24 octobre 2020 (rev. 201109)

Mirrorland

L’œuvre de l’activiste écologique est celle du simpliste – trouver un chemin logique et direct envers une infrastructure écologique qui vaille le nom, en la tentant. Pour voir clair, on abandonne l’argent et l’essence.

Après une pratique assidue de cette discipline pendant sept ans, on découvre que la technique applicable est celle de la machine sociale humaine, avec un premier constat : il faut que ça bouge pour que ça marche, il faut que ça marche pour que ça bouge.

La liberté de mouvement, c’est la liberté qui permet la liberté d’association. Les deux rendent possible la transmission et la réception d’information nouvellement pertinente. A pied ou à vélo, on peut librement se croiser et se parler au passage. La machine sociale humaine dont il est question est celle qui véhicule la liberté de créer des algorithmes entre nous, de créer des entités sociales communiquantes et agissantes.

C’est l’exercice de ces libertés-là - celles nommées « autonomie » et « choix » que nous cédons aux machines numériques, réchauffantes, climatisantes, transportantes. La démocratie non-participative est une autre de ces vases communiquantes iniques à la fonction sociale humaine, les réseaux dits sociaux en font une autre.

La constitution d’entités sociales qui bougent a un effet « dynamisant », tandis que le sédentaire se trouve séparé de ses pairs – à moins qu’ils bougent envers lui, lui obligeant, séduisant, attirant, comme une fleur sur laquelle on atterrit. L’utilisateur du numérique permet aux réseaux informatiques d’assumer des fonctions auparavant déléguées aux cerveaux interdépendants. Il ne lui est plus nécessaire de marcher à la rencontre de personne. Présentiellement, il n’est pas là.

Dans les communautés hermétiques ainsi créées, on peut trouver des athées humanistes, tout comme on peut trouver des croyants humanistes. L’écrit, notre Bible, notre phare intellectuel, est en quelque sorte mort. La conversation aussi. On ne peut plus parler des écrits. Les deux registres s’effacent – on parle à sa réflexion dans l’écran, comme on le sent. Sa famille toute entière est dans l’écran dans le creux de sa main.

On parle à sa main, alors que la personne en face rétrocède au loin. Sa famille tout près, on y est. On change de paysage, mais son portable, il est là, en soi. Finalement, changer de paysage, à quoi ça sert ? Cela ne vaut même pas l’effort additionnel. On est toujours chez soi, même ailleurs. C’est toujours de soi qu’il est question. Le monde bouge dans son téléphone, on le suit, on en est avataré. Nulle part physique, sauf ailleurs. Le monde s’efface autour de son petit écran, point brillant dans les ténèbres sociales tangibles.