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INECODYN ecowiki

révisé vendredi 29 mars 2024

INECODYN ecowiki - co-écriture

cherche ceux qui seraient inspirés par l'idée de créer et d'écrire coopérativement une gamme de wikipedias indépendants portables - c'est-à-dire que l'on ne soit pas obligé de passer par l'internet mais qui pourraient exister et se transmettre via des manuscrits, des transcriptions, des clés USB ...

INECODYN signifie :
"infrastructure écologique dynamique".
plus court encore "IED" ou "ied".

ecowiki home

ecowiki en chantier participatif

mail : inecodyn@singularity.fr

cv09, c'est chemin vert 09, une version précédente

Problématique écologique

Mettons que le problème est de réconcilier les intérêts particuliers avec l’intérêt général.

Dans un cadre numérique (que l'on soit d'accord ou pas avec), on crée une application algorithmique transparente qui soumet les données de chaque participant à des grilles d’analyse de leur valeur en termes écologiques. On peut utiliser des structures style "Git" ou le format assez standard "Media-Wiki" utilisé par Wikipédia pour que ce soit une œuvre commune. Actuellement le logiciel "Yeswiki" est utilisé pour être solidaire avec les acteurs plus locaux - il est facile et intuitif, dans l'utilisation. On peut utiliser des logiciels style "shop" - des feuilles de calcul - pour calculer des bilans.

On peut appeler ces grilles de lecture des bilans écologiques, ou des bilans socioécologiques, sociaux, ... Selon les critères selectionnés et le poids relatif qu'on les accorde, ces bilans sont plus ou moins écoligiquement négatifs ou positifs.

En fait, cela existe déjà, mais comme il y a plusieurs arguments qui peuvent être utilisés pour justifier différents actes, il est très important de pouvoir comprendre cette affaire - pour cela il serait intéressant de s'y pencher au lieu de regarder des "black box" faire des computations opaques.

Pour l’individu, c’est un peu comme un jeu. Il connaît les buts du jeu : il doit chercher comment faire que ses intérêts particuliers, de bonne santé, d’intégration sociale, familiaux, etc. soient compatibles avec l’intérêt général – tout en en faisant partie, bien sûr.

Il est fort probable qu’il s’allie avec d’autres, en réseau ou en groupe, pour pouvoir être socialement efficace, puisque cela lui fait gagner des "points" dans le jeu. Ce jeu permet de proposer et de tester les stratégies de vie pour voir ceux qui marchent le mieux. Comment donner une valeur quantifiable à la valeur d’innovations spécifiques qui font gagner énormément de points dans l’intérêt général, même si la personne concernée ne pratique aucunement une vie écologiquement recommandable ? Est-ce que cela échappe au quantifiable? La question a la mérite d'être posée.

Il peut y avoir plusieurs modèles d’analyse – des projections alternatives, comme pour le climat. Qu’ils soient quantifiables et analysables – que ce soit visible. Il y a aussi le dilemme de Big Brother - comment faire qu'on ne termine pass téléguidés comme les chinois, tout en utilisant les instruments numériques pour des projets collectifs.


 

thèmes

vendredi 26 juillet 2024

audio présentation Vélotransport, sur Radio Bartas 🖶

irridescent beatle

vendredi 26 juillet 2024

Jardins floracois 🖶

sky diagonal

samedi 13 juillet 2024

Entropie_Ordre 🖶

brindillage
🖶

jeudi 22 février 2024

Utile

Est-ce que l’utilité est un concept utile ?

Est-ce que la valeur travail, productif de l’argent, est par définition utile ?

Ceux qui cherchent à ôter la notion d’utilité pratique des relations sociales ne rendent peut-être pas service à notre terre nourricière.

D’ailleurs, la socialisation excessive et exclusivement humano-mécano-centré de chaque position polémique masque notre réalité symbiotique, dans le sens large.

Notre dépendance sur les machines motorisées occulte nos relations d’interdépendance avec nous-mêmes et avec le reste du vivant. Ces relations sont « intersubjectives », ne sont pas de nature de l’application d’une force sur un objet.

Nous redécouvrons, au bout du rouleau, les vertus de cette intersubjectivité, mais dans un carcan de pensée mécaniste devenu camisole – témoigne notre mal à déterminer ce qui « ne va pas » dans nos relations avec les machines. En réalité, ce qui ne va pas, c’est l’établissement de la subjectivité et de là l’intersubjectivité, avec les machines et, delà, entre nous.

