n'a pas eu lieu et pourquoi elle ne s'est pas faite en à peine une dizaine de décennies, dans certains pays beaucoup moins.
Il est tout aussi possible de défaire rapidement les conséquences désastreuses de notre révolution industrielle qu'il l'a été de les produire. D'ailleurs, nous avons beaucoup plus de moyens et de connaissances pour le faire, maintenant.
Par exemple, notre manipulation de l'énergie solaire dans toutes ses formes renouvelables ne cesse d'augmenter, et cette énergie rayonne au rythme de quelques watts ou kilowatts par mètre carré par jour un peu partout – c'est-à-dire qu'il y en a largement assez.
Au niveau objectif, tout n'est pas foutu.
Il y a de plus en plus d'évidence, dans ce qu'on appelait la
préhistoire, de notre intégration dans la nature de manière plutôt
équilibrée, très proche des animaux, très affectueux envers ses
petits, très expert dans l'usage des plantes, on ne peut pas
vraiment maintenir que c'est dans la nature de l'homme de n'être que bête, méchant et destructeur de la nature nourricière. L'acte de cultiver indique un rapport non de dominance mais de travailler la main dans la main avec la nature. Ces observations indiquent un chemin à suivre – celui de notre réintégration naturelle. Si l'époque préhistorique nous attire plus que l'époque de l'agriculture, c'est qu'elle va plus loin – de notre point de vu, l'agriculture est le premier ps envers le productivisme et l'externalisation de ses dégâts.
Prenons l'analogie du cancer. Il y a ce qu'on appelle les cancers bénins et les cancers malins, la différence étant que les cancers bénins ou semi-bénins ne risquent pas (normalement) de croître outre-mesure, ou de développer des métastases. Le cancer, comme pathologie, nous préoccupe parce que c'est une croissance
désordonnée dans l'organisme hôte, qui ne tient pas en compte son
bien être.
Des cultures, de combat ou guerrière par exemple, n'ont pas posé une menace existentielle pour l'entièreté de l'humanité pendant la plupart de notre existence. Le perfectionnement de la guerre moderne, avec ses armes de destruction en masse, elle si, pose problème. Tout comme la crise de surconsommation d'une minorité tumeureuse pose problème.
La traditionalisme de l'humain pose un problème plus grave. Le
prophète fataliste qui dit «pour ceux qui passent par là,
abandonnez tout espoir» est inévitabiliste en grande partie parce
que nous sommes très dogmatiques, une fois formés nous avons
beaucoup de mal à changer. L'industriel, la vie de confort auxquels nous nous sommes habitués, parfois depuis plusieurs générations, sont profondément enracinés dans nos us et coutumes, on ne peut pas le nier.
Le scénario qui se dessine est donc d'une vague colonialiste de
rénaturalisation, de réoccupation, de reprise en main du milieu
rural. La polarisation ville-campagne, qui nous a permis de ne
traiter de la campagne qu'en zone productive, zone touristique, zone réservée à la nature, ne peut pas tenir. L'installation
d'infrastructure urbaine partout – on peut citer les pilonnes et
les câbles 4 et 5 G, peut être caractérisée d'un genre de
pilonnage de la campagne, pour préparer son urbanisation.
C'est ce qui rajoute à l'écopessimisme – tout ce qu'on touche
devient laid. Là où on essaie de faire fleurir la nature, on la
casse, on la pollue.
Ce qui est tout à fait vrai. Il n'y a pas de plus anti-écologique que ce qui se passe actuellement dans la campagne, foncièrement industrielle.
Tout cela change, doit changer avec l'arrivée des habitants des
villes dans la campagne. Pour eux, la campagne est idéalisée,
étudiée, chérie. Elle est, ou devrait être à l'antipode de la
ville. On peut entendre des commentaires comme «ceux qui viennent à la campagne, avec leurs voitures, comme s'ils espéraient le même
niveau de confort qu'en ville, ...» Dans les faits, ce n'est pas ça. Les gens de l'arrière-pays sont beaucoup plus donnés à la voiture qu'en ville, beaucoup plus dans le modèle industriel. Le désert rural est peuplé par ceux qui l'ont désertifié. Leurs normes et leur culture est la plus dogmatiquement industrielle qui soit. Il s'ébauche un vrai choc de civilisation, la ville peut vite noyer la campagne, culturellement, et un style de vie adapté à une population réduite ne peut pas perdurer lorsque cette population augmente outre-mesure.
Tout cela est bien loin du discours des idées reçues – l'
«essence de campagne» est encore sacrée, pour les gens qui
occupent les positions de pouvoir et d'influence en ville. C'est
paradoxal – cela coûte trop cher de vivre en campagne pour les
classes pauvres, ce n'est que le classes moins pauvres qui peuvent se payer des pieds-à-terre en campagne, des vacances, des transhumances régulières. Et c'est eux donc qui en parlent, qui censurent le débat. La campagne, avec ses réserves, ses loisirs, sa «richesse» naturelle n'est qu'un Disneyland des riches, pour ce qui concerne sa représentation actuelle. Même les les progressistes sociaux se sont laissés prendre à ce jeu – ils prennent tellement de peine à créer des îlots d'excellence, de biodiversité, de paix, pour montrer le chemin.
Dans une petite ville enclavée à la montagne, tout le monde se
chauffe au bois. C'est normal, c'est la ressource «biorenouvelable» qui se trouve en abondance en ouvrant sa porte. Les médecins du coin ne pensent pas à la pollution de l'air, en milieu rural, d'autant plus que les maisons des riches sont situés à mi-hauteur sur les collines et qu'on ne prend pas de mesures.
Lorsque la population se densifie, tout cela change. Les maux de l'industrialisation sont masqués en campagne parce que,
actuellement, ils sont dilués. L'écopessimisme est le plus fort,
dans la campagne, parce que on s'en sent préservé encore. L'arrivée des gens de la ville change la donne, comme jamais avant. C'est ce qui est en train de se passer. Nous sommes en train de devenir des «confinés dehors».
Il a été mentionné à la radio il y a peu que la vie est symbiotique. C'est-à-dire que forcément, il y a complémentarité, que tout se fait en recyclage, en boucle fermée. L'être humain sort de cette boucle fermée parce qu'il crée des déchets non ou peu recyclables. Mais dans l'état normal de la vie, les minéraux sont ingérés par les plantes, qui poussent. Les plantes sont mangées par les herbivores. Les herbivores sont mangés par des prédateurs qui, lorsqu'ils meurent, reviennent à la terre pour être ré-ingérés par les plantes.
Bien sûr il y a plusieurs types de cycles entrelacés et ce n'est qu'un modèle simplifié pour pouvoir discuter des mécanismes à l'œuvre. D'autant plus que le cycle n'est pas vraiment fermée – l'énergie apportée par le soleil est le carburant à l'origine du système, mais mettons à part ces quelques réserves ...
Tout dernièrement j'ai réagi très mal à une observation, pour moi idiote, que le vivant n'est que « la physique un peu complexe» - qu'il n'y a pas d'âme dans l'équation. J'ai répondu:
«La nature vivante, apprenante, enthousiaste, lasse, émotive, résignée, n'a pas besoin d'état d'âme ?!
Si la science [des dernières 50 années] nous a appris une seule chose, c'est qu'il y a de très, très bonnes raisons pour comprendre que le vivant n'est aucunement juste une question «de la physique un peu complexe» et que la motivation y compte surtout.»
Une note d'explication. J'avais en tête, bien sûr, que la motivation et ce que nous appelons les émotions et l'instinct forment nos passages à l'acte – au physiquement mesurable – mais cette connaissance-là ne date pas des dernières cinquante années.
C'est notre compréhension de l'émergence, des boucles de retro-action et d'interaction qui se basent sur des facteurs émergents, dans le sens d'être non-anticipés et non-anticipables, qui fait que le vivant ne peut pas se réduire – scientifiquement - à «la physique un peu complexe». La méthode mécaniste, déterministe selon des lois physiques prédéterminées, n'est plus appropriée – que cette physique soit Newtonienne, Einsteinienne ou quantique.
Ce qui vie s'échappe, bien que ce soit peu, des lois de la physique – c'est son modus operandi, sa manière de fonctionner. Une boucle de retro-action se ferme sur elle-même, a des rapports choisis avec le monde physique qui se trouve en dehors de sa cohérence bouclée. Sa volonté d'interaction devient clé.
Dans la lumière de cette observation, on peut identifier une autre erreur, de notre époque cette fois-ci, qui est de supposer que le cumul de savoir culturel transmis de génération en génération distingue l'espèce humaine de toute autre être vivant, dans le sens qu'il devient lui-même le premier déterminant évolutif.
Je ne nie pas que c'est ce que nous faisons, je nie que cela nous met dans une classe à part. L'émergence, dans le vivant, va ensemble avec la reproduction. Prenons mil graines. S'il en germe une seule, c'est bon, le pari est réussi. C'est une singularité, à chaque reprise. C'est comme mille clés USB de plusieurs gigaoctets d'information, contenu dans un rien du tout – un grain de sable. Ce grain a déjà pré-décidé ses termes d'engagement avec le monde qu'il rencontre – mais ces termes sont flexibles.
On peut bien sûr faire toute sorte d'observation quantitative et statistique sur le taux de réussite – de fertilité, etc., mais on a tort de le faire. La vie a choisi de se reproduire en utilisant des milliers et des million et plus d'exemplaires avec des possibilités infinies d'interactivité autonome, justement pour faire fi à ces analyses.
Je me rappelle qu'à la naissance de l'étude détaillée physique de l'ADN (années 1980-90) on avait tendance à étiqueter la plupart de notre ADN apparemment non-actif comme «junk» - bidon, sans intérêt. On a bien changé d'avis depuis. Ensuite il a fallu bien de preuves scientifiques bien convaincantes pour reconnaître l'existence de l'épigénétique – le changement de l'expression des mêmes gènes selon des «mémoires» inter-générationnelles. Le protéome – notre héritage en termes de protéines complexes, est encore discuté – c'est un vaste sujet. L'aspect mitochondrial de notre héritage mène à son aspect viral, à la biote bactérienne dans nos estomacs, au fait que la cohérence de chacun d'entre nous n'est pas, pas du tout discrète.
La «culture» des êtres vivants est donc de plus en plus vue sous une angle d'interactivité dynamique et multifactorielle. Gardons-nous de lui imposer une camisole d'analyse statistique, physique, essentialiste, alors que nous ne sommes qu'au tout début d'une connaissance approfondie de sa mode d'opération. Je n'ose même pas dire «son mécanisme» - ce serait de la sur-simplification.
A la lumière de cette analyse, on peut cependant permettre quelques observations sur les mécanismes de l'humain. Il croit bien de se mettre ensemble avec d'autres gens pour décider de ce qui est vrai, de ce qui est praticable. Il utilise des traditions de pensée existantes pour ce faire. Il est très influençable socialement lorsqu'il décide d'agir.
Il me passe par la tête que c'est à cause de ces caractéristiques humains connues que les gens s'inventent souvent des pensées insaisissables par la logique – parce que la logique a toujours son cadre et son cadre n'est pas toujours raisonnable. C'est le cas par rapport à la symbiose – le vivre ensemble de manière mutuellement bénéfique.
L'erreur de fond physique dans notre analyse du vivre ensemble est que notre cadre d'analyse est statique, alors que la vie, étant matérielle et partout et en interaction auto-motivée, ne correspond pas à un modèle statique d'analyse. Les grandes nations de millions de personnes, gérées de manière centraliste, exigent une hiérarchie de commande basée sur des modèles statiques, étatistes. Elles exigent donc, qu'on parle tous la même langue par exemple, ou qu'on se réfère tous à l'heure de Paris, par exemple.
Ce genre de modèle statique fait conformer des objets caractérisés schématiquement (nous) à des règles qui les rend traitables. Notre auto-détermination, par rapport au pouvoir décisionnaire, est vastement réduite. Nous ne sommes pas écoutés et nous n'avons pas le pouvoir de lancer des initiatives locales qui ensuite sont acceptées et deviennent généralisées. Au contraire, cela pose problème, parce que incalculable et non-anticipé. Il y a des protocoles pour tout, surtout là où cela commence à sortir des normes. Faire machinalement les choses qu'on nous demande, sans poser de problèmes, est bien vu.
Mais un modèle dynamique requiert un relâchement du pouvoir central de décision. Par exemple, il fait que les impôts soient, dans leur vaste majorité, mis en usage direct au niveau local, transférés horizontalement entre régions en cas de déséquilibre – l'économie est moins monétisée, plus matérielle.
Des modèles dynamiques accommodent la précarité, l'instabilité, l'ajustement, sont consensuels, par intérêt mutuel.
Dans des modèles dynamiques il se passe quelque chose de bien intéressant. Le messager devient le message – tout comme la graine (le codage) devient la plante. C'est pour dire que le message (l'information) est inséparable de son contenant. Cela peut solutionner des problèmes apparemment insolubles de redistribution – celui qui voyage a intérêt à ce qu'il y ait de quoi s'approvisionner sur son chemin, s'il est en interactivité symbiotique avec le milieu par lequel il passe. Ses hôtes ont toute intérêt à profiter de sa présence, en termes d'information, de transport et de travail, pour compenser les frais de sa présence.
Économiquement, un tel système dépend beaucoup moins de questions de propriété – il s'accommode à ceux qui sont là, plus que ceux qui ont titre, étant absents.
Ce modelage dynamique peut aussi expliquer la persistance des idées de droits humains fondamentaux et universels, les deux premiers étant la liberté de mouvement et d'association (les autres droits sont issus de ces droits de base). Depuis un certain temps les soi-disant pragmatiques ont eu tendance à caractériser ces droits de vœux pieux, d'idéalistes, le droit premier étant vu comme le droit au travail, un «droit» qu'on gagne avec l'argent qui donne son autonomie d'autrui, dans l'économie du marché, dans l'économie tout court.
Mais en fait non. Un modelage dynamique explique notre désir d'autonomie par la raison pragmatique – vaut mieux utiliser «l'ordinateur portable» humain pour décider de son sort en interaction avec son environnement physique et social, que d'essayer de le téléguider de loin. On ne peut pas dire, non plus que le fait que les gens bougent empêche l'action décisionnaire à plus grande échelle, puisqu'en donnant plus de connectivité il est plutôt complémentaire. Ce n'est pas une idéologie du mouvement qui est tenté ici, c'est plutôt une trame explicative sur pourquoi ça doit marcher comme ça, pour nous, êtres humains.
La symbiose est un mot qui décrit assez bien comment ça marche, ce système, qui n'est autre qu'un système émergent qui correspond bien à la nature intrinsèque de la vie. Par exemple, vaut mieux que les vaches connaissent leur chemin de retour des champs, que de les obliger par la force chaque soir de le prendre.
On peut aussi réfléchir à la perturbation de la capacité décisionnaire localisée – in situ – qui résulte de l'introduction de subventions déterminées à un millier de kilomètres de là. C'est très déstabilisant, le pouvoir centralisé, il fait ignorer les besoins criants de ses environs.
Je suis conscient que je suis en train de créer le bilan positif sans trop me pencher sur les aspects négatifs du morcellement du pouvoir. Je le justifie en observant que je place l'emphase sur le mouvement, ce qui est local bouge, il n'est pas sédentaire, il est l'inverse de l'isolement. Il relie ce qui, dans une analyse statique, ne l'est pas, relié. Il permet des ajustements, en équilibre dynamique, qui ne sont plus possibles lorsque chacun, chaque matérialité physique, est traité comme un isolat pour lequel il faut trouver une articulation. Il se le trouve, cette articulation, soi-même.
Paradoxalement, nous vivons dans un monde où, d'apparence, on n'a jamais autant bougé, mais mon hypothèse est que nous bougeons «statiques» - il n'y a à peu près aucune interactivité en bougeant. Si les gens sont tellement en amour avec la vitesse, avec la voiture, avec l'avion, je pense que c'est surtout l'effet de la nouveauté, le sens d'une puissance découverte, et que lorsque nous arrivons à une adaptation culturelle à ce phénomène, nous aurons un tout autre point de vu. C'est comme la boulimie.
Dans les faits, nos moyens de transport et notre milieu artificiel s'accommodent très peu à nos capacités humaines. Nous sommes donc sensoriellement et matériellement appauvries, dans un monde qui s'adapte à nos machines bien plus que nous.
Il faut souligner que l'évolution culturelle qui contribue tellement à notre génome progresse, elle aussi, à une certaine rythme, on peut dire que à l'époque des bolides, il y a cent ans, on faisait encore des courses de vitesse, mais qu'aujourd'hui, on pourrait faire des voitures qui roulent à la vitesse du son, cela n'a plus aucun rapport avec ce que peut accommoder le corps humain – et l'infrastructure routière.
Le principal défi est devenu, en effet, ce que peut supporter le corps et l'esprit humains – l'optimisation de son contexte fonctionnel - l'interface. L'époque de la machine industrielle est bien loin, en termes de l'avancement de notre compréhension culturelle de pointe, mais nos institutions et nos traditions restent encore à cette époque-là. Par exemple, nous sommes pleinement dans le siècle de la bio-ingénierie, mais la plupart de nos scientifiques, de nos intellectuels et surtout de nos administrateurs sont encore mesmérisés par une culture d'ingénierie mécanique et physique. Notre langage ne nous aide pas, il est bourré de concepts mécanistes.
Par exemple, nous pensons incessamment à la synthèse – la reproduction artificielle de phénomènes et de mécanismes qui existent dans la nature, alors que, normalement, nous pourrions tout simplement travailler avec l'existant. La roue n'a pas besoin d'être réinventée, il suffit de constater comment elle «marche». Le mot «symbiose» correspond assez bien à cette description de l'état de notre connaissance – on ne ré-invente pas la bio-diversité, on la défend, de manière très «intéressé», même «économiquement», j'ose dire.
L'efficacité de vis beaucoup plus ambulantes est aussi de s'adresser à nos profiles énergiques sans dépendre de mesures punitives macro-économiques comme le taxe carbone. On s'adresse directement aux «besoins» d'une vie humaine ainsi. L'efficacité énergique de vies sans assistance mécanique carbonisée est telle que la richesse qui sert exclusivement à les obtenir ne manque pas – la vie telle qu'elle est ressentie reste essentiellement au même niveau de bien-être. Il ne faut pas confondre l'abandon de ce qui ne nous est pas nécessaire avec l'abandon de toute technologie. Un rétrécissement de nos besoins réels révélera une surabondance de capacité de l'infrastructure existante pour subvenir à nos besoins. Une société qui a passé autant de temps à accumuler de la richesse matérielle a des gisements de matériaux premiers suffisamment grands déjà stockés pour assurer un transition lisse, à cet égard.
On peut lister quelques catégories de «besoins» qui perdureront. Défense. Santé. Recherche et Culture.
Dans un scenario plutôt pessimiste, les pressions démographiques venant de l'effondrement de nos capacités productives de première nécessité impliquent des fortes probabilités de retranchement et de désordre sociaux. Il est fort probable qu'un changement de système qui correspond aux exigences physiques de l'écologie planétaire déstabilisera profondément le système financier mondial.
Un nouveau système «symbiose», comme celui esquissé ci-dessus, serait d'entre les meilleures manières de s'adapter à de tels défis. Il a la mérite d'être consistent avec la réalité systémique de la planète, en termes sociales humaines, et donc de pouvoir générer de l'adhésion qui dépasse nos frontières – des alliés convaincus.
De se ranger aux côtés des destructeurs – de ceux qui défendent leur richesse et acceptent la probable perte de vie massive dans des pays moins capables de se défendre – a le double désavantage d'être auto-destructif – un effondrement de la vie sur terre ne sera pas à notre bénéfice non plus – et auto-destructif – il se peut que d'autres puissances disputeront le morceau avec nous.
Donc la symbiose, comme système sociale, donne des prospects d'avenir, sans menacer l'élimination d'autres populations pour l'obtenir, il est dans la croissance dans le vrai sens du mot – il est viable.
On a parcellisé la terre, et ainsi faisant on a déchiqueté notre milieu de vie. Aussi grave que cela puisse paraître comme constat, ce n'est pas loin de la vérité.
Le Vivre avec la nature n'est pas toujours facile, surtout lorsque le taux de déprédation arrive à un certain seuil, imaginons que nous sommes tous des grands nomades, les chevaux, les chèvres, nos familiaux et nous.
Nous ne sommes pas faits pour manger en surface contenue, sinon pour brouter au large, sur des surfaces énormes, pas autant des territoires sinon des couloirs de passage entre les pâturages saisonniers. Nos grands cerveaux servent d'atlas de randonnées dans notre parcours de vie. C'est, en quelque sorte, notre intelligence commune.
Et tout cela s'écrase lorsqu'on nous contient, d'autant plus si c'est dans des logements serrés. Nous avons besoin d'espace, mais en tant que bons sédentaires, c'est au mètre, hectare ou kilomètre carré que nous nous bornons. Ayant perdu l'esprit du broutage intelligent, nous sommes devenus des bovins paisibles, alimentés ... allez, gavés comme des oies, notre fonction dans la vie, être consommateur, et ainsi faire tourner le monde du fric. C'est, dans le cadre présent, notre devoir citoyen.
Qu'est-ce qui se passerait si on cherchait à étendre les liens, d'abord entre et dans les biens - les surfaces desquelles nous construisons notre monde conceptuel, nos espaces vitaux, nos territoires notre chez nous, et ensuite en cassant les rectangles, les barrières, les clôtures, les murs qui ne servent qu'à nous séparer?
Pour les remplacer avec quoi? Au plan physique, des chemins à l'échelle humaine et animale, au bord desquels on broute et on trouve de quoi vivre. Le chemin est dans les termes du biotope une lisière, c'est-à-dire l'un des endroits les plus productifs, tant en vie animale que végétale, construite de plusieurs couches tant verticales qu'horizontales, ayant comme définition même d'être à la marge.
Ici j'explore l'idée assez géométrique de points et de tracés, traces ou chemins, les points étant des formes de vie telles que nous-mêmes, ou le tronc d'un arbre, en coupe latérale, les chemins étant simplement des parcours, des lignes. J'oppose ces idées à l'idée de l'occupation de plus en plus d'espace et de volume. Si ces concepts étaient adoptés par suffisamment de monde, ils pourraient réduire d'un coup le besoin apparent d'une consommation acharnée - et ils pourraient le réduire de manière dramatique, de plusieurs fois moins que dans l'état actuel des choses.
Le lien physique prendrait le relais du bien - le monde capitaliste dans son incarnation actuelle s'évaporerait comme s'il n'avait jamais existé.
Le besoin politique présent de restimuler sans cesse la méfiance à l'égard des dépendances sur d'autres êtres humains - le culte de l'autonomie - la production de l'insécurité afin d'atomiser la résistance politique pourraient être remplacés par la confiance du lien - chacun d'entre nous en chaque autre qu'il connaît et qu’il rencontre – la loyauté, la solidarité, comme des biens publics d'une valeur réelle.
Ce qui est notable de l'époque industrielle, née de l'Age de la Lumière, c'est l'abandon du lien transversal et son remplacement par un ordre - une hiérarchie absolue. On pourrait dire que dorénavant notre pensée est restée dans la camisole de la propagande contre le féodalisme qui a inauguré l'âge de la lumière - il fallait militer contre et oblitérer dans la mémoire collective l'idée féodale du lien, jusqu'à nos jours cette dépréciation systématique tient bon. Les exceptions sont clés - le mariage et le lien de l'enfant avec ses parents sont attaqués mais difficilement par les champions de l'âge de la raison.
des points
Nous ne sommes que des points, nous nous rencontrons et nous partageons l'infime comme s'il était synonyme du monde entier, nous n'avons pas besoin de plus que ça
... et cependant, la nature qui nous entoure ne peut pas se déplacer en Auvergne, faire un transfert de ses biens à destination de New York, casser son propre écosystème et avoir l'espoir de perdurer, déménager et en trouver un autre.
La nature est, de toute apparence, assez sédentaire, dans ce sens. Comment donc vivre léger, vivre libre et à la fois participer au bien-être de la nature autour de nous?
La tâche se facilite du fait que des points qui ne cherchent plus à occuper de l'espace, ou tout au moins de l'espace constant, réduisent de beaucoup notre fardeau parce qu'il y a moins de tâches - on a des sentiers à entretenir, mais on peut facilement s'en passer de plusieurs œuvres de construction et aménagement qui sauront être dépassés par la réduction des besoins humains.
Et il se passe que la modélisation de ce possible avenir errant démontre que la défense de la nature, dans ce cas, est aussi la défense des milliards de gens aujourd'hui sur la planète. Plus on réussit à utiliser l'intelligence et le lien humains, plus on rend l'humain nécessaire et fonctionnel. Le paysagisme bio, la co-responsabilisation et le partage sédentaire-nomade des tâches d'entretien des terrains dont les deux tirent bénéfice rendent obsolète le conflit des intérêts qui existerait dans un système concurrentiel. Une fois les éléments de base introduits, calculés pour être efficaces en termes d'énergie humaine, on gère la nature jusqu'au point où elle sait se gérer toute seule, en harmonie avec nos besoins tant récréatifs que productifs.
Ceci, par voie de présentation du « projet global » écologique que je tente de mener, tant bien que mal, ces quelques dix années durant.
Le mot « infrastructure » est critique, l’expérience que je mène ne conçoit de l’individu que dans le prisme de l’entre-nous, avec l’idée, en plus de cela, d’« extra-personnaliser » les opérations de chacun, vu que, bon gré mal gré, c’est l’altérité de tous dont on dépend et qui nous concerne.
Il va presque sans dire que le mot « écologique» nous pointe notre avenir collectif – ce qui justifie l’emploi du mot « infrastructure » - de l’entre-nous, comme préoccupation principale de l’écologie, non pas les actes de chacun dans sa bulle. A la fois, il faut peut-être noter, vu la tournure chaque fois plus "gestionnaire d'en haut", "flux", "traçabilité" et "puçage" que prend notre société que l'auteur y est tout-à-fait opposé - l'entre-nous c'est vraiment entre nous - et en plus ça marche mieux comme ça.
Le danger de la technicité n’est pas tant qu’elle soit faisable ou non, sinon que, dans le cas de sa faisabilité, elle se substitue au « nous » - au monde du vivant tel qu’il s’imbrique, s’extirpe et s’articule de lui-même. Cette perte d’agencement, par individu et par groupe, est aussi une perte d’existence « fonctionnelle », une perte de motivation engrenée dans ce monde. Le verbe « pouvoir » et son contraire, l’impuissance, décrivent la globalité de cette situation gravissime, lorsqu’elle touche à notre pouvoir décisionnaire sur notre sort. La technique nous donne des leviers, le « nous » nous donne la raison des leviers.
Ce qui est à proposer est une trame organisatrice de nos vies qui nous permette de reconstituer cet engrenage qui fait bien fonctionner la vie ensemble.
Or, la conscience de notre place dans le monde a été flouée par la banalisation de notre utilisation très prodige de l’énergie. Exemple : un être humain de 70 kilos, consommant 60 Watts par heure, se bouge dans un véhicule de 1,200kg (20 fois plus de poids), consommant 10,000 Watts (10kW) par heure (100 fois plus d’énergie). Et puisque le monde s’est adapté, ces derniers temps, plus à la voiture qu’à l’être humain dedans, lorsqu’il sort de son « véhicule », il se trouve dans un cadre « voiture-friendly » qui n’est plus à la mesure de ses capacités inhérentes. La perte de cadence fait aussi son effet – ces mouvements s’opèrent de manière saccadée, intermittente, ponctuant l’allure et les rythmes plus humain-adaptées.
Tout s’absorbe, comme par des éponges grandissantes, par les consommateurs fonctionnels du capitalisme, tel qu’il existe.
Si les gens s’exercent à paraître heureux et performants, dans ce monde de désœuvrement physique et intellectuel, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de ne pas se sentir déprécié et inepte, sans l’assistance de machines de tous bords. On continuera de faire mine de conducteur, même éconduit.
Les animaux domestiques peuvent nous donner des idées claires sur ce qui nous attend, puisque nous-mêmes, nous sommes devenus des animaux domestiques par rapport à ces constructions à une échelle qui paraît nous dépasser, tant intellectuellement que physiquement. Ils se focalisent, comme nous, sur le confort, sur l’aisance et sur la sécurité. Nous devenons des mailles dans une société d’émail, consentants.
La démocratie, notre version présente, intrigue aussi, il ne peut pas nous échapper qu’elle est chiffrée à la enième – pourquoi vouloir plutôt mettre sa foi dans les chiffres que les gens ? Une raison potentielle – se défaire d’une responsabilité quelconque dans l’affaire.
J’essaie de me mettre (pile-poil) là où ça fait le plus mal, écologiquement – systématiquement. Je suis très mal compris. C’est un travail. Cela me permet, mon nez devenu affûté, de décoder les maux écolos, d’en témoigner, d’ébaucher des solutions – pratiques, faisables dans le vrai monde anti-écologique d’aujourd’hui. Je pense que si des gens connus, bien vus, se joignent à mon « entreprise », la boule de neige ira croissante. Pourquoi je le crois ? Parce que je l’ai planifié ainsi et c’est mon métier. De plus que, l’ayant pratiqué, sans argent, sans essence, sans portables, depuis bientôt huit ans, ma survie en témoigne, de sa « faisabilité » - mieux dit « viabilité » dans ce monde – et pas un autre.
Des conclusions qui peuvent intéresser :
1. étant donné que les mots « confort » et « facilité » sont devenus la monnaie courante et le leitmotiv de notre époque de mort cérébrale et physique - et de dégoût mutuel … le système doit favoriser ( faciliter ) et rendre enthousiasmant tout ce qui est vraiment écologique D’ABORD.
Je sais que je parle à une société de toxicomanes et que ce n’est pas « facile » d’abandonner sa drogue – mais c’est en « ayant fait » que je le sais, je ne parle ni au conditionnel ni au futur. Pour « mater » l’anti-écologisme, il faut jouer le jeu de société de l’échec (écologique), avec bonne foi et fierté humaines – oui, c’est une guerre, une guerre contre la violence.
L’entre-nous
2. Le terrain, c’est toute la surface de la terre, le désert rural existe parce que, logistiquement, on n’a plus moyen de l’investir sans le détruire. Les brigades « pas toucher » de la « conservation de la nature » existent parce qu’on a l’impression qu’on brise tout ce qu’on touche – on a perdu la capacité de vivre dans et interpénétré par la nature.
Les boucles de rétro-action humaines que je propose (les Boucles de Marché, avec leurs espaces de partage et leurs gîtes de passage), sans argent, sans essence, sans portables, résolvent ce problème. L’empreinte écologique de quelqu’un qui marche « rentre dans les clous » écologiques. Le paysage redevient vaste et abordable, la pression démographique (la haine d’autrui, le racisme en sont des exemples) cesse de faire obstacle à son rôle de pôle d’attraction démographique.
Comment on fait ?
3. Les gens de la ville viennent à la campagne. De cette manière, ils remplissent, de plus en plus, les fonctions à présent occupées par les machines en campagne. A moindre coût. Ils ne doivent plus assumer les charges de voiture et de communication qui mangent la marge de toute entreprise rurale actuelle. Et du fait qu’ils bougent, ils ne menacent pas de s’installer ou de déplacer les populations locales, sinon de les desservir ! J’ai noté que les gens de la campagne aiment voir des jeunes actifs, si les termes sont respectueux et de profit mutuel.
Pour créer ce « pied dans la porte » de l’anti-écologisme croissant, il faut des « équipes » de gens résolus, déterminés, visibles – avec des tâches bien spécifiées. En utilisant l’infrastructure des stands sur les marchés, des équipes d’étudiants dentistes ou médicaux, des cartographes (géographie humaine), des botanistes, des apprentis-chefs, des écoliers, ... peuvent, en formation, en stages, en « école linéaire », peupler le réseau et établir des permanences entre plusieurs – des normes « culturelles » qui n’ont plus rien à voir avec les normes de mendiant nomade avec lesquelles on a hâte de stigmatiser tout itinérant avoué (« SDF »).
Il est évident que je vise aussi une enveloppe « structurelle » capable d’emmagasiner les populations bourgeonnantes qui se déplacent – y inclus les réfugiés climatiques auxquels on s’attend – mais à profit mutuel – à la fois des humains et du reste du vivant qui n’attend, lui, qu’à nous embrasser, comme si tout ce « fauchage » et « oblitération » ne fût qu’un mauvais rêve.
La Vie sait très bien identifier un ami – ou un ennami.
Le propos de cette initiative n’est pas tant d’éliminer tout usage actuel des machines – pour cela on ne peut pas l’accuser d’être révolutionnaire dans le sens d’un catharsis abrupte et destructeur – qui viserait la création de « vides » à remplir.
J’envisage simplement d’établir un « rapport de force » où on n’est pas l’esclave de la machine, « indenturé » par l’argent. L’argent suivra, là où nous menons, sa valeur nous reconnaîtra. Cette loi du marché, en marchant nous la créons. C’est pour dire qu’il n’y a pas de prise de position dogmatique, doctrinaire, par rapport aux idéologies existantes (et défuntes, résiduelles). On ne cherche pas à dénicher les autorités existante, on cherche à travailler avec … La peur d’autrui, de l’inconnu, s’aborde « sur place », les actes et les mots font synthèse.
J’appelle ce système, en trois mots « pluri-cultures, co-hérences, ex-titution ».
Déontologie
Pluri-cultures :
un cadre non-monoculturel en faveur de la coexistence
Co-hérences :
Partage des l’héritage commun,
respect de la cohérence de chaque entité,
à chaque échelle
Ex-titution :
S’extraire des institutions existantes,
en recomposer nous-mêmes,
à notre échelle
Dans un monde écologique, l’écologie s’insère dans toute prise de décision, surtout celles qui concernent l’infrastructure choisie.
Par commun accord, nous devons changer de système – de pensée systémique, à une rapidité inouïe, en termes de notre culture, de nos habitudes, et de leur expression physique.
Prenons l’exemple du feu.
Depuis l’aube du temps, l’homme fait des brûlis pour dégager et fertiliser la terre qu’il cultive. Slash-and-burn – agriculture sur brûlis. Et cela continue – mais pour sauver le monde du vivant, c’est l’une des choses qu’il faudrait arrêter.
L’exemple est parlant. Cette technique de culture sur brûlis existerait depuis qu’on sait faire du feu. En temps moderne, on brûle les feuilles, les déchets végétaux, les restes des récoltes dans les champs. Et c’est très dur de faire autrement, c’est devenu, ou presque, un instinct, une partie de notre code génétique, mémoire collective, mémoire ancestrale.
Nous devons, comme priorité, diminuer drastiquement notre consommation d’énergie, par rapport à la moyenne actuelle – lorsqu’on ne brûle plus la végétation, pour la laisser composter, on fait cela – cette méthode permet de retenir plus d’éléments utiles que le brûlis, et elle permet de les garder plus humides, plus longtemps – en « ralentissant » le cycle de consommation.
« Mais non ! » criera-t-on, « il faut brûler le bois mort pour ne pas avoir d’incendie ».
Comme je l’ai observé, changer les cultures de pensée profonde n’est jamais facile.
Pour nous, les moteurs à combustion interne continuent d’exister, et pour à peu près les mêmes raisons que le brûlis persiste. Les coûts de l’opération sont merveilleusement externalisés. Les profits, non.
Parlant du modèle industriel ou du capitalisme, de l’économie de marché ou de la liberté de commerce, on parle de systèmes qui ont en quelque sorte toujours été, comme propriétés émergentes de notre vie « en société ». On peut essayer de les changer ou de les remplacer – alors que cela donnerait peut-être de meilleurs résultats de s’adresser aux fondations dont ils émergent. Un système économique est fondé sur des valeurs, ou il n’est pas.
Notre société est vectorielle. Une supposition en forme de constat. Elle l’est logiquement, puisque tout ne peut être transmis que par des mouvements, physiques, réels, dans le temps et dans l’espace, tantôt grands, tantôt petits. L’information, ce qui permet à la vie de se constituer en cohérence avec elle-même et autrui, elle bouge, suivant la règle : tout bouge, tout est vectoriel – DONC.
Il s’ensuit, dans ce système vectoriel, que les valeurs de mouvement relatif deviennent critiques. Un prédateur n’a besoin que d’une certaine force pour en terminer avec sa proie. Un rapport de force excessif ne sert à rien, sauf à être obligé à consommer plus. S’il est facile d’obtenir de l’énergie, on peut consommer plus, pour rester compétitifs il faut que les autres consomment plus, et ainsi naît un système économique.
une chanson, une symphonie, un film, un algorithme des prises dans le mur d'escalade
Selon comment on les conçoit, on peut déterminer si l'un ou l'autre est hors-cadre – ou encadré.
Un cadre auto-déterminé est un cadre. Un cadre prédéterminé ou imposé est un cadre.
Hors cadre est un cadre – un peu douteux – il ne peut se définir que par rapport à un ou des cadres.
Hors piste tu suis quand même ta piste – tu la traces aussi bien si tu suis dans les traces des autres sans le savoir.
Ce sont peut-être des jeux sémantiques – mais gare à celui qui manipule l'un de ces mots pour le donner – à travers un sens restrictif, un sens général non-contingent (un sens générique).
Comme si les chemins existaient pour aller quelque part – plus loin en tous cas …
Un chemin, piste, acheminement est sûrement un encadrement. On a du mal à le concevoir autrement, on ne peut pas suivre deux pistes à la fois, en être singulier.
Et l'algorithme, la chanson, le film et la symphonie ne sont que des entités composées de constituants individuels. Une foule ne peut être « foule » que si elle est composée d'individus. Sinon, ce sont des soldats – qui marchent « synchronisés » - et encore … ?
On est en train de décrire des phénomènes qui changent – « dynamiques » (= qui bougent, qui sont plastiques, mobiles), composés d'éléments particuliers qui ont des rapports les uns avec les autres – qui varient parce qu'il y a mouvance.
Le mouvement crée le changement. Le changement crée le mouvement.
On peut constater l’existence d’un phénomène dynamique – un vélo est en équilibre dynamique, cet équilibre ne change pas, tant que le mouvement nécessaire existe – l'effet gyroscopique ne cesse qu'à l'arrêt.
Et s'il n'y avait pas de cadre – la gravité, la friction, la force des jambes sur les pédales, le vent d'en face - le cadre du vélo ne bougerait plus, sans effets encadrants.
Est-ce que les gens bougent parce qu'ils aiment bouger ? On dirait que « oui ».
En tous cas, ils s'arrangent pour bouger … ils ne sont pas des moules.
Faire bouger les choses « pour soi » - est-ce que cela vaut « bouger soi-même » … ?
Après un bon jeu de combat virtuel – mais très actif (en immersion), on est sortie de cette salle pour se détendre avec les autres combattants – boire un café.
J'ai accidentellement renversé ma tasse de café sur les genoux d'une combattante, elle n'était pas contente. Elle a quand même vidé la ½ de son café-crème dans la mienne pour compenser – et tout le monde s'est souri – mais je ne savais pas que c'était parce que ma moustache était dorénavant couverte de crème fouettée – moi j'ai juste souri comme un idiot, comme tout le monde, quoi.
Après je leur ai dit « au revoir » pour aller dormir. Nous nous étions compatibilisés en fuseau horaire mais j'avais quand même un peu de jet lag – c'étaient des Sud-Coréennes habituées à faire la fête jusqu'à tard et partout.
Moi, je devais penser à me lever pour aller à la Poste, c'était 2019 et on n'avait pas encore changé en « tout numérique » – quelle fatigue !
Cet exemple met en question les avantages de « bouger soi même » sur « bouger les objets » … [comment diable est-ce qu'on a réussi à verser, ou à « recevoir sur les genoux » une liquide chaude, venant de l’autre bout du monde ?] mais la question n'est qu'à moitié sérieuse. Il y a sans doute des manières de tromper les perceptions des gens (drogues, prestidigitation, dissonance cognitive) – de simuler le phénomène.
Est-ce que « l’ambroisie » plastique remplit le creux dans l'estomac des goélands ?
Ce qui est moins sûr, c'est que ces méthodes virtuelles pour « bouger le monde » seraient à moindre frais opérationnels. On peut s’accorder que plus la distance et la vitesse d'exécution augmentent, plus le coût énergétique augmente.
… mais pour les super-riches, au contraire, cela évite des ennuis de voisinage …en avant les océans d'information, localisée, dispersée, codée, décodée, …
Très simplement, pour faire fonctionner un tel système, il faudrait convertir la matière même de la terre en énergie – il faudrait en faire un soleil.
J'ai du mal à voir la place des êtres humains là-dedans, il ferait beaucoup trop chaud.
Cette « mise en abîme » du système « énergie à gogo » vise à remettre la réalité physique humaine (somatique) au cœur de nos activités. Le tout numérique n'est point faisable, même pas en partie.
La qualité algorithmique de la Nature, la nature algorithmique de la Vie sont assez bien comprises, de nos jours. Essentiellement les plusieurs formes de vie ont trouvé plusieurs manières de vivre ensemble – à plusieurs échelles – et souvent entrelacées – à profit mutuel, depuis belle lurette.
Cette inertie que conserve la Vie, qui maintient la Terre en état d'accueillir le Vivant – avec l'apport du Soleil, bien sûr.
L'ensemble existe de manière co-évolutionnaire depuis des milliardaires – cette machine si affûtée par l'ensemble des conditions qu'a pu nous inventer le milieu terrestre – se distille en « savoir génétique », « patrimoine protéinique », « intelligence virale ».
L'essentiel étant le captage, l'échange, la transmission entre les êtres vivants – à profit commun (globalement) – un équilibre cohérent, dynamique, adaptatif.
Une forêt peut s'oxygéner, s'humidifier. Elle peut produire des catalyseurs qui lancent des actions en chaîne. Des nuages.
Ce sont des questions techniques – qui relèvent des techniques propres au vivant – de ses « comportements ». « Faire du vélo » est une adaptation technique du comportement « marcher/courir ». Son impulsion, tant en termes d'énergie qu'en termes d'orientation, est respectivement dans les jambes et dans les mains de l'opérateur.
Tout près et aussi léger que possible. La vitesse atteinte peut ressembler à celle où le détail de l'environnement reste encore accessible à la vision, à l'ouïe, à l'odorat et au toucher humains.
Une vitesse exagérée nuit à la sensibilité humaine. Elle réduit notre champs du perceptible et ainsi notre « intelligence cadente » du milieu. En termes « scientifiques » - conceptuels donc, pas juste techniques (exécution), le vélo a beaucoup d'avance sur la technologie véhiculaire d'aujourd'hui.
Et bien plus lorsque cette technologie est motorisée – ou biaisée par l'intermédiaire d'un petit écran tactile. Tout comme les caractères de cet écrit, le petit écran, ou l'immersion 3D, permettent d'accomplir des tâches réelles – commander de la matière à distance, le fameux « pizza », par exemple.
« Sans bouger » réellement, ces machines « font communiquer » et « font bouger ». Le poids est très lourd. On ne le porte absolument pas soi-même, loin s'en faut. On ne sait plus le poids qu'on fait porter. Il existe, il n'a pas été virtualisé, mais cela ne mérite même pas d'être su.
Le vélo, la liquide bouillante, la constipation, tant de maux qui s'alourdissent, derrière notre dos, cachés par le monde virtuel.
Ce monde réel qui nous est devenu subitement opaque.
Pragmatique: "let us muddle through, in the name of the wholly triad"
Je viens d'entendre une émission où on a loué aux cieux le pragmatisme anglais. On a parlé aussi de son manque de complexes par rapport au privé (versus publique).
Sachons qu'à l'université d'Oxford, où des chercheurs ont développé le vaccin qui marche (plus ou moins!), c'était du public. Que les universités d'Oxbridge (d'Oxford et de Cambridge) sont surtout de renommé mondial pour leur «blue sky research» (recherches en humanités et science fondamentale et théorique sans application immédiate commerciale). Sachons que ce sont des universités très indépendantes du pouvoir, si ce n'est que pour leur taille, leur longues traditions d'autonomie historique et le fait qu'elles sont positionnées à une bonne distance du capital du pays.
J'ai une autre explication que le pragmatisme anglais pour expliquer l'apparente réussite de la stratégie anti-covide anglaise. C'est qu'elle a développé l'antidote au dogmatisme. La tolérance politique, c'est la reconnaissance qu'il peut exister des fortes oppositions et qu'il faut les accommoder. Le sport et le fair play sont des techniques vertueuses pour tourner la compétition en jeu – pour diminuer le rapport de force, à l'égal du fameux humour anglais. Et l'existence d'une pôle intellectuelle d'une certaine taille permet qu'il existe des rapports de raison.
Voilà ce qu'il en est du soi-disant monde anglo-saxon. Les stéréotypes promulgués en France grincent terriblement avec la réalité. Quelle est la correspondance avec la culture américaine là-dedans? Très peu, sauf si cette culture est aussi celle de l'Europe et parfois celle du monde entier. Bien sûr qu'il y a universalisation des modèles, imitation sur imitation, mais c'est l'œuvre du paresseux intellectuel de leur donner des appellations d'origine, là où il n'y a aucune originalité. Je cite Picasso, d'après Bernard Maris: «On copie, on copie … Et un jour on fait une œuvre!»
En ce qu'il en est d'Astro-Zeneca et de l'instinct pro-privé particulier à l'Angleterre, il est une évidence que ce n'est pas particulier à l'Angleterre. Peut-être la modularisation, en entités qui indépendamment poursuivent leur chemin, plutôt que d'être emmêlés dans des chaînes d'autorité jacobine, y a compté pour quelque chose. Peut-être le rapatriement d'eurocrates anglais compétents, avec le Brexit (il y en avait et il y en a encore des tonnes, surtout dans les sphères légales et du lobbying) a eu son double-effet sur la capacité de passer à l'acte. En tous cas, c'est avec une certaine schadenfreude que l'on peut observer le désarroi des étatistes européens, qui parlent de l'Europe comme si l'Angleterre n'en faisait pas partie (dans leurs rêves), pour ensuite être exclus de la réussite anglaise. Bien fait pour leur gueule. Il faut savoir choisir. Il faut être cohérent, cogent même.
S'il est important de comprendre la culture du pays qui a la plus longue tradition de vivre l'époque moderne, sans s'y laisser prendre totalement, c'est parce qu'il peut y exister des accommodations à la modernité susceptibles d'adoption dans d'autres pays, à leur profit. Ici, nous parlons de pluricultures – le fait d'accommoder, tant bien que mal, plusieurs cultures au sein de la même communauté démocratique.
Il est compréhensible que l'on emploie des stéréotypes nationales d'autres pays pour enfoncer le clou et assener des coups dans son propre pays. Mais la presse nationale française a des devoirs de dire ce qui et vrai. Manifestement, autant en France qu'en Angleterre, avec des populations comparables et énormes, nous parlons de multiples cultures. Le raccourci «les anglais» pensent, «les anglais» font est tout simplement contrefactuel, dans presque tous les cas. C'est justement ça la nature de l'Angleterre. La tolérance de l'existence de la pluralité – jusqu'au point de la sécession. Bien évidemment cela n'a pas toujours été le cas, mais il faut quand même reconnaître que nous sommes depuis la Renaissance – certains diraient depuis la conquête normande, gouvernés par une monarchie qui n'est pas anglaise, mais européenne.
Une allégorie pour bien comprendre ce phénomène est «Le Seigneur des Anneaux» - les romans, pas le film, et la position initial du Hobbit dans le Shire. Il faut savoir que l'auteur, Tolkien, a été dans les tranchées de la première guerre mondiale, qu'il est d'origine germanophone, qu'il a passé son enfance essentiellement très proche de la ruralité anglaise et que, tout comme Lewis Carroll, il a été enseignant a Oxford. La manière de raconter les histoires, autour d'un feu, chez lui, avec des collègues et des étudiants de son entourage, est l'une des clés du succès académique anglais. Quelque chose de tout bête, tout simple, la «collégialité».
Le «Mainland» (la terre principale) pour les Anglais, c'est l'île d'Angleterre. Le «Continent», c'est l'Europe continental. Si on dit «en Europe» c'est pour dire au niveau européen, où à l'extérieur du pays, sur le Continent donc, c'est quand même un peu logique. On est pourtant – et évidemment – européen, tout comme les états unis est européen. Et l'Europe, à son échelle fractale, est définie par le fait qu'elle est pluriculturelle et plurilingue.
Les états unis ne correspondent pas à l'Angleterre, mais plutôt à la France, territorialement et institutionnellement – de par sa géographie continentale mais aussi parce qu'il est, démographiquement, imprimé par toutes les cultures de l'Europe, beaucoup par les germanophones, les scandinaves, les russes, les grecs, les italiens, les français, ... mais qui le saurait, comme en France.
Chaque état fédéral est dans un rapport transsectionnelle avec le centre, sauf les états côtières qui font office de centre, la Californie et la Nouvelle Angleterre, y inclus NY State et Ville. Il y a des graves problèmes avec le léviathan de l'administration centrale – et l'homogénéisation de l'identité américaine, souvent sectorielle (blancs, noirs, latinos, Silicon Valley, rednecks). L'état fédéral est en réalité partout.
En France, on a décidé de faire le coup de grâce à l'identité bretonne, assez récemment quand même (1942-6 il me semble). Pareil pour les Basques, les Marseillais, les Catalans, les Vosgiens, … Tant pis pour nous, qui vivons en France, on en est moins riche et moins libres. Comme aux états unis, les identités stupides règnent, les ruraux, les parisiens, les sous-développés du Sud avec leur «caractère». Ces identités hyper-simplifiées, manufacturées par l'élite condescendante, permettant de justifier l'état jacobin et laïc, pour «y mettre un peu d'ordre», de justice. Mais observons un peu … le résultat est qu'il y en a de moins en moins, de justice et d'ordre.
De telle manière que la campagne française est une vaste deuxième chambre législative, sans pouvoir, desservant la classe politique parisienne. Il est difficile de savoir pourquoi le prolétariat français ne réagit pas avec fureur à la visite du salon de l'agriculture par le président, chaque année. Il est difficile de savoir pourquoi ils acceptent de jouer le rural, avec sa paille label rouge à la bouche pour les touristes. S'ils étaient vraiment bien dans leurs bottes, ils ne feraient pas ça. Il s'en sort que l'humiliation réciproque est un genre de jeu national.
« Arbitre ». « Libre ». Est-ce que ce sont des mots qui vont très bien ensemble ?
Bizarrement, oui. Exercer son libre-arbitre, c'est exercer sa propre liberté décisionnaire. Un arbitre est celui qui tranche, qui décide. N'empêche que l'emploi de cette expression se fait souvent dans un cas plus contraignant : dans le but de remettre sur l'individu la responsabilité de ses actes, bien que le contexte dans lequel il agit n'y soit pas propice.
Le mot « arbitrage » sert souvent de remplaçant pour le mot « jugement ». Dans le sens de « décision » tranchée entre deux ou plusieurs positionnements.
Les gens disent à maints répétitions aujourd'hui « Il ne faut pas juger », mais mettons qu'ils disaient « Il ne faut pas arbitrer » ? On fait quoi alors ? Qui décide ? Chaque acte, chaque enchaînement d'actes représente une décisions. Qui décide ?
Le cadre dans lequel on décide est souvent « décisif ». Il détermine avec une probabilité haute ce qui va se passer. L'arbitrage est la reprise en main de ce sentier décisionnaire. A la base, il est une représentation de la possibilité d'être coopératif et mutualiste dans la prise de décisions sur son propre sort.
Cette idée se manifeste dans un autre mot qui a la même racine – « arbitraire », qui est défini dans le Petit Robert comme ce « qui dépend de la seule volonté, qui n'est pas lié par l'observation des règles ». C'est beaucoup dire. Si. Il y a une règle, que les partis soient volontaires pour accepter que le différend entre les partis soit tranché. L'encadrement réglementaire qui ne laisse aucun pouvoir de participer à la décision aux partis, c'est ce qu'il y a d'arbitraire là-dedans.
Le cahier de charges du libre-arbitre
Maintenant, appliquons ces raisonnements au cadre administratif de toutes nos vies. Qui a libre-arbitre ? Qui a droit à l'arbitrage – et par qui ? Quels sont les déterminants ? La « subsidiarité » est un concept déployé dans une tentative de faire face à ces questions. Ce principe veut que chaque décision soit prise à l'échelle qui lui est propre. Le problème est que les moyens techniques mènent à un pouvoir décisionnaire réel qui ne respecte qui n'a même pas d'idée de ce que c'est, une échelle. Le rapport ainsi établi avec les moins forts d'entre nous, même chez eux, dans leur intimité, est un rapport de force, sans arbitrage, sans qu'ils aient aucun pouvoir décisionnaire.
Tout « savant » pense apprécier ce problème. Il faut avancer. Il faut changer de paradigme. Les gens vont bénéficier de l'intelligence collective qu'on leur apporte. Ils ne sont pas équipés pour le faire assez rapidement eux-mêmes, de leur propre volonté. Le cadre administratif va permettre d'opérer les changements, décidés par les savants, dans le temps voulu.
Tout cela paraît bien raisonnable. Pourquoi, donc, est-ce que cela ne marche pas ? Déjà, est-ce que c'est vrai que cela ne marche pas, ou au moins que cela n'a pas marché ? Au niveau du secteur industriel, cela a plutôt marché. On pourrait dire que pour le citadin lambda, aussi. Il achète ce que produit l'industriel, il se transporte dans sa voiture et il utilise le portable. Toutes ces choses augmentent "sa" capacité physique et mentale de manière considérable.
Sauf qu'il n'a l'exercice d'aucun libre-arbitre. Il n'arrive même plus à bien parler, puisqu'il y a divorce entre parole et acte. Ses actes sont les actes prescrites – mais l'asservissent plus que jamais aux variables qui lui échappent.
« I'm the urban spaceman. I don't exist » (David Bowie) est à peu près le summum de ce paradoxe.
L’œuvre de l’activiste écologique est celle du simpliste – trouver un chemin logique et direct envers une infrastructure écologique qui vaille le nom, en la tentant. Pour voir clair, on abandonne l’argent et l’essence.
Après une pratique assidue de cette discipline pendant sept ans, on découvre que la technique applicable est celle de la machine sociale humaine, avec un premier constat : il faut que ça bouge pour que ça marche, il faut que ça marche pour que ça bouge.
La liberté de mouvement, c’est la liberté qui permet la liberté d’association. Les deux rendent possible la transmission et la réception d’information nouvellement pertinente. A pied ou à vélo, on peut librement se croiser et se parler au passage. La machine sociale humaine dont il est question est celle qui véhicule la liberté de créer des algorithmes entre nous, de créer des entités sociales communiquantes et agissantes.
C’est l’exercice de ces libertés-là - celles nommées « autonomie » et « choix » que nous cédons aux machines numériques, réchauffantes, climatisantes, transportantes. La démocratie non-participative est une autre de ces vases communiquantes iniques à la fonction sociale humaine, les réseaux dits sociaux en font une autre.
La constitution d’entités sociales qui bougent a un effet « dynamisant », tandis que le sédentaire se trouve séparé de ses pairs – à moins qu’ils bougent envers lui, lui obligeant, séduisant, attirant, comme une fleur sur laquelle on atterrit. L’utilisateur du numérique permet aux réseaux informatiques d’assumer des fonctions auparavant déléguées aux cerveaux interdépendants. Il ne lui est plus nécessaire de marcher à la rencontre de personne. Présentiellement, il n’est pas là.
Dans les communautés hermétiques ainsi créées, on peut trouver des athées humanistes, tout comme on peut trouver des croyants humanistes. L’écrit, notre Bible, notre phare intellectuel, est en quelque sorte mort. La conversation aussi. On ne peut plus parler des écrits. Les deux registres s’effacent – on parle à sa réflexion dans l’écran, comme on le sent. Sa famille toute entière est dans l’écran dans le creux de sa main.
On parle à sa main, alors que la personne en face rétrocède au loin. Sa famille tout près, on y est. On change de paysage, mais son portable, il est là, en soi. Finalement, changer de paysage, à quoi ça sert ? Cela ne vaut même pas l’effort additionnel. On est toujours chez soi, même ailleurs. C’est toujours de soi qu’il est question. Le monde bouge dans son téléphone, on le suit, on en est avataré. Nulle part physique, sauf ailleurs. Le monde s’efface autour de son petit écran, point brillant dans les ténèbres sociales tangibles.
Rattaché par des ficelles
Des leurres des liens qui tirent
Entre le double clou de l’avenir et du passé
Des étoffes dont on tisse le pli
Dans un acte de fermeture pour clore l’avenir
On a besoin parfois d’oublier la vie
De flotter dans le terrain vague du rêve.
Là où l’espace et le temps jouent libres
Où les cordes, les clous, les pointes se forment
Autour des méandres de l’immatériel
On vit une sorte de vie intérieure à la
City du Mirail déraillée par la Bullition
et l'encapsulation et la corridorisation
dans ce vaste labyrinthe d'insectes sociaux
que nous nous sommes créé pour nous
Co-conniser et nous Bétonniser en
cellules scellées de rûche communautaire
L11-11 ans d'enfermement, D12 – 2 ans avant la retraite
ACDN+2Q - R101-2 – ça vous parle ?
L'apex de l'industrie Architecturale
Livre ses fruits, gris re-contre gris du ciel
Arrrchééés en prisme carcéral
Le ferment se fait à pression froide
en petits groupes de fébriles fumeurs
Parsemés sur les allées à se geler les proverbiales
Jusqu'à ce que culoir s'ensuive …
Isolés dans l'espace, les gens se ramassent
pour s'écouler lentement sur les allées et puis
s'enculotter de nouveau dans les
Bunkers tachetés de l'Orange
des Troubadours Brevetés
Approche archéologique: respect des restes, des sépulcres;
lire le paysage "culturel" - ce qui peut signifier "créé par l'humain et le non-humain" - termitières, arbres, haies, murailles, terrassements, sentiers, montagnes, sols, biotope, ...
Le reconstituer, ou au moins l'utiliser en échafaudage pour la "revie".
Erbus Tolosane
FC samedi 6 février 18h
Anorexie langagière, c'en était un.
Et la bombe ... ke nous allions déléguer le jugement au machines!
Mais n'a-t'il pas entendu tous les bons gens dire k'il faut pas juger - même le "faut pas" faut pas - faux pas, voyez-vous?
Anorexie mon cul c'est les mots qui font des faux - vas comprendre Monseigneur Airbus. On va quand même pas laisser le pouvoir décisionnaire à des ... gens comme vous! C'est qui ki va décider donc? Je vous dis, c'est la prévarication et la procrastination qui vont décider - faute de mieux - et j'ai des bonnes bases pour vous demander si ça a jamais été autrement décidé? Le réveil sonne, encore cinq minutes et on a raté le train. C'est toujours avant l'aube qu'on lance l'attaque sur l’ennemi. Une tempête dévastatrice! Bon sang - on en a pourtant connues, ça vient pas d'un ciel bleu! Ce n'est pas la préparation qui compte - c'est l'impréparation. Une Guerre Froide devient une Guerre Chaude parce qu'entre temps, on est tombé dans l'ennui - ou on a perdu le code.
Bon, soyons scientifiques, tant soit peu.
S'il faut changer de modèle, de système, ce serait une bonne idée de commencer par en proposer un autre ... système. Un autre système, ça a de la chair sur les os - ce n'est pas une Utopie. Prenons les monopoles et les duopoles. "Diviser pour mieux régner" on l'a souvent dit. Il s'ensuit que la force d'un duopole - un cartel - est la faiblesse - la fragmentation de toute opposition - pour ne laisser que l'entre-soi.
Avec l'hégémonie numérique, ça se voit : à chacun son téléphone, à chacun son avatar - ou dans les paroles de Johnny Cash, "A direct Line to God". Dans les bases de données, cela a même un nom, le "Prime Key" - la clé unique. Amazon Prime. 7 milliards de gens dans le monde et c'est toi que j'aime – dans une botte de paille - ce genre de chose. Hé ben, les personnes lambda, les anonymes et les ploucs, ils auraient une certaine force, une certaine prestance sociale s'ils l'étaient vraiment - anonymes, numériquement parlant. Kelkon a dit sla? Non?
Dans la même émission on a remarqué la nostalgie d'un jeune pour le fix - non, le téléphone fix - comme si la personne à laquelle on parlait était juste là - pour toi. Hi Hi, eh oui!
Les humains, ce n'est pas vieux jeu - mais l'atomisation numérique est en train de le devenir, à force d'être traité comme des animaux dans des cages de conditionnement à sens unique. C'est la bataille de la récupération de l'identité humaine - animalière, naturelle, des algorithmes à notre échelle - et pas celle vue à travers le tamis de la mécanisation de tout esprit.
Sacré bleu, ce n'est pas comme si les bio-sciences étaient restées sur leurs lauriers, ces derniers temps - elles sont en plein épanouissement. C'est la Physique qui est restée stérile et bornée – pompée de pétrole - et avec elle les vieilles polarités, allons-y, on en énumère quelques unes : CNRS : écologie (sciences du vivant – on en embauche mais eskon les écoute, ha ha); donk mécano-industriel : biodiversité; spirituel : matériel; science : culture (humanités); artificielle : naturelle.
Qu'est-ce que cela veut dire exactement : ingénieur? Ou "technicien?" Ou "scientifique"?
Et qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire : "artiste"? "Culture"? "Créatif"? K'on est insensé? Qu'on ne raisonne pas, étant dans l'emprise de l'émoi? En toute logique ...!
Duopole. Ce sont des duopoles. A bas les duopoles chimériques, les faux ennemis, inventés pour détourner nos regards! On a mieux à faire.
N'oubliez pas que chaque segment de ce diatribe propose des parcours d'action très spécifiques. Pas de portable ou ordi à avatar unique - des téléphones fixes, encore mieux transfixés par des clous. Pas de résignation, de "fatalisme", de "laser faire", mais des actes qui anticipent les coups attendus. Pas de division sociale, de la solidarité. Et à chaque reprise, je fais l'effort d'expliquer le pourquoi, le comment viendra, patience.
Tout est rythme - preuve qu'on n'invente rien, si besoin est. Reconnaître qu'effectivement c'est le cas, c'est l'autre ingrédient magique qui permet l'émergence d'un nouveau système. On pilonne à plusieurs. On frappe le métal encore chaud, l'un après l'autre.
On "bat" de l'aile. Ce monde est un multivers de cadences intraloquées (anglais = "interlocked" ... oui je triche un peu).
Il y a des risques. Je risque de devenir rancunier, de voir peu à
peu s’installer, à tort et de travers, les diverses réformes que
j’ai proposé depuis des années.
La conversion écologique prend son élan social, ce qui veut dire
qu’il s’intègre au quotidien.
Le quotidien. Une question d’habitude. D’administration. De
hiérarchie inébranlable.
Pas du tout dynamique.
Un quotidien dynamique, créateur – n’est-ce pas la mission ?
De voir se récupérer et se détourner les propositions qui, mises
en œuvre telles qu’elles ont été conçues, représentent des
voies solutionnaires, cela écœure.
Faut-il montrer cette écœurement, au risque de paraître
grincheux ?
Oui, mil fois oui. La tyrannie du bien vouloir devient champs de
bataille. L’humour est toujours ironique, même acerbe, même
coupant. La propagande de la bienfaisance tue l’évolution
écologique nécessaire dans l’œuf.
Une parenthèse – il y a l’écologique et il y a le numérique.
L’écologique est inébranlable, il englobe tout, avec ou sans
système déclaratif. Le numérique est à l’opposé d’une force
immuable – pour cela que ses avocats sur-enchérissent sur son
inévitabilité marchande. La reconstruction sociale « peut »
se faire avec ou sans numérique – le numérique peut même faire
un pont entre le monde d’avant et le monde d’après – un
numérique au maximum facilitateur, jamais dominateur. Nous sommes en
bonne position pour rejeter sa mainmise. « Continuer sans
accepter » est une rubrique qui devient obligatoire - « Non,
nous n’acceptons pas vos cookies, oui, nous voulons quand même
avancer ». Numérique est informatique. Informatique est
communicatif. Communicatif est interactif. Rien n’est écrit dans
le marbre.
Dynamique. C’est dynamique ! Cyclique, comme les saisons,
comme les récoltes annuelles, n’est dynamique que dans le menu.
C’est l’évolution d’une routine qui justifie le terme
« dynamique ». La routine en soi est pro- ou
anti-dynamique.
On oppose deux modèles – le chinois autoritaire et l’occidental
libre. Les « nudges » de la démocratie numérique ne se
différencient guère des contraintes et des motivations d’un
système autoritaire, où l’argent comptant conditionne tout. Les
deux modèles qu’on représente comme des modèles opposés ne font
qu’un en réalité. Leur conflit hypothétique ne mène qu’à une
convergence réelle, absorbe les énergies, distrait l’intellect,
désabuse l’avenir.
Le champs du possible passe outre, c’est sûr. Il n’est pas en
opposition, il n’est pas réactionnaire, il n’est même pas
alternatif – il est outre. Le monde parcellisé, cantonné,
cadastré, cadenassé n’est pas le champs de bataille – le champs
est de loin plus vaste. Il est extensible. Il est vectoriel. Le monde
« global » n’est pas un monde qui se rétrécit, où
les distances se dématérialisent. C’est une évidence – ce
monde oh combien physique est l’écologie dont on parle. Le
« miracle » de la vie est qu’elle est élastique –
pour cela que les chiffres ne sont que les clichés d’une réalité
transitoire. 2 % d’espaces intacts, 50 %, qu’import le
chiffre si la flèche dynamique, du dépeuplement ou de repeuplement,
est l’indicateur clé ? Il est, de fait, exponentiel.
Une caractéristique française assez distinctive est de passer
pas mal de temps dans la synthèse, de s’en convaincre avant de
passer au pratique, comme si les deux avaient des vies indépendantes,
mais hiérarchiquement liées. Par contre, la méthode pratique de
mise à l’épreuve s’appelle « trial and error » en
anglais – on apprend par ses erreurs, on reprend, on adapte, mais
on est déjà en mouvement. La politique agricole française, devenue
européenne, est en réalité une vaste expérience non-mise à
l’épreuve – une synthèse d’aboutissants théoriques suivie
d’un passage à l’acte total, sans possibilité de revenir en
arrière.
Le résultat ressemble au bricolage. Force est de constater que
cela n’a pas marché, on subventionne, on recentre, on comble les
trous, on dédouane les déficitaires, le plan persiste. Les
décisionnaires restent en place. Un tel système, tellement fragile,
doit se défendre, jusqu’au dernier souffle. Quel pathos !
Modéré devient « anti-système ». On le voit déjà
lors du schisme Robespierre-Danton. Modéré = raisonnable.
Raisonnable = radical. Mais comment changer, avec modération,
l’ancien régime totalitaire ? Si nécessaire, ce système se
fera fasciste pour défendre « les valeurs républicaines ».
Le bloc du pouvoir s’alliera avec les lobbies anti-constitutionnels
pour « défendre la constitution ». On se voit bien
obligé de passer outre, de manière informe, lorsque les anarchistes
détiennent le pouvoir.
«L’entreprise ‒ un être convulsif … pas statique ou dynamique, … »
(bafouage, sophismes)
«Un être vivant» ou «une institution»? ‒ «le virage numérique» (n’importe quoi)
«Variables d’ajustement: restructuration des entreprises: évoluer, adapter» (euphémismes)
«Personne n’aime licencier» (faux – «personne n’aime chasser les sangliers et les mettre à mort de manière
sanglante», également faux)
«L’entreprise existe pour nourrir ses clients, ses actionnaires» (merde de taureau)
Analyse dynamique – pas plus, ni moins (analyse statique, objectivisante) – mais pour (envers)
… et contre (en contre sens) – analyse subjectivante, mobilisatrice de ses composants.
Parlons des «cohérences» – évitons ainsi de singulariser, de pluraliser ou d’essentialiser.
La langue – un être vivant? Faire «être cohérent» n’exclut pas la participation à d’autres entités cohérentes – il en écoule. La langue est «véhiculaire» de la cohérence, «est» dynamique jusqu’au point d’«être acte» lorsqu’elle est maniée de manière reproductible, entre nous.
Nous sommes jugés par nos actes, nous sommes des êtres en mouvement – analyse dynamique.
Les mots sont «convulsifs» dans le sens que chaque mot impacte (fait «acte»), une chaîne de mots compose des concepts – les «applique» – leurs «donne un sens».
Être vivant est «faire acte de boucle de rétroaction, de retour».
Revenir sur les mêmes points – c’est l’entreprise de cette séquence d’actes. La routine permet d’affûter le faisceau modifiable de comportements (réactions, rétroactions) – la «lexique» d’interactions potentielles: c’est le «savoir faire» qui en écoule. La répétition crée de la plasticité dans la gamme de routines que l’on sait appliquer, de manière adaptative.
On essaie souvent d’opposer l’idée de causalité (de cause à effet) à l’idée de l’association considérée comme aléatoire, ou simplement coïncidente. Savoir s’encadrer, (se mettre en attitude de, se mettre en état de), permet de créer des effets – il relève à la fois de cause et d’effet, selon le cas. C’est le sens du mot «rétro-action» (anglais «feedback» – en s’éloignant de la source on élimine la résonance). On peut dire à ce moment-là que les causes et les effets sont émergentes – ne peuvent être déterminés définitivement. Une trame logique n’est donc jamais finie (tout englobante), mais un outil l’utilité duquel peut être déterminée dynamiquement (en le mettant à l’épreuve, ou d’une expérience de la pensée, ou ou d’une expérience matérielle).
Cette analyse reste dans le domaine de la raison – il n’y a aucun besoin du recours au mystique ou au spirituel pour le comprendre. Les rapports de raison entre nous méritent plutôt d’être opposés aux rapports de force – la foi, la croyance, le mystique et le spirituel tombent dogmatiquement du côté des rapports de force dans le sens qu’ils excluent l’altérité du débat, du dialogue: ils excluent le rapport de raison. Nonobstant, face à une raison ostensible mais en réalité dogmatique, ce sont souvent les dernières refuges de la pensée libre.
A l’échelle de la société humaine, la liberté de mouvement et la liberté d’association permettent l’émergence de rapports de raison – l’idée que tu n’as rien à craindre si tu n’as rien à cacher lorsque des corps tiers te dictent et t’orientent la vie, cette idée est saugrenue. Cependant, la cohérence de ces deux libertés n’est émergente que lorsqu’elle s’applique à des ensembles humaines: pour que ces libertés obtiennent réellement, elles doivent être applicables, de manière juste et équitable, à tout le monde, accommodant ainsi la possibilité de restreindre la liberté exercée par des individus et des groupes qui cherchent à contraindre la liberté des autres, par exemple. C’est la liberté des autres qui compte: sa propre liberté en écoule, de cette prémisse. Bizarrement, c’est une trame logique épidémiologique qui répond le mieux aux exigences de la liberté individuelle.
El corazón de la alcachofa
es tierno y dulce
pero la flor de la alcachofa
no se come ni se conoce
porque ya se comió su cúpula
solamente los jardineros flojos
conocen su flor incomestible
así asegurando su propagación
Chanteuse chiante
Des plus mélodieuses – plate
Touriste prend photo : obligatoire
Que la Vista est Belle ! D’orifice
Polychromie assurée, foule drue
L’Été, tout en retenue
Regard penché, détectif
Pas de rire, peu de sourires
Valent les signes visibles de la richesse
Le consumérisme d’authenticité
De plats bios, peu bios, pas bios du tout
Selon son goût
Le Spectacle commence
La Crieuse Publique est en vue – et en ouïe
Au-dessus de la cité pavillonnaire du marché
La Diva rend classique le moment
Un unique jambiste casse sa voix
Deux archers passent, leur charge d’arcs en chariot
« Vous n’êtes pas aidés »
« Elle veut dire que vous n’êtes pas assistés »
Réplique : « Il y a deux ânes quand même ... »
« Je n’aurais pas pu mieux dire »
Et des rires. Applaudissements au loin aussi
La Crieuse les a préscrit
Trois lumières devancent mes yeux
Un homme, une femme, une enfant
Qui s’empilent : l’homme, musclé comme un taureau
La femme, fluette comme une ficelle
L’enfant : ballerine – les trois qui me saccadent de pleures … involontaires
Qui sait – la beauté du geste – musclé, qui fait rire d’enthousiasme la foule
Autiste
Qui se jette avec fureur renouvelée
Dans la poursuite de l’inconsommation
Face à la bien-pensance, j’espère de tout mon cœur qu’un
genre de 1968, mais mille fois plus, fasse éruption en Europe, nous
en avons grave besoin.
Trop est trop. Soyez sympas et charmants, et vos messages sur la
fin du monde – et comment l’éviter, peuvent être acceptés par
le peuple (sous-entendu « le peuple mouton »). La
gentillesse vaut de l’or. Etc., etc.
Et si vous ne l’êtes pas, vous allez être mis au ban de la
société, humiliés à répétition, stigmatisés d’extrême
droite, d’extrême gauche ou d’anarchiste, jusqu’à ce que vous
mourrez de stress, de mépris et d’exclusion. On le constate,
personne ne le dit directement. Ils sont sympas. Ils sont équilibrés.
Ils ont du fric, parce qu’ils ont réussi, parce qu’ils ont fait
comme il faut, parce qu’on les aime pour cela. Vous comprenez en
fin que si vous proposez des projets purement cosmétiques qui ne
vont rien changer dans le fond, et surtout pas à temps, vous serez
reçus à bras ouverts. Que tout le monde prétend qu’ils attendent
que ça change, pour ne rien perdre eux, dans l’affaire, pour
pouvoir dire qu’eux, ils ont toujours été favorables à ce genre
de changement.
Tout cela je le sais parce que je le vis, je n’invente rien. Ce
n’est pas très subtile, en plus. Lorsque quelqu’un qui a un
salaire de 2000 euros par mois parce qu’il a un bon boulot de
fonctionnaire à vie vous dit « Je suis désolé, je ne peux
pas vous aider, je suis débordé de travail et j’ai des cas
beaucoup plus importants », alors que vous avez pu survivre,
tout juste, sur 25 euros pendant six semaines et vous ne demandez
qu’à utiliser le téléphone parce que vous n’en avez pas, de
téléphone, pour chercher du boulot, ou pour aider les gens, vous
prenez la mesure du défi. Ce n’est même pas la peine de demander.
C’est le jour des élections. On se demande si pour ces
élections on n’aura pas le taux de vote le plus bas jamais. On
prétend donner des raisons, les gens sont désabusés de la
politique, etc., etc., il faut leur « expliquer »
pourquoi ils ont tort. Et s’ils n’avaient pas tort ?
Lorsqu’on va à une mairie à la campagne et on écoute ce que font
ses fonctionnaires, savez-vous ce qu’ils font, la plupart du
temps ? Que de la bureaucratie au service des riches. Le
cadastre. Les propriétaires. L’embellissement de la mairie. Les
panneaux indicateurs pour les familles avec enfants. L’entretien
des routes pour ceux qui ont des voitures et de l’argent à brûler.
Le soutien des fonctionnaires avec des bonnes retraites. L’exclusion
des pauvres. C’est pareil à presque chaque échelle.
Par exemple on a donné d’énormes subventions pendant cette
crise covide, surtout aux riches et à ceux qui avaient au moins de
quoi vivre déjà. On l’a dit en plus – c’était pour pomper la
consommation. Le problème a été qu’ils sont devenus tellement
riches qu’ils ont trop épargné, étant coupé de leurs lieux de
dépense plus que d’habitude. Cet argent a permis à beaucoup
d’entreprises qui auraient fait faillite en temps normal de ne pas
faire faillite (c’est-à-dire que leur situation a amélioré,
alors qu’ils étaient souvent en quasi chômage technique –
qu’ils ne travaillaient guère et n’avaient guère de frais de
travail, qu’ils ne dépensaient donc pas). Parfois des très
grandes entreprises, comme Airbus ou SNCF, qui ont des salaires, même
les plus bas, au-dessus de la moyenne nationale, de 20 000, 30 000
euros par an. Nous avons observé à maints reprises que la crise a
accentué de beaucoup le gouffre entre riches et pauvres, c’est
indisputable.
Mais dans ce cas qui en a été le plus responsable ? Ce sont
les autorités publiques – mais les autorités publiques, c’est
une grande partie d’entre nous aussi. Tous les petits boulots en
temps normal dans le tourisme, la restauration, etc., semi-illégaux
ou illégaux, ont disparus. Il ne faut pas croire non plus qu’avant,
les autorités publiques n’en étaient pas conscients –
l’économie de la France dépend de tous ces petits boulots au noir
et de l’économie non-payé en argent. Combien de petits
restaurateurs pensent bien faire à donner une petite chambre à
quelqu’un de sous-payé au noir à temps partiel, sans aucun
droit ?
Et maintenant on demande aux gens de voter pour cela ? De
voter pour des gouvernants qui tout en protestant que c’est
tellement injuste, en sont eux-mêmes responsables ? Ce pays est
tellement riche qu’on a besoin de 25 fois moins, même 100 fois
moins que le salaire minimum pour survivre maintenant. C’est-à-dire
qu’on a besoin de travailler bien moins d’un jour par mois au
salaire minimum pour survivre. Rien à voir avec le « il ne
faut pas un différentiel de pas plus de 20 fois entre le mieux payé
et le moins bien payé dans une entreprise », que l’on
demande pour ceux qui ont du boulot. Si on réduit les besoins
humains à « de quoi manger et où dormir au sec », on a
besoin de moins d’un euro par jour.
Juste pour donner un exemple de l’écart avec la réalité qu’on
a ici, j’ai entendu à la radio ce matin qu’il y a des « réfugiés
économiques » qui affluent en Colombie de Venezuela en ce
moment parce que le salaire mensuel minimum à Venezuela, 20 000
pesos, ce qui équivaut à 5 euros, ne permet pas de vivre. Sans
doute avec 30 euros par mois ils se sentiraient dans la terre de
cocagne. Trente kilos total d’un mélange de riz, de blé et de
lentilles par mois ! Merveilleux ! On pourrait même
s’offrir un litre d’huile et du sel avec cela – du grand luxe !
De nouveau, je le sais. J’ai vécu au Pérou pendant sa guerre
civile, à ce moment-là il était classé le pays le plus pauvre du
monde (1989). Les populations déplacées par la guerre – la moitié
de la population du Pérou – étaient maintenues en vie par des
sacs de riz venant des États Unis. On pouvait reconnaître les gens
qui dépendaient de cette « manne », ils avaient l’air
un peu gras parce que malades de malnutrition, tellement ils devaient
manger du riz pour en sortir des nutriments. Une soupe de pattes de
poule était le grand luxe. L’effet de cette « aide
internationale » était de complètement miner l’économie
locale de production de graminées, de fruits et de légumes, puisque
si les gens se sont déplacés de la campagne, c’était à cause de
la terreur de la guerre venant des deux côtés, gouvernemental et
terroriste, les principales grandes villes étaient dans les déserts,
les bidonvilles des réfugiés illégales et sans provision pour se
faire pousser des légumes.
Pourquoi en France est-ce que nous devons subir de l’aide
alimentaire de qualité terrible et anti-écologique, alors que nous
sommes des jardiniers compétents et prêts à travailler, et qu’il
y a une abondance de terres sous-utilisées ou non-utilisées ?
Pourquoi est-ce que les autorités locales et nationales n’ont pas
affiché, haut et clair, qu’ils faisaient de cela leur affaire ?
De nouveau, il est très difficile de disputer les faits. Pendant que
la misère s’accentue, le débat « politique » et
« médiatique » tourne autour du problème de faire venir
une nouvelle génération d’agriculteurs, du fait que le foncier
coûte trop cher.
Une seule exploitation de trente hectares pourrait donne en
jardins de quoi nourrir et héberger une centaine de familles. Sans
aucun intrant chimique ou industriel, elles ne pourraient guère
faire pire qu’une ferme industrielle typique, même en « bio »
– au niveau de leur contribution à la biodiversité et aux gazes à
effet de serre.
Qu’est-ce qui empêche cela de devenir réalité ? La
réponse est que le gouvernement, n’importe quelle gouvernement,
fait tout, au niveau législatif, des subventions sélectives, au
niveau de la violence directe et indirecte des fonctionnaires, pour
que cela n’ait pas lieu. On parle des « lobbies
industriels » - de nouveau pour ne pas parler de « nous ».
A chaque échelle, chaque propriétaire fait tout pour que son grand
lopin de terre ne soit pas converti en petites parcelles de terre –
il préfère de loin les laisser à la friche et appeler ça « la
nature ». Si presque toutes les interventions sur le terrain
sont faites avec des machines, et la voiture privée prédomine en
campagne, c’est parce que ses habitants sont riches. Ce n’est pas
compliqué. Ils se mettent à faire grève, ou « gilet jaune »,
dès que leurs salaires tombent en dessous de vingt fois ce qu’il
faut pour survivre.
Chiffres. On survit à 1 euro par jour – 30 euros par mois –
360 euros par an. On peut – à peine – entretenir une voiture sur
la route en campagne, payer un loyer à la campagne et acheter de
quoi manger avec 10 000 euros. En réalité, donc, les plus pauvres
s’endettent, ont des voitures illégales, glanent du bois, essaient
de faire pousser des légumes et dépendent en partie de l’aide
alimentaire pour survivre tout juste. Plus ils vivent en illégalité,
plus cela devient faisable – ils n’ont souvent même pas le droit
de vote, là où ils se trouvent.
C’est pour cela qu’il y a très peu de pauvres à la campagne
et que c’est un terroir de riches. Du fait que les aides de l’état
ciblent de plus en plus certains groupes de la population de manière
préférentielle et que cela coïncide avec les intérêts des riches
à la campagne, certains secteurs sont en croissance économique,
malgré leur apparente pauvreté ! Ce sont principalement les
familles avec enfants qui bénéficient des aides et qui permettent
de maintenir ouvertes les écoles et les services qui desservent ces
familles, pour compenser le fait que les riches sont massivement des
seniors. Pas tous bien sûr, et l’aide à la personne, à domicile,
les colonies de vacances, pour les enfants des grandes villes, les
EHPADs, la cuisine collective, etc., sont aussi en croissance
actuellement. J’ai bien dit que l’ingénierie social de la
campagne se fait par secteur.
Il n’est donc pas étonnant que les populations rurales votent
de plus en plus à droite. Les populations qui s’y trouvent sont
riches ou dépendent des politiques qui favorisent les riches. L’un
des seuls secteurs productifs en croissance à la campagne, c’est
la bétonisation, pardon, la construction. Ceci, de nouveau, parce
qu’on a évolué des codes de permis de construire réglementaire
qui rendent impossible la construction d’habitat simple, léger et
durable qui emploie un minimum d’énergie et de transport – ça
coûte trop peu cher et n’aide pas à « la consommation ».
Ceci, de nouveau, favorise massivement ceux qui ont assez d’argent
pour se fabriquer des « maisons normandes » et ceux qui
travaillent dans la construction de ces maisons. Plus ils travaillent
industriellement, plus ils gagnent pour eux, moins il y a du travail
pour tout le monde. Des vrais pauvres en campagne ? Cela
pourrait faire concurrence à ceux qui n’ont que l’ambition de
devenir riches.
C’est aussi pour cette raison que les moins enclins à voter des
politiques vraiment écologiques – et à gauche en général – on
l’a vu avec la vote écologique gagnante dans les grandes ville
seulement, au tout début de la crise covide, sont ceux qui vivent à
la campagne. Un, ce n’est pas du tout dans les intérêts de ceux
qui habitent à la campagne actuellement. Deux, ceux qui se
prétendent écolos à la campagne mais qui en réalité dépendent
de la voiture, sont des anciens bourgeois de classe moyenne ou
artisanale, des agriculteurs industriels ou semi-industriels et des
constructeurs industriels dépendant des riches. Ils mènent des
trains de vie anti-écologiques, ce qui les mène à voter à peine
au centre « mou », sinon carrément à droite.
Oui, il y a une vote de protestation, mais cette vote de
protestation ira plutôt à la France Insoumise qu’aux écologistes,
du fait que les « France Insoumises » sont plus
pro-industriels. Même les écolos en campagne ne sont pas, à vrai
dire écologiques. On pourrait dire que tous les partis politiques
actuels en France sont de droite et anti-écologiques, dans le sens
qu’ils savent très bien que tout le monde ne peut pas être riche,
mais ne cherchent qu’à proposer d’enrichir les gens. Qui va être
pauvre donc ? Pas ici en tous cas est la réponse des soi-disant
partis politiques de gauche, actuellement. Non, on préfère proposer
de faire sortir de la pauvreté les pauvres, en leur faisant gagner
plus d’argent, en leur faisant alimenter la machine. J’ai utilisé
l’exemple de la préférence donné à la charité au plus démunis,
en défaveur de la dignité du travail, pour illustrer ce point. En
peut dire que même s’il y a des « bon gars » à gauche
dans la politique conventionnelle, ils ne peuvent pas le dire, parce
qu’ils doivent duper les classes moyennes qui votent plutôt que de
parler vrai aux pauvres, s’ils veulent du tout, du tout se faire
élire.
Et en on a marre de se faire traiter d’extrême gauche alors
qu’on n’est que modéré, contre une élite tellement égoïste,
en réalité, qu’elle est devenue extrémiste et à la limite de la
rationalité. Ça va pas la tête ?
Il y a une bonne chose qui pourrait émerger de cette hypocrisie
collective, qui est une vraie solidarité d’expérience et de
condition entre les classes les plus pauvres en France et dans les
pays très pauvres, non seulement dans les populations d’immigrants
en France, mais dans la population générale. J’ose même espérer
que des bons gens qui ne sont pas pauvres pourraient être
solidaires, même si cela va contre leurs intérêts.
L’exemple du Pérou est de nouveau intéressant, on attend en ce
moment de voir si les militaires et les élites d’origine étrangère
vont permettre au président élu de gauche de prendre office, contre
sa rivale, d’extrême droite, la fille du Président Fujimori (je
viens de rajouter ce nom propre au dictionnaire, on m’a proposé
« fumoir »). Ce Fujimori, d’origine japonaise, est
connu pour son extrême corruption et violation des droits humains.
Ceux qui suivent un peu l’histoire moderne du Pérou sauront qu’on
vote, si on a le choix, plutôt centre-gauche au Pérou et que même
le dernier régime militaire des années 1970 était de gauche. On ne
savait même pas que Fujimori était de droite quand il était élu
pour la première fois au début des années 1990, contre Vargas
Llosa, le romancier qui a gagné le prix Nobel de littérature, qui
lui s’était déclaré de droite … maladroitement, mais
honnêtement. L’astuce de Fujimori a été de se faire
photographier sur un tracteur. Avant, il avait été président
d’université. On ne peut pas en vouloir aux gens qui avaient voté
pour lui d’être des « moutons », ils n’étaient tout
simplement pas informés.
Par contre, en France, … il faut vraiment qu’on arrive à
faire autre chose que se fondre dans un tissu de mensonges et
d’anomalies. La première chose à faire est d’« autoriser »
qu’on dise, haut et clair, les vérités désagréables sur ce qui
se passe, là où c’est devenu totalement incohérent. Je dis
« autoriser » dans le sens de lancer des projets et
donner beaucoup de publicité à ces projets via leurs porte-paroles,
par exemple. Chercher plutôt que chercher à supprimer les voix
non-consensuels là-dessus. C’est justement à gauche hors-parti
qu’on va les trouver, donc on peut arrêter de stigmatiser toute
vraie opposition politique comme étant d’extrême droite. Au lieu
de critiquer les gens « hors-système » pour leur supposé
incompétence ou marginalisation sociale, on devrait plutôt demander
de les servir, dans les tâches administratives. Il est un peu
évident que ceux qui ont des valeurs humanistes ne sont pas contre
la société, mais pour. Par contre, ceux qui se fient surtout à
l’argent et à l’usage des machines, ils sont quoi ?
Je ne suis pas sur réseaux sociaux. Je n’ai pas ou peu suivi le débat. Je vais reprendre cette expression et tenter d’y rajouter mon grain de sel, sachant que des milliers et des milliards de personnes l’ont regorgé, remâché, extrudé et ré-ingurgité avant moi, et que c’est du passé pour eux. A quoi ça peut-il beau servir ?
Si le Covid a accentué le trait, c’est du trait du repli social que ça traite. Des centaines et des centaines de milliers de personnes, plus au fait que moi, n’auront même pas pris la peine d’en savoir plus, le débat les aura plus ou moins échappé, ponctué par des expirations d’ennui, puisque dans leur bulle
sociale on n’en parle pas, et comme moi, ils seraient partis du noir absolu.
Mais je suis universaliste, ma bulle est là. Je n’ai pas d’échelle, cela va d’un à 1 plus 9 zéros. Ma
condition est le tu ou le presque rien, sans transition, sans granularité, insignifiante dans le temps et l’espace de notre monde fini.
J’ai l’orgueil d’être fier de ma fidélité à mon état individuel. Je ne puis que lorgner l’infini. Je vais parler de ce que je ne connais pas, comme un cambrioleur en pleine infraction. Mais je serai en bonne
compagnie. Salut à tous !
Suis-je boomer ? Emphatiquement que non ! Et évidemment, je le suis. C’est ma classe d’âge qui m’ennuie, profondément, je ne peux pas parler pour les autres. Mais bien sûr que si ! Nous sommes tous ensemble des sosies, avec un traitement pareil.
Les idées sont des parasites. Elles s’accrochent à nous, on ne peut que tenter le coup du tri. L’économie de l’attention est une guerre de memes, et c’est nous le champs de bataille. Je me souviens qu’à l’époque
de la pub dans la boîte aux lettres, je n’en avais jamais. Cool ! Ce que je ne savais pas, c’est
que même si j’eus affiché sur la boîte « De la Pub ? Oui, merci », je n’en aurais pas reçu, pour
autant. J’étais de ceux qui ne répondaient jamais, qui n’avaient aucun intérêt socio-économique, qui ne laissaient qu’un empreinte négatif dans les sphères de la manipulation de l’attention. Ce n’était déjà aucunement moi qui allais faire le tri. Ma volonté était lettre morte devant la cacophonie.
Il y avait d’ores et déjà des banques de données, vendues et achetés comme des valeurs – cela je le sais aussi, puisqu’on m’a employé, temporairement, pour les taper à la machine – des milliers de noms, un annuaire
d’adresses. Chaque flèche de Cupide visait déjà son destinataire, faisait déjà valeur marchande. L’écran pulsait déjà ses messages subliminaux dans nos cerveaux, nous infligeait
déjà ses coups de cliffhanger et d’attention saccadée, nous qui disions encore que personne ne peut savoir parce que personne ne peut déchiffrer ce qui s’y passe.
Moi, je propose que baby boomer et burnout vont
ensemble comme Paul McCartney et Michelle. On ne les blaire plus. Et voilà, on est tombé dans le burnout, plus d’empathie. Pas de pub. Et on continue d’en recevoir. Le stress de faire partie d’un ensemble qui nous est éternellement hors de portée, qui ne s’intéresse qu’à notre potentielle consommation, nous pousse automatiquement au repli, au burnout masqué par la bonhomie, à la société du magret derrière les volets.
C’est la démocratie ! La règne du chiffre. De la vote blanche. Vous n’en faîtes pas partie ! Et vlam, je t’aime, moi non plus. Cela nous est tombé dessus. De toute façon, toutes ces expressions
sont brevetées, faut pas trop citer. Même la langue que j’écris est la propriété d’autrui, de la France il me semble. Pas besoin de brevet, juste de milliers et de millions de cheese-eating surrender monkeys qui
s’acharneraient sur moi à la moindre évidence de déviance de la doxa. Faut pas être lu. Je m’en auto-exclus. Je n’ai aucun droit d’auteur, et mes mots ne sont pas les miens. En cela, au moins, on peut s’accorder entre contemporains. Une fois j’ai tenté un néologisme, ça va pas la tête ?
Comme un long fleuve tranquille, cela me dépasse, cette langue qui n’est
aucunement mienne. C’est du patois, du créole, ce que vous lisez là. Il n’y a que moi qui le comprends – à grande peine.
Et c’est de ma faute, de notre faute, même si je ne peux en aucune circonstance parler pour les autres. Imaginez que je l’ai non-dit. Mais bien sûr que non ! Je l’ai simplement subi. Personne n’est coupable, cela va de soi – et comme je l’ai déjà dit, jusqu’à l’infini. Si je radote, c’est qu’on ne m’a pas
encore compris. Je ne suis plus que muet, censuré par l’ignorance, noyé dans l’indifférence peu profonde du monde. Y suis-j’associé ? Je ne parle que pour moi.
Par rapport à ceux qui me cernent pour la moindre nuance d’anomalie, je suis porteur de la maladie du fautif, ou la faute du maladif, l’insolence d’avoir agi en conséquence, en solidarité avec mes pairs insolidaires. J’ai tenté la cohérence, je renonce à
tout. Dans un pays de laïcs, j’accepte mes péchés passés, je me réformes et je les abandonne comme des
pelures de melon. Ma tête de choux devient nu. Je rase les murs devant vous. Je ne suis coupable de rien – et en plus c’est vrai ! J’avoue.
Note de disculpation de bas de page : cet essai n’est que
stylistique, sans fondement, très très flou.
L’enjeu de ces réunions est surtout l’impression qu’elles donnent. Si le message est que cela avance, mais pas assez, mais plus que ce qu’on aurait pu craindre, cela sert à quoi ?
Peut-être à neutraliser les peurs, ce qui serait dommage.
thérapie de dissonance cognitive
Cela n’avance pas assez – c’est comme dire qu’on a été à deux buts de la victoire. Je traduis. On a perdu.
Si l’on a envie de présenter un échec comme une lueur d’espoir ou une demi-victoire, c’est sans doute pour des raisons politiques bien pesées.
Un manque de sérieux outrageux, cela pourrait donner lieu à des revendications qui sont populaires, difficiles à réfuter. Mieux vaut l’éviter – de là le besoin d’un peu de sérieux, mais pas trop.
Take Two
Et si l’enjeu de ces conférences était surtout dans le détail,
les propositions solides qu’elles faisaient avancer – ou pas ?
Je pense à l’allusion au 30 % de terres ou mers mis en
protection. Y inclus les parcs régionaux français. Cela me pose
problème – les parcs naturels français, c’est une foutaise de
gueule, au niveau de la biodiversité, il y a diversité de subventions et de sanctions, c'est sûr, mais c'est le labrinth du minotaur administratif, le soustrat de cette biodiversité. Il y a surtout une homogénéité d’intérêts politiques et économiques, et des hectares et des hectares de "prairies fleuries" (euphémisme de chez euphémisme).
Ce n’est pas gagné d’avance !
A+
mercredi 21 décembre 2022
Là, j’ai fait amalgame, par analogie. Ce n’est pas parce que le système de parcs naturels en France est moitié pourri que les réserves naturels partout, ou dans les océans, ce sera pourri pareil. Contre l’historique du détournement des images – parc naturel, cela invoque quand même quelque chose de plutôt positif à l’égard de la nature, même si, dans les faits ce n’est pas ça – on a le progrès des savoirs – ce qu’on pouvait prétendre, en termes de mensonges grossières hier, on ne peut plus aujourd’hui.
Par exemple, racler le fond de l’océan, tout comme y aller à fond avec des machines lourdes sur terre, on a identifié ce genre de comportement comme aberrant aujourd’hui. C’est-à-dire, rouler dessus et racler, avec des machines trop lourdes, ce n’est pas écologique – que c’est même pas bien du tout. Avant, on n’en parlait tout simplement pas, c’était des surfaces, le poids des machines n’y était pour rien. Maintenant on constate que ce qu’on a fait avec les champs, on est en train de faire avec l’extraction du bois – des machines trop lourdes tuent le sous-sol. Plus de champignons, plus que de la poussière.
C’est la science et la technologie qui nous informent maintenant de nos conneries scientifiques et technologiques. C’est ennuyeux pour la société industrielle – il y a trop d’information qui leur est défavorable.
comment noyer le poisson
Attention, une métaphore peut en cacher une autre. Parfois la technoscience tranche de manière surprenante. Les radicaux libres sont détruits, pas mal, par la pollution, et quand il y en a moins, le taux de méthane dans l’atmosphère est supérieur. Le méthane est un gaz plusieurs fois plus grave, pour ses effets de serre, que
le dioxyde de carbone. On n'a qu'à cracher des particules fines, pour préserver le centre-ville, que les campagnes respirent le méthane ! (a dit Marie-Antoinette)
Intéressant. Quelle est notre solution ? Hypothèse – plus les terres sont chamboulées, plus elles dégagent du méthane. Faut les laisser tranquilles un peu. Plus les terres s’assèchent pour ensuite se mouiller, avec des températures plus élevées, plus elles dégagent du méthane.
Problème émergeant. Il y a des questions qui tournent en rond, un peu comme la question de qui vient en premier, la poule ou l’œuf, mais avec la question du cadre logique dans lequel l’analyse est fait, en plus. Bien sûr que dans le monde réel, chacun de ces éléments peut être pluriel.
J’ai pu noter que lors des attaques contre la technologisation du secteur médical, on a soutenu l’humain, bien sûr, y inclus les médecins généralistes. On a utilisé l’exemple des soins apportés par des paramédicaux ou des simples aides-soignants pour appuyer la thèse. Mais je pense que beaucoup d’entre nous, ayant été exposés à l’arbitrarité tyrannique des soins apportés par des humains, dans des positions de pouvoir relativement absolu, préféreraient d’être soignés par des machines et des algorithmes, tout comme ils préfèrent l’anonymat de l’argent et des aides d’état.
Comme il se passe fréquemment dans ce genre d'affaire, les gens aspirent et ils lorgnent, mais c'est pour les bons vieux temps qui ne reviendront jamais. Dans les faits, ce n'est pas comme ça qu'ils feront. S'il y a une crise d'autorité, de telle manière que dès que l'on se trouve tout seul dans une chambre avec un professionnel, on se sent comme une proie à l'abus, on a envie de caméras cachés, chacun enregistre, son téléphone devient un genre de Big Brother.
Le grand remplacement de l'être humain, c'est les machines. Soigner les machines, cela devient un travail d'Hercules - plus du tout du temps pour les êtres humains, qui se représentent entre eux de plus en plus comme des boulets, des cas socs, les termes sont multiples et variés.
Je pense même que ce n’est que lorsqu’ils pensent à l’intérêt qui les dépasse individuellement, tout en les incluant comme membres de l’humanité, qu’ils seraient prêts à recréer des réseaux vraiment humains.
Transport
C’est le nerf de la guerre. Je lis les propositions de réseau action climat, allez hop, je vous donne l’url.
J’y vais au cœur du vrai débat, pas au sein du gouvernement, mais aux tréfonds de la supposée opposition.
Ils ont l’audace de proposer un VRAI programme d’investissement pour le transport.
J’y vois un GROS problème. Ils n’y connaissent rien à leur sujet, ils n’y sont pas allés. Comment je le sais ? Parce que si je vais à Rodez de Millau à vélo, ce qui est tout-à-fait faisable, en une journée, j’aurai besoin de dormir et de manger à Rodez. Et cela coûte un bras. Et dans leurs propositions, ils ne mentionnent même pas comment je vais faire. Toujours le même refrain – lieux de stockage, lieux d’hébergement, emploi utile, … on ne voyage pas pour aller nulle part.
L’implication d’un transport à vélo qui vaille le nom, c’est de mettre en place tout un réseau. Même de remplacer les voitures par des vélos – c’est quand même logique, tu ne peux pas être en voiture et à vélo simultanément, si tu utilises plus le vélo, tu utilises moins la voiture, … D’où vient cette idée folle de pistes cyclables – on pourrait utiliser les routes s'il n'y avait plus tellement de voitures ?
Le viol est un acte non-consensuel. Dès qu’il devient consensuel, il n’est plus un viol …
Les gens pensent par association. Ils sont « contre »
- ils feront tout pour que cela n’ait pas lieu. Ils sont pour, ils
feront tout le contraire.
L’écologie, tant qu’elle reste dans son sujet de la belle
nature, dans son rang, est bien vue. Lorsqu’elle menace le confort
et la facilité de nos vies, elle devient tout autre chose.
Jusqu’au point où « tu ne peux pas forcer / obliger
les gens à vivre comme ça » (sobrement) et « c’est
ton choix » deviennent les phrases les plus fréquentes qu’on
risque d’entendre si l’on propose des solutions écologiques
frugales.
Qui force qui ? Le dit « seuil de pauvreté »
dans un pays riche comme la France équivaut au salaire de vie d’un
membre de la classe moyenne ailleurs dans le monde. Si l’on se sent pauvre,
c’est bien parce que la vie de hyper-consommateur coûte cher,
n’accommode pas et n’est pas proportionnée aux besoins de la
terre nourricière.
Qui oblige qui ?
Il paraît que je brise le consensus social, pour ne pas dire l'omerta, en demandant cette question.
J’ai été assis sur le quai, momentanément, à regarder les
files de trafic qui descendaient et qui montaient du Causse de
Larzac. Des véhicules en continu, phares contre pare-choc. A cette
heure-là, beaucoup plus de descentes que de montées. Un vendredi
soir près de Noël. Les riches des Causses descendaient à Millau
pour la soirée de la parade de Noël. Je lance l’hypothèse qu’au
moins la moitié des gens qui vivent maintenant sur le Causse, à 300
ou 400 mètres de dénivelé, font la navette, chaque jour, dans
leurs voitures particulières, en ville. La ruralité la plus
désertique s’est assimilée au péri-urbain.
Et oui, il faut être riche pour vivre là-haut ! Et ce n’est
pas dans la beauté de la nature que l’on va trouver des
écologistes acquis à la cause de la sobriété énergétique –
ils risquent de perdre leurs boulots s’ils se mettent à
l’écologie, et sans boulot, pas de gazole pour aller faire ses
achats de base au bio-coop !
Ce qui peut paraître étonnant, c'est que chacun trouvera la raison pour laquelle dans son cas particulier, ce n'est pas le cas, ou que si c'est le cas, ce n'est pas par choix, etc. ... Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'ils ont fait pour rendre plus défendable la vie vraiment écologique, là-haut ? Des chiffres, SVP ?
Les débats que j’ai l’habitude d’engendrer fatiguent les
gens, parce qu’ils sont ennuyeux, parce que l’« on sait
déjà » de quoi ça traite. Les gens pensent par association,
plus que par la logique directe de cause à effet. Ils apprécient
surtout que si l’écologie s’installe sérieusement, leur train
de vie luxueux risque de disparaître. Tandis que tant que cela reste un choix
individuel, cela ne menace personne. Des propositions structurelles,
par contre, menacent beaucoup de monde, sélectivement … les plus
nantis en premier. Sur les Causses, on s’y prépare aussi, en mode
« Survivaliste ».
Mes sujets de débat sélectionnent comme cible surtout ceux qui ont
un train de vie qui fait consommer beaucoup de combustible. C’est
le cas à la campagne, en dehors des villes de taille moyenne. C’est
le plus inconfortable des sujets. J’ai noté que ceux qui déploient
le plus leurs voitures sont ceux qui insistent le plus qu’on
éteigne les lumières – comme si l’un masquait l’autre !
Peut-être c’est une signe d’affinité tribale – la tribu de
propriétaires d’utilitaires surdimensionnés se reconnaît parce
qu’ils éteignent toujours les lumières dès qu'ils quittent la salle ?
cumulus
Il y a un effet multiplicateur, cumulatif, un peu comme le cumul des mandats pour les élus. Quand on dit que quelqu’un est riche, on ne dit pas qu’il vit à la campagne. Cependant, plus il est riche, plus il risque d’avoir un pied-à-terre en ville et une maison confortable avec jardin (ou même quelques hectares) à la campagne. Sans parler des vacances ailleurs, toutes, bien sûr, grâce aux véhicules privés. Ce sont ces gens, surtout, qui parlent de leur amour pour la nature. Des gens "hors sol".
Ceux qui vivent dans les villages autour de Millau sont, en
moyenne, plus riches que ceux qui vivent à Millau. Tout cela grâce
à la voiture – et à l’autoroute ! De telle manière que
cette campagne française est faite pour les riches, gouvernée et
dominée par et pour les riches.
Quand j’ai dit à quelqu’un qu’on est plus écolo en ville
qu’à la campagne, il m’a rit au nez. Pourtant, les chiffres
électoraux le disent, très clairement. Il m’a dit qu’il avait
en tête que bien sûr, les distances étant inférieures, qu’on
peut utiliser un vélo, en ville, que les villes, ce sont des
endroits pollués, industrialisés et improductifs en fruits et
légumes.
Précisément. En ville, il y a plein d’aménagements à faire,
des populations variées, avec beaucoup plus de pauvres travailleurs
et de jeunes, qui sont bien plus motivés à améliorer leur
environnement pourri qu’à la campagne. Il y a beaucoup plus à
gagner et moins à perdre en termes de confort et de facilité qu’à
la campagne. Le transport collectif contre les embouteillages. Le
potager ouvrier contre la zone industrielle et la friche, et ainsi de
suite.
À la campagne, par
contre … ça se voit que, avec le mixte de populations actuel et
les infrastructures routières des trente glorieuses, il n’y a
aucun ressenti, aucun intérêt, aucune motivation à changer le
modèle industriel existant. Les plus beaux villages de France
s’enchaînent, reliés par du goudron, du ciment et des métaux
rares.
Les changements que l’on cherche, donc, sont purement
cosmétiques, ils ne changent rien dans le fond. C’est pour cela
qu’on peut dire que la politique, à la campagne, est devenue une
affaire de droite, voir d’extrême-droite.
Ce sont, tout simplement, les populations qui ont le plus à
perdre dans cette affaire – les riches à la campagne. Ils sont
majoritaires, mais souvent par mille petites touches. Par exemple, la
Mairie de Toulouse, pendant le Covid, prenait l’habitude d’envoyer
des milliers d’enfants "défavorisés" à des colonies de vacances (entreprises "zombies"), dans divers
départements autour de cette grande ville, comme l’Ariège.
Ce n’étaient pas des résidents, mais des vacanciers.
Cependant, cela influe, et très largement, sur l’économie locale,
et on ne peut pas nier leur présence. Le concept administratif de
« résidence » est très pratique lorsqu’on veut flouer
les perceptions de qui est le vrai influenceur, lobbyiste ou
décisionnaire. Le Maire de Toulouse a été, dans la même période,
sollicité, à titre personnel, pour conduire une enquête, plutôt positive, sur l’urbanisation radicale
d’une commune rurale voisine.
Ce genre
d’exemple vaut pour le gros des gîtes ruraux, campings, hôtels,
restaurants, stages, sports d’hiver et d’été qui font partie de
l’économie locale. Cela se passe beaucoup dans le sud de la
France. L’élite urbaine prend bien des décisions qui impactent la
campagne autour, a bien des liens étendus avec l’élite rurale,
jusqu’à en être inséparable.
Jusqu’au point où la ruralité devient un vaste terrain de jeu
pour les populations urbaines, et dans le cas français, pour les
touristes qui viennent des autres régions, pays et hémisphères de
la terre. C'est tout un modèle économique et social qui est menacé par l'écologie, la vraie.
Bien sûr que c’est le transport qui prend tout ce qui est
écologique à la campagne en otage, dans ce cas. Les conditions
d’accessibilité sont déterminantes. Et voilà que l'exploitation forestière avec des machines lourdes va bientôt réduire, par son poids, la biodiversité, jusqu'aux sommets, comme elle l'a déjà fait avec les champs.
Ce « cumul de mandats » n’existe que grâce à nos
moyens de transport et de communication, à vrai dire. Sans voitures et mobilhomes,
sans machines agricoles, sans camions-citernes, sans routes calibrées
pour ces grosses véhicules, il y aurait beaucoup plus de pauvres et
beaucoup plus de potagers. L’économie locale redeviendrait locale.
Et l’argent-essence serait menacé dans son pouvoir réel.
C’est un autre point de désaccord profond entre moi et tous les
gens que je rencontre à la campagne, presque sans exception. Ils
essayent de mettre le doigt sur les super-riches et les
gouvernements. Moi, je mets le doigt sur eux – ils me paraissent
déjà super-riches lorsqu’ils ont un salaire moyen.
S’ils choisissent de tout cramer en frais de voiture, ou à passer des années à « retaper la vieille grange » avec des outils de 21iême siècle, c’est leur décision, au singulier et au collectif. D’ailleurs, le choix qui a été fait d’investir dans toutes ces machines et ces industries, c’est devenue une contrainte évidente sur les pauvres de ce monde, qui sont obligés de payer les frais d’accès à des systèmes et des infrastructures qui donnent préférence aux riches.
Sinon, ils sont géographiquement exclus. Interdits de voyager, par pays entier.
Et on le sait, tout le monde ne peut pas être riche comme ça. Même personne. Des micro-états richissimes, entourés de déserts absolus, producteurs de désertification par le gaz, cela va bien plus loin que le symbolique, c'est du réel.
Je me trouve du mauvais côté de la barrière, de la frontière de nouveau – je reviens aux paroles curieuses que j’entends tout le temps lorsque je propose des mesures raisonnées de réduction de nos dépens énergétiques dans le transport rural. « Tu peux pas forcer les gens », « tu ne peux pas les obliger ».
Je propose quelque chose, et on interprète que je l’impose, mais qu’est-ce qui se passe ?!
On aura interpreté une injonction morale comme si c'était une contrainte ?!
Pourquoi est-ce qu’ils ne le choisissent pas, eux, en toute bonne conscience ? Est-ce qu’il y a tabou ? Je suis d’accord que cela va forcément bousculer la hiérarchie existante, mais la survie collective, y inclus celle des riches à la campagne, est en jeu. Pourquoi est-ce que les groupes les plus solidaires, ce sont les coalitions d’intérêt à être laissé tranquille chez soi ?
L’écart entre réalité et raisons déployées est à vrai dire assez complexe. Prenons les retraités – ils connaissent assez bien, de leur enfance, des mondes moins riches et moins développés, au niveau de la consommation des produits industriels – mais l’axe de mouvement qu’on leur a inculqué, depuis ce plus jeune âge, est la fuite en avant vers le modernisme, d’où la plainte souvent réitérée : « on ne peut pas revenir en arrière » - qui est un amalgame d'entre les plus cons, si l’on réfléchit un seul moment.
Ils ont, en réalité, la plus forte motivation, tant idéologique qu’égoïste, de défendre leurs acquis et de profiter pleinement des valeurs « industrie » et « productivisme ». D’autant plus que le confort et la facilité peuvent leur être précieux en termes de simple survie.
Les jeunes générations, qui sont, à l’égard du numérique, des « nées dedans », se dotent de plus en plus d’aspirations envers une nature imaginaire, réifiée. Comme dans leurs vies quotidiennes, leurs « road-trips » à la campagne sont bien dessinés en avant au GPS, ou retissés sur des réseaux sociaux numériques. C’est d’ailleurs pour cela que le plafond de verre écologique est le plus difficile à briser, à la campagne. On glisse sur l’entre-soi performatif des beaux bourgeois. Un jeune de banlieue a entièrement raison de se sentir totalement paumé dans cette société de signes indécodables.
Il y a cet énorme gouffre qui s’ouvre entre le savoir imaginaire et le savoir expérimental. On y va avec des kits de survie personnels, maintenant. Tandis que le meilleur kit de survie a toujours été le rapport avec la population locale et la possibilité de participer utilement à la vie d’un lieu. Cet aspect survivaliste et intégriste trahit notre distanciation avec l’objet de nos désirs. Une population rurale normale ne vit pas dans des bunkers en se déplaçant dans des blindés.
Quête de sens
Encore faut-il qu’il ait lieu – la quête de non-sens a bonne allure dans le sens inverse. Le lieu est en tous cas un colin, ce qui relève de la tromperie en bande organisée, que les restaus du coeur soient prevenus.
Est-ce que l’on pourrait faire une corrélation entre le
pessimisme écologique – souvent étiqueté l’effondrisme – et
le désir de défendre les choix individuels, narcissiques et
égoïstes, contre tout venant. Ce sont, après tout, des boucles
fermées.
On remarque aussi l’abandon de la raison, la flemme de réfléchir – également liée au non-sens – au manque d’investissement dans l’avenir. Prenons la décision d’avoir, ou non, des enfants. La raison qui est souvent avancée, c’est de ne pas vouloir faire venir des enfants dans ce monde sans avenir heureux. Cela a l’air « responsable », quand on le formule comme cela. Mais avoir des enfants, c’est s’investir dans le prospectus, dans l’à venir. Ne pas en vouloir, c’est l’abandon de l’avenir à son sort, une certaine renonciation à s’en préoccuper, souvent lié à une idéologie excessivement individualiste. J’ai hâte de m’expliquer, si je dis « excessivement », c’est que ces mêmes gens dépendent de la bonne tenue de la société autour d’eux pour vivre leurs rêves individuels.
Les parents ne peuvent pas nier l’importance des autres, leurs enfants d’abord, mais tous ceux qui les entourent. Il y a des changements hormonaux et cognitifs liés à la parentalité, pour les deux sexes, qui donnent l’évidence de cette réalité perceptive altérée. Alors que tout seul, le comble du désir serait de « se faire plaisir », par des achats de sur-consommateur ?
Le mou se connecte au flou, au doux, à tous ces mots en « ou », à tout ce qui s’oppose au « compliqué » et au « difficile ». L’engagement écologique, l’engagement tout court, est un acte de volonté, une prise de position, un effort, une ouverture envers l’avenir de trop, selon ce point de vue.
Des concepts « pas simples, pas clairs », ou simplement « inconfortables » ? L’écologie est un sujet de brûlante actualité, foisonnant de créativité et de nouvelles idées, est-ce cela qu’on lui réproche ?
Je pense qu’il y a des liens avec notre nouveau monde social
technologique, qui encourage le co-con-isme – le fait de se mettre
entre cons, dans son cocon.
Je recommande d’étudier les choix fournis par des engins de
recherche comme YouTube. J’ai été surpris récemment, en faisant
une recherche que j’espérais restrictif et déterminant « films
d’auteur français », de voir émerger une série de
morceaux, surtout américains, traitant de conspirations mondiales,
de gurus indiens et de batailles cybernétiques. L’ordinateur était
en train de me montrer les habitudes renforcées de son utilisateur
premier. Je me demandais ce qui se passerait si moi, j’y passais un
certain temps dessus ? Est-ce que j’aurais finalement ce que
cherchais – de la nouveauté non-genrée ? Ou est-ce que je
terminerais par devenir hébété et me soumettre aux théories de la
conspiration ?
Le conspirationnisme … est finalement l’ultime des
détournements de la responsabilité personnelle, il apprend à ne
parler que de nébuleux lointains, toujours de mauvaise foi. Si l’on
y croit, on croit à sa propre impuissance individuelle, à son
échelle, et à douter de tout, surtout de l’utilité positive des
groupements politiques.
Il est difficile de mobiliser sur des enjeux écologiques, parce
qu’il y a consensus fort à ne pas se mobiliser. Les cerveaux peu
disposés à sortir de leurs bulles, de leurs logiques de cercles
vicieux bloquants, ne sont tout simplement pas disponibles –
devenus intolérants à toute proposition constructive – qui
induirait un genre d’angoisse, qui s’appellerait « l’espoir ».
Un cerveau borné, fermé, pas ouvert – est-ce un cerveau malade –
est-ce qu’il y a des liens entre maladie mentale et appauvrissement
social ?
On peut, ici, voir que la conspiration peut exister – pour
influer sur, par exemple, les choix présentés sur les réseaux
sociaux et les engins de recherche. Il suffit de sauter sur l’espoir
chaque fois qu’il naît, de le tuer dans l’œuf, de le faucher à
répétition comme une mauvaise herbe qui s’y adaptera à « penser
petit ».
La frustration engendrée par ces moyens techniques est connue,
manipulée. S’il faut trop de clics, on abandonne. Si l’option
« refuser les cookies » est tout petit, ailleurs sur
l’écran, on n’y clic pas. C’est une technique également
utilisée par l’administration, qui invente des parcours de
combattant pour l’accès aux aides de l’état auxquels on a
droit.
Cette conspiration dépasse la corruption, bien qu’elle soit
d’une mauvaise foi totale. Elle induit la lassitude, elle sape le
moral. Nommé « sabotage », mais qui peut également
s’appeler « désuétude programmée » ou
« conditionnement par la guerre et le conflit aux canaux de
moindre résistance ».
Pour moi, la critique, parfois juste sans doute, n’étant pas
surhumain, est que je perds souvent le fil.
Bon. Ci-dessus je m’éloigne pas mal du cœur du sujet, qui est
l’écologie et la motive. Sauf que je pense que tous ces mécanismes
que je décris, qui ne paraissent pas spécifiques à l’écologie,
le sont, malgré les apparences …
Ou plutôt qu’elles convergent sur la nécessité d’agir,
écologique, comme des traceurs de ligne de feu, pour la neutraliser.
Il me faut bien analyser pourquoi les gens n’agissent pas au
niveau des défis écologiques. Je me munis des faits connus. En
quelque sorte je suis en position plutôt décontractée. Si moi, je
ne réussis pas, personnellement, à avancer, je ne suis pas seul –
personne ne réussit, en termes d’infrastructure. Et j’y mets
tout, j’essaie tous les combinaisons. Décontracté parce
qu’acharné. Le problème – et la solution, se trouvent dans les
faits de société qui nous neutralisent, qui éliminent le savoir
faire collectif et la confiance.
C’est un phénomène bizarrement universel. Les savoirs faire,
les compétences existent, pour la plupart, mais sont dépréciés.
Ce serait mieux de les cultiver et de les faire prospérer, mais
objectivement, ils sont minés, minorés, ignorés. On me dira que
non, en citant des exemples contraires, je répondrai que je les ai
tenus en compte, en disant ce que je dis. Petit colibris, grosse
connerie.
L’axe de mouvement, au fil des dernières décennies, est
résolument vers le bas, plutôt en accélération, toujours vers le
bas en moyenne, avec des hauts-le-cœur. Il faut des coups décisives
vers le haut pour redonner foi dans l’art du possible aux gens. A
la rigueur, ces exemples et cet espoir, il suffit que ce soit une foi
froide, objective. Jouer sur les sentiments, on en a eu un peu trop,
avec l’écologie.
Pour prendre une annonce ce matin, dans la déclaration de la
biodiversité de la COP15 à Montréal, on ne va pas interdire les
insecticides, à cause de l’Argentine et du Brésil, il paraît.
L’Europe se fait passer pour bon élève, parce qu’elle promet de
réduire par moitié son usage d’insecticides, dans une période
d’années …
Cela fatigue. Le consensus scientifique depuis longtemps est
d’arrêter leur utilisation, toutes, et de dépolluer les sols où
on les a utilisées, si possible. On parle de l’influence des
lobbies. Ou de l’impact sur le PIB. Ne nous oublions pas, dans
cette affaire ! Où est le lobby de « nous, le peuple » ?
Pour le moment, il est surtout du côté des pesticides.
Je vais dire des généralités, préparez-vous. Les gens ne
votent pas écolo. Ils n’achètent pas bio. Si les politiciens ne
prennent pas encore des pas décisifs, c’est qu’ils veulent
gagner les prochaines élections – c’est nous le peuple qui
dictons la vote politique. Mais tout le monde, ou presque, à
l’impression que l’écologie coûte plus cher et se fait à perte
– ne serait-il pas le moment de présenter des modèles
d’infrastructure écologique gagnants, sur le plan économique ?
Le mode écologique est déjà plus rentable, dans plusieurs cas
particuliers, ou il le serait, sans empêchement – mais pour qui –
pour les riches, ou pour les pauvres ? Pour le fisc ou pour le
humble paysan ? Pour ceux qui ont des voitures, ou ceux qui n’en
ont pas ?
De manière plus insidieuse, pour ceux qui dépendent de quelqu’un
avec voiture, ou ceux qui n’en dépendent pas ? L’argument
est de nouveau plus complexe que la fausse naïveté que nous
cultivons le voudrait. Beaucoup de secteurs dépendent du bien-être
de l’économie nationale, même européenne, bien plus que
de ce qui se passe dans le coin.
On peut l’observer dans le désir de plus en plus prononcé de
remplacer le PIB avec d’autres mesures de performance plus adaptées
à la réalité écologique. La croissance comme objective, qui
mesure le niveau de « l’activité économique », qui
augmente avec le dépens et le brassage énergétiques, est une
manière de marcher sur la tête, au niveau écologique. Pour une
entreprise, ce n’est pas son chiffre d’affaires qui est le plus
important, mais son marge et ses profits, au cours du temps. C’est
notre cas, sur terre, c’est juste une entreprise comme une autre,
avec ses limites et son bilan.
Il suffit, en principe, d’incorporer des mesures fiables de
productivité écologique dans le PIB pour arriver à ce bilan. Mais
pour cela, il faut aussi apprécier que du côté « frais
d’entreprise », cela peut coûter plus cher de produire en
France, ou localement, que d’importer de loin. Jusqu’à là, on a
tout simplement triché – aujourd’hui, on va, finalement, imposer
des coûts liés aux normes environnementaux aux frontières comme on
le fait déjà chez nous.
À la base, le train de vie d’un français et donc son salaire est plus coûteux que
celui d’un africain. Ne cherchons pas la justification, il n’y en
a pas, toutes les théories du ruissellement se fracassent contre le
mur de la crise mondiale écologique. Ici on peut noter l’absurdité
de certaines opérations d’ONG qui font venir des tracteurs et des
experts dans des endroits perdus en Afrique. Ils sont souvent en
train d’introduire des coûts fixes qui seront très difficile à
assumer pour la population locale.
Quand on le voit de plus près, on voit toutes les opinions reçues
qui vont avec. L’idée, à la base, est d’introduire une
« qualité de vie », pour ne pas dire une infrastructure,
à la européenne. Cela suppose que les africains sont cons comme nos
grand-parents, face au modernisme, ce qui est loin d’être sûr,
mais facile à entretenir comme mythe, médiatiquement.
Selon cette fausse logique, le tracteur, par exemple, épargne la
pénibilité du travail physique. Peu importe que, du travail
physique, on est riche en ressources, si on est pauvre. Qui dirait
non, à ce moment-là ? Un africain n’est pas différent des
autres humains sur la planète, il aspire au confort de vie comme
tout le monde, et les exemples de consommation à la européenne, ou
à l’américaine, sont mirobolantes (?!). D’accord, il ne ferait
pas comme ça si on lui laissait le libre arbitre – il y a mieux à
faire avec son argent si on a peu, mais il ne dira pas non et il
s’adapte aux vœux de ceux qui détiennent les reines du pouvoir.
Le pouvoir est parlant, on fait avec, pas contre.
Au final, c’est les tâches à accomplir qui comptent, pour les
gens, peu importe l’idéologie derrière. Ou plutôt, la croyance
dans le bon fondement des idéologies derrière augmente, dans la
mesure que les tâches utiles pour les matérialiser existent et sont
faciles d’accès. Selon ces narratives, les chinois et les russes
établissent des têtes de pont en Afrique à cause de leur
pragmatisme, leurs théories de pouvoir ne peuvent que se renforcer
de ce fait.
Il est utile de décortiquer les motivations et les justifications
des gens, de manière plus générale, mais si on ne fait que ça,
avec peu de progrès dans le concret, cela donne une charge mentale
qui devient pénible.
Si l’on réunit tous ces trains de pensée, on voit qu’au
niveau du PIB, tout comme au niveau de l’individu, et d’autant
plus qu’il est pauvre ou qu’il exerce une profession manuelle ou
pénible, la vie d’hyper-consommation paraît attractive. La
productivité par hectare peut même être inférieure à une
production manuelle, ce n’est pas cela qui compte, c’est la
production personnelle. Les hectares, on les irrigue. S‘il a accès
à un outil à main qui démultiplie sa force de travail personnel,
il est normalement partie prenante, même si ces instruments, ces
machines, sont vastement inefficaces, énergétiquement, par rapport
aux efforts humains. Sa « productivité » l’enrichit,
jusqu’au point que lui – sa surconsommation personnelle –
coûtent plus chers à l’environnement que même les machines
employées.
Les ONGs qui introduisent ces paradigmes dans des sociétés
pauvres sont pour le moins anti-écologiques.
Quels seraient les biens compensatoires écologiques qui
pourraient remplacer la sur-consommation, comme appât ? J’opine
qu’en toute probabilité, ils n’existent pas, jusqu’à là au
moins. La crise déferlante de l’écologie, par contre, elle
existe, et elle épuise très rapidement les ressources que nous
surconsommons. Ou par la hausse des prix, ou par la rareté de
ressources, nous nous verrons, nous nous ne voyons déjà contraints
à moins consommer. C’est plutôt de ce côté-là, ce côté
contraignant et négatif, mais impossible à nier, que les gens
seront motivés à réduire leur consommation.
Et c’est à partir de là qu’on peut reprendre les idées du
début de cet écrit. Les gens détectent, dans l’écologie pure et
dure, des éléments de contrainte et d’obligation. Là où ils
font l’erreur classique humaine, c’est en essayant de
personnaliser leur désapprobation - « tu ne peux pas obliger
les gens à … », « c’est ton choix » (et moi
le mien, sous-entendu). « Par quel droit, tu choisis de
participer à la destruction du monde, du monde qui ne t’appartiens
pas à toi seul ? », j’ai envie de répliquer.
Cette crise est indépendante de ma personne et ma parole, et elle
ne montre aucune signe de disparaître. Plus tard on agit, plus dur
va être l’action remédiable à entreprendre.
Tout autre message est malhonnête. D’ailleurs, on le voit, avec
l’évolution de la rhétorique contre l’écologie. On a commencé
avec les climato-sceptiques – on n’en voit presque jamais
maintenant, ce n’est plus la peine de nier ce que tout le monde
observe, ni la fiabilité vastement améliorée des prévisions
météos … et climatiques. On est passé donc à l’effondrisme.
Nous sommes tous foutus (sur-enchère sur les prophéties de
« l’Armageddon si l’on n’agit pas » des
écologistes). Cette fois-ci, les bases sont rationnelles, en
apparence, et réconciliées avec l’opinion des experts en
écologie.
En réalité, il existe une position d’éco-optimisme
tout-à-fait défendable – il suffit d’agir dans le bon sens pour
ouvrir de nouveau les possibilités. C’est à ce moment-là que
l’effondrisme montre son talon d’Achille. L’effondrisme va plus
loin que les prédictions d’un futur glauque et sans espoir pour
l’humanité. Il insinue que si l’humain est foutu, c’est bien
parce qu’il le mérite et parce qu’il est incorrigible que c’est
perdu d’avance.
Ceux qui étaient les écolo-sceptiques trouvent ici toute
possibilité de résurgence. Il suffit de représenter les humains,
socialement, comme des boulets immuables et incorrigibles pour que
tout soit, de nouveau, foutu (cf. films comme Idiocratie,
Morons from outer space). Le bonus, c’est que cela libère
la conscience – il n’y a plus aucun obstacle à l’individualisme,
pour ne pas dire l’égoïsme absolu. Il y a des entreprises
entières du 440 qui vivent sur cette prémisse – ils augmentent
les possibilités de « vivre dans sa bulle » – si on a
les moyens. A un niveau plus personnel, toute entreprise de bien être
et de thérapie individuelle évite l’une des questions cognitives
de base – est-ce qu’on a raison d’être content de son impact
sur le monde extérieur à soi ? Si on arrive à couper tout
lien, tout remords ? Jamais compris cela …
Et pendant ce temps, même ceux qui sont en profonde incohérence
avec leurs savoirs écologiques évoluent. Il est vrai que le cadre
conditionne tout.
lundi 19 décembre 2022
Je me suis fait plaisir …
J’ai besoin d’un petit break pendant les vacances d’hiver.
Il est urgent de ne rien faire
J’ai l’image en tête de deux marmottes … qui se lancent
dans le « competitive digging », chacun creuse son trou
en rejetant de la matière frénétiquement, jusqu’à disparaître,
aux yeux de son rival et du monde qui l’entoure. Une petite
victoire. Des autruches viennent jeter un coup d’œil dans les
cratères ainsi créés … et s’y coincent la tête …
C’est un endroit de réflexion pointue sur la mise en œuvre
d’une infrastructure qui facilite la vie en mouvement.
1. tu peux occuper le même espace de manière plus efficace, mais
pas en même temps
2. Pour ce faire, il faut une certaine coordination
Si l’on devait commencer quelque part, ce serait par la
sensibilisation des gens à leurs propres habitudes. Une habitude,
c’est souvent tellement fort en nous qu’elle prend le dessus sur
la raison – ce que peu de gens ont la volonté d’admettre.
Exemple
Ils ont faim – s’ils sont loin de la maison ils commencent à
chercher un magasin où ils peuvent se procurer de quoi manger. S’il
n’y a pas de magasin, ils ne se sentent pas en sécurité. Ils vont
essayer de porter sur eux tout le nécessaire. Un véhicule paraît
très utile, à ce moment-là – et l’argent, une nécessité.
La vogue du nomadisme en camion est une tentative de maintenir la bulle
sécuritaire autour de soi, même quand on bouge. Cela distancie
considérablement la nécessaire altérité dans nos vies, jusqu’au
point où un nomade peut devenir moins adaptable qu’un sédentaire
– moins « mobile » ou « flexible », on
pourrait dire. Ce n’est pas un vraie nomadisme.
Disons que ceux qui dépendent de notre dépendance sur l’argent
et l’essence ne seront pas très motivés à changer cette manière
de penser et de faire. Les camions et les caravanes, ça passe,
tandis que les cabanes de passage, les potagers et les provisions sur
place, beaucoup moins, sauf en haute montagne, où les réseaux de
refuges publiques restent ouverts et où, très souvent, on laisse
des approvisionnements pour les autres, pour remplacer ce qu’on a
soi-même consommé.
Firefox
Je viens d’apprendre l’origine de ce mot, tel qu’il a été
adopté par le navigateur web, appelé maintenant « Mozilla
Firefox ». C’est l’idée de l’interface direct
cerveau-machine (1974 - cf. la coiffe d'Arthur C. Clarke).
Elle n’est pas si anodine.
Chaque « interface » nouvelle crée un court-circuit, concurrence une méthode ancienne,
rajoute à la charge cognitive une dimension nouvelle.
C’est comme un social surdimensionné.
Le soi-disant « social » est un attribut de
l’intelligence proprioceptive. Cette dernière est une manière de
dire « feedback loop » ou « boucle de
rétroaction ».
Association
Dans ces boucles, il y a ambivalence entre « sujet »
et « objet ».
On a recours au mot « association ». On dit aussi
« cause n’égale pas corrélation », bien que l’intelligence
ne fait pas nécessairement la distinction – il travaille avec ce
qu’on lui donne.
Disons qu’on peut être motivé à établir des chaînes de
causalité – ce sont des réconforts, des ressorts cognitifs.
Défaut de mieux, pour obtenir satisfaction, on se replie sur l’association, sans plus.
La co-location, la co-localisation, étant impossibles,
s’enchaînent dans l’espace-temps, ou en bougeant, ou en
attendant son tour, c’est un peu (et même plus qu’un peu) la
même chose.
Le réductionnisme est une tentative de ne traiter que d’une
chaîne ou un nombre réduit de causes à effets. En général, on
peut dire que c’est un simplisme, les faits extérieurs ne l’étant
pas vraiment (tout bouge ou peut bouger). Parler d’une économie
prédiquée sur la croissance est un exemple de ce genre de fausse
logique, simplisme ou sophisme. On externalise la décroissance, on
externalise le mal, ce n’est pas pour autant qu’ils cessent
d’exister.
Un exosquelette ou prothèse (un instrument ou outil) passe par la
proprioception, qui passe par les sens avec lesquels on est né et on
a vécu, avec le corps avec lequel on est né, avec lequel on a vécu.
L’interface cerveau-machine est un court-circuit de cette série
de mécanismes. Il n’est pas un simple prothèse. La machine doit
lire et mapper les neurones pour que les neurones puissent agir, à
travers la machine et son interprétation (décodage), sur la
prothèse.
La machine interprète, donc. Comme dans les langues de
programmation numérique, il existe, forcément, un « compiler ».
Pour donner une analogie facilement compréhensible, un chien
n’est pas une prothèse, il essaie de promouvoir une relation
« prosthétique » avec l’humain en lui ramenant un bout
de bois, pour qu’il le lui jette, qu’il le lui ramène, en boucle
continue. Il paraît y trouver beaucoup de satisfaction. On peut voir
qu’il n’est pas prothèse, parce que certains chiens ne jouent
pas le jeu, ils gardent le bout de bois, ils ne veulent pas le
ramener.
Et l’humain là-dedans ? Il ne fait ni plus ni moins que le
chien – lui, il veut bien que le chien ramène le bout de bois,
c’est pour cela qu’il le jette … Il y a même un nom pour des
chiens spécialisés dans cette activité – les « retrievers »
(rapporteurs).
Et les machines ? Rien ne suppose qu’ils sont plus dociles
que les chiens. Le problème, qui lui, existe vraiment, est que
les machines numériques sont des chimères, à cet égard, elles
sont absolument non-déterminées à l’avance, sauf par leurs
créateurs, nous, et leur logique algorithmique n’a que le
périmètre qu’on lui impose. De là le surcharge mental qui peut
être induit, assez facilement, lorsqu’une vie humaine passe
surtout par le tamis de ces interactions avec des machines.
L'idée est née à la suite de la découverte d'une pépinière abandonnée aux abords du Parc Montcalm. On s’est dit que ce serait un endroit idéal pour produire des plants à semer et stocker des matériaux à distribuer pour le reverdissement de la ville.
Le but est d'encourager la création et la définition d'espaces de libre échange et d'association sur la métropole, avec des circuits réguliers entre ces espaces, servant à fournir et à transformer des matériaux naturels locaux, à créer des lieux de stockage, d'auto-apprentissage et d'essaimage.
Pour l’aspect pépinière, il s’agit de créer un espace collectif qui se veut un modèle favorisant l’interactivité de l’ensemble d’acteurs, tels les participants aux jardins partagés et familiaux, les associations à vocation sociale ou alimentaire et, surtout, chaque personne.
Fourmilière
L'appellation fourmilière se réfère au système d'errance des fourmis autour des nids. La société civile peut ainsi participer à l'effort collectif de « paysagisme urbain », de manière directe et pratique.
On commence à créer des circuits hebdomadaires, à vélo, à pied, qui apportent de l'énergie humaine, des savoir-faire, des matériaux. L’objet est un bilan écologique vastement réduit en énergie (sans essence) et en faveur du vivant.
Le contexte immédiat, c'est la crise de l'eau et la sécheresse qui s'approchent de nous. Nous proposons d'agir :
en installant des milieux de vie et de restauration situés auprès de jardins accueillants, avec des bassins, et des endroits frais,
en organisant la présence périodique d'équipes mobiles, à pied et à vélo, formées pour accomplir ces tâches,
en fournissant des espaces de stockage pour les matières premières qui nous permettent de reverdir la ville,
en accumulant et en distribuant des matières vertes (bois, brindilles, tonte de haies et de gazon, différents types de terre, marc de café, drêche...) et de matériaux utiles aux jardins (cendre, pierre, verre pour serre, fumier…),
en construisant des espaces communs d'apprentissage, avec échange de savoirs, d'idées, d'expériences et de techniques.
L'intention est de tout faire à l'échelle humaine, sans recours aux moyens industriels, pour nous resituer dans et avec le monde naturel.
Pépinière / Fourmilière – références
Nous serions très heureux de votre participation à ce projet de bonne augure, laissez-nous un petit mot, des idées ou des contributions, si vous le sentez, ci-dessous, avec vos coordonnées ....
Contactez-nous pour échanger sur le projet pépinière-fourmilière …
par mail : inecodyn@singularity.fr
en présentiel : au jardin partagé de Père Bonnet (mercredis et dimanches 16h) et le lundi 13-14h à l'université Paul Valéry (bâtiment H / amphi 4 ou devant la BU)
Cette section contient des propositions de sujets de discussion pour alimenter le débat. Les cours se veulent assez ouverts, selon qui assiste et combien nous sommes. L'écowiki qui se trouve sur ce site contient plusieurs pages éditables de propositions, auxquelles on peut rajouter les siennes.
"Stratégie écologique et sociale" parce que nous sommes frappés à la fois par des contraintes et des dangers qui résultent de notre ineptitude écologique, et que ces événements sont refletés dans nos comportements sociaux.
Curieusement, il y a assez peu de débat ssur les sujets vraiment tranchants et sensibles. S'il nous faut abandonner la voiture privée et surtout les routes qui vont avec, je fais des propositions concrètes pour remplacer ce modèle. Par rapport à la sécheresse et le désert rural, aussi.
Le sujet brûlant devient celui de l'intelligence artificielle. On est bien loin de l'époque où l'expert humain était la voix de l'autorité - les paroles du prof sont maintenant vérifiés sur internet. Etre humain devient même une problématique. Dans ces cours, on tente de proposer des solutions qui réintègrent le pouvoir de décision et d'action humaines à l'affaire. Est-ce que notre pouvoir organisationnel est en train d'être remplacé par des machines, ou est-ce que c'est déjà le cas, et depuis quand ? Est-ce que la motivation des gens pour aborder les questions qui comptent est sapé par cette conscience d'infériorité, ou d'inutilité ?Ce sont des questions qui sont plusque jamais importantes, parce qu'elles impliquent un refonte de ce que cela signifie, être humain, et elles posent aussi la question d'une potentielle amoindrissement de nos capacités, faute de motivation - à quoi bon jouer aux échecs si l'on sait qu'on va toujours être battu par des machines ? A quoi sert s'entrainer pour avoir une bonne forme physique, si toutes les utilisations de ce corps sont déjà prises en charge par des machines ?
Sur le Front, les zones rouges
sont les endroits où l’Ennemi
menace de percer. On y verse toutes ses ressources, quoi qu’il en
coûte.
Cela devient une Guerre d’Attrition.
On y broie des hommes et des machines.
Les zones vertes sont celles
où l’adversaire ne menace pas.
Elles sont ignorées.
Les femmes, les enfants, les infirmes, les vieillards, les
apeurés, sont de simple chair à missile, qui sert à enrager les
hommes sur le Front. La haine règne.
Cela fait même partie de la stratégie.
La cruauté. La brutalité.
L’indifférence.
Aux Armes, Citoyens du Monde !
Guerre Absolue, mais avec un tourniquet que l’on réajuste, de
temps en temps, dans des Capitales lointaines, chez celles qui
tiennent le doigt sur la détente de l’injecteur d’armes.
Celles-ci s’appellent les Grandes Puissances. Elles ont la
capacité de créer les biens de consommation et de les détruire.
La Guerre d’Attrition est
en vrai une Guerre de Désuétude Programmée.
Ce sont des machines, et des humains, qui sont programmés à s’autodétruire.
LaGuerre
decouleurs fait que le Code de la Guerre
soit facilement lisible.
Au feu : Rouge,
Orange, vert.
Alerte Rouge, pays Orange,
circulez, rien à voir, vert.
Le vert est évidemment le paysage, la Nature, l’écosystème.
C’est nous.
Tous les biens de consommation sont devenus des armes et toutes
les armes se dirigent vers Orange, et
Orange les consomme.
Je suis venu à Montpellier, en janvier, il y a trois mois, pour
trouver des alliés, pour créer ensemble les infrastructures
écologiques de demain. Je dois dire que l’expérience a été très
riche et que Montpellier me paraît être une ville qui pourrait
casser le moule, si sa population s’y engageait.
Avant, j’étais en Ariège – 15 ans, depuis 2008 – et à
Toulouse. J’ai poursuivi une expérience d’immersion écologique
rigoureuse pendant environ dix ans, où je faisais à vélo le tour
des marchés en Ariège, Saint Girons, Foix, Montbrun Bocage, 120km,
chaque semaine. Je vivais strictement sans argent et sans essence,
pour ne pas fausser cette expérience, mais pas du tout en autarcie –
je faisais des espaces de partage – des espaces de gratuité et
d’échange, sur les trois marchés, je créais des jardins dans
chaque endroit, je glanais au bord des routes.
Le but était d’appliquer strictement la logique de l’écologie,
dans la société réelle – de réduire mon empreinte carbone à
moins d’une tonne par an, contre les 7 tonnes en moyenne des
français, ou le 12 tonnes en moyenne à la campagne française.
Comme cela, je pouvais parler de ce que j’ai réellement fait et
cela pourrait servir, pensais-je, à gagner du temps pour tous,
lorsque le moment venu, on commençait à avoir la volonté d’agir
vraiment. C’est la phase transmission dans laquelle je suis engagé,
maintenant. Vous pouvez noter le site web sur lequel j’ai mis mes
expériences et mes réflexions – www.cv09.toile-libre.org
.
Il faut se mettre à la place des animaux et des plantes, face à
notre civilisation tout-envahissante, qui a pris pour habitude de
casser le sol chaque année, de remoudre la terre, sans jamais la
laisser quiète. Je l’ai fait. J’ai vécu, exposé, la où les
murailles d’isolation sonique et les maisons cessent, là où les
arbres poussent, là où les animaux broutent, au bord des routes, le
charnier de ce triste festin auquel ils assistent, là où des
milliards d’insectes perdent leur vie contre les pare-brises des
voitures. C’est la terreur, tout simplement. Les décibels de cette
énergie débordante sont insupportables.
Montpellier
Montpellier est l’une des premières villes à adopter des
techniques de l’industrie verte, on peut mentionner les tramways et
les composteurs, mais aussi le broyage des déchets verts, les
incinérateurs et, sans doute, la méthanisation.
Pourquoi ? D’un côté, à visée électorale – une
véritable stratégie écologique et sociale toucherait aux intérêts
de tout le monde et il transformerait l’articulation du pouvoir. De
l’autre côté, la plupart des groupes qui décident aujourd’hui
sont des produits de l’épopée industrielle, ils défendent leur
gain-pain.
On peut se centrer sur les terrains vagues et lotissements vacants
qui attendent d’être développés, souvent des années. Lorsqu’on
calcule l’empreinte écologique de ces endroits, on peut observer
que ces travaux et chantiers divers occupent une bonne partie de la
métropole. Lorsqu’on regarde la conjoncture écologique, et
l’urgence d’agir, ces logiques de redéveloppent vert ne peuvent
pas tenir, en toute logique. On réduit d’une bonne moitié, ce
n’est pas suffisant. Juste l’entretien des réseaux actuels coûte
plus qu’une tonne de carbone. L’empreinte énergétique de ces
investissements en infrastructure industrielle mais économe est tout
en amont, les retours, en économie d’énergie, peuvent
éventuellement s’attendre à des décennies dans le futur. Mais la
réalité, elle est que les changements climatiques déjà en cours
risquent de déstabiliser nos vies de manière si profonde que toutes
ces conjectures sont vaines.
Il faut agir maintenant. Mais comment ? C’est un monde
inconnu, profondément transformé, qui nous attend. D’abord, il
faut y croire, à la possibilité de pouvoir agir en conséquence de
ces enjeux.
Les téléphones portables, dans leur ubiquité, ont pris tout le
monde au dépourvu. Peu à peu, tout le monde s’est mis à les
utiliser. Cela a fait un effet de pédagogie en boule de neige. La
grand-mère a demandé à sa petite fille comment faire. Les gens se
sont envoyés des smileys d’essai. Tic-toc est arrivé. Etc. Etc.
Il est donc possible de transformer une société en peu de temps,
par un effet d’auto-apprentissage mutuel. Maintenant, il nous faut
faire de la retro-ingénierie de ces techniques vers le vivant,
d’utiliser nos techniques pour nous ré-immiscer dans le monde
physique tangible, autour de nous. Ce n’est pas rien, mais c’est
faisable. C’est ce que je propose.
Je propose de recréer un monde digne de nous, où il fait bon
vivre. Plus besoin de s’enfuir dans un téléphone, ou un vidéo.
Nos yeux s’appliquent de nouveau à nos environs, avec intérêt,
avec engagement. Métro-dodo-boulot devient un chemin de découverte.
Par exemple, sur un circuit de marchés ruraux, on peut faire trois
jours sur le chemin, logés-nourris sur place, laissant trois jours à
occuper dans un endroit statique où sur un chantier et un jour de
récupération. Lorsqu’on marche, ou on fait du vélo, ce n’est
pas la durée qui compte, c’est l’exercice. C’est comme faire
deux petits marathons ou deux matches de foot par semaine.
Les implications en termes d’infrastructure, ce sont qu’il
faut plus, beaucoup plus, de petits lieux de stockage stratégiquement
placés, des gîtes de passage qui sont aussi des jardins, et des
espaces de partage et d’échange sur les marchés. Rappelons-nous
que la biodiversité se trouve sur toute la surface de la France. Les
populations urbaines, dangereusement denses, doivent réinvestir le
paysage sans le périurbaniser. S’ils ne le font pas, la
désertification continuera. Désertification signifie « absence
de vie ». Biodiversité signifie « présence de vie »
. J’espère que c’est clair. C’est nous, la vie, aussi. Si nos
méthodes industrielles détruisent la vie, pour la reconstituer, le
pari est déjà perdu. Cela requiert énormément d’énergie –
trop d’énergie – et ça nous tue. Pas juste quelques uns, mais
des vastes populations.
libertés, auto-organisation de la
base, prise-en-charge écologique face aux événements extrêmes
(canicule, sécheresse)
La commisération
Littéralement. C’est une bonne
méthode pour être en empathie avec son prochain. De partager son
sort, d’être frères et sœurs, d’être solidaires.
Les visioconférences, pendant et après
le confinement du covid, ont massivement accentué l’entre-soi et
le pouvoir des chefs, des petits dictateurs et groupes régnants.
Le résultat – un organigramme qui
cherche un état stable et hiérarchique. C’est la Guerre des
Assocs. Tandis qu’une société en bonne santé laisse courir les
bruits sans tuer le messager, elle accommode le marginal.
Il est urgent de défaire l’emprise
sociale du numérique, qui est maintenant en train d’imposer ses
normes sociales virtuelles sur le monde social de nous tous, entre
nous.
On aurait du mieux anticiper ce
phénomène, c’était si évident que les groupes sociaux
termineraient par nous faire internaliser leurs normes. D’un
irritant, ces modes sont devenues des thèmes dominants.
Le numérique est distinct surtout dans
son envergure, tout comme l’époque moderne, dans sa puissance de
frappe, puissance 10, 100, 1000 fois plus que ce que peut réaliser
un humain physique seul, ou même en groupe. Même un géant est
minuscule, face à cela.
Circuits
Circuits de Juges. Pour éviter la
corruption. Cela date du Moyen Age. La corruption étant le
localisme, la main-mise de l’élite locale, sur la loi du royaume.
L’auto-organisation de la société,
selon des critères écologiques et sociales très concrets, n’est
autre que la prise en charge écologique de notre destin, face aux
extrêmes. Chaque lutte ou conflit social doit être mené selon des
normes écologiques, pour réussir. Sinon, on nous amène dans cet
énorme aspirateur ou incinérateur énergétique qui fait que
seulement le plus fort, le plus puissant, gagne – la société de
destruction mutuellement assurée. Il est absolument sûr que des
tactiques et des stratégies qui demandent énormément d’énergie,
pour des résultats souvent purement promotionnels – qui visent la
média surtout, tels des occupations, des blocus et des grèves,
peuvent faire perdre la bataille, s’il n’y a pas en même temps
des propositions concrètes de faire autrement qu’avec
l’industriel.
Figurons-nous que la bataille est déjà
bien lancée. Les augmentations de budgets de « défense »
augmentent fortement, et ceci pour des années à venir. La défense.
L’attaque. Sans parler des millions de cadenas, de clôtures, de
murailles de Chine qui font éruption partout. La consommation
atteint ainsi un nouveau zénith. Sur le front industriel, de
nouvelles infrastructures promettent de nouvelles dépenses, de
nouveaux excès de consommation d’énergie. Il est légitime de
chercher une porte de sortie de cet état d’affaires, qui termine
par polluer tout débat.
Il y a un étroit liaison entre la
liberté de mouvement, la liberté d'association et l'écologie. La
nature s’organise sans chefs, du bas. Les humains, dans leurs
sociétés, pareil. On dit que l’humain est notable pour son
adaptabilité, pas pour sa prouesse physique, dans un domaine ou
autre. Cependant, il est l’un des animaux les plus redoutable en
termes d’endurance et de déplacement. Et en effet, on constate que
la société humaine ne pourrait se constituer que si les gens se
déplacent et se rencontrent.
L’une des absurdités de la société
moderne, c’est que tout en augmentant la vélocité et les
distances dévalées par nos bolides diverses, tout en transformant
nos communications à distance, nous n’avons pas réussi à
améliorer, au même niveau, la qualité de nos vies sociales, ni la
qualité de l’environnement dans lequel nous vivons. D’aucuns
diraient que si, d’autres que non, sur ces points-là, mais on est
structurellement déficitaire, c’est pour dire que l’on vit sur
du temps emprunté. Le passé est éternelle, mais l’avenir est
fini, et de plus en plus, pour tous.
Lorsqu'on parle de la nature, avec tous
les doutes sur ce que peut bien vouloir dire ce mot, on se réfère à
la capacité auto-organisatrice de la vie.
C'est-à-dire sa liberté … de
s'organiser – même si l'on a du mal à savoir comment !
Il serait bien temps que nous nous
adressions à notre propre « nature », qui n’est pas
abstraite, ni séparée des autres vies.
Par rapport à la démocratie, un mot
porte-manteau, on peut cependant être d'accord que c'est chaque voix
qui compte, que c'est la base démographique (le peuple souverain)
qui autorise l'action. On est dans le même scénario qu'avec la
nature. On s'auto-construit en corps politique – ou en plusieurs
corps politiques.
Ici, il est proposé que les mécanismes
élémentaires constitutifs peuvent également être réduits à
cette liberté de mouvement et donc d'association des corps
constituant le corps politique, sous-entendu, singulier ou pluriel.
La liberté qui compte, c'est la liberté des autres
Ce concept est particulièrement
difficile à saisir. Instinctivement, on pense le contraire, que
c’est ma propre liberté qui me concerne, ou celle de ma famille,
mon groupe social ou ma nation. On a donc utilisé, de plus en plus
le mot « autonomie » et, malgré les tentatives de
traduction en français, d’« empowerment » pour décrire
des états où soi-même, on est libre parce que bien imbriqué dans
le monde des autres. On est resté avec cette même ambiguïté –
ma liberté s’arrête là où commence celle de l’autre – mais
pas du tout ! Ma liberté commence grâce à l’accompagnement
de l’autre. Elle se réduit à peau de chagrin lorsque je suis tout
seul.
« Dans la nature »,
l'existence d'autrui est même le fondement de sa propre vie. La
liberté individuelle ne peut être illimitée, elle doit prendre en
compte l'environnement social et physique, ce qu'on appelle
l'écosystème en écologie.
C'est complémentaire, une question de
fédération, de binômes, tandems ou couples, de corrélations et de
coexistence. Il y a un pléthore de mots qui représentent des
tentatives de cerner ces concepts de collectif, de communauté de
destin, de coopérations volontaires et involontaires.
Mais il faut aller plus loin dans
l’analogie. Le monde vivant est fait de telle manière que même où
il y a des conflits d’intérêt directs ou indirects, entre
individus ou populations entières, il fonctionne. Les excréments
d’un système deviennent les intrants d’un autre. On jette avec
insouciance, un autre s’en charge. L’individualité de chaque
vie, sa reproductibilité, permettent d’assurer la résurgence des
écosystèmes, sous une infinie de formes, même après des
événements extrêmes.
Propriété
Seul contre tous, donc, le concept de
propriété, aussi absolue et définitive que possible, est né, pour
de fait mettre fin à cette complexité, figer cette discussion
interminable mais nécessaire sous un seul aspect. La propriété ou
l'argent rend libre, c'est un peu cela l 'idée derrière les
murs de ces forteresses de consommation.
Avec la propriété naît la
possibilité de vol et de violence objectifiée. On reconnaît
objectivement qu'il faut des forces de sécurité, de maintenance de
la paix.
« Je fais ce que je veux chez
moi » est une idée aussi profondément enracinée dans les
classes populaires que dans la psychologie bourgeoise. L'élite ne
peut pas prétendre qu'elle s'occupe seulement de ses affaires,
puisqu'elle s'occupe beaucoup des affaires des autres. Cependant, on
peut très bien se faire élire en prétendant représenter les
classes de ceux de qui l’ambition est de « faire ce qu'ils
veulent chez eux », puisque rien n'interdit, dans la
démocratie, le victoire d'une coalition de gens qui veulent qu'on
leur « foute la paix ».
Voies privées, voix publiques
Il existe d'autres solutions, qui
accommodent toutes les libertés, qui reconnaissent l'entre-nous et
qui sont beaucoup plus proches de la réalité existentielle que le
simple droit à la propriété.
La Voie Publique en est clairement une.
Typiquement, les valeurs de la propriété privée tendent à
éliminer ces voies, à bloquer et à réserver de vastes surfaces.
Seulement les ayants droits peuvent dans ce cas avoir accès à la
propriété, et on peut être pardonné si on assimile l'expression
"ayant droit" à l'expression "propriétaire",
puisque, dans la réalité, c'est la propriété qui donne le droit.
C'est avec fréquence maintenant que
l'on forme une hiérarchie de droits qui se relient étroitement aux
biens que l'on possède. La sensation de désolidarisation sociale
est notable. Il y a plusieurs d’entre nous qui peuvent à peine
affirmer qu’ils se sentent bienveillants envers les autres. On se
réunit bien plus souvent contre un ennemi imaginé ou réel, qu’à
faveur d’un idéal partagé.
On a des groupes
cloisonnés. On resserre les liens. C’est l’esprit du moment.
C’est, en grande partie, dû à la grève et aux actions associées.
Les gens peuvent être brutalisés, ou excités, émotifs, épuisés,
saouls, … à cause des nuits blanches ou expériences intenses,
nouvelles peut-être ?
En tous cas, chaque
lieu que je visite est dépeuplé, mais les plus soudés,
personnellement, maintiennent bien le contact, se visitent,
s’épuisent ensemble – strike burnout – pour inventer un
anglicisme. Marre de l’inconnu, marre de calculer l’autre.
On peut le voir
comme un diagramme, une salle ou wagon de train, cloisonné comme
dans un hôpital, avec un couloir tout le long. Il faut sortir de sa
chambre dans le couloir et rentrer dans une autre. Qui le fait ?
Où sont les
endroits de libre association et de mixité ? Sûrement pas dans
les lieux que je visite. Un CA, c’est des vieux. Une AG, grosso
modo, c’est des jeunes. Une maison, c’est des habitants et des
familiers. Mais encore, qui aura droit à la parole, la libre
parole ?
Celui qui accepte
les contraintes en vigueur. Celui qui accepte les règles du « groupe
social », qui terminent par pénétrer les vrais groupes
sociaux. Tu fais toi-même. Les algorithmes sont dans le couloir. Ils
guettent ta sortie. Ils régissent ton entrée dans le prochain car.
Tu acceptes les intrusions, tu te domestiques.
C’est baisé
d’avance. Tout mailing list a un administrateur. Tout
administrateur est censeur – et il sait tout sur toi. Il est un
algorithme intéressé.
Cela donne
préférence au plus loin, parce qu’il est neutre – il s’en
fout. Méfies-toi des amis ! Ils ne font pas la devise. Et tout
ça, à la pelle. On le réussit trop bien. Seul, devant son écran,
avec tous ses amis, pas méchants – parce que loin ! Une
fenêtre sur le monde, sans jamais sortir du fond de sa cage.
Sinon on peut
également parcourir la France, ou la globe, pour entretenir des
liens, peut-être familiaux, dans le cas des binationaux. Le
phénomène des deuxième résidences, pour la plupart du temps
vides, va croissant. Les deux sont liés. Ce « jet set »
passe éternellement par-dessus nos têtes.
Et l’effet
ricochet, la rétro-ingénierie déjà en cours, le
ré-algorithmisation de la vie, sans nous, qui n’avons que des
règles, des règles cassées. Peut-on redevenir des êtres sociaux
de vrai vie, c’est où le performatif ? Peut-être dans le
concret, l’engagement physique direct, sans se fier aux apparences.
Mais n’est-ce pas que la société numérique aura son mot à dire
– une sorte d’intelligence collective qui nous dépasse ?
Une société qui
s’attend à la défaite ne fait même plus société.
circuit hebdomadaire entre deux marchés, l'un en amont, l'autre en aval
En semaine on remonte par petits sauts pour entretenir les gîtes d'étape et préparer les lieux de collecte pour la déscente.
On descend, après le marché d'en haut, au marché du lendemain en bas. ... au fil de l'eau, en passant par les lieux de portage et de stockage parcourus en montant pendant la semaine
et ainsi de suite …
mobile
sacs à dos, sacoches, bidons
canoës, kayaks, gonflables
vélos, remorques et triporteurs
chevaux, ânes et chiens
statique
portage (points rencontres / marchés éphémères)
stockage (granges au bord du chemin)
lieux dits (résidences de la république sur le parcours)
auberges (gîte et nuitée, 1 fois par semaine, autour des marchés
L'idée est d'établir des lieux de portage, de stockage et de ravitaillement stratégiquement placés sur les parcours réguliers qu'on tente d'installer. Des groupes en kayak passent de lieu en lieu pendant la semaine pour préparer les lieux de passage pour ceux qui vont faire le portage. Ce sont des efforts de coordination collective, qui visent reclamer la voie publique par des méthodes de transport sobres et coordonnées, dignes de l'effort écologique qui nous est demandé.
le but est de
créer des espaces de libre-association pour s'épanouir dans les actes – ce sont des recettes de contagion sociale.
On
constate que les projets d’écologie existants n’ont pas franchi
le seuil de la réussite sociale à grande échelle, ne se sont pas déteints sur la société dans toute sa largeur.
De telle manière qu'on associe l’écologie avec la
bien-pensance d’une petite minorité de privilégiés.
Or, si on ne prend pas à bras le corps l'écologie, nous sommes tous cuits, de la viande rotie.
Infrastructure Écologique Dynamique
On a conseillé à la direction du projet InÉcoDyn
– – d’y aller doucement en composant des petits groupes
de personnes qui font déjà des choses comme des fromages de brebis et du shamanisme.
Ces conseils ont été rigidement ignorés. Au contraire, faut pas dépendre totalement des bons voeux de
petits groupes de gens qui n’ont pas, dans le passé, opéré des changements à l'échelle nécessaire, politique et sociale.
Si ce n’est en faisant soi-même, en soutenant ceux qui font. Plus de procrastination. Pourquoi essayer d'apaiser les sentiments, alors qu'il n'y a rien d'apaisant dans les faits devant nous ? Comment s'opposer au ricanement, dans un tel cas ? Pourquoi se mentir, sans ironie ? Pourquoi contribuer à l'hébétitude d'une société qui a déjà du mal à sortir de son carcan (bordel) ?
On critique
les politiciens quand ils renvoient toujours au lendemain les actes
déterminants, comme l’abandon des pesticides, des pipelines ou
de l’agriculture industrielle.
Est-ce que nous pourrions parvenir à nous critiquer de face, manque pas de miroirs ? Est-ce que l'on fait vraiment mieux, à l'échelle de nos vies personnelles, que les jetsetters ? N'avons-nous pas les politiciens que
nous méritons ? Continuons comme ça, ils seront bientôt tous d’extrême droite.
le bestiaire de l'extrème droiture
Cela fait plus d'une décennie que les extrèmes parodient la pensée la plus caricaturielle de monsieur et madame Toutlemonde. Le mal toujours au delà de l'entre-soi. Mais le mal est bien là - même si, à la campagne française de moins en moins belle, on continue de conduire des voitures, de consommer du gaz et des produits locaux d'excellente qualité.
La tension ne cesse de monter, parce que les biens-pensants sont un peu ceux qui sont en train de tuer le monde à tous, en le vivant bien, autour du barbecue familial.
Le premier mur d’encerclement à casser, c’est celui avec
lequel nous nous entourons nous-mêmes - nous avons besoin de faciliter le passage et le travail d'autrui, de partager l'intelligence collective.
La libre-association est la capacité de s'ouvrir à l’autre. Un désert rural est une campagne fermée – mais nous ne pourrons pas mener une révolution verte tous seuls. Il faut des milliers et des millions de gens sur place, investis dans le bio-sphère là où il se trouve. A consommation réduite. Tout de suite. Il est impossible de donner des leçons aux autres si on pratique l'inverse soi-même.
Chaque pas en avant de chaque individu doit être pris en pleine
conscience des conséquences – est-ce qu’on le fait que pour soi
ou pour les autres ? Est-ce qu’on forme d’autres gens pour
prendre le relai ? Est-ce que le projet auquel on participe peut être facilement repliqué ailleurs ? Parce que, sinon, ce n’est pas une petite minorité à
la campagne qui va changer quoi que ce soit.
mobilité sans essence, sans éléctricité, avec des êtres humains
Il y eut une fois un déclic. On arrêtait de se projeter à la place de ceux qui y étaient, alors qu'on n'y était pas, et on commençait à soutenir ceux qui y étaient, avec la logistique nécessaire.
C’est quoi, une infrastructure écologique ?
Des granges et des caves en relai pour stocker le local.
Des lieux de passage pour ceux qui acheminent cette alimentation.
Des co-locations de production et de transformation.
Et tout cela en augmentant la biodiversité, là où on va.
Et l'infrastructure écologique ?
Une série de formats qui permettent de vivre à
un dépens carbone réduit - moins d’une tonne par personne par an. En « bande organisée », pas juste tout seul, tranquilo dans son coin.
Chacun fait sa part, c’est sûr, mais le mot « infrastructure » implique un ensemble qui dépasse la chose purement individuelle. « Toi tu prends ton chemin, moi le mien » ce n'est pas ça. On fait un bout de chemin ensemble quand même. Cette
infrastructure vise le déplacement sans énergie rajoutée et sans édulcorants.
– Pas de dépendance sur le fossile-électrique. On réfocalise l'affaire sur l'énergie du corps et de l'esprit. Si c'est eux qui font le transport, c'est eux qui doivent avoir la forme - on se recentre sur l'entretien des ressources humaines et sociales.
A quel but ?
On ne manque pas de moyens, ici. Nous sommes des sur-consommateurs. Mais le partage est très inégal. Nous voulons dégager des énergies déjà existantes.
Savoir communiquer, savoir cartographier, savoir
wikipédier, pour mettre les gens sur la route.
Mais pas pour leur rendre le statut de pions dans un jeu d'échecs sur tablette. Tout savoir numérique sert à l'engagement physique. Le numérique, il est aux ordres des marcheurs.
soutien réfugiés / sans toits
« domicilié boucle » est une devise qui vise à capturer le maximum de catégories de ceux qui bougent, sans distinction. Qu'on soit nomade, lent, sans domicile fixe, réfugié, migrant, ruminant, divaguant. Même ceux qui se définissent sédentaires bougent un peu encore.
L'opportunité d'un travail utile. C’est exactement ce que cherche à établir une filiature comme: « Portage au fil de l’eau » ou « la Boucle
des Marchés ». Les interactions fonctionnelles, de
bénéfice mutuelle, qui mettent les atouts de l’un à côté des
atouts de l’autre.
Donner un cadre déchiffrable qui peut stimuler la confiance entre les deux
populations. A l'échellle locale, entre individus qui se connaissent et qui se rencontrent, cela donne de bien meilleures occasions pour l'intérêt mutuel.
C'est vrai que c'est très ambitieux, à l’inverse des
utopies collectives qui dépendent, au fond, de la possession de
biens terrestres et de bâtons magiques. On peut donner sa chance au bien être, peut-être, à la
liberté de mouvement et d'action humaines.
des parcours adaptés …
C’est pour dire que les moyens existent ! Comment
dégager l'enthousiasme, renforcer les forces
agissantes, chercher la démarche écologique optimale,
ici, maintenant?.
Voilà, je suis encore là, dans les Cévennes, mais de justesse. Ceci est un petit message pour expliquer l'évolution du projet "Randonnées" décrit en bas, qui me paraît tout aussi légitime comme démarche écologique qu'avant, mais que j'ai délaissé pour entreprendre l'assaut d'autres sommets cévennols. J'ai roulé jusqu'à en Lozère, par col, montagne et ravine. Les randonnées citées ci-dessous, je les ai pratiquées pendant un mois, sans pour autant attirer la moindre attention ou intérêt. J'ai donc pris d'autre chemins pour mieux voir les caractères de ces montagnes, ces collines, d'une complexité topologique et botanique époustouflante dans laquelle s'imbrique une population rurale profondément héteroclite.
Le problème essentiel par rapport à la présence humaine des "pro-lifes écologiques", c'est que le milieu - le contexte rural est devenue résolument "anti-life", surtout au cours des derniers cinq ans. C'est la gentrification caractérisée de cette campagne - de cette nature, de ce vivant, qui la tue - c'est les riches qui consomment le monde, surtout dans les milieux ruraux des pays riches. Il en émerge une sorte de cohésion, sinon complicité, entre diverses élites rurales - l'omerta devient possible.
Que l'on tienne bien en compte que ces élites ne se reconnaissent souvent même pas. Est-ce que l'achat d'une maison destinée à ses enfants, avec l'argent gagné par une vie de travail, est-ce cela qui détermine la richesse ? Tout-à-fait. Des jeunes gens avec des familles, vivant en yourte et en camion ? Est-ce que leur style de vie est anti-écologique ? Mais bien sûr qu'il l'est. On parle de l'impossibilité de vivre sans voiture à la campagne, ... Mais si on est assez riche - ou le dépendant, le serviteur des riches, on peut. Et le touriste, il bénéficie des deux mondes.
On se trouve de plus en plus dans le scénario de collectivités qui réquierent, comme préalable, de l'argent, que l'argent devient l'émolument, le lubrifiant, l'objet nécessaire à cette échange sociale rurale.
Les véhicules et les portables donnent de l'autonomie à ceux qui en ont, rendant moins onéreux la présence et le passage de ces gens. On n'a même pas à "caser" ces gens. L'autonomie que donne l'argent, la "maison-voiture", le portable font que les gens s'occupent d'eux-mêmes. Le "bénévolat" fait barrière à ceux qui nécessitent rémunération pour leur travail. L'artisan payé 35 euros de l'heure qui vit "en camion" de manière "autonome" en est parfaitement conscient. Le bénévolat évite des dizaines de milliers d'euros de salaire, donne préférence à des gens de moyens indépendants. La valeur d'un investissement immobilier peut être multiplié, pour représenter plusieurs centaines de milliers d'euros de profit.
Dans ce climat surchauffé (!), le humble jardinier a parfois du mal à trouver sa place.
... qui ont un sens écologique qui remplit et dépasse le plaisir de chacun en contribuant au bien être de tous.
On lance une expérience en transport écologique, une transhumance hebdomadaire régulière. Nous voulons ainsi développer un réseau fiable d'accueil et d'activité utile pour ceux qui traversent le pays par des moyens purement non-mécaniques, à pied, à vélo, etc. La visée est de se faire solidaires, de donner des pistes aussi pour l'intégration des réfugiés et de ceux qui nous visitent.
La première semaine (à partir de vendredi 18 mars 2021), on a marché du marché de Ganges, par Sumène sur la voie verte jusqu'au marché du Vigan. Ensuite on est passé par Saint Bresson jusquà Saint-Laurent-le-Minier. On répète l'expérience à partir du vendredi 25 mars 2021, rendez-vous sur le marché de Ganges pour ceux qui veulent! Nous cherchons à mieux sceller les liens forts au niveau local et engager les énergies de tout le monde.
En ce faisant, nous voulons provoquer la renaissance de l’esprit de l’accueil et de la mobilité humaine – des aspects plus que jamais critiques de notre humanité collective. Que nous soyons des réfugiés, des nomades, des migrants ou des habitants, nous sommes tous LÀ.
Sur les marchés, sur la voie publique, en vif et en direct, nous proposon un espace de partage. Tenus sur chaque marché par des gens désireux de promouvoir le libre flux de gens, d’information et de produits, ils donnent des lieux génériques et ouverts à tous pour le rencontre, l’accueil et l’orientation vers les plusieurs associations, groupes et individus de plus en plus actifs et productifs au niveau local … et plus loin.
Tout cela, bien sûr, dans un cadre où nos dépenses énergétiques et donc une grosse partie de nos empreintes écologiques individuelles « rentrent dans les clous » … de notre survie collective.
C’est une aventure – une expérience. Si nous réussissons à recréer des passages viables et réguliers à pied, nous pouvons en toute sincérité dire que les voitures et les routes bitumées ne sont pas obligatoires à la campagne. Nous mettons en valeur, très littéralement, une première ébauche de chemin vers l’avenir.
La seul chose qi bloque, c’est nos habitudes - notre conservatisme industriel. Il est vrai que les voitures donnent plus d’indépendance d’autrui – mais est-ce que cette autonomie de nos pairs humains est vraiment ce que nous désirons ? Le prix est chaque fois plus excessif, ne serait-ce qu’au niveau financier. Pour une personne pauvre la voiture représente au moins 4 mois de salaire à l’année (5000€). Qu’est-ce qui vaut mieux : aller au supermarché en voiture pour rentrer chez soi, ou passer la nuit une fois par semaine dans une auberge conviviale, dans la présence de ses compagnons de route, après avoir exercé son corps et son esprit en marchant par des lieux de beauté ?
D’ailleurs, s’il y a quelque chose que l’être humain sait faire, sans finance et sans réunions, c’est marcher, seul, accompagné, au choix.
La marche régulière nous enrichit à plusieurs niveaux. On peut planter, cueillir, entretenir les chemins, tout en approfondissant sa connaissance du pays et de ses habitants. En recréant des lieux de stockage en coopération avec le voisinage, on peut colporter des colis et des messages, de personne à personne, de porte à porte. Plus l’accueil et la coordination sont adéquates, plus on a de place sur le dos pour autre chose. En soi-même on devient porteur de savoir faire, de sociabilité et de force de travail. Ce genre de circuit est un cadre idéal permettant aux actifs d’apporter leurs énergies directement là où on en a besoin, à moindre coût pour nous et pour l’environnement.
La seule question qui reste: veut-on devenir libre, ou s’inféoder jusqu’à l’éternité aux machines qui sont en train de détruire notre monde ? Une autre industrie est possible.
C’est dans l’air du temps. On n’a jamais eu de semaine si bourrée d’écologie que
celle-ci, au moins sur la média d’état. On a même dit qu’il
fallait plus de travail humain, même un peu pénible, et moins de
travail de machines. On a parlé d’ascétisme et de sobriété. Le
mainstream est en train d’occuper le terrain des perchés.
L’écoféminisme milite contre la culture de la dominance – dans
ses rangs. Le privé se nationalise, dans un climat de guerre
outrancière. Tout paraît contenir un reflet climatique, écologique,
y inclus le social. La reine de la modération et de
l’auto-effacement est morte, vive le roi qui parle aux plantes!
Infrastructure, systèmes sobres – où va-t-on?
Ce que l’on entend aujourd’hui, c’est plein d’analyses et de critiques –
les rapports du GIEC ne font que ça et cela stimule les autres à
faire pareil.
Ce que l’on n’entend pas, ce sont ceux qui ont des propositions concrètes de
systèmes alternatives.
Mais c’est bien de cela que ça traîte. Systèmes. Et, basé sur l’expérience, je
sais pourquoi on ne les propose pas – parce que l’on sera mis au
ban de la société. Des Amish – Macron n’a pas pu le dire plus
clairement. Justement, nous pouvons tous devenir des Amishs, à notre
guise.
Les exigences de performance, d’intégration sociale, d’une société de
travailleurs, ce sont des ordonnances de conformisme – de
conformité stricte. Ceux qui proposent des systèmes sobres,
frugaux, réalistiques, d’adaptation, sont caractérisés de
non-conformistes, de révolutionnaires, de déséquilibrés,
d’inadaptifs. Et en réalité, ce ne sont que ces gens qui ont un
marge de manoeuvre qui peuvent faire leurs choix de style de vie, qui
parlent, incessamment, des bénéfices spirituels, etc. Les pauvres
savent très bien que cela ne marchera pas comme ça pour eux. La
bagnole, par contre, oui.
La rareté de vraies propositions systémiques, infrastructurelles, engendre une
sorte de flou, où on parle de l’imposition de sobriété ou
de son acceptance libre et démocratique. Mais quelle sobriété,
quel modèle? Qui bouge quoi, comment ça marche?
Est-ce que ce ne sont que des voeux pieux, faits d’intelligentsia et d’alternatifs?
N’est-ce pas que c’est parce qu’on est ignorant qu’il y a un
manque de clarté sur le “comment faire”, qu’il n’y a que des
théorie et des généralismes?
* * *
Le mardi 20 septembre 2022 à 21h sur France Culture il y a eu une émission sur
l’urgence de l’enseignement sur l’écologie dans les Grandes
Écoles et le manque d’enseignants. En fait il n’y a que ça, en ce moment. C’est
un peu riche, pour ceux qui y ont consacré leurs vies de se trouver
au centre du débat “sérieux” des gens qui comptent, sans encore
qu’on les écoute, mais …
Toute l’élite font déjà courir le bruit, ils sont tous au courant de la fin du monde dans
lequel on s’enlise, ce n’est que la majorité démocratique qui paraît ne rien y
comprendre. Faut les éduquer, sauf que … ils veulent “agir” sur leur destin
collectif, en plus. Comment faire (ils ont du mal à envisager ce
qu’ils n’ont jamais expérimenté eux-mêmes).
Mais en fait, tout le monde, ou presque, comprend très bien qu’il n’y a toujours
pas de propositions concrètes, pour eux – que des bullshit jobs et des impossibilités administratives
de faire autrement que plus d’industriel. Même s’ils voulaient faire autrement. Sinon,
on leur donnerait déjà des jardins, non, et des conditions de
travail sans machine abordables? Il n’y a vraiment que très peu de
signes que cela se passe comme ça, vraiment. L’inverse, plutôt,
si on regarde le bilan.
Cela a été comme ça pendant tellement de temps, tellement de
générations, qu’il faudrait vraiment d’autres dignitaires pour
leur donner des leçons – puisque tous ceux qui sont en place sont
les “succés” de ce monde dans lequel on vit. Par définition.
Tous sans exception, par définition – les scientifiques, les médecins,
les politiciens, la média, le monde de la culture, les sportifs, les
entrepreneurs, tous nos héros et nos héroïnes.
J’ai compris ça quand j’ai vu un film qui faisait bruit, vers 2012, d’un
autrichien qui tout seul a remodelé plusieurs hectares de terrain
aride et pentu dans une vallée de la montagne autrichienne, en petit
paradis pisicole, plein d’arbres fruitiers. “Me voilà.”
dit-il, “Vous voyez bien ce que j’ai fait, émulez moi!” Plein
de bassins à usage agricole. Très efficace. 30 hectares, une seule
personne. Impressionant.
C’est le bon vieil astuce de faire d’un riche et son style un leurre, une
aspiration. Je la trouvais tragique.
Il a tout fait à la pelle mécanique et au tracteur, en fait. En fait, sans l’appui
du mécanique, il n’y est pour rien, nulle part – c’est la
machine qui fait le travail, en gros. Toute cette énergie – et les
terres – coûtent de l’argent, beaucoup d’argent. Il en a. Son
travail a une profile énergetique, en fossile, tellement néfaste
que jamais dans une vie de travail il ne pourrait la compenser tout
seul. Et pourtant, un travail de jardinier peut très bien alimenter
un être humain.
Bon, à cette époque lointaine – 2012 – cela passait pour l’écologie.
J’étais dégoûté. Ensuite ils ont décidé d’acheter avec les
bénéfices de leur FestiZad, quelques 20,000 euros, dans un
tracteur, pour être “autonomes” en production de fruits,
légûmes, blé, …
En soi c’est une aspiration noble, si c’est sans tracteur. Mais acheter des machines
industrielles pour faire le travail qu’on ne fait pas soi-même, en
entretenant un paysage amènagé à l’usage taille industrielle,
c’est quelque peu illogique. Qu’en est-il de l’entretien des
haies, des sentiers et des accidents de terrain qui sont propices à
la bio-diversité et la diversification d’habitat?
Ce n’est pas la présence des humains qui pose problème ici, c’est la présence et
le passage de leurs engins, comme la voiture, le tracteur ou le
camion, à haute vitesse. Un humain ou un vélo passe facilement sur
un sentier d’un mètre de largeur, à basse vitesse. Le
renforcement des routes, des ponts et chaussées, pour un usage de
poids plus lourd, plus grand, … c’est vastément dépensier en
énergie, un cycle infernal.
La plupart de nos “petites” routes de campagne font actuellement de 8 à 12, voire
15 mètres de largeur. Sans parler des routes plus grandes, les
départementales, les nationales. Lorsqu’il y a endiguement
systèmatique, les largeurs augmentent.
Mais la sobriété écologique implique cette logique – elle implique l’évolution
d’une économie à poids léger, qui maximise l’emploi de
l’effort et du travail humain, profitant de son faible poids,
empreinte ou trace physique, mais surtout de sa capacité
d’auto-organisation systémique.
Nous sommes très adaptables, nos systèmes politiques et sociales nous organisent. Le
défi est donc dans ce sens d’auto-organisation. Quelle voie suivre
pour survivre?
C’est bien un débat qu’il faut poursuivre, … un chemin à creuser, parce qu’il
est bien là, devant nous.
* * *
Cette émission sur l’écologie de France Culture – don’t je parlais tout-à l’heure – a
coutûme de se présenter de manière apparemment modérée – trop modérée. Modéré,
cela veut dire, toujours en retard sur la vérité, pour des raisons
de calcul politique et social de ce qu’il est faisable de dire.
À cette finalité de neutralité non-neutre, dans le non-dit, il arrive
de se faire des invités qui le disent quand même. Dans ce
sens, la fiction de la neutralité est entretenue.
Cela pose problème parce que cela renforce la perception que les voies innovatrices
viennent des radicaux – voire des extrèmistes, des marginaux qu’il
ne faut pas écouter. Bizarre, ils ont eu raison, avant tout le
monde, ils ont été courageux, avant tout le monde, ne serait-il pas
temps de leur donner un peu d’attention? Si ce n’était que pour
sauver sa propre peau?
L’émission de ce mardi a pris ces concepts, les a édulcoré comme sujet la
formation à l’action – dans les grandes écoles. Quelle ironie!
Cela donnait le pretexte pour des clips d’étudiants radicaux qui
parlaient de la nécessité de passer à l’acte. On a même invité
un ex-étudiant de la Polytéchnique (fils et grand-fils de
polytechniciens) à parler, live!
Il a choisi de vivre des expériences écologiques dans un village de Normandie. Il
a sans doute un tracteur et de l’argent, on le sent.
On a parlé du besoin de relier acteurs et professeurs, mais il faut quand même
reconnaître qu’à part les étudiants, il n’y a pas encore, à
la média nationale, des têtes parlantes qui agissent vraiment.
collapsologie – c’est foutu – tragédie, pas de drame
mercredi 21 septembre 2022
Notes sur la Terre au Carré
Endiguement
Invité: Dominique Mehda
Redistribution “équitable” – cette femme a du gravitas et elle débite
bien, comme un politicien, les éléments codés, les mots clés du
lexique économique.
mais moi je me contenterais déjà d’une distribution efficace pour ceux
qui choissisent une vie frugale, à pied ou à vélo.
Cette infrastructure, de refuges de montagne publics, mais cette
fois-ci pour d’autres fins, permet le déplacement aux
gens relativement humbles, qui continuent
d’exercer leurs libertés de base, de mouvement, d’association,de travail ou de partage, sans entrave.
Ce n’est pas le cas si l’infrastructure n’est adaptée qu’à
la seule voiture d’abord, ou au seul poids lourds. C’est le cas
actuellement, les nouvelles constructions d’habitat humain doivent,
au-delà d’une certaine taille, être accessibles aux engins des
Pompier, de plusieurs tonnes.
“Prospérité” – pourquoi pas “(auto)-suffisance”, reprenant ainsi l’usage nouveau anglais d’“auto-sufficiency”?
Investissement en rail, tramway (collectif donc, et avec le CoVid?)
“circuits courts”
soyons spécifiques – quel rayon? Réalisable à vélo, à
la marche – à vélo collectif? On ne peut pas louer les voyages
lents sans aborder la logistique du voyage lent. Le voyage
pour tous, riches et pauvres, les sobresque lesostentatoires.
Moins de travail des machines, plus de travail humain.
Plus de travailleurs dans le secteur de l’”agriculture”( pardonnez-moi, “jardinage” ).
Donc, selon elle, “1 million de plus d’agriculteurs”
(quel terme vague, finalement)?
C’est plutôt habiter en immersion avec la nature de manière
vivrière, bioproductive. D’ailleurs, si le terme “jardinage” a
plus de sens, c’est qu’il y a toute la transformation saisonnière
de produits à prendre en compte, qui évitent les achats, ou qui
permettent l’échange de la production.
Rappelons-nous qu’un jardin se vit à proximité, est qu’il
est réellement très productif, par hectare, plus que l’agriculture
dans des champs, ou le seul élevage.
Trois jardins forestiers par hectare, 3000 mètres carrés chacun,
de quoi nourrir plusieurs personnes, potentiellement. Le défi est
technique – il nous faut nous réalimenter en main d’oeuvre
humain formé.
Ne pourrait-on pas mieux dire si l’on parlait de plus d’habitat
qui se vit en intégration avec le monde végétal et animal?
“Emplois utiles, localisés, partagés”
Là, je la suis totalement.Il s’ensuit logiquement qu’il faut accommoder la
la présence d’une force de travail mobile. Le travail saisonnier
est nécessaire à une économie paysanne rurale qui n’est pas
basée sur les machines. Une infrastructure qui tient compte de la
sobriété permet à des humains de voyager par leurs propres force,
sans véhicule. Mais à présent, le cadre administratif punit les
habitats innovateurs, à très bas coût énergétique, sinon les
fait détruire.
“Le PIB occulte (cf. Travail domestique), l’empreinte carbone, et de là …
Une proposition de “compte carbone”, budget limité au-delà d’un seuil
reconvertir – reconversion de compétences massive, partage de savoirs faire
divers (étude co-commandée par Action Climat)
Une société nouvelle (nouvelle structuration de la société)
Alain Pavé : Comprendre la Biodiversité 2019, p.279
“Dieu doit beaucoup à Bach.” d’après l’expression d’un certain
Cioran “S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est
bien Dieu”.
“Dieu ne joue pas aux dés” attribué à Einstein
“la vie doit beaucoup au hasard” (Pavé), et il continue: on peut même
montrer que, sans hasard, pas d’évolution et même tout simplement
pas de vie et, évidemment, pas de biodiversité.
Dieu serait peut-être le dé lui-même (Pavé)
L’exemple de: “[…] “systèmes dynamiques”, avec les équations
différentielles, ordinaires et aux dérivées partielles, ainsi que
les équations recurrentes afin de mieux représenter les mécanismes
du vivant .
“Les quelques combinaisons qui ont résisté ont constitué les
premières pièces du Lego de la vie puis, petit à petit sur le très
long terme, l’édifice s’est construit et continue à le faire,
largement à “coups d’essais et d’erreurs” pour
constituer ce qu’on appelle la biosphère, avec toute sa
diversité.”
Cela explique bien l’importance de la biodiversité, elle prend son
temps. Elle s’accumule et elle s’organise. Comme nous, qui sommes
tout juste en train de définir notre cahier de charges.
Retenons ce mot d’ordre de passage à l’acte, le besoin de mettre
ses mains dans le cambouis des étudiants de sciences po – mais
n’est-ce pas la méthode pédagogique des écoles Montessori –
pourquoi pas des écoles linéaires, en mouvement, en interaction
avec la biosphère?
Pour relever le défi, vaut mieux être en état de marche …
L’une
des méthodes les plus fiables et sûres de répondre à nos besoins
écologiques élementaires, c’est de redynamiser le monde à
l’échelle humaine, en conformité avec la réalité somatique et
sensorielle de l’humain.
Cet
objectif est atteint, en partie, lorsqu’on se réintègre au
vivant, lorsqu’on réapprend les usages du vivant. Ce n’est pas
donné, lorsque vous ếtes acculturé depuis le plus jeune âge à
vivre dans des cages. L’analogie entre nous – notre besoin de
stimulus et interactivité, tous comme les grands fauves dans les
zoos, pâlit lorqu’on constate que les améliorations des
conditions dans les zoos n’ont pas été suivi par l’amélioration
des conditions de vie en appartement de l’être humain.
Dans
ce cadre, le téléphone portable se montre un jouet insuffisant,
mais très économe.
Voyons.
Je n’ai pas abordé le gros du problème énergivore de notre
société de surconsommation, devenue la norme, la valeur principale
de toute une culture dite “industrielle” mais qui laisse de moins
en moins de place aux vrais “industrieux”.
C’est
la sacrée voiture, l’automobilité dans toutes ses formes.
Je
n’ai pas vraiment saisi l’essence de la voiture moderne avant de
visiter – tout dernièrement – vous pouvez aller sur le site de
l’émission et visiter l’article “Mobile”, rubrique
“Concept”, qui traîte en partie du Port Royal, dans les Bouches
du Rhône. J’y ai posé quelques photos des quilles des bateaux que
l’on répare là-bas, tout hydrodynamiques qu’ils sont, comme les
corps des baleines, des orcs ou des dauphins.
Pour
les voitures et les avions, on dit “aérodynamique”. Il faut
atteindre des vitesses supérieur à 30, voir 50kmh avant de
commencer à vraiment sentir la force du vent. A partir de 130kmh,
cela devient de plus en plus comme un mur, ça frappe.
Tandis
que dans l’eau, plus dense, ces effets de turbulence et viscosité
se détectent à des vitesses bien plus réduites.
L’être
humain marche sur la plante des pieds, qui ont des surfaces assez
grandes pour mieux distribuer le poids d’un bipède. Il n’a pas
besoin de prioritiser l’aérodynamique de son corps, c’est un
corps finalement très versatile.
La
voiture moderne est aérodyamique, comme un oiseau, comme un bateau,
comme une baleine, parce qu’elle va vite. La route est vastement
plus simplifiée, plus grande, plus lisse et plus prédisible, pour
nous permettre de rouler à toute allure en toute tranquilité à une
vitesse que, dans des conditions normales, nos sens ne pourraient pas
accommoder.
Les
panneaux indicateurs sont vastes aussi, écrites d’une lettre sans
sérif de grande taille, qui nous indique notre chemin de la manière
la plus réduite possible. Comme si nous étions des enfants. A
grande vitesse, tout doit être simplifié, nous n’avons pas
vraiment le temps de réagir.
Les
gens ne voient pas tout ça, le paysage passe trop vite et en tous
cas, on a de quoi s’occuper juste pour tenir la ligne.
Il
est sans surpris que l’on découvre que ce paysage routier, où
aucun détail ne nous est vraiment accessible, devient un désert, à
l’échelle industrielle d’autres véhicules, des tous-terrains,
des tracteurs. Nous n’y sommes pas engagés – nous ne savons même
pas … de quoi ça traite.
Et
les gens s’en foutent de tout cela, par conséquence. Cette
histoire d’immersion dans le monde du vivant, c’est une histoire
d’intérêt, de familiarité, de confiance. Ne cherchons pas
beaucoup plus loin que les habitudes de tous les jours. Un peu de
jardinage change déjà la donne. C’est une expérience
enrichissante, un environnement enrichi pour un humain – comme on
fait pour les chimpanzees.
Sauf
que pour les humains, c’est un enjeu de vie et de mort, nous
impactons tout le reste.
Parler
plus – se parler plus – est également une expérience plutôt
enrichissante. Ce sont des fonctionnement humains de plein
épanouissement de ses potentialités, si l’on veut.
Ce
n’est pas pour nier l’intellectuel, mais la reflexion – la
pensée humaine – n’est pas vraiment abstraite, elle traîte de
ce qu’on lui donne comme alimentation, ne serait-ce que la langue
qu’on emploie.
Décroissance
L’imaginaire positif autour de la sobriété
Cela
pourrait étonner, avec un titre comme ProFrugal, que je suis peu
convaincu par tous ces mots qui communiquent la parsimonie, je vois
surtout des opportunités pour améliorer la qualité de vie humaine
– des vies pleinement réalisées.
Sans
cesse, l’argument que l’on y oppose, c’est la réalité de tous
les jours – la fin de mois, le besoin absolu d’un certain pouvoir
d’achat.
C’est
raisonner à partir du cas particulier, d’une océan de cas
particuliers. Mais pour répondre à ces besoins individuels et
individualistes, c’est tout un système qu’il faut changer.
Tout
simplement, ce n’est pas le cas individuel qui compte. S’il y
avait des trains à prix et à fréquence abordables, on aurait moins
besoin de la voiture. S’il y avait des ressources humaines
adéquates à la campagne, on aurait moins besoin de se déplacer au
loin.
Ce
sont les notes du début d’émission – j’ai ensuite utilisé
les notes manuscrites que je n’ai pas pu transcrire encore, faute
de temps sur un ordinateur branché et avec accès ftp (file transfer
protocol) – s’il y en a qui lisent ces mots qui peuvent me
proposer un contexte (quelques heures devant un ordi dans un lieu
dit) tel que je peux mener à bien ces travaux j’en serai très
reconnaissant … et ceux qui m’écoutent aussi, j’espère ;)
Cette émission, le No.4, est censé traîter
de l’habitat. La dernière se concentrait sur le mouvement, le
transport, le nomadisme.
Mais comme cela a été démontré, dans une analyse dynamique, on ne peut
pas échapper au cadre.
Sur
l’Aire des camping car, j’ai demandé à un norvège en mobilhome
où se trouvait l’eau.
Sur
France Inter, La Terre au Carré hier mercredi venait de Millau, pour
parler du vélo. Ils ont identifié le problème en France du vélo
conçu comme un sport, par rapport aux pays nordiques, où c’est
tout le monde qui le fait.
A Millau, on a beaucoup d’élan, pour créer des systèmes de
covoiturage, pour les trotinettes électriques, pour les nouveaux
types de transport léger dont traitait l’émission …
mobilité - à vélo
J’ai entendu l’émission sur le vélo-mobilité,
ce mercredi 5 octobre 2022, sur France Inter, La Terre au Carré.
J’ai la sensation que tout le monde est en train
de bouger, très lentement, trop lentement, vers des positions pré-existantes mais ignorées - c'est une démonstration de l'amnésie de l'histoire et de l'importance de sa mise en valeur.
45kmH, c’est trop rapide. 100km en 2 ou 3
heures, c’est une manière de ne pas changer la topographie de nos
vies, alors qu’il nous faut densifier les populations rurales et
réintégrer nos vies au vivant. En fait, chaque interlocuteur sur l'écologie se devrait de parler des gens aui vont participer dans son expérience, comme s'ils faisaient partie du grand ensemble, de nouveau …
Si l’on crée une mobilité pour
les gens du pays, sans accommoder les transporteurs, les messagers et
les travailleurs actifs en déplacement, on reste dans le même
modèle industriel.
La situation se cristallise - c'est comme un voyage de découverte civilisationnelle, où on procède par toutes les étapes de l'apprentissage, où une allégorie des sept fléaux de Moïses; les gilets jaunes et leur fixation sur l'essence, le climat qui se réchauffe manifestement, l'extinction de la biodiversité, la séchéresse, le virus pandémique, la troisième guerre mondiale, les grèves pétrolières. Et le rémède: la frugalité, la sobriété, la prospérité, l'écologie, ...
Mieux dit, dans la version Macronesque: les subventions, pour faire tourner la machine économique. La solution finale.
Le problème est que tous ces problèmes sont entremèlés, mais la politique se prétennd strictement politicienne. Ah, les chasses gardées! Avec chacun qui se renvoie la balle sur l'autre, jusqu'à ne pas savoir qui est qui.
Guerre écologique
Le plus fréquent, ce sont des gens qui disent
qu’ils ne sont pas écolos puisqu’ils ne pratiquent pas – même
qu’ils sont pleins dans l’industriel.
Je leur réponds que ce n’est pas comme ça
qu’on raisonne par rapport à l’armée – les soldats ils y vont
pour nous, ce n’est pas parce qu’on n’est pas soldat qu’on ne
les soutient pas, avec leur courage.
C’est une guerre dans ce sens, on soutient les
actifs écologiques – puisqu’on en a grave besoin pour nous
défendre, même si on ne peut pas soi-même.
Cela déblaye le terrain un peu, on sait pourquoi
on soutient l’armée écologique.
Le deuxième exemple qui me vient à l’esprit,
ici en France, c’est la Résistance – qui est un modèle
exemplaire de solidarité dans l’adversité – qui fait partie de
la culture partagée.
On peut même apprécier l’ironie de la
situation, ceux qui hébergent les résistants actifs, qui les
protègent, ont tout intérêt à cacher leur soutien logistique, de
rester dans le rôle de non-combattants. On peut faire l’analogie
avec la guerre en Ukraine, où les ukrainiens versent leur sang et
nous, qui ne sommes pas en guerre, les alimentos avec des munitions
dans cette entreprise.
Par rapport à la guerre écologique, où on se
combat avec et contre les éléments, on est un peu dans la situation
d’une population captive dans une zone occupée, ici à la campagne
française.
Les riches, les hyperconsommateurs sont ici, chez
nous – même quand ils ne sont pas là – ce serait le cas des
deuxièmes résidences, des gîtes, des usines abandonnées, …
Sans hypermarchés, les hyperconsommateurs
crèvent, même en campagne.
C’est comme un kit de survie, le premier outil à
récupérer, les moyens de se défendre.
Pour en sortir, de cette dépendance à distance,
il nous faudrait créer des endroits pour se ressourcer, des relais
d’étape, mais aussi des ateliers, une mutualisation du travail,
des lieux de stockage, des gîtes de passage, des espaces de partage
et d’orientation – sur la voie publique, sur les marchés locaux,
accessibles au maximum de gens qui sont vraiment, physiquement là.
Ces outils permettent de s’autonomiser – de
faire des jardins, de transporter des denrées, d’apprendre des
métiers et de se présenter sur le chantier.
Das un pays champion de l’agriculture sans
agriculteurs, on pourra créer une nation de jardiniers décontractés,
libres de leurs actes, libres de leurs mouvements.
Dans un pays dominé par la voiture, on pourra
récupérer des pistes marchables, cyclables, sans peur. Tout cela
est maintenant à portée de main, si on le veut bien.
Pourquoi la Guerre écologique ?
Pourquoi pas ? La guerre est toujours
multidimensionnelle. En sciences politiques, on peut utiliser un
schémat basé sur l’idée de conflit.
Dans une guerre de « haut conflit »,
le mouvement domine, les sédentaires sont pillés, leurs terres
incendiées.
« Bas conflit », dans ce schémat,
équivaut à « coopération ». Les soldats, des nomades
qui pillent et qui violent, sont remplacés par des saisonniers qui
sèment et qui récoltent. Ce sont les sédentaires qui dominent, pas
les nomades. Dans une autre dimension, cela s’appelle une guerre de
positionnement et d’occupation.
Napoléon disait qu’une armée marchait sur son
estomac. En général, une bataille décisive est déjà gagnée par
sa contextualisation anticipatoire. On parle de « théâtre de
guerre », mais je pense toujours à son inverse :
« guerres de théâtre », dans le sens que la mise en
scène déterminera le résultat.
Ceci est particulièrement important lorsqu’on
traite de la guerre écologique. Il est important d’identifier
l’ennemi, de le cerner de près. L’ennemi est en nous – un peu
comme aliène, inextricable – et cependant il nous faut nous en
séparer, coute-que coûte.
(je recommande à tous ceux qui m’écoutent
d’ultiliser sans crainte toutes les expressions dont le président
s’est accaparé ces dernières années, sans vergogne).
Le terme « guerre » est utile dans le
sens qu’il admet la possibilité d’une force hostile. Je peux
dire que la plupart de discours écologiques actuels s’agitent sur
un terrain neutre, comme si l’ennemi était décervelé, un simple
objet sur lequel il faudrait agir.
Mais non. L’ennemi est hostile et proactif –
il défend ses terres, il défend ses acquis – logiquement.
En réalité, la territorialité, la
subordination, le colonialisme, objectifient les relations
subjectives, imposent un rapport de force.
Parler de ce rapport de force n’est autre que
dire, selon le dictum anglais « être propriétaire, c’est
9/10 de la loi. »
En termes stratégiques, donc, ceux qui eux-mêmes
bougent … et comment (!) et qui detiennent des pieds-à-terre
partout, ont le meilleur des deux mondes stratégiques. Ils n’ont
qu’à fixer les dépossédés et sans domicile sur des domiciles
fictifs ou des résidences fiscales, pour contrôler totalement
l’affaire.
Cela explique, en grande partie, pourquoi on n’a
pas agi ou bien que l’on continue dans des politiques
anti-écologiques, bien qu’au niveau rhétorique on se prétend
très ouvert à l’écologie.
A chaque échelle, y inclus le micro-échelle, il
n’y aura pas grand’intérêt à agir. Ceux qui agissent ne
pourront pas vaincre, ils vont contre toute une série d’intérêts
pré-existants dans chaque lieu. Seulement ceux qui ne menacent pas
les pouvoirs existants avancent. On tue dans l’oeuf toute velléité
de créer un système réellement différent.
Ce théâtre de guerre qui est la campagne a cette
particularité, il est devenu le terroir des riches et des puissants,
seules les villes rurales ont un profile de population comprenant
aussi de pauvres, des immigrants, … Il est facile d’exclure
géographiquement, lorsqu’on est riche.
La guerre écologique prend aussi la forme d’un
poire. « N’importe où mais pas chez nous ». La voix
des riches porte loin, en campagne. Le désert rural est une création
des riches, autant que les réserves naturelles, où la présence des
humains est perçue comme nocive. Typiquement, le riche est fortement
motivé à devenir encore plus riche, comme porte de sortie, comme le
seuil du prix d’entrée au désert rural est de plus en plus élevé.
Après tout, le pétrole coûte de plus en plus cher…
perspective, gros plan
Face à ces oppressions, bien identifiées et
connues de nous tous, cette guerre écologique non-métaphorique que
j’essaie d’articuler, elle sort plutôt avec un parfum de rose.
Elle consiste à joindre intelligemment les différentes pièces
humaines et de convertir les épées en outils d’usage
horticulturel.
Sans nier le rapport de force – si nous
commençons sérieusement à réoccuper la campagne avec des
pratiques saines, nous aurons gagné la supériorité logistique qui
gagne la guerre. Les collaborateurs de l’ancien régime seront
devenus nos alliés, ayant vu la direction que prennent les
événements.
Mais pour cela, il faut des …
Fils conducteurs
… des réintroductions d’espèces, une
biodiversité culturelle rafraichie.
Je parle évidemment d’être humains, et c’est
en cours. Des jeunes familles ont tendance à répeupler les
campagnes, actuellement. Mais tout est toujours en cours, même des
tendances symmètriquement opposées.
Il va sans dire que la mutualisation et la
fédération des ressources font partie de l’économie écologique
– et directement contre les intérêts de la désuétude programmée
– du marché captif, consomptif.
La désuétude programmée dans sa forme la plus
dénuée et transparente, c’est la guerre, qui brûle et qui casse,
nous obligeant à acheter toujours plus pour remplacer ce qu’il
n’aurait pas fallu remplacer.
Ici quelques suggestions de ce qu’il faudrait
mettre en place, pour durer.
– Pôles de renseignements écologiques,
analyses, chiffres, orientations
– écologie active : ateliers, formations,
écoles linéaires
– espaces de réception et de partage (accueil
sur les marchés chaque semaine)
– lieux de stockage (vélos, bagages, denrées)
– ressourceries populaires, ateliers physiques
pour créer et construire
Tous ces éléments peuvent être assimilés,
fonctionnellement, à des groupes de soutien – qui rendent faisable
la pratique d’une vie écologique – le soutien logistique qui
permet de mettre les soldats écologiques dans le champs où la
bataille est menée – de mouler le théâtre de guerre déterminant.
Et le gouvernement, avec une lenteur excruciante,
est en train de bouger dans ce sens – mais les territoires ruraux
sont à des années lumières, encore, du pouvoir central, avec une
capacité de créer des obstacles, tant constitutionnelles que
démocratiques, à l’épreuve de tout effort de changement, jusqu’à
là.
On continue de bétonniser, à la campagne. On
arrose les champs de foot et les champs de maïs, dans la sécheresse.
On chasse la vie sauvage. On plante les douglas. On élimine les
pauvres. On interdit les Tiny House.
L’exception prouve la règle. Les Tiny House
démontrent les limites de la tolérance réelle.
La désuétude programmée
Tournons-nous maintenant vers la montagne de la
désuétude programmée qui nous noye sous des déchets, hors
contrôle, actuellement. Ce monde cauchemardesque fait que les
ressourceries et le recyclage broyent et brûlent, ici maintenant,
les moyens de notre survie future, sous nos yeux.
Nous broyons notre avenir.
La Tour Eiffel avait une vie programmée d’environ
deux décennies, il y a plus d’un siécle. La durée d’existence
des bâtiments modernes est calculée plus finement, elle ne rate pas
si souvent son coup.
Il y a d’autres sources de désuétude
programmée encore plus réussies. Cramer l’essence, c’est une
manière d’en avoir toujours plus besoin. On ne devrait pas être
surpris de la popularité des quatres-quatres hyperlourds, c’est
une expression tribale de cette allégéance à la consommation – à
la désuétude programmée.
La guerre est l’expression de la désuétude
programmée la plus perfectionée – elle oblige et elle contraint
aux gens de produire et d’acheter des armes et de préférence des
munitions autonomes, qui éclatent et qui doivent être remplacées …
pour se sauver la peau.
La potentialité de croissance après-guerre d’un
pays est astronomique, du fait qu’elle doit tout régénérer.
Il y a donc une harmonie complète entre la guerre
et la désuétude programmée.
La politique de la guerre écologique est d’éviter
la guerre, l’hyperconsommation, et surtout la désuétude
programmée.
Voyons un peu plus loin.
Ceux qui manipulent, ingurgitent et dirigent à
longueur de journées des instruments de désuétude programmée, des
forfaits, des échéances, des transactions et leurs supports
physiques, également fragiles dans la durée, …
C’est tout ce qu’on connaît de près.
C’est grave pour les vieillards. Comme la Tour
Eiffel, on peut leur dire – mais n’êtes-vous pas un peu
surnuméraire, vous avez passé votre date de péremption ?
C’est logique, ils ne connaissent que ça. Si ce
n’est pas brillant et neuf, à quoi ça vaut, dans deux ans ce sera
suranné ?
Le corps, aussi, doit être performant et neuf. La
forme cardio-vasculaire d’un enfant, wow ! Et on ne savait
pas, auparavant (?!).
La Tour Eiffel est en fait un vieil arbre,
statuesque et magnifique, un trésor à tous égards. Elle dépasse
tout contemporain maintenant.
Mais un humain, il a sa date limite de vente.
L’éthique de la désuétude programmée,
l’esprit de l’économie circulaire, sont-ils vraiment si loins,
l’un de l’autre ?
Sans singularités. Tout-consommants.
Spécifiés par groupe subordonné, schématisé.
clic-nudge, confort-facilité
Tout le monde est en mode clic-nudge – ou
presque.
Cette idée est venue en écoutant une petite
analyse du développement de nos cerveaux – où des gens exposés à
Pokamon à une âge précoce développent une région du cerveau
dédié au Pokemon, tout comme ils en ont une pour les visages ou
pour les lieux – mais pas pour les voitures, il paraît.
Clic-nudge est une sorte de pacification de notre
patrimoine culturelle cérébrale. Cela va ensemble avec l’économie
de l’attention qui vise à rendre productifs les services, nous,
vidés de tout autre sens.
Donc si vous avez des problèmes à suivre ce que
je suis en train de dire, parce que vous avez un rendez-vous dans
cinq minutes ou parce votre téléphone vous a blippé –
rassurez-vous, ce n’est pas par hasard, c’est dans le program.