mardi 9 mars 2021
reconquis
revue et propositions : Reconquête – au nom de l'intérêt général (2020), Aurore Lalucq, député socialiste européenne
C'est un petit livre – 100 pages, qui donne l'impression d'avoir été écrit hâtivement, peut-être dans le train ou après des séances au parlement européen, dans un certain état d'exaltation de la parole, avec les présuppositions « socialistes » qui font encore jour au niveau de l'Europe, si en France ou en Angleterre on est déjà passé à autre chose.
Les paroles et la politique de Jean Monnet, dans l'immédiat après-guerre 1939-45, exprimant le besoin d'avoir le peuple et les corps sociaux pleinement investis dans des projets de longue haleine, d'investissement dans l'infrastructure, sont récupérées pour une application de nos jours dans la « transition » écologique. D'autres lumières, connues surtout des socialistes, sont mis en avant, un tel Hyman Minsky (1919-1996) qui a proposé que lors de crises il faut embaucher tout le monde au salaire minimum.
On le veut bien, on ne dit pas non. Le problème étant que la version « moderne » de cette idée pourtant simple, est d'embaucher les gens à un, deux ou trois jours par semaine dans des contrats très limités et surtout qui ne donnent pas de quoi vivre, au gré du fonctionnaire qui le décide, sur des travaux qui ne font qu'intensifier la crise écologique. Ce n'est pas la parole d'une écologiste motivée à Strasbourg qui va changer la donne. L'administration est devenue plus forte que la loi - elle fait ses propres lois, en fait.
Si l'on veut isoler les raisons pour lesquels Jean Monnet a cru possible d'embaucher les gens de bonne volonté sur des travaux d'intérêt général, c'est que la guerre les a habitué a participer à des efforts coordonnés de grande échelle, dans un esprit foncièrement nationaliste, que la galère les a fortement motivés à s'en sortir et que les traditions socio-coopératives de l'époque étaient non seulement la norme mais aussi les techniques progressistes politiques que l'on croyait être de l'avenir. Il suffisait d'arroser le sol fertile avec de l'argent hélicoptère pour que tous les petits chefs du coin se mettent au travail, avec les bons vœux et l'engagement résolu de leurs concitoyens, ou dans le cas obstant, le désir prononcé de s'ammiler à la masse pour mieux passer inaperçus.
En 2021, le tableau n'est pas le même. Notre mot d'ordre dans ce combat mortel est de rester chez nous totalement démobilisés jusqu'à nouvel ordre. Les seuls projets, très amorphes et difficile à lire, qui nous sont offerts sont dans la rénovation thermique (qui paraît plutôt une autre usine à gaz pour les profiteurs) et la mise à jour numérique. Comme projets mobilisateurs du peuple, il manque une petite quelque chose pour capter l'imagination. Aller faire des jardins ci et là, tuer quelques bovins pour la forme, ce n'est pas garanti d'enthousiasmer les masses non plus. Pour entreprendre les changements radicaux de modèle proposés, il y a besoin de mettre les gens en immersion dans un monde où les rapports avec la nature et avec leurs frères et soeurs ont un sens pour eux, individuellement et collectivement - avant de leur proposer des gestes de bâton magique qui contredisent leurs vérités culturelles. Je fais un tour de projets potentiels plus bas dans cet écrit.
De surplus, l'idée même de mettre notre destin dans les mains d'une classe de fonctionnaires, de prétendus entrepreneurs d'entreprise zombie, de petits caïds et de grands brimeurs qui nous ont déjà mené une vie d'enfer ces dernières années, sans jamais chercher à promouvoir l'action écologique réelle, est un peu improbable comme motivateur du peuple. Ils s'en foutent de ce qu'on dit à Bruxelles. Le seul atout de Macron, en fait, c'est qu'il n'était peut-être pas intégré, d'apparence, aux groupes politiques existants, connus et déplorés – une notion dont on est maintenant totalement désabusé – l'élite, on le comprend, c'est tout le monde d'en haut – c'est un cartel, à chaque échelle, où qu'on cherche. Il faut se réformer, se détacher très visiblement de cette perception, pour que chaque tentative de créer d'autres réalités ne s'enlise.
Les preuves d'amour faits au combat dans la deuxième guerre mondiale manquent, de nos jours, dans ceux qui prétendent être les premiers de cordée dans un monde futur. Il y a surtout des preuves de trac du peuple – de peur que « ça déborde ». Il faut aller à l'avant, dans le peuple, avec le peuple. La solidarité à la française qui nécessite une sorte de subordination à chaque échelle à une personnalité dominante crée un genre de retrait de la vie publique de ceux qui n'acceptent pas ces trames de dominance. De ce fait la solidarité se fait surtout chez soi dans l'entre-nous, c'est-à-dire, pas du tout. Cette « boude » nationale fait que lorsqu'il faut agir, les pôles d'attraction théorique servent plutôt de repoussoirs. D'ailleurs, dans ces classes-là, on se méfie des « casse-pieds ». L'innovation n'est pas bien venue. Cela se fait déjà, apparemment, il y a une assoc. pour cela. Étant donné que la Covid a poussé ce désengagement politique et publique aux limites de l'absurde, il est vrai qu'on ne peut que remonter la pente. Mais cela est un constat, ce n'est pas une volonté, encore moins un passage à l'acte.
Des solutions, il y en a, mais même l'expression « solutions écologiques » a mauvais renom, tellement il y a eu de fausses solutions promues. C'est un peu comme chercher quelque chose sur Google, il faut tous les efforts possibles pour trier entre les informations totalement bidons et les cookies qui ne cherchent qu'à vous orienter vers leurs produits. Pour s'en échapper, il y a les services « premium » - c'est-à-dire des vrais services, mais payants, sans pub, ou on a fait l'effort de pré-trier l'information pour qu'elle soit pertinente. Même le Wikipédia devient une enceinte pour les protocolaires intriqués. On rève d'un bon dictionnaire en papier où au moins on n'a pas à se demander si c'est de l'information à peu près sûre.
La solution de base, face à ces contradictions, n'est pas tant d'arroser les gens avec de l'argent, (pour payer à ceux qui nous torturent ?! ) mais de faire que les gens sortent, qu'ils se déplacent physiquement et qu'ils se rencontrent physiquement, qu'ils fassent des choses écologiquement cohérentes ensemble, sans machines – surtout pas de débroussailleuses ou de voitures. Comme ça, c'est clair. L'un des projets pourrait être d'aller cueillir des légumes et préparer à manger, pour ensuite manger ensemble. Cela permet déjà d'établir les potentielles preuves d'amour qui, sinon, n'appartiennent qu'aux logiciels payants. Ces projets pourraient être menés par des chefs et des cuisiniers « des professionnels de la filière restauration » (j'interprète pour les malentendants qui ne parlent plus le français) qui sont, d'après tout, les plus affligés par le confinement et le couvre-feu et les plus motivés pour s'en sortir.
Rappelons-nous que la contagiosité covid est de l'ordre de 80% à l'intérieur en endroit clos, 15% à l'intérieur, mais bien ventilé, et 5% à l'extérieur (France Inter, Matinale, 17.3.21). Normalement, les fonctionnaires, les professeurs, les universitaires et les autres devraient être en train de montrer l'exemple en travaillant dehors, en bougeant à pied et à vélo, en mangeant ensemble dehors et en mettant à disposition du public des ordinateurs portables, des prises de courant et des hotspots - dehors.
La deuxième solution est que les gens qui sont sortis, qui ont mangé ensemble, qui ont réussi dans ces tâches élémentaires, commencent à proposer des solutions pragmatiques dans la même veine – le transport aux marchés des produits locaux dont ils se sont déjà renseignés et servis pour manger ensemble – ils savent donc où il se trouvent, ils peuvent eux-mêmes aller les chercher, ils n'ont pas besoin d'argent pour le transport, juste un peu de coordination et de contact humain avec des vrais gens. A ce moment-là, les « preuves d'amour » de l'administration seraient de ne pas les entraver les pas – même de leur ouvrir le chemin, dans le meilleur possible des mondes. Ces gens payés pour agir dans l'intérêt général pourraient par exemple mettre à la disposition des populations des lieux publics mais dans l'état ... vides, pour faciliter les déplacements, comme s'ils étaient dans un élan d'accueil. Tout cela se ferait sans machines – sans transport motorisé. Ceci démontrerait au moins que l'argent – et surtout l'effort public est en train d'être investi non pas dans les machines, mais dans les gens et dans leur milieu naturel.
Pour suivre donc dans les traces de Jean Monnet, on aura atteint le premier critère de succès potentiel, la motivation et non pas la motorisation d'au moins un secteur du peuple et la croyance que c'est possible, parce qu'on l'a fait. De lancer une telle initiative à partir des corps sociaux intermédiaires existants, y inclus les associations et les ONGs, ce serait déjà de se vouer à l'échec, tellement y en a ras le bol. Ces organismes doivent venir en appui – le monde administratif est encore tel qu'il est, et cela ne change pas du jour au lendemain, on le sait, mais (désolé de le dire) ceux qui sont les mieux placés pour mener de telles initiatives, ce sont les gens qui apprécient la bonne bouffe, qui sont déjà habitués à travailler en équipe, dans des cadres sociaux conviviaux. Des chefs qui ont des raisons d'être des chefs. Des « apolitiques » qui, en réalité, ne font que de la politique, mais pointue – qui n'est autre que le social, l'économie ménagère, l'accueil.
Il faudrait, par contre, à tout coût éviter de mettre dans des positions décisionnaires des spécialistes de l'administration, surtout les économistes, les financiers, les techniciens de l'informatique. C'est un cercle vicieux sinon. De mettre des gens qui ont démontré incontestablement leur coupure du monde physique – qui est celui qui nous fait jouir, prendre plaisir à la vie – dans des positions de pouvoir auxquels leur conditionnement et leur socialisation ne les ont aucunement formées serait un gros faux pas. Ils n'ont tout simplement pas les compétences nécessaires. Si on veut un monde ou il est plus important d'avoir le papier (ou le dossier, ou le cahier de charges, numérisés bien sûr) que le savoir faire de travailler physiquement avec les gens, on n'a qu'à continuer comme ça. Même dans les métiers de la restauration, il y a ceux qui prennent un sac scellé de patates déjà découpées par des machines pour les jeter dans un bac d'huile préchauffé au nucléaire, avec de la viande reconstituée venant de pays étranger comme base. Dans la restauration de l'état et les distributions aux pauvres c'est encore pire - tout est ensuite rescellé dans des conteneurs en plastique jetable individuels pour être rechauffé ensuite - comment veut-on être pris au sérieux quand c'est l'état même qui est le plus grand malfaiteur!? Mais il existe en France encore, de manière transgénérationnelle, une certaine fierté et savoir faire gastronomique, qu'il suffit de fusionner avec des critères écologiques pour réinstaurer un pôle d'attraction qui vaille, basé sur le réel, qui parle aux gens. Il n'y a pas que les Etats Unis qui sont en avance sur nous en termes de développement social (?). Il y a, dans ces domaines de la convivialité, les italiens, même certains espagols.
Ce qui est paradoxal, comme avec toute initiative sincère écologique, c'est que ce genre de cuisine populaire n'a pas vraiment besoin de subvention – il est plutôt générateur d'emploi réel et il utilise plutôt des ressources déjà existantes de manière intelligente et coordonnée. Il encourage le « made in France » - mais vraiment, alors qu'en général le "made in France" consiste en choses faites avec de l'argent et les matériaux premiers piqués des gens qui vivent ailleurs et qui travaillent pour des salaires de misère. Le problème avec cette mesure style : "solution de la singularité écologique" est que justement, il ne consomme pas beaucoup de ressources – la décision de ne pas utiliser des voitures est déjà énorme dans ce sens – et qu'il n'augmente donc pas la PIB – l'outil qui permet à la France de maintenir la confiance des institutions financières dans sa « solvabilité » - sa capacité de payer les dettes qui sont à peu près le seul outil qui reste au gouvernement pour maintenir la société à flot. Mais tant pis, on fera avec - il faut commencer quelque part, et anticiper un peu la probabilité de dislocation, paupérisation et extrèmisation de la vie de "la personne lambda" dans le proche-avenir. C'est vraiment le moins qu'on puisse faire, si on est un responsable politique même un petit peu renseignée sur l'actualité des lambdéens.
C'est aussi pour cette raison qu'il ne faut pas commencer, pour ce genre d'initiative, par rentrer dans le cadre décisionnel habituel – qu'on cherche à sortir les gens de leurs bureaux et de leurs voitures pour les mettre dans des conditions d'association humaine à peu près décentes, de nouveau. Je sais que ce n'est pas facile de mettre des lions qui ont passé toutes leurs vies en captivité à la nature, mais nous sommes supposés être plus "adaptables" que les lions. On y va.
Les habitudes de l'époque industrielle sont collantes. Les habitudes de la visioconférence aussi. Elles le sont d'autant plus qu'il y a l'inertie du non-bouger, d'être contraint dans son espace personnel et sécurisé. Il faut de l'intelligence sociale pour inventer – ou remettre en valeur - des cadres sociaux qui mènent à l'engagement avec l'altérité, multigénérationnels, chaleureux, décontractés, non-exclusifs, basés sur l'ici maintenant. Soyons rassurés que tout le monde, maintenant, a compris que c'est surtout ces groupes supposément hermétiques qui ont fait passer le virus, partout où ils volent, aux classes pauvres qui n'ont pas bougé. On sait qu'ils savent faire des garden parties dans l'entre-soi pour ensuite aller serrer la main du peuple devant les caméras - sinon comment auraient-t-ils pu transmettre le virus? On apprend, sans grand étonnement, que c'est en famille que cela se transmet. Le problème est d'inclure tout le monde, d'en faire une mode accessible. A vrai dire, l'espace publique, dans un traîtement intelligent de ce qui est une situation de maladie chronique, est notre principal atout. Le confinement, dans l'entre-soi, dans les transports publics, est ce qui se révèle le plus contagieux. Quelle drolerie.
Lorsqu'on parle, de manière impossiblement abstraite, du problème de n'être que des rouages dans une commerce internationale qui a pris le pas sur notre autonomie nationale, il faut savoir que le fonctionnariat de la France est également capable de totalement déplacer toute décision qui nous impacte, les mécanismes à l'œuvre s'en foutent de la distance, du lieu et de l'échelle, cela ne change aucunement leur nocivité.
Sans téléphone, en campagne, vous pouvez observer les fonctionnaires dont vous dépendez, qui vivent à côté de chez vous et qui se déplacent à leurs officines chaque jour, ils vous verraient crêver avant de vous saluer. Si vous ne me croyez pas, observez l'attention que l'on prête à la machine dans sa main par rapport à la personne en face de soi. Il est souvent plus sage de conseiller l'usage du téléphoner plutôt que de parler à la personne à vos côtés, si vous voulez vraiment qu'elle vous prête attention. C'est la société du « pas ici, pas maintenant », souvent avec une observation oblique du genre que vous auriez quand même pu noter qu'on est super-occupé au téléphone, à l'ordinateur. Cela se passe au niveau local parce que tout est local. Les gens se retirent parce qu'ils n'ont qu'à se retirer, face à ces indignités.
Mais observons ce qui se passe dans un cadre où les gens marchent ensemble, cueillissent ensemble, transforment, cuisinent et mangent ensemble. On peut observer que la rélocalisation des rapports va de soi. Le fonctionnaire, responsable de la logistique, se trouve, à ce moment-là, face au besoin d'organiser le système d'approvisionnement de ceux qui sont là avec lui, et pas derrière le vitre – un tel peut récupérer telle denrée là-bas - au passage chez lui, un autre se propose pour prendre une commande de pièces nécessaires pour l'atelier vélo qui opère sur place, un autre peut se pointer dans l'équipe qui est actuellement en train de couper les patates, il y a le déplacement des stocks pour la prochaine étape à organiser, pour les mettre dans le lieu de stockage proposé par la mairie, etc.
Tenez, un boulot utile pour un fonctionnaire à ce moment-là serait d'engager les assureurs afin de légitimer l'utilisation de non-fonctionnaires pour, par exemple, "couper les patates", sans poursuite judiciaire. On n'a qu'à se décider – est-ce qu'on veut re-situer nos actes chez nous ou est-ce qu'on veut passer un temps sans fin à parler autour d'une table virtuelle sur la dé-virtualisation, tout cela subventionné par la dette croissante nationale, faite sur le dos des pauvres qui malgré leurs instincts, sont bien obligés de faucher de la forêt vierge pour nous fournir nos aliments de base que nous ne savons plus produire sans polluer la terre - chez nous en plus ?
Ces expressions d'exaspération viennent du fait que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, on a déjà compris, de manière abstraite, la racine de nos problèmes, mais on continue de faire les choses qui nous mènent au désastre, les décisionnaires en premier. Les bacs + 5 qui ont déjà compris n'ont d'autre solution à proposer, paraît-il, que de continuer de parler de tout et de rien, en cercle fermée. Ils ont oublié qu'on ne sait vraiment pas où ils vont avec tout ça. Les gens se trouvent démunis, conditionnés à appuyer sur la manivelle qui les donne des subventions. Au moins les machines ne savent pas exprimer leur condescendance, et l'argent à la main, il parle sans mot dire.
Si les gens au pouvoir ne savent plus parler qu'aux gens comme eux, c'est à cause de cette situation d'impuissance d'autonomie des gens plus sains d'esprit qui n'envisagent pas de s'embrigader dans des parcours qui n'affûtent que leur capacité de « parler ordinateur ». Ce n'est même pas la peine de parler si on n'est pas payé pour – encore moins de penser. On pense pour nous, nous n'avons plus à penser pour nous-mêmes. Les écologistes administrateurs ne sont pas les derniers venus à cette table de l'inaction collective, pour eux la nature est ce qu'ils visitent pour l'admirer – une réserve ou on ne rencontre que des touristes venus en voiture - ou bien le petit jardin qu'ils nourrissent comme passe-temps pour se donner bonne conscience, ou le vélo qu'ils utilisent pour aller au travail - ou à l'aéroport. Le gros de leur vie et de leur revenus se produit grâce au téléphone, à la visioconférence, à l'intérieur dans des milieux chauffés, climatisés, en train de lire et de remplir des liasses de papier virtuel.
Et si on appliquait la même attention et effort à notre engagement avec le monde physique du vivant ? Moi, par exemple, j ne serais pas en train d'écrire sur ordinateur, sinon de parler avec les gens – et de parler des actes concrets immédiats que nous sommes en train de mettre en œuvre. Mais je ne veux vraiment pas parler de l'heuristique des fines distinctions ontologiques qui méritent une analyse repoussée! Vous m'en excuserez.
Lorsqu'il y a les rares « remontées du terrain » des « acteurs » engagés dans le faire, ceux qui assument les responsabilités de plus grande envergure cherchent, comme la main d'œuvre sur un chantier, à approvisionner ceux qui font le travail. Ils ne sont plus les chefs, mais les facilitateurs, réactifs fonctionnellement aux besoins matériels des gens qui font, représentatifs de leurs besoins dans leurs propres collaborations avec d'autres coordinateurs. Mais si plus que la bonne moitié de la population n'y est pas engagée, cela ne fait pas l'affaire, cela fait juste quelques affairés.
L'une des choses que les écologistes oublient de mentionner souvent, c'est que le vrai travail écologique a besoin d'énormément de main d'œuvre humain, qu'il n'y a même pas de machines qui peuvent le faire. Prenons un exemple. L'existence de clôtures électriques partout, qui remplacent les haies – foyers essentiels de biodiversité, ne vient pas de nulle part. Entretenir une haie qui ne produit absolument rien directement pour l'être humain concerné coûte en plus énormément d'heures de travail, de travail dans le détail, du travail intelligent. Ah, le joli bocage ! Oui, mais les touristes, qu'est-ce qu'ils donnent à celui qui l'a fait, le travail ? La nature, pour la plupart d'entre eux, c'est ce qui se fait soi-même, comme par miracle. C'est gratos, ou cela devait l'être, pensent-ils.
L'emploi sur les bords de route est une source massive d'emploi de ceux qu'on appelle des en voie d'« insertion sociale » – ou des « TIGistes ». Je suis poli. Ils ont d'autres noms aussi. Mais l'entretien de haies a besoin d'un travail intelligent – savoir plier les arbres, créer de la densité, favoriser certains mélanges d'essences et beaucoup plus. Tandis que les entreprises qui prennent les TIGistes utilisent des débroussailleuses, des tronçonneuses et des camionnettes pour dévaster des milliers de kilomètres de haie chaque année. Leur manque de savoir faire convertit une opération qui pourrait être d'énorme intérêt écologique en opération hyper-consommatrice d'énergie qui continue d'inculquer des valeurs complètement industrielles sur toute une génération d'ouvriers sans formation.
Tout comme dans la proposition d'emploi massif des restaurateurs écolos, pour rétablir les liens fonctionnels humains d'une société – il y a la réserve qu'il faut qu'il y ait une sensibilité écologique qui conditionne ce processus, il est nécessaire d'aborder la question de la réhabilitation des haies avec circonspection. Tenez, on pourrait même en faire un ministère, juste pour les bords de route, tellement le problème il est vaste, à lui seul! Le ministère des bords de route. Ceux qui sont actuellement en place dans le métier ont des valeurs actives totalement à l'antithèse de l'écologie. Ils ne dépendent pas du tout de la production de biodiversité pour leur pain quotidien, sinon de la mise-à-ras de kilomètres linéaires de végétation. Là où ils sont passés, les adventices les mieux adaptées, les ronces, le balsam d'himalaya, les orties, etc. poussent en profusion, les assurant d'encore plus de travail énergivore dans les courtes années à venir. Ce n'est qu'en ville – là où les clôtures électriques rencontreraient quelques résistances humaines et pas seulement bovines - qu'on commence tout juste à aborder sérieusement la question de la bio-diversité aux bords des routes.
Une manière de considérer la conversion écologique de ce métier serait le suivant. D'abord et avant tout de faire que les équipes qui intègrent ce travail aient des formations préalables ou sur le champs sur la biodiversité, la frugalité énergique, l'utilisation d'outils manuels. Deuxio, qu'ils visent vivre des ressources alimentaires et autres créées aux bords des routes et des chemins qu'ils entretiennent – cela les recentre sur l'intérêt de ce qui s'y trouve. C'est-à-dire le lourd boulot de la détection, de la protection et de la sélection de noyers, châtaigners, cerisiers, aubépines, noisetiers, prunelliers, etc. qui y poussent déjà mais qui sont actuellement fauchés à répétition. Et on fait ceci au bord des centaines de milliers et des millions de kilomètres de route et de chemin, à présent abandonnés à la voiture - l'instrument même de notre déroute climatique. Pour ensuite cueillir, transformer et réaliser la valeur de leurs fruits - et de leurs bois – sans les brûler et sans en faire des palettes. Ce n'est pas un mince défi. La pollution des bords de route est énorme, tant en métaux lourds qu‘en poussière de particules fines également nocives qui se collectent dans le feuillage. Oui c'est un problème. Mais on ne peut pas nier qu'il y a déjà la forme d'une solution, dans les gens qui sont déjà là, déjà financés par l'état.
Est-ce qu'on est vraiment sérieux, je me demande, lorsqu'on parle de la transition écologique, assis sur son banc dans le train qui mène à Strasbourg, en train d'écrire les solutions écologiques de demain, toujours demain ? Le fait de s'engager avec la pollution existante, là où elle est la plus concentrée, là où l'être humain, il passe, n'est-ce pas « une preuve d'amour » ? La SNCF commet des atrocités dans ce sens aussi, l'élagage des bords de chemin de fer continue, mais sur les bords de route la mode est d'élargir le trait toujours plus, la stratégie maintenant est d'éliminer les arbres surplombants, si possible à dix mètres de chaque côté de la route (pour que les voitures « voient » le paysage). Cela donne beaucoup de boulot et de bois pour les machines des TIGistes. Le travail de l'homme est réduit à la destruction de toute végétation qui dépasse 10 centimètres du sol – il est impossible, avec la débroussailleuse, de faire autrement. Il y a un manque de culture et de savoir faire tellement grossiers dans les normes de cette profession que ce n'est même pas la peine d'en parler avec eux. Qui, de sincèrement écologique, ferait ce métier, sans de réels besoins d'emploi ? Pour les « CDIs », la crème de la profession, la rentabilisation de l'investissement énorme dans les tracteurs faucheurs qui réduisent la dépendance sur la main d'œuvre est ce qui compte. Ce sont ceux qui dépendent directement du pouvoir public centralisé - que ce soit de la communauté de communes, des conseils généraux ou régionaux. La plupart des conversations tournent autours de l'entretien des machines et l'existence des subventions – tandis qu'à plus basse échelle, il n'est pas facile d'entrer en contact avec la nature lorsqu'on passe des heures entières enveloppé de vêtements de sécurité en fluo avec des casques protecteurs et une machine tellement bruyante qu'elle coupe tout contact avec cette nature - et avec ses camarades de travail.
Si les élagueurs étaient employés à plier les haies, il n'y aurait guère de problème avec des arbres surplombants. Si le cœur de métier était écologique, les particuliers, au lieu de suivre les normes de l'agriculture à taille de tracteur ou de débroussailleuse (ce n'est pas vraiment la taille qu'ils pratiquent, mais plutôt l'arrachage ou la pulverisation), sauraient créer des jardins détaillés, biodivers, qui ne consistent pas seulement en pelouse débroussaillée, deux ou trois arbres parsemés au milieu et un lopin de terre avec quelques oignons et des patates, cassé chaque année au motoculteur. Ce sont en plus des techniques totalement dépassées par les connaissances actuelles en la matière – où est donc la transmission de savoir ?
La tradition et la fierté, pour les cheminots d'antan, s'étalait devant les voyageurs, dans les jardins au bord des rails de chaque petite gare et maison. C'était de la publicité gratuite pour le savoir faire rural "fait main". C'était des jardins, pas des « exploitations » à but lucratif - ceci dit ils étaient plusieurs fois plus productifs par mètre carré que n'importe quelle entreprise industrielle agricole aujord'hui, et ceci sans subvention – au contraire c'est parce que les cheminots n'étaient pas royalement payés qu'ils s'investissaient autant dans le jardinage.
Si les « décideurs » au niveau national et européen ne savent pas mettre des écologistes qui savent cultiver sur le terrain, pour expliquer les nouvelles normes par les actes, comment veulent ils qu'on les croie ? Avec leurs téléphones et leurs ordinateurs portables, ils pourraient même donner l'exemple, en y allant eux-mêmes, en collectif. Cela ferait "événement". Les élites des milieux ruraux sont actuellement totalement dominées par des pratiquants de la « science » du productivisme industriel. L'argent public ne cesse de les raffermir dans leur dogmatisme. Est-ce que les politiciens écologistes osent montrer le contre-exemple ? Ils n'ont rien à perdre, on ne vote pas écologiste en campagne – il faut être riche pour y trouver sa place et la seule manière de remédier à cette situation électorale, c'est de rendre possible un repeuplement écologique, également de gens de classe populaire, susceptibles de ne pas voter à l'extrême ou au « centre » droite et de bien vouloir travailler pour créer une campagne à la taille de leurs rèves.
Mais dans la vie réelle, tout comme en Angleterre, ceux qui ont tendance à repeupler la campagne dans les conditions actuelles sont plutôt des libéraux riches et donnés à l'entre-soi, des gens de la gauche caviar qui a échouée, ces longues années, à faire épanouir l'écologie de masse, justement parce qu'ils pensent surtout à leurs propres libertés et pas à celles des autres, au moins en ce qui concerne leurs préférences électorales et leurs vies privées réelles. Il y a même pire, les plus « écologistes » sont ceux qui font le plus la navette entre leurs boulots « socialement validés » ailleurs et leurs « petits paradis perdus » à la campagne. Ils ont tous des voitures, identifiez l'erreur. Tout comme les députés qui vivent entre Paris, Strasbourg, Luxembourg, Bruxelles … et les arrière-pays et les arrières-villes où ils ont étés parachutés pour se faire élire. Il faut avoir une très grosse tête pour penser qu'on peut sortir indemne d'une telle programmation sociale, soi-même, par auto-persuasion. Il est évident que dans ce cas, on se sent bien obligé de travailler avec et à travers les élites locales qui ont les réseaux de contacts qu'on ne peut pas entretenir et qu'on apprend, à force, l'impossibilité de l'engagement social sur la plupart de la surface du métropole.
Si, en ville, il y a plus d'espoir, (on y vie, on y travaille et au moins dans sa tête sociale c'est un endroit familier) il est logique de penser à réinvestir la campagne à partir des villes, de rentrer en contact direct avec la nature plutôt que d'y ériger des réserves qui la dépeuplent encore plus. On ne peut pas séparer humain et nature, c'est (presque) tout ce qui nous reste!
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dimanche 7 mars 2021
norma
Normes et complexité
Peut-être ce n’est pas si complexe. Prenons quelques normes. En France il y a vraiment beaucoup de gens maintenant - autour de 70 millions, il me semble. Plus qu’avant. On était autour de 40 millions il y a moins d’un siècle (années 1940). Nous sommes des hyper-consommateurs aussi, par rapport à cette époque.
La complexité, ce qui se passe en avale et en amont fait des impacts. Les agriculteurs font des impacts. Ils ne peuvent pas faire comme avant – ils ne font pas comme avant. Même sans normes.Il faut qu’ils acceptent qu’ils vivent dans un écosystème qui génère de la biodiversité – qu’ils en font partie. Si Edgar Morin fait partie de ceux, avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui ont en partie fait vivre ces mots et ces récits, tout récit peut mener à une interprétation erronée. Il est vrai que le Développement durable est un oxymore dans son usage présent, mais Small is Beautiful (c.1968) fait toujours mieux contre l’échelle industrielle que Décroissance (c.1972) et croissance verte se met carrément au service du green-washing.
Donc je pense que Xavier Noulhianne, l’auteur du livre Le ménage des Champs, Chronique d’un éleveur au XXIe siècle (2016) a à la fois tort et raison. Il a raison que l’invasion des normes de qualité et de traçabilité industrielles actuelles est néfaste et inique. Il n’a pas raison de s’attaquer à la raison systémique. Il a raison de s’attaquer à cette raison systémique qui nous domine, à présent, mais pas à « la raison systémique » ou à toute raison systémique, ou à toute « rationalité ». Il a raison de douter de la valeur des idées « marques » - comme la Bio (grand B), mais nous avons besoin d’une lexique rafraîchie pour pouvoir comprendre et discuter du monde dans lequel nous nous trouvons. Le mot « résilience », dans le sens qui lui est accordé aujourd’hui, est emprunté à l’anglais où il est déjà rentré dans la langue courante il y a longtemps. Cela veut dire donc « savoir fléchir sans casser ». Je ne l’utiliserai plus maintenant, après l’explication de Xavier Noulhianne que la résilience veut dire que cela use quand même le matériau.
Lorsqu’il ébauche l’analyse des tenants et aboutissants du bio (petit b) à partir de 1972 en les contrastant avec les tentatives de normalisation actuelles, le puçage des chèvres, la télémétrie satellitaire, l’utilisation des agriculteurs au service des industries des pesticides et des machines agricoles, il a raison de nouveau. Mais ce n’est pas pour autant que le petit éleveur de bétail n’est pas critiquable, de son côté, et cela bien avant le présent.
C’est que les mots, il ne faut pas les céder. Les récits non plus. C’est une bagarre de sens, mais pas sans mots. « Solutions techniques » est une autre expression problématique, à l’égal de « la Science ». On cherche bel et bien des solutions à nos problèmes écologiques – des solutions qui donneront des bons résultats physiques. Nous sommes des êtres physiques. Notre bien-être mental – ou spirituel – a lieu dans nos corps et ceux d’autrui. Au lieu de rejeter la science et la technologie, il faudrait récupérer ces mots et les reconnaître pour ce qu’ils sont : des manières de décrire n’importe quelle technique ou savoir faire, qu’il soit humain, social, technologique, physique, chimique. Les mots commencent à perdre leur sens quand nous les employons pour vouloir dire autre chose que leur sens simple, non-dilué.
Je me suis saisi d’une expression « théorie de l’information » dont je ne suis encore pas au courant de ses subtilités académiques. J’ai compris que l’information passe par des agents, des agencements – j’aurais dit « localisés » mais j’aime bien le mot « situé » qu’on commence à utiliser – situés dans l’espace-temps. Dans notre espace-temps de tout un chacun.
Je pense que si le passage d’information et de matériel physiques devient de nouveau « situé », c’est-à-dire localisé – et que cela emploie des agents humains, dans leurs déplacements à l’échelle humaine, nous retrouverons vite une manière de nous adresser physiquement et socialement aux défis écologiques qui se présentent à nous. En ceci je suis déjà pleinement dans le champs d’accord avec la petite paysannerie, telle qu’elle a été, avant 1948.
Mais il faut pour cela des modèles physiques réelles d’infrastructure – en mouvement - dynamiques. Et le petit fermier sur ses 16 hectares ne fait pas l’affaire – il est statique, sans main d’œuvre, « seul face à une actualité jamais saisissable ». Il faut modéliser un système d’autonomie en mouvement, ce qui nous met face à l’altérité – être des gens qui bougent, souvent en formation, en faire jusqu’à une mode de vie. Le monde paysan est autant mis à mal par ces mouvements de populations que d’autres habitants sédentaires, à qui la sédentarité est rendue possible par la voiture. Avec les boucles de retro-action fonctionnelle entre sédentaires et nomades, c’est la complémentarité de ces deux modes de vie qui devient de nouveau possible, mais comment ?
Je pense que les marchés ruraux, mais pas seulement, urbains aussi, démontrent déjà comment cela peut se faire. Pas les ventes « à la ferme » qui ne font qu’une autre version de l’ingénierie socio-économique des supermarchés et des zones pour chaque filière. Les marchés de plein vent répondent logiquement aux besoins d’un espace-temps où les gens peuvent coïncider, en bougeant. La bénéfice est de créer des séquences et des rythmes sur lesquels on peut construire sa vie en déplacement. Ce qui manque, c’est l’accueil – les auberges, les lieux de stockage, les campings municipaux et les potagers qui desservent les populations qui bougent. Ce sont aussi les intérêts partisans, exclusifs, qui terminent par rendre la vie active impossible. Ce sont les occupants de milieu rural qui « ne veulent pas » de populations itinérantes, à moins qu’ils viennent avec l’argent. L'inutilité humaine, elle aussi, est un produit du système - et très dangéreux pour nous tous.
Noulhianne ne paraît vouloir s’adresser qu’à ses frères et sœurs éleveurs, comme camarades dans sa lutte. Il cite ce genre de lutte sectorielle comme « exemplaire », tout en reconnaissant son impossibilité dans les conditions atomisées d’aujourd’hui (p244., par rapport à « Des éleveurs contre la sélection d’État »). Il prétend, avec raison il me semble, que la situation terrible des éleveurs n’est qu’un exemple de plus de la société systémique qui nous afflige. Il faut donc trouver moyen de concentrer les forces, pas les balkaniser, sinon le propos n'est pas sérieux. Sans nier que l'information et le témoignage sont bien utiles, impressionants même.
C’est la voiture en combinaison avec le téléphone portable/ordinateur que nous utilisons actuellement pour ces échanges d’information et de denrées. Mais si cela devient trop cher, même dans une économie de marché les êtres humains sans prothèse peuvent commencer à faire une concurrence économique contre ces moyens industriels – comme c’est déjà le cas avec l’utilisation du vélo en ville. Le fait de resituer nos moyens de communications – de faire renaître l’utilisation de téléphones fixes et non-individualisés, par exemple – conjointement avec une bonne discipline de focalisation sur l’exécution des tâches humaines, sans la facilité de l’hyper-consommation d’énergie - rendent encore plus intéressant cette approche. L’augmentation de l’horticulture en campagne n’est pas une proposition alléchante pour des gens riches ou cultivés, sinon pour des pauvres qui veulent s’en sortir.
Cela nécessite des entreprises en commun – de la coopération, de la coordination. Cela fait renaître l’intérêt pratique qu’apportent d’autres êtres humains.
Ce que je décris ici est une pensée systémique. J’ai toujours été de l’avis que cela sied très mal à un membre de la société « toute voiture » – une vraie monoculture, surtout en campagne – de protester contre la création de systèmes qui ne dépendent pas des machines industrielles. Si on est pro-humain, on devrait pouvoir envisager des systèmes qui mettent la primauté sur le fonctionnement physique et social humains. Si on prétend valoriser la dignité et les droits humains, la cohérence veut qu’on crée des possibilités de vie fonctionnelle sociale très humaines. Cette pensée « systémique » n’est autre qu’une reconnaissance que l’infrastructure, l’entre-nous, l’altérité font partie de notre humanité – que de traiter de chaque humain ou petit groupe d’humains comme un isolat social nie à la communalité de nos vies.
« Nous ne pouvons pas tous vivre comme des Amishs » - c’est le président Macron qui a dit quelque chose du genre. Dans un reportage sur les Amishs de cette époque-là (c.2018-9), on a raconté qu’on a vu des Amish utiliser des portables (dans un marché de bétail), que ceux qui en utilisaient ont expliqué qu’ils allaient aussi à la « petite maison » au fond du jardin en cas de besoin sévère pour les utiliser et que c’était pour pouvoir au moins être en contact avec la société en dehors de leurs communautés.
Je pense que les Amish donnent à réfléchir. Je ne connais pas leurs raisons religieuses, mais ils ont quand même réussi à se tenir, sans fléchir, face à la « techno-société » la plus forte du monde. L’exemple ci-dessus montre leur pragmatisme et non pas la psycho-rigidité qu’on leur attribue. L’urgence écologique est une urgence physique – nous devons déjà être en mode carbone-positive, bio-diversité-positive, dépollution et tout le reste, surtout là où la surconsommation est enracinée, si c’est du tout du tout possible. L’exemple compte pour beaucoup – il y a plein de cultures qui sont « en voie de développement » vers le modèle que nous présentons. Les chiffres pratiques comptent pour beaucoup – c’est nous qui sommes actuellement en train de faire consommer le monde, de par notre surconsommation actuelle.
Le marche à pied et l’emploi physique humains sont potentiellement carbone-positives, productives – et socialement utiles. Dans une infrastructure économique qui prend en compte les critères écologiques, elles le sont plus encore. Il est sûr que de telles normes sociales rencontreront de la résistance, mais aussi du soutien. Il y a beaucoup de formes de travail qui deviennent rentables, surtout en campagne, si on n’a plus à payer la voiture individuelle. Et en engageant les gens physiquement avec la nature dans laquelle ils se déplacent, on est en train de créer, de former des outils d’apprentissage pour des populations qui en sont éloignées. Nous n’avons qu’à créer les formations qui permettent aux gens de se déplacer en faisant revivre la nature pour donner la confiance aux gens que c’est faisable.
Cela mettrait en net relief les technologies qui servent et celles qui ne servent pas à l’intérêt collectif. Ayant au moins une méthode sociétale qui nous permet de stopper le réchauffement climatique, etc., nous nous créons une marge de manœuvre pour rétablir le rapport de force avec lesdites machines, une manière de les accommoder culturellement, tant soit peu. Par rapport à l’argent, le fait de faire tourner une économie physique, sans ou avec peu d’argent, est une manière de resituer les impôts là où on génère la revenu. C'est d'une logique impeccable ... écologique. Sinon, à quoi sont destinés les impôts?
Ce ne sont donc ni des solutions bison-ours ni Utopiques, mais très enracinées dans toute nos réalités, capables d’être soutenues pragmatiquement par des acteurs à toute échelle de la pyramide décisionnelle.
Si j’ai commencé par l’exemple que donne ce livre Le ménage des champs ... par Xavier Noulhianne, c’est que lui, comme la quasi-totalité des écrivains et penseurs jusqu’à là, ont une pensée que je qualifierais de « statique » de fonte en comble. Et cela alors qu’il a un cheptel de ruminants qui sont faits pour bouger (transhumance) à travers des pays où il se passe autre chose que l’élevage. Cette pensée me paraît manquer de calculer le mouvement – les choses et l’information qui bougent – et louper donc les questions fondamentales de l’infrastructure qui nous inclut. Chacun est plaqué sur place, à attendre « les visites ». Il est vrai qu’une pensée systémique non-dynamique nous oblige à l’application de normes qui viennent d’en haut. Si ce n’est pas par le consentement, par la force. Je propose des solutions dans lesquelles on participe, où on est acteur, à l’échelle requise. Il est évident que tout système proposé peut avoir ses défauts – que l’on découvre, au fur et à mesure. Le fait de bouger, sans être isolé, est déjà un passage à l’acte, à l’acte qui mobilise, qui fait découvrir. Pour les gens statiques, j’ai l’impression que cela représente une profonde menace – et je peux les comprendre. Mais il faut chercher l'engagement quand même. Dans mon expérience il n'est pas nécessaire de "chercher le conflit" - cela vient tout seul. "s'imposer dans la réalité de cet autre afin qu'il ne puisse échapper à notre propre perception du monde" (p.230) - cela revient à ce que j'ai déjà dit - il faut bouger. Les manifestations et d'autres actions symboliques de courte durée sont pires que rien, elles font acte de n'être que symboliques.
La liberté de mouvement et d’association (la non-censure) sont quand même les libertés primordiales desquelles écoulent toutes les autres. La « race » des agriculteurs est très bloquée, plus apte à des travaux de force que des courses de fond – ce serait peut-être le résultat de la sélection artificielle ? Blagues à part, la dignité et les droits humaines se perpétuent parce qu’on cherchent à les défendre pour tout le monde, pas parce qu’on les accorde à soi-même en fermant la porte aux étrangers.
Et j’ai des petits doutes. Dans une société agricole tellement appauvrie en petits paysans, est-ce que ceux qui ont trouvé bien de « rentrer dans le système », malgré ses défauts, sont vraiment les meilleurs conseillers ? Est-ce que Xavier a un tracteur ? Est-ce qu’il accepterait de faire faire à main ce qu’il fait actuellement avec le tracteur ? Est-ce qu’il traiterait les gens de passage comme des gens de statu social égal ? Est-ce qu’il accepterait de replanter des arbres (fruitiers) et des haies, en leur assurant la protection des déprédations du bétail pendant qu’ils poussent ? Il me paraît que tous ces efforts sont des efforts conjoints avec autrui et qu’ils ne marcheront que lorsque chacun y trouve son intérêt, pas seulement le détenteur du terrain. La ré-physicalisation (rématérialisation) de ces intérêts, en dehors du sphère purement financier, est la même chose, en réalité, que la reprise en compte du physique – de l’environnement, du vivant, comme des ayants valeur et des ayant droit.
C’est-à-dire des vrais intérêts, qui ne tarderont pas à se réintégrer dans l’économie globale. Cela implique que la dominance de ces « biens » de surface terrestre deviendra de nouveau un sujet très chaud. Des tout-petits paysans vont se trouver en relation avec des grands propriétaires terriens. Il va falloir s’arranger avec des « colons » (« métayers » qui se déplacent, c’est le sens original du mot), des « sans terres » qui veulent cultiver et qui n'attendent pas l'argent qui tombe du ciel. La renaissance d’un sphère d’action sociale restimulera les activités de groupes sociales organisées autour du travail vivrier. Ceux qui viennent planter des arbres, cultiver des potagers et aménager des chemins risquent de faire naître un autre équilibre de pouvoir politique qui n’a rien à voir avec ce qui existe actuellement dans les territoires non-urbains. Très loin des préoccupations des paysans et des fermiers actuels et souvent conflictuels.
Il est évident que le bio vient de la préoccupation avec la manière de pratiquer l’horticulture (l’agriculture est à une échelle trop grande pour être sérieusement écologique, pour moi) et non pas de la « qualité » de ces produits – qui en écoule en tous cas. Mais on peut se permettre de penser que si notre lutte écologique est sur tout le territoire, la production de fruits et légumes n’est pas l’aune par lequel on peut juger notre réussite. La transformation, les arts culinaires, la santé publique, mais à vrai dire toute l’infrastructure qui se concentre dans les autres industries et dans les centres urbains va se retrouver également intégrés au tissu de ce qu’on appelle la campagne, la « ruralité ». C’est notre affaire à toutes et à tous.
Il est donc important que les agriculteurs et ceux qui habitent actuellement en milieu rural soient proactifs dans l'invention de cette nouvelle infrastructure s’ils ne veulent pas couler sans trace. S’ils veulent se spécialiser – dans l’élevage par exemple – qu’ils pensent à créer des bails pour que d’autres gens puissent produire des légumes, beaucoup moins dépensières en surface. L’augmentation des fissures sociales – des gouffres – prend une forme où elle permet à des très riches et leurs dépendants de bouger entre la ville et la campagne en toute liberté, alors que les pauvres doivent rester dans et à proximité des milieux urbains. Cette polarisation est tellement forte – et croissante – que l’écologie sociale se trouve de plus en plus en antagonisme profonde avec les conservateurs de la nature, excessivement privilégiés, excessivement informés des traditions perdues dans les génocides culturelles successives des couches inférieures. Avec la fluidification, en bon ordre, de nos voyages en milieu rural, nous pouvons espérer trouver des remèdes à cette situation, mais s’il y a fermeture, l’occupation des zones rurales deviendra une source de conflit croissant. La possibilité de créer une vraie interactivité située, entre des agents situées autonomes, fait partie de la science nouvelle, qui révalorise l'humain, qui passe par l'humain.
Tournons maintenant à des manières d’agir pragmatiques dans notre situation actuelle, réelle. Avec le confinement et le couvre-feu qui se terminent, le désir d’aller voir le pays, de se décontracter, est en train, sans doute, de se manifester et de prendre forme. Ceux qui sont les mieux à même de passer à l’acte vont relancer des initiatives. Il y a bien besoin de soutien logistique. Le mouvement écologique devient plus radicalement opposée à la société industrielle, il occupe des grandes mairies en milieu urbain mais pas des petites mairies en milieu rural, en général. Il prend le relais, dans le radicalisme de gauche, sur les partis de gauche traditionnels. Malgré les tentatives de désamorcer la formation de centres de pouvoir territorial conséquents, les anciens centres régionaux, les grandes villes provinciales, ont des liens forts avec leur arrière-pays, si ce n’est que parce qu’une grande partie de l’élite et de la population active y vie, y va en vacances une partie de l’année, est originaire des départements autour de la grande ville.
Il serait donc intéressant d’étendre ces liens à la population ouvrière – que les actifs désœuvrés en ville trouvent du travail écologique dans la campagne. La logique de la situation écologique, économique et politique est telle que cela est devenu presque inévitable.
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mercredi 28 avril 2021
Jardinage : pratiques
La biodiversité est normalement un produit du jardinage. Les bassins, les écoulements d’eau et les différents terreaux qui accommodent les différents espèces de plante, élargissent la gamme de niches écologiques et augmentent la biomasse.
Les facteurs délimitants, ce sont ces mêmes espèces qui fréquentent le lieu – des herbivores, comme le chevreuil ou la chèvre, peuvent dévaster la biodiversité d’un lieu.
Pour cela, l’attitude et les préceptes des êtres humains vont être déterminants – clôture ou pas clôture ? Haie ou pas haie ? Il est vrai que si on laisse faire la nature, elle va à la longue établir ses propres équilibres – au cours des décennies et des centaines d’années, des arbres tomberont, ouvrant des clairières, créant des endroits humides et des accidents de terrain.
Cela n’empêche pas l’être humain d’essayer de faire l’équivalent, à son échelle de temps. Au contraire, dans la présence humaine, il est de notre devoir d’assurer la préservation et l’encouragement de la biodiversité. Si l'on vit dans l'anthropocène, c'est-à-dire l'ère où l'influence humaine s'imprime sur la géologie du monde plus fortement que toute autre chose, l'un des aspects est que son échelle de temps s'y imprime, aussi. Dans la mesure que son influence prévaut, le temps (géologique) se comprime et s'accélère - un peu comme si on était un grand météorite qui frappait la terre. Ici-bas, j’essaie de donner quelques indices – quelques règles d’or, pour faciliter l’analyse de ce processus. Mais commençons avec une citation.
François Terrasson : La Peur de la Nature (2012)
Les haies autour des parcelles, caractéristiques du bocage, seront des clôtures utiles, des coupe-vent, des pourvoyeuses de bois de chauffage et de piquets, voir de fruits sauvages.
Ou bien des pieuvres conquérantes lançant leurs ronces à l’assaut de la civilisation qui a le devoir de s’en défendre. La vision tentaculaire et inquiétante du foisonnement végétal s’oppose comme plus moderne face à l’acceptation du paysage ancien. Elle arrive portée par un courant culturel urbain. Des idées, un style, une façon de faire et d’être dont l’origine se révèle urbaine.
Je ne suis pas d’accord que l’origine de cette vision soit urbaine. L’élevage est les cultures de vastes champs de céréales sont, eux aussi, problématiques, en termes de la perception de l’utilité des haies. Terrasson le dit aussi, plus loin, il s'est peut-être laissé allé dans une bouffée d'éloquence réductrice, ici ? Il y a des genres de ruralité « urbaines » comme les mouvements de masse et les transhumances qui font fi du petit détail. A cela peut se rajouter l’utilisation habituelle de tracteurs et de toutes sortes de machines, typiquement des débroussailleuses, des tronçonneuses et des girobroyeuses, pour mettre à néant des vastes tractes de paysage/bocage, saans aucune prévisibilité et donc sans aucun possibilité d'autonomie pour l'intelligence animale et végétale du coin. C'est comme une campagne de bombardement aléatoire, partout, maintenant. Il y a un rustique industriel. Il y a un pré-industriel purement productiviste - d'autant plus qu'il produit moins, que la nature est éternelle et débordante sur ses cultures - en cela il y a continuité et non rupture entre le monde d'avant et après la révolution industrielle, et on peut supposer que certaines normes profondément nuisibles ont perduré des siècles voire des millénaires. (il y a plusieurs écrits sur ce site qui élargissent le champs et rentrent dans le détail de ces processus, pour le moment un peu dans le désordre et avec maints fautes d'ortographe et de rédaction que je corrige progressivement ;()
Deux anécdotes pour illustrer ce point. Vers 1992, j'ai rencontré un député vert, dans l'ancienne Allemagne de l'Est, avec lequel on a passé la nuit à étudier des anciennes cartes des montagnes des Herz, au centre de l'Allemagne. La révolution industrielle qui a bénéficié à partir du 18iême siècle, de l'eau, du bois et du charbon du nord de l'Angleterre (England, Pennines) a suivi sensiblement le même chemin dans les montagnes des Herz. En France, un profil similaire existe pour l'Ariège et dans d'autre massifs montagneux. On a brûlé le bois, miné les minérais, fait brouter le bétail, on a créé un genre de destruction écologique du sol, mais qui s'est parfois étalé au cours de cinq siècles et plus - donc qui a été difficile à détecter à l'échelle de quelques générations. Moutons, charbon, minérais. Argent, commerce, laine. Lombardie, Pays Bas, Angleterre. Les grands axes de la destruction écologique proto-industrielle.
Le deuxième exemple vient d'un ami espagnol, passionné de botanie, qui a amené et planté chez sa grand-mère en Téruel (arrière-pays désuet de Valence) un sapin indigène. Quelque temps après, il est repassé chez elle. L'arbre a disparu. Il lui demande ce qu'il en est - elle répond qu'elle l'a arraché, puisqu'il n'était bon à rien. En Espagne, sur la Meseta, j'ai observé plusieurs kilomètres carrés d'amandiers, où on a gratté la terre - pour que l'herbe n'y pousse pas. Dans les deux cas, les terres sont exceptionnellement arides - le manque de couverture végétale crée et exacerbe la sécheresse.
On peut rajouter qu'en Espagne, on a décidé de cesser (au 19iême) la transmigration massive traditionnelle des brebis (la Mesta), vu les dégâts tangibles et cumulatifs que cela infligeait sur les terres de passage et leurs habitants. Ces mêmes souffrances de la biodiversité sont présentées, en France, comme la conservation d'une culture traditionnelle qui "maintient" le paysage. Au contraire - et c'est l'histoire longue qui le prouve - de quelle tradition parle-t-on, donc ? Et peut-être si la grande-mère arrache l'arbre et tout ce qui vit, c'est pour que le bétail en transhumance n'y passe pas, pour manger ses fruits aussi? Qu'à l'origine de sa supposée incohérence, il y a les mesures qu'on est obligé d'adopter si on est pauvre et opprimé ? Au Portugal sous Salazar ou bien à Tetochlan sous les Aztecs on a fait pousser des arbres et des légumes alimentaires au bord des chemins - pour les pauvres. Mais si ces cultures sont conçues surtout comme des biens marchands, on fait exprès de ne pas les faire pousser au bord du chemin et d'interdire leur récolte aux pauvres - parce que dans ce cas ils ne les acheteront pas aux propriétaires. D'autant plus aujourd'hui si leurs proprios ont des tracteurs et n'ont pas besoin de main d'oeuvre. On préfère souvent laisser pourrir les fruits sur le chemin, ce qui fait que les autorités locales font arracher les arbres surplombants pour éviter les ennuis.
Le jardinier urbain, vu les espaces limités qu’il jardine, fait souvent manuellement ce qui se fait avec des machines à la campagne. En campagne, ce sont des pratiques agricoles qui sont ensuite transférées à l’échelle du jardin, plus que l’inverse. L'humain est mieux outillé et équipé que les machines qu'il emploie actuellement, pour le jardinage. Lorsqu'il le pratique comme activité de loisir, sans indoctrination agricole, il ne va pas investir dans des machines, mais tomber naturellement sur la méthode écologique - efficace en termes d'énergie investie contre énergie produite. Lorsqu'il va a la campagne, on va lui mettre une débroussailleuse à la main et lui dire "on fait comme ça ici, on est professionnel", même pour le plus petit lopin de terre. Je vois fréquemment des agriculteurs à la retraite sur des tondeuses massives qu'ils ont achetés ... pour tondre 200 mètres carrés de pelouse autour de leur petites maisons normandes. Il y a peu de temps, leurs parents auraient utilisé des faucilles - un outil qui existe depuis le temps des gaulois. Chaque problème énuméré ici tient une solution tout-à-fait banale, qui se trouve dans ces écrits, à application facile immédiate. Bien que le rendement ne soit pas le problème, le rendement est énorme - ce qui laisse à voir le vrai origine du non-faire - la condensation en peu de mains de ce qui pourrait être à la portée de tous.
Haies à dénivelé
Les épineux du coin résistent au broutage. En créant des terrassements qui suivent les lignes du dénivelé à l’horizontal, avec des haies denses de chaque côté, on peut les employer successivement pour faire brouter les bêtes, pour la récolte des fruits des haies et « fermer » une ou autre ligne de dénivelé pour des usages potagers. Une fois les haies bien établies, ce sont les herbivores qui les entretiennent en mangeant les jeunes pousses – et qui amendent le sol au passage. C’est une manière de réconcilier les usages. On rajoute que ces haies peuvent servir comme habitat pour les petits oiseaux qui co-jardinent avec nous et que la méthode se prête bien aux bords de chemin/route aussi.
Le principe de « chemins »
L’origine de multiples problèmes, sur une surface donnée, c’est le manque d'acheminement clair – c’est le cas avec une surface récemment débroussaillée, plate et sans accidents. Créer des chemins clairs, c’est éviter de piétiner partout, ce qui permet aux sols de « bouffir » et d’élaborer leur propre complexité.
Typiquement, ceux qui viennent à la campagne, lorsqu’ils occupent une surface, coupent les chemins d'accès, sauf un, pour la sacrée voiture, ce qui rend moins accessible leur terrain. Ils devraient, au contraire, créer de la lisibilité - des bons chemins avec des bonnes haies, ainsi facilitant le passage à travers ou à côté de leur terrain, sans y faire intrusion.
Les cervidés ne font que cela – ils créent des chemins habituels qui leurs permettent de s'éloigner vite en cas de besoin et avoir un accès commode aux plantes qu'ils mangent.
Il est donc possible d’envisager un paysage densément peuplé – d’humains, de leurs animaux et plantes, de vie sauvage, animale et végétale, si l’on réfléchit bien sur l’acheminement et la parcellisation. Plus il y a de bons chemins, moins il y a de besoin de surface pour un bon rendement - on ne doit même pas y penser. De cette manière, la flore et la faune typiques d’un milieu forestier peuvent coexister, derrière des haies, avec des milieux fréquentés par des ânes, des vaches, des chèvres, des moutons, des canards ou des poules et des milieux où on fait pousser les plantes domestiques.
Jardins évolutifs
Un autre facteur à tenir en compte est le caractère naturellement évolutif d’une culture ou d‘un jardin. Certains légumes peuvent tolérer d’être plantés dans un sol perturbé, ou récemment mis au service du potager. D’autres font mieux dans des sols maraîchers adaptés au cours des années. D'autres apprécient des sols arides, non-labourés ou avec peu de nutriments. On peut penser que les premières années, des annuelles comme les patates prédominent, mais qu’on aura déjà repiqué ou laissé pousser, aux bords des chemins, des cassis, myrtilles, fraisiers, groseillers, églantiers (qui commenceront à atteindre une maturité productive dans un délai de cinq ans), aussi bien que des arbres fruitiers, pèches de vigne, pommiers, noyers et autres (qui dans un délai de 5 à 12 ans deviennent productifs).
Avec la maturation de ces essences, l’espace de jardinage à l’horizontal s’amoindrira et s’assombrira, créant des niches pour d’autres légumineux (exemple rhubarbe, framboisier). Une autre parcelle d’annuelles prendra le relais pour les légumes annuels et progressivement ce qui était jardin de maraîchage deviendra verger et ensuite sous-bois. Or, actuellement, on voit peu de jardins vraiment matures (et donc très productifs déjà, sans intrants et sans labour), parce que tout le monde s'est habitué aux annuels, au mis-à-ras annuel. On pourrait dire que c'est tout ce qu'on sait faire maintenant. De là l'erreur de penser qu'il y ou la nature, ou la présence de l'homme. Oui, mais quel homme, avec quel outillage, quel savoir faire et sous quelles conditions de coercition sociale et administrative ? Ce n'est pas la peine de demander à un vrai jardinier de passer des années à créer un jardin forestier qui vaille le nom avec la quasi-certitude qu'on obliterera tout dès qu'il est parti ou pour des raisons de "protection du milieu naturel et des traditions rurales".
Jeu d’échelles
Un autre principe à prendre en considération est celui de la taille ou du jeu d’échelles de ce qu’on fait. Certains arbres – par exemple le noyer ou l’eucalyptus, ont un effet toxique sur les autres plantes – et leur taille et envergure peuvent devenir considérables très vite. Sans parler de la compétition pour l'eau de surface des racines. D’autres essences peuvent plus facilement cohabiter à proximité des jardins. Le bénéfice d’avoir plusieurs variétés de plante à proximité est d’augmenter considérablement les rendements par unité de surface et la longueur de la saison. Un exemple serait le thym-serpolet, un aromate qui occupe et se répand dans des endroits secs, produisant une abondance de fleurs mellifères très tôt dans l’année (à partir de mars/avril), ce qui favorise considérablement les insectes butineuses et tous ceux qui en dépendent.
Jardinage n'est pas maraîchage
Le jardinage diffère du maraîchage dans le sens du détail déjà. Lorsqu'on travaille sans machines à petite échelle, on a tout intérêt à s'épargner au maximum le travail - un jardin intelligemment construit laissera la plupart du travail à "l'équipe" - les plusieurs animaux et plantes qui y vivent.
Quelques exemples : on aura intérêt à mettre le compost dans un endroit plus humide, assez éloigné des semences tendres - les limaces auront plus de chemin à parcourir et elles sont contentes déjà là où elles sont. Il est intéressant d'expérimenter avec le paillage et les engrais verts, pour éviter de tourner et casser la terre, tout en favorisant la germination des nouvelles pousses (qu'on n'a même pas du semer). En favorisant les coléoptères (murs secs, détritus), on favorise l'élimination des oeufs de limace. Certains purins (orties, prêle) appliqués sur les plantes à des époques sensibles repoussent les insectes et autres nuisibles, si ce n'est qu'à cause de leur goût amère et leur aspérité silicieuse.
Il est possible de pousser assez loin le concept de l'auto-entretien. Aprés avoir fait l'aménagement "structurel" du terrain, au bout de peu d'années, l'instrument principal devient la main, qu'on utilise pour tirer selectivement les adventices qui prendraient sinon le dessus sur les plantes qu'on choisit de laisser pousser. Ce genre de jardin très polyculturel est parfait pour la transformation de petite échelle - en fruits et légumes secs, en bocaux, aromatisés aux fines herbes. Dans le maraîchage on envisage de vendre sa production - il faut produire ce qui se vend - tandis que dans le jardinage proprement dit, on vit du jardin, on cuisine, on transforme, on mange - tout comme on le ferait avec des denrées achetés, mais sans devoir aller jusqu'au magasin ou générer de l'argent. Là où il y a des surplus, on peut les échanger ou les vendre.
Archi-jardinage
Du fait que notre alimentation est devenue un "secteur productif" à part, la culture humaine a tendance à percevoir cette production de manière assez dépourvue de poésie - et pleine de fonctionnalité non-frivole. Mais un jardin sert aussi de lieu de vie - de choix, pour plusieurs d'entre nous. Il mérite donc une considération ésthetique et en termes de loisir. Dans la mesure qu'un jardin produit "notre bonheur", il nous épargne le besoin de chercher ce bonheur ailleurs. Des jardins partagés, des jardins publics, des bords de chemin jardinés, des terrains intégrés où on peut pratiquer les sports, tous font partie de l'habitat horticulturel - et des lieux de libre-association pour tout le monde.
On peut rajouter que si le/les gouvernement/s/ants, entrepeneurs privés / ONGs divers continuent de financer exclusivement les industriels et leurs machines, alors que le peuple mange et vit autrement, ils n'auront bientôt plus d'électeurs/ clients / bénéfacteurs - cela peut se passer très vite. C'est pour cela que la plupart des propositions dites écologiques adoptées par les gouvernements cherchent en réalité à ralentir la transition en cours plus que de l'accélérer - c'est leur propre crédibilité / pouvoir / sécurité et niveau de vie qui est en jeu. Parler d'argent tout le temps permet de convertir toute discussion de cette réalité pratique en hiéroglyphes - tandis que l'écologie c'est l'économie et le bien-être tangibles ... et son aspect social c'est nous tous.
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dimanche 28 mars 2021
INFORMATION STRUCTURE
Déficellage du traçage – power to the people.
Méthode de parallélisation des réseaux
Nous pouvons très rapidement créer un réseau en technologie alternative où nous ne sommes plus obligés d’accepter de stocker ou transformer nos données sur des appareils autres que les nôtres. Les clés USB sont maintenant largement assez volumineuses pour stocker les données et les logiciels qui nous sont nécessaires.
Il existe des systèmes hors internet qui peuvent remplir les fonctions du Cloud et il existe des langues de programmation (comme JavaScript et CSS) qui ne nécessitent aucun serveur. Il existe des logiciels complexes, gratuits, sans cookies, en logiciel libre et Open Source (licence GPL – sans profit, open commons), faits en Europe (Linux, LibreOffice, Wikipédia).
Il existe donc des systèmes sans algorithmes, sans traçage et sans cookies. Par contre, avec l’ascendance de ces méthodes de traçage banalisé, il existe peu de motivation de ne pas utiliser les cookies, même pour ceux qui n’essaient pas de profiter de nous. On peut prendre l’exemple d’un logiciel libre comme Libre Office qui va interroger votre ordinateur pour savoir si vous avez la version courante et installer la nouvelle version sinon, tout sans que vous en soyez conscient. Si chaque logiciel vous demandait de telles choses tout le temps, ce serait plutôt irritant. Par contre, si vous aviez opté pour la solution « sans cookies », avec des sessions de « update » programmés, il y aurait des motivations fortes, pour ceux qui font le logiciel, de ne pas vous déranger trop fréquemment et d’eux-même organiser leurs systèmes de manière plus harmonieuse avec votre emploi de temps. Ces options alternatives devraient être développées, pour qu’une économie numérique « tout cookie » ne soit pas la seule alternative aisément accessible. Cela devrait être au program de tout enseignant.
Il n’est plus suffisant que le gouvernement nous annonce qu’il est en train de parler avec les GAFFAMs pour qu’ils arrêtent de conditionner leurs services par notre acceptation des ces espions de traçage chaque fois plus intrusifs – où par l’utilisation de publicités si on ne paie pas pour ne pas les avoir – qui nous conditionnent et qui nous coupent de l’altérité réelle, qui nous empêchent d’utiliser nos propres cerveaux pour déterminer nos actes, qui violent notre vie privée en nous mentant là-dessus.
Le gouvernement peut continuer de leur parler, mais il faut qu’il nous fournisse d’abord des moyens alternatifs. D’ailleurs il est un peu illogique de donner aux riches (ceux qui achètent) la possibilité de ne pas recevoir des publicités, en obligeant les pauvres (ceux qui n’achètent pas) d’en recevoir. Une attitude socialement progressive serait de faire payer aux riches le libre accès aux pauvres à ces outils numériques de première nécessité. C’est, en effet, le principe du logiciel libre. Il est d'ailleurs évident que l'entreprise "cookies" est tentaculaire et qu'on est tout à fait capable de pénétrer et d'influencer nos réseaux sociaux humains, par l'effet de levier, déjà. Les influenceurs sont, de ce fait, les premiers influencés.
Cependant, il ne suffit pas de laisser la situation se gâter sans tenter d'avancer dans l'autre sens. Ci-bas des propositions, toutes les propositions cherchent à nous pourvoir d'un accés égal légal de base, sans paiement aucun, et la provision obligatoire d'une alternative non-numérique, par loi :
- l’utilisation systématique de logiciels libres dans les services publics (il y en a, parfois...)
- l’accès libre à tout service numérique sans aucune obligation de s’identifier individuellement devant une machine – sans aucun cookie, ni traçage, ni enregistrement, ce qui revient à peu près au même
- la possibilité d’identifiants groupés, non-individualisés, accessibles à tous, à l'instar du téléphone fixe
- la possibilité de travailler hors réseau, avec relais via hub pour des communications à distance
- la provision de listes de services et de logiciels qui nous permettent l’accès indépendant à ces services, selon notre jugement, des listes faciles à obtenir et des logiciels faciles à installer – si nécessaire avec l’aide gratuite de personnel professionnel formé. Il n’est pas acceptable qu’il faut être un génie du code pour y parvenir. Les gens ont autre chose à faire de leurs vies.
- la recherche publiquement financée pour créer des machines au service des humains et pas des humains qui sont obligés à s'adapter aux machines, dans le périmètre des critères définis ci-dessus
Le siphonnage des réseaux sociaux
L’existence réelle de ces alternatifs nous laisse un choix réel. Sinon l’expérience nous démontre que les GAFFAMs vont toujours trouver un moyen de nous devancer. Il faut un contrepoids pro-actif et déterminé. Il serait ainsi possible pour des populations entières de dépeupler les réseaux sociaux existants, une sorte de « reverse engineering » bien mérité. Il est difficile de voir le modèle économique des grandes entreprises numériques si une telle situation existait, ce qui pose la question : est-ce que, pour être viables, ces grandes entreprises doivent nuire aux intérês de leurs clients, dans le fond ? S'en nourrir, en les fragilisant ? Les intérêts du petit peuple ont toujours été subordonnés aux intérêts des grands pouvoirs d'état, si cela était possible. Il est difficile de voir la différence par rapport à ce qu'on appelle les GAFFAMs.
Le lecteur attentif sera conscient qu’un monde sans traçage numérique centralisé comme celui qui est proposé permet autant à l’extrême droite, aux réseaux terroristes, criminels ou pédophiles d’agir en secret que l’honnête citoyen.
La situation actuelle paraît préférable, dans une démocratie consensuelle et non-corrompue, c’est à dire un contrôle positif des données retenues, des cookies qui ne sont fonctionnels que pour les opération spécifiées, sans partage entre fonctionnaires, une gestion par niveau de confiance, des pare-feux, la destruction d’information personnelle après usage, l’utilisation préférentielle de systèmes nationaux qui remplacent la fonctionnalité évoluée par les GAFFAMs et les entreprises internationales.
Le paradoxe est cependant là. Il est probable que la police a moins d’accès à nos données et d’intelligence sur qui nous sommes et ce que nous faisons que des entreprises lointaines, étrangères, bien financées, non-identifiées et sans limites effectives déontologiques (cf. Cambridge Analytica). Comme la bureaucratie ne peut pas pleinement utiliser la fonctionnalité potentielle de ces technologies, elle est finalement moins efficace que les institutions privées qui nous font marcher – et peut même trouver intéressant d’utiliser les services mieux développés de ces acteurs anti-déontologiques en cas de besoin.
Précisément.
L’indéterminisme d’échelle et de vrai interlocuteur qui a lieu sur l’internet actuel fait qu’on peut exercer beaucoup de pouvoir sans responsabilité – c’est-à-dire être puissant sans être tenu responsable. Ceux qui essaient d’agir responsablement sont pénalisés, relativement aux abuseurs et profiteurs du système. Ou bien, si ces organismes sont distants et ont la capacité d’atteindre des millions et des milliards d’individus, peu importe les droits de ceux qui ont le moins la possibilité de les faire valoir.
Si, par contre, on rend le pouvoir décisionnaire sur l’anonymat numérique au citoyen, qui agit localement et de manière groupée, on est en train de militer en faveur de cette échelle d’interaction, une interaction rattachée à l’échelle humaine sociale. On peut faire des saisies de matériel numérique physique, dans le cas de certaines infractions. On peut identifier le hub qui a été utilisé. Néanmoins, cette information n’est pas accessible à grande distance, sans présence physique locale. Le traçage systématique aura cessé, de ce fait, d’être pervasif, permanent et omniprésent.
Le citoyen peut, quant à lui, récupérer le droit présomptif réel à la vie privée et à l’auto-détermination en interaction avec les personnes physiques présentes dans son entourage immédiat et environnant, sans devoir s’absenter des bénéfices, putatives ou autres, de la citoyenneté numérique. L’autorité publique aura moins à traiter par obligation avec des acteurs hors sphère, qui agissent sous des lois différentes, ou à chercher à faire appliquer des lois complexes de coopération internationale pour atteindre un but à proximité.
Finalement, un tel système agit plutôt en défaveur des agents criminels et autrement nocifs, en redonnant le pouvoir aux humains dans un contexte humain, tout en étant pro-liberté/privacité personnelle..
Il est probable que ce qui est proposé ici deviendra la norme dans le proche-avenir, puisque le développement de la technologie le rend déjà faisable et il y a maturation du savoir culturel dans ce sens. Dans la mesure que les autorités publiques n’anticipent pas ce changement et n’aident pas les citoyens à le mettre en place, ils perdront leur autorité, pratiquement et éthiquement. Il est néanmoins difficile pour les héritiers d’un système centraliste de surveillance de s'emparer de cette logique et de changer leur culture à un tel point, dans un délai si court. La sévérance est pourtant nécessaire.
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dimanche 9 avril 2023
Zones Rouges
La Guerre des couleurs
expérience de pensée
J’invente un pays. Appelons-le Orange.
Zone Rouge, zone verte.
Sur le Front, les zones rouges sont les endroits où l’Ennemi menace de percer. On y verse toutes ses ressources, quoi qu’il en coûte.
Cela devient une Guerre d’Attrition. On y broie des hommes et des machines.
Les zones vertes sont celles où l’adversaire ne menace pas. Elles sont ignorées.
Les femmes, les enfants, les infirmes, les vieillards, les apeurés, sont de simple chair à missile, qui sert à enrager les hommes sur le Front. La haine règne. Cela fait même partie de la stratégie.
La cruauté. La brutalité. L’indifférence.
Aux Armes, Citoyens du Monde !
Guerre Absolue, mais avec un tourniquet que l’on réajuste, de temps en temps, dans des Capitales lointaines, chez celles qui tiennent le doigt sur la détente de l’injecteur d’armes.
Celles-ci s’appellent les Grandes Puissances. Elles ont la capacité de créer les biens de consommation et de les détruire.
La Guerre d’Attrition est en vrai une Guerre de Désuétude Programmée. Ce sont des machines, et des humains, qui sont programmés à s’autodétruire.
La Guerre de couleurs fait que le Code de la Guerre soit facilement lisible.
Au feu : Rouge, Orange, vert.
Alerte Rouge, pays Orange, circulez, rien à voir, vert.
Le vert est évidemment le paysage, la Nature, l’écosystème.
C’est nous.
Tous les biens de consommation sont devenus des armes et toutes les armes se dirigent vers Orange, et Orange les consomme.
Diligemment. Prodigieusement.
Qu’en eût-il fallu pour inventer ce scénario ?
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été 2020
Appi : jardinage linéaire
Dépolluer, débétonniser, démystifions-le, c'est le boulot devant nous. Dans le domaine publique, sur les bords de chaque route, dans l’agrégat de ses sous-couches et le branchage de ses haies, la pollution s’est accumulée pendant des décennies, parfois des siècles.
Comment faire, donc ?
Il est proposé d’allouer des kilomètres de route à des équipes de cantonniers verts, qui d’abord observent, ensuite mesurent, ensuite constatent l’état de la route qu’ils fréquentent et les possibilité de faire revivre ses lisières, sa biodiversité.
Est-ce qu’il s’y trouve des espèces invasives, tel le Balsam de l’Himalaya ? Y-a-t-il des sources et des points d’eau sur le parcours ? Dans quel état sont-ils ? Le laboratoire d’analyses nous le dira.
L’appi « Jardinage linéaire » servira pour la mise en commun de cette information, permettant à chacun d’y participer à son échelle.
Peut-on arriver à un engagement de la part des autorités locales pour nous donner des contrats d’entretien – récompensés par les fruits de notre labour ? Des contrats qui servent à donner un cadre stable pour planter des arbres et des arbustes fruitiers - ou protéger de la fauche les adventices qui s’y trouvent déjà ? Peut-on aménager ces bords de route pour qu’ils servent de pâture ou d'ambiance productrice de bio-diversité ? Peut-on remplacer les machines faucheuses (très coûteuses) par des emplois humains et le travail des bêtes ?
Sur le terrain, on trouvera et on partagera les réponses. L’appi « jardinage linéaire » sera au service de l’humain qui travaille, il ne le remplace pas, l’inverse – il lui donne du travail et des compétences là où nous en avons le plus besoin, dans notre engagement avec la Nature.