On peut suivre le parcours de l’évolution de cette pensée, du Skinnerisme / comportementalisme (agir sur et conditionner un « objet pensant », années 1910-20) au nécessité de dominion (les trois lois de la robotique d’Isaac Asimov, années 1960s) aux « rule-based-systems » (l’idéologie des machines pensantes des années 1980) suivis des « neural networks » rebrevetés « algorithmes », 1990-2020. Il faut dire que depuis Turing (années 1930-50) la compréhension métaphysique du sujet, au moins par la généralité des gens, n’a guère évoluée, mettant en cause l’existence même d’une « métaphysique », d’une « intelligence du monde ».

Dans chaque domaine des sciences humaines, l’assimilation conceptuelle de ces éléments de base est variable. Par exemple, dans le domaine de la psychologie, la psychanalyse et de toutes les autres manières d’individualiser les procédés sociopsychologiques humaines, on est encore à l’époque de Skinner, des années 1920. On objectivise et ainsi on atomise l’individu, le rendant proie prostrée devant la bande, on a du mal à considérer des flux qui « conditionnent » la condition individuelle comme faisant partie de cet être et par extension tous les êtres individuels. Les services sociaux se nourrissent des « victimes du système », sans système.

Dans d’autres sciences humaines, plus en contact avec la matière, telles la génétique et l’évolution, de telles pensées non-individualistes mais systémiques sont banales et même mathématiquement formalisées dans des modèles, sans que l’on sorte du carcan mécaniste et actuariel. On arrive aux années 1950, les années Turing. NVidia est Turing. Sans NVidia, sans puissance de calcul, pas de soi-disante « intelligence artificielle », pas de décodage du génome ou du protéome. Mais il faudrait un soleil pour fournir l’énergie nécessaire à tous. L’intelligence s’enfouit dans les fentes béantes de l’absence d’information. Le modèle de surconsommation de l’énergie numérique est aussi irrémédiablement inefficace et destructrice que le modèle de la surconsommation croissantiste.

Irlande eire

Quels sont les parallèles entre le génocide irlandais de 1846-51 et celui, écologique, en cours aujourd’hui ?

La question est sociologiquement importante. Le nationalisme égocentrique est, dans l’état actuel des choses, mortifère pour notre monde à tous. Le rapport de raison, de raison mutuel intéressé, sans nation, devient essentiel. Le rapport de force, la tension perpétuelle, maintenue par le pouvoir colonial avec son comptoir, que ce soit l’Irlande du Nord pour l’Angleterre ou l’Israël ou l’Irlande du Sud, des comptoirs pour l’Amérique du nord, créent cet atavisme nationaliste, comme l’ombre de leurs lumières.

L’une des réponses est que les deux cas de génocide sont perçus comme lointains par les peuples de ceux qui les infligent. Ces deux génocides, d’une cruauté expérientielle inouïe, sont administrés, de loin, par des philanthropes et des « faiseurs de bien », sur des « objets humains ».

Souvent, ce sont les « prédateurs » humains, avec les objets les plus éloignés de la philanthropie imaginable, qui font le plus grand bien, comme c’est le cas avec les prédateurs qui occupent le niveau trophique le plus élevé dans d’autres schémas du vivant. Chemin faisant, ces « rapports de force » et non de raison prennent l’ascendant, continuent sur leur parcours ancestral, avec les outils de bord, d’un pouvoir brutalisant sans borne.

Là ou le guépard ne devait qu’excéder par cinq kilomètres heure la vitesse de sa proie, l’antilope ou la gazelle, l’état de l’art dans le monde industriel est d’avoir un rapport de force tellement excessive que toute résistance est inutile, une équation un peu rustique, et inécessairement dépensière en énergie. Là où Cromwell se limitait à une centaine de milliers de morts, dans le monde moderne, l’usage de la bombe atomique à fusion reste prégnant, exige des sacrifices magnifiques de chair humaine, pour préserver le système de terreur mutuellement assuré.

Disons que, au niveau de l’élégance de la solution, un 4x4 manque de finesse et de grâce, par rapport au guépard, ou au cheval. Péniblement, en excédant de quelques dizaines de kilomètres par heure seulement le guépard, (170 contre 110kmh), il a multiplié l’effort requis de 1 cheval à 200-400 chevaux – toute guerre devient attritionnelle, de punition. Ceci indique à la fois la difficulté non pas théorique mais pratique de la tâche, et les raisons pour lesquelles « la nature » a pensé bien de ne pas l’entreprendre. Le jeu ne valait pas la chandelle. Manger quatre cents chevaux au lieu de moins d’un était une besogne peu attractif, même pour le guépard le plus charnel.

Les plus grands criminels étatiques, dans cette triste affaire, sont par excellence les américains, vecteurs de la culture industrielle britannique. Ils basent leur pouvoir sur un rapport de force disproportionnel, élu en vertu, le monde de l’hyper-consommation qui nous tue tous.

Or, il est difficile de maintenir cette fiction. Une ébauche de justification de génocide, entendue à la radio : « il se peut que, les surfaces habitables de la terre se réduisant, il y aura une évolution de la démographie, le monde ne pouvant plus soutenir une population de 8 milliards, plus tard dans le siècle », notre siècle, ou des mots à cet effet.

La résignation. C’est à peu près ce qui s’est passé avec l’Irlande. La résignation des non-souffrants et des profiteus, malgré eux, comme le Walrus and the Carpenter (le Morse et le Charpentier de Louis Carroll, qui écrit cette poésie charmante pour enfants à l’époque des génocides coloniaux anglais). Cette adaptation surprenante, flippante, à l’horreur. Les plus grandes pertes de vie ont eu lieu suite à des tentatives de rationaliser la production agricole irlandaise par l’élimination de le classe de petits métayers, en défaut de paiement sur leurs baux, à cause d’une succession de mauvaises récoltes. Comme le dit la feu chanteuse Sinnead O’Connor, « the thing about the famine is that there never really was one », (ce qu’il faut savoir sur la famine est qu’en toute vérité, il n’y en a pas eu ». Non, c’était un génocide, pur et simple. Les légumes et le blé continuaient de s’exporter vers l’Angleterre. L’inhumanité se totalisait.

Le génocide présent mondial est une recette de solution démographique du milieu du dix-neuvième siècle, à l’anglaise. Les anglais l’ont répété avec les Boers et toute autre nation qui s’est montré récalcitrante, ont systématisé l’usage des camps de concentration, des mitraillettes, de l’attrition et la terreur, comme les dignes héritiers de Genghis Kahn. Il est inévitable qu’en exploitant les pays pauvres pour fournir les nôtres en surconsommation, nous créons les préconditions du génocide. Le problème est un problème d’échelle – notre surpuissance fait que nous nous tuons ainsi aussi, c’était l’impensée.

Sans montrer du doigt définitivement le dieu argent comme le coupable final, il est cependant permis d’observer que ce sont les priorités systémiques de stabilité du moyen d’échange (d’assurance de l’inévitabilité de l’extraction du bien) qui prennent précédence sur la décence humaine, que la qualité objective de la machine « civilisationnelle » britannique prend tout, y inclus la vie de ses serviteurs. Nous, de courte mémoire, attribuons ces qualités plutôt aux grands états totalitaires comme l’Allemagne sous Hitler, la Russie sous Staline ou la Chine sous Mao, alors que la recette de base est et continue d’être anglaise, les responsables des bons sous-chefs d’état comme Disraeli ou Lloyd George.

Les États Unis acceptent avec alacrité ce modèle, se trouvant dans un « pays » où les possibilités d’expansion apparaissent sans limites pour une population qui encore aujourd’hui est d’une densité par km carré minuscule par rapport aux autres grands pays, sauf la Russie. L’aspect insulaire des Îles Britanniques trouve sa continuité sur l’échelle du continent semi-isolé nord-américain, dans la pensée de ses gestionnaires. « Home is where the heart is » (Le cœur est chez soi). Les étrangers sont des sous-humains, des retardataires, dignes de commisération et de partage de munificence. On s’immisce à contre-cœur dans les affaires du grand monde, comme si c’était une responsabilité, un fardeau, nous, les grands condescendants.

Le paysage s’effondre devant nos yeux. Nous nous adaptons en devenant effondristes, des spécialistes de l’adaptation au génocide collectif des autres. Ceux qui proposent d’y remédier sont traités comme des fous et des marginaux, il faut noyer l’espoir pour mieux vivre, la perspective d’avenir devenant une valeur dépréciée.

Des habitudes, la distance fait l’affaire. On peut se distancier de l’horreur en regardant son petit écran, dans sa cellule scellée contre les intempéries du grand monde. La surenchère sur les horreurs de la guerre perd son punch. Le gouvernement parallèle des irlandais fait du renoncement au pouvoir colonial la clé du succès. Comment faire bloc, dans un pays de collabos ? D’autant plus qu’on n’a plus le temps ? La désolation d’un pays dépeuplé et le renouvellement de sa diaspora ne réussissent pas à cacher les balafres qui strient le paysage du génocide, immiscé dans la nostalgie d’un passé rêvé, non pas achronique mais plurichronique, on vit avec ses fantômes. Les victimes du génocide s’éteignent, sans histoire, nos ancêtres, notre histoire blanche.

Ce que ne peut le pouvoir régnant, c’est accepter d’être redevable. Des empires construits sur les os cassés de leurs victimes ne peuvent les honorer. Les peuples écrasés font du passé leur avenir. Les vivants font bloc, contre eux. Chaque pouvoir ex-colonial, l’Australie, le Canada, les États Unis, fait son mea culpa en ne cherchant qu’à passer outre. Le paysage encaisse, pour nous.

Mais un génocide est beaucoup plus présent, pressant et immédiat, ne permet pas à ces devises de détournement de se monter, lentement, comme le levain.

Le choc, interloqué, est absolu. Il est avec nous. De plus en plus.

Les guerres génocidaires ont toujours été des guerres écologiques, d’attrition, de destruction du vivant. Ce sont des guerres d’une sauvagerie elliptique, on tue le substrat de vie, on tue ainsi l’espoir de l’ennemi. Nous avons toutes les clés de compréhension à portée de main, mais nous avons aussi l’omerta collusioniste des survivants – nous nous aimons dans le vide du sens, sans le courage d’en faire un sens – il faut s’aimer sans cause, paraît-il.

C’est quoi, notre utilité ?

🖶

dimanche 12 novembre 2023

Gigantisme

C’est une question de rapport à l’autre. L’écologie. Avant, on parlait de l’environnement, et puis on s’est mis à parler de l’écologie, parce que parler de l’environnement menait à confusion. Le sujet a toujours été : nous. Je parle de l’écologie sociale maintenant, pour qu’il n’y ait pas question là-dessus, bien que je ne l’ai jamais pensé autrement. Les questions subsistent. Il faut peut-être se demander pourquoi ?

La raison est peut-être qu’il y a une vraie culture industrielle, maintenant, une sorte de religion industrielle. On la voit de plus en plus claire, elle paraît impossiblement ringarde, pour plusieurs d’entre nous, elle est tellement à côté de la plaque. Ceux qui y croient encore se retranchent derrière des idéologies négationnistes de plus en plus absurdes.

Mais c’est parce que nous passons d’une culture à autre. Les historiens, ils diront, peut-être, que la transition de l’époque industrielle, où l’énergie, la puissance était reine, à l’époque de la culture écologique, où l’ensemble du vivant devenait le centre de toutes nos préoccupations, a déjà eu lieu.

Que la toute puissance et le rapport de force, c’est déjà du passé. Mais non, pas encore. Et l’empire peut toujours renaître de ses cendres.

Et puis, il y a eu désaccord, parce qu’on en avait marre des gens qui parlaient de la fin du monde, alors qu’on s’occupait de la fin du mois. Tous ces mots. On les utilise plus pour délégitimer l’autre que pour vouloir dire quelque chose. J’utilise les mots écologie sociale pour être clair que l’on parle bien de notre avenir, forcément collectif. Je suis content que l’on comprend de mieux en mieux que nous sommes des êtres vivants, ensemble avec les autres. En voiture, entouré de sa bulle informatique, il est difficile de le comprendre, sauf de manière très abstraite. On écrase le vivant, sans même le savoir. Et puis on donne de l’argent, « pour compenser ».

Je les ai appelé les époques de l’ingénierie mécanique, qui a commencé dans les années 1800, et de la bio-ingénierie, commençant dans les années 2000 – deux cents ans d’accommodation du monde industriel, avec l’éruption des mouvements sociaux dans les usines, la création de syndicats et de partis politiques travaillistes, Luddites, socialistes, communistes. Pour terminer avec des ouvriers de l’automobile qui protestent contre la perte de leurs boulots, industriels jusqu’au dernier souffle.

Ce n’est que maintenant que l’on se retourne pour constater que le monde que nous connaissions est devenu méconnaissable. On oublie souvent de le dire. On parle du monde virtuel, du monde de demain (ou des lendemains d’hier). On oublie de séparer ce discours, qui vaut ce qu’il vaut, du discours du nous. Nous, le monde. Le monde virtuel ne remplace pas le vrai monde, il en fait partie. Le monde minéral fait partie de nous aussi. C’est l’échelle qui a changé. Mordor se répand partout. C’est dans le Seigneur des Anneaux, qui a été écrit par quelqu’un qui a servi dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale. Il sait ce que c’est, Mordor. Il sait que Mordor, cela peut vouloir dire Mort d’Or.

Il y a donc eu enchevêtrement entre le discours de la puissance industrielle et d’autres discours de la puissance de l’un ou de l’autre des groupes sociaux. Nos petites sociétés humaines, à l’échelle mondiale, se sont battues et se sont fait mal. Elles s’y appliquent encore, malgré l’évidence devant nos yeux. Elles ont réussi à créer des rapports de force chaque fois plus titanesques, jusqu’à reconnaître que même la guerre se doit de décroître, pour des raisons purement pragmatiques.

La guerre est devenue une sorte de rage mal contenue. Elle ne fait plus aucun sens, sauf pour punir. Elle est devenue industrielle. Une histoire d’attrition, de destruction mutuellement assurée. Les titans, ce sont nos sociétés, transformées en énormes unités verticalisées, qui s’autodétruisent mutuellement, comme avant, mais à l’échelle du monde.

Nous nous devons de trouver une autre manière de vivre.

Il y a eu confusion entre le métaphore « guerre » et « guerre écologique », mais je pense à une manière de contourner ce problème. Nous sommes dans l’après guerre, l’époque des réparations. Nous vivons dans un monde très usé maintenant, par toutes ces guerres et toutes ces préparations à la guerre, tous ces rapports de force indignes, toujours indignes.

Il y a plusieurs zones qui ont été tellement maltraitées qu’elles sont devenues des nomanslands, des déserts, sans vie, sans eau potable. A peine qu’elles répondent aux injections de fertilisant minéral, de phosphate et d’insecticide, tellement elles ont été maltraité. Mais pour les rapports de force industriels, c’est essentiel. La politique de la Terre brûlée.

Je pense à un truc, nous ne bougeons plus s’il n’y a pas un stimulus de rapport de force, tellement c’est devenu banal. L’argent, ça sert à ça, il fait que l’on soit « pris en considération ». Pour les gens qui aspirent à la liberté, la définition de rapport de force, c’est que c’est eux les plus forts. Ils sont devenus néolibéraux, addicts à l’argent, le rapport de force social. Lorsque je les interpelle, ils disent que je veux une dictature écologique. Non. C’est bien eux qui font tout pour que l’écologie gouverne leurs vie, d’un poing de fer.

Non, le métaphore à utiliser maintenant, c’est l’après-guerre, faire face à la désolation que nous avons créée, commencer à la soigner, l’aider à regagner sa confiance, à se remettre en état de viabilité, nous inclus. Si l’on veut, l’évolution, la sélection par la survie de l’espèce, c’est la guerre la plus dure imaginable et elle est instoppable. C’est cela, la vraie dictature écologique, l’écoréalisme. L’ennemi, c’est nous.

C’est pour cela qu’il est important d’atteindre un peu d’objectivité collective, face à ces défis, notre survie en dépend. Il faut bien aller à la racine des choses, pour y voir clair. L’argent n’est pas à la racine des choses, il est un moyen d’échange comme d’autres. Mais dans une petite ville de campagne, celui qui rafle presque tout l’argent disponible, après les achats contraints, c’est le café du coin. Juste le fait d’être sociable s’achète.

Il y a une ville qui s’asphyxie. 25 fois trop de fumées nocives, 30 millions d’habitants, plus. C’est à cause de la pollution des voitures et d’autres gaz industrielles, et du temps qu’il fait en novembre, anormalement chaud. Chaque année maintenant, normal. Il y a soixante ans, il y avait le smog, à Londres. On a mis en œuvre des mesures draconiennes, dictatoriales, s’il vous voulez, pour que plus jamais cela ne se passe comme ça. C’était devenu invivable. Dictature écologique ? Londres ? C’est peu probable.

A New Delhi, en 2023, les enjeux sont les mêmes, c’est la ville malade que je décris plus haut. L’Inde est aussi aux postes avancées dans la révolution verte. On comprend pourquoi, cela devient une question de vie ou de mort. A Pékin – Beijing, pareil, des énormes problèmes de smog. Une tension absolue entre le besoin de produire, de produire des produits industriels, et les besoins de la santé et de la survie humaine.

Comment en est-on arrivé là ? En faisant de l’industrie mécanisée une valeur culturelle. Et le symbole de cette culture, c’est la bagnole. Elle est devenue plus qu’une symbole, elle est devenue « nécessaire », dans l’esprit des gens. Les écolos les premiers, ils n’osent plus s’y opposer, surtout à la campagne. Ils parlent de covoiturage, de la pure hypocrisie. La voiture, le véhicule, reste le symbole, une symbole d’une culture, l’industriel. Par rapport au vivant, ce sont les routes, faites pour supporter les voitures, les camions et tout le reste, qui s’adaptent aux exigences de la voiture. C’est le comble d’être accusé de dictature par ceux qui exigent que la voiture commande. L’article première de cette foi, c’est que les routes sont nécessaires parce que les voitures sont nécessaires. Le raisonnement est circulaire.

Heureusement, pour la culture industrielle, que les routes s’éparpillent dans l’espace. La pollution aussi. Il suffit d’aller à la campagne pour éviter de s’empoisonner. Mais la campagne, en Inde, est déjà bourrée de gens, et beaucoup d’entre ces gens sont déjà dans la révolution de l’agriculture verte, bien plus qu’ici en Europe, où on a quasi-éliminé la paysannerie, préférant la mécanisation.

Je pense ici à un phénomène que j’ai souvent observé, perché à 2500 mètres sur la chaîne des Pyrénées, en Ariège (Port d’Urets). De ce mirador exceptionnel, on voit facilement Toulouse, qui est à peu près à cent kilomètres. Et on voit un dôme violacé dans l’atmosphère au-dessus – c’est la bulle de chaleur-pollution que crée la métropole. C’est comme dans un film de science fiction.

Et l’air à Toulouse est plutôt respirable, malgré la circulation – au moins dans les quartiers les moins pauvres, stratégiquement placées au dessus et loin des axes routières principales. Le Mirail, quartier et université près des principales axes routières, est pauvre, est bien pollué. Si l’université est particulièrement connue pour être de gauche, il y a résonance, ses étudiants partagent le sort du quartier.

Bien sûr que jusqu’à là, je n’ai parlé que des échelles assez petites, mais au niveau mondial, nous émettons suffisamment de gaz à effet de serre pour hausser la température, pour faire que le climat, surchauffé, se déchaîne, pour nous polluer tous. Les responsables ? Surtout, ceux qui font des longues distances, à la campagne. Tout processus industriel compris. C’est la puissance, l’énergie sur-utilisée, qui est le problème. Cela coûte très cher, de gagner 20 minutes sur un tronçon d’autoroute de cinquante kilomètres.

Nous ne pouvons plus nier, à la campagne, que nos habitudes énergivores font une partie majeure du problème social, surtout si nous n’acceptons plus de densifier la population rurale, ou pas de manière significatif. Négligé, délaissé par l’humain, « pris en charge » par les machines. Tout le monde devrait être en train de se poser cette question : « comment ré-intégrer de manière positive la culture de l’humain à celle de la biodiversité ? » La voiture ne fait pas partie des solutions réalistes, vue sous cette angle. La FNSEA se plaint du mauvais entretien des cours d’eau, par rapport aux inondations du Pas de Calais en cours. Quelle est la part joué par la compaction du sol, la disparition de la terre éponge, la construction dans les lits majeurs des rivières ?

Beaucoup de gens choisissent de vivre loin de la ville et de faire la navette au boulot, ou quand il est nécessaire. Sinon, ils s’attendent à ce que d’autres moyens de transport fassent le boulot de déposer aux supermarchés plus locaux, ou à leurs portes, les denrées qui leur manquent.

Peu importe, le mal écologique est fait. C’est justement ces gens qui vivent à la fois à la campagne, et à la fois en ville, ou tout comme si, … qui ont les taux de production de carbone les plus néfastes.

Les gens qui produisent le moins de CO2, ils vivent et ils travaillent dans et autour des grands centres urbains, les endroits les plus pollués. Ils sont très écologiquement conscients. A l’échelle globale, ce sont les gens qui vivent dans les pays pauvres qui souffrent – sécheresse, canicule. Ils vivent. En France, on maintient la fiction que la vie de pauvre est indésirable.

Il faut savoir ce qu’on veut, vivre ou mourir, collectivement. Cela a été un choc de constater que le climat change le plus rapidement en Europe, la température moyenne monte en flèche. Peut-être on fera le lien entre ces steppes d’agriculture industrielle, le manque de résilience de nos paysages et notre propre souffrance, comme les citadins ont déjà du faire, face aux dépradations.

Notre culture collective évoluera, cela veut dire qu’elle s’adaptera aux circonstances, bon gré, mal gré. C’est en train de se faire.

Si je suis activiste écologique à la campagne d’un pays riche, c’est bien que, dans ma vision des choses, c’est ici que cela se passe, malgré les apparences. La culture industrielle « la campagne ». La marque « campagne », l’« industrie du tourisme ». La culture de la campagne est de dépendre de l’industriel. Dans un pays riche, cela veut dire dépendre du tourisme des riches – en voiture de nouveau, d’importer la richesse que l’on ne produit plus. Le bio, c’est pour l’affichage, il est peu subventionné par rapport à l’industriel, il est, dans sa vaste majorité, industriel.

A la campagne d’un pays riche de l’Europe de l’Ouest, on exploite l’hyper-consommation des riches, venus en voiture. C’est la principale source de revenu, pour la plupart des gens qui bossent à la campagne. Et il y en a de moins en moins – la « population sur place » est numériquement « touriste » - il ne vit pas d’un travail sur place, il vit et il travaille ailleurs. Entre campagnes, les gens utilisent des voitures pour faire des kilomètres de dénivelé, pour aller travailler, la population de nuit est dénué d’actifs.

Actuellement cela réduit la campagne à une sorte de « fonction paysage ». La campagne est paysagère, adaptée à être vue et utilisée par des gens qui « se bougent » en voiture, des « touristes », d’abord et avant tout. Des gens qui se pensent des plus « orientés nature », qui empruntent des GRs avec leur GPS, arrivent et partent en voiture. Ils vont marcher, à la campagne, en voiture.

On se demande quand naîtra un tourisme vraiment utile à la campagne, qui n’est autre que la nature, ou le vivant, appelez-le comme vous voulez, à perte de vu. Mais actuellement, les marchés locaux sont là pour vendre des objets de consommation destinés aux touristes et aux habitués à la poche profonde. L’argent, il vient d’ailleurs.

La campagne devient une zone accommodée aux désirs des plus performants, au niveau de la poche, au niveau de la consommation, qui distribue, presque partout, le pire de la logique anti-écologique de l’époque industrielle que nous essayons de dépasser. On a mis les riches, par la définition d’aujourd’hui, comme des cochons, en plein milieu du jardin. Ils sont en train de tout bouffer.

Les producteurs de nature à manger, les agriculteurs, sont subventionnés, les riches qui viennent aussi. Puisqu’il n’y a qu’eux qui sont utiles. Un vrai paradoxe, le seuil d’entrée à la vie rurale est relativement haute, elle vaut une voiture ( les Celtes calculaient leur richesse en têtes de vache, mais ici, maintenant, c’est l’achat d’énergie – pétrole, qui compte). On a la voiture «  cheval de courses », bien sûr, mais aussi le mobilhome, la voiture électrique. D’habitude, ce sont des bagnoles de fonction, comme les chevaux et les ânes l’étaient avant.

Presque tous les intrants pour ce modèle sont très énergétiques. C’est le même calcul que celui que l’on fait pour l’empreinte carbone d’un musée, comme Le Louvre. Plus il y a de visiteurs qui viennent de loin, plus l’empreinte du seul transport et hébergement des visiteurs est grande. Cela représente 60 pour cent et plus du bilan carbone du musée. Ce n’est même pas dans les mains des curateurs de musée. Tout ce qu’ils font dans leur quotidien de bien, niveau frugalité, ne fera pas l’affaire. On ne fait pas venir un visiteur chinois à pied. En fait, on a abandonné toute réflexion sur l’utilité d’un voyage, pour l’environnement, l’environnement humain et du vivant. Certains musées ont compris, ils visent une population « locale ». Peut-être on pourrait avancer d’un cran, faire venir les touristes « locaux » à pied ou à vélo ?

Si les touristes actuellement véhiculées viennent de plus loin, ou voyagent plus fréquemment, comme presque tous ceux qui trouvent un boulot à la campagne, la campagne fonctionne exactement comme un musée. Avec tous les efforts du monde, le gros de son bilan négatif écologique, c’est les frais de transport, en carbone émis, routes comprises.

Pareil pour les paysans, les maraîchers et les agriculteurs. Le gros de leur consommation d’énergie, c’est de l’énergie qui est transporté de très très loin. Leurs pratiques, leurs champs grands et simplifiés, leur fil électrique, ce sont aussi des « routes », pour que le tracteur roule. Tout est calculé pour simplifier la « vie » de la machine. Les panneaux solaires, qui ont le mérite d’être statiques une fois arrivées, viennent de Chine. Les minerais qui sont employés dans leur confection viennent de partout dans le monde.

Je trouve que l’on n’est pas en position de nier ces vérités. On cumule l’évidence que cela doit être vrai. Insecticides, oui. FNSEA, oui. Chasseurs, oui. Agriculture industrielle non-bio, oui. Dépendance massive sur le transport véhiculaire mécanisé, oui. Nous savons aussi que statistiquement, la population présente à la campagne est de plus en plus riche, ces dernières années. C’est-à-dire, elle est riche en hydrocarbures, essentiellement. Le temps est bien venu de parler de la place de la voiture, à la campagne.

L’industriel est associé avec la puissance et la richesse, le rapport de force. Mais objectivement, l’industriel ne fait pas le poids, face à l’évolution. L’évolution se moque de qui est le plus fort, concurrentiellement, entre mammouths industriels, elle ne cherche que le plus apte. Nos petites querelles de ce que cela veut dire « croissance » ou « décroissance », elle s’en moque. Beaucoup plus important, pour l’évolution, ce sont des questions comme « est-ce que cela peut se reproduire ? » Ou « est-ce que cela peut s’auto-organiser ? »

Pour l’industriel, la réponse est, manifestement, non. La plupart des organismes industriels sont tellement inadaptés à la survie autonome qu’ils cessent de fonctionner dans des délais très réduits, sans un apport constant d’énergie de l’extérieur et des décisionnaires humains. Le transport d’énergie à longue distance devient le pilier central de la culture industrielle. Le poids d’une batterie à lithium, fois des millions, par exemple.

N’est-ce pas que lorsque nous parlons de colonialisme et de néocolonialisme, nous parlons de cela, l’apport, d’ailleurs, des forces nécessaires ? Comparons-le avec le monde biologique, la logique biotique. Les végétaux convertissent l’énergie solaire qu’ils reçoivent sur place en matière. Les vents, l’atmosphère, font le transport de la matière que les êtres vivants convertissent en énergie.

Et tout cela, sans aucun apport industriel. Les transferts d’énergie sont massifs. Notre culture industrielle dépend du dépens du cumul, pendant des milliers de millions d’années, de l’accumulation de cette énergie, à origine solaire. Nous parvenons à épuiser ces gisements, et malgré nos gains en efficacité énergétique, de dépenser de plus en plus d’effort à récupérer de moins en moins de matière première.

Les énergies renouvelables deviennent nécessaires, pas optatives. Mais l’énergie renouvelable le plus idéal, c’est, par exemple, le vent. Pas l’éolienne, ni l’électricité qu’il produit, mais juste le vent. Et pourquoi choisir un panneau photovoltaïque, si le gros de l’usage énergétique est pour chauffer, ou refroidir ? La méthode industrielle, de détruire la nature, d’accommoder la production végétale à une mission de « rentabilité immédiate », alors que le végétal est le plus grand capteur et convertisseur d’énergie solaire qui soit, de « réduire » la mission à la production d’électricité, qui ensuite alimentera la machine, c’est d’ignorer les « machines » naturelles déjà opérantes.

La culture industrielle est une culture très primitive, à vrai dire, elle ne renouvelle rien. C’est ce que l’on veut dire quand on parle d’autonomie. Renouvellement. Reproduction. Auto-organisation.

Tout être vivant sait le faire, pas tout seul, c’est la règle. On peut imaginer que notre bio-ingénierie terminera par produire des organismes qui savent se reproduire et s’auto-organiser, c’est la prochaine étape logique dans l’affaire, ça commence déjà avec les drones. Mais c’est une course contre le montre, notre survie peut en dépendre. Pouvons-nous créer des machines vivantes, qui s’auto-organisent ?

Elles sont déjà là. Il faut plutôt apprendre à mieux s’intégrer à ces mécanismes dits « naturels », mieux les cultiver. On en parle, avec les inondations dans le Pas de Calais, on en fait déjà beaucoup, de réouverture de marais, de zones inondables qui servent d’éponges. La culture industrielle est aux antipodes de cette réalité, c’est même elle qui crée le ruissellement. La science, non. La science comprend que l’auto-organisation existe déjà, si on la permet d’exister, de « fructifier », c’est cela le sens du mot « écologie ».

Notre puissance brute, l’énergie que nous produisons par l’industrie, elle est infiniment moins intelligente, comme processus, que ce qui existe déjà, dans le biosphère. Notre monde purifie l’eau et l’air, pour nous. Elle recycle nos déchets, organiques. Chaque substance produite, reproduite, trouve son usage. Le déchet de l’un est l’intrant de l’autre. Chacun est le mieux placé pour décider de l’intrant/déchet qu’il produit.

Le comble, c’est que cela a l’apparence d’une vaste concaténation d’erreurs. Je ne décris pas ici une horloge parfaite, comme l’univers de Newton, sinon un système qui s’auto-entretient par des erreurs constantes. Ce n’est pas le plus puissant, le plus énergivore, qui gagne, loin de là. Moins il consomme, plus l’organisme a des chances de survivre, lorsque les ressources manquent. Ce sont les « goulots écologiques ».

On ne parle donc pas de décroissance – puisque les organismes qui survivent peuvent croître, parfois exponentiellement. Et ces organismes sont à toutes les échelles, du virus à la baleine bleue. L’échelle uniquement industrielle représente un non-sens, un cul-de-sac évolutionnaire. Nous ligoter au béton de l’industriel, c’est nous couler, du point de vu évolutionnaire.

On peut faire un parallèle avec les dinosaures. On sait aujourd’hui que les oiseaux sont des dinosaures. On sait aussi que, dans leur vaste majorité, les oiseaux contemporains sont bien plus petits que leurs ancêtres. On pourrait même dire que le principe industriel de l’économie de taille, version biotique, a déjà été tenté, et ceci à maintes reprises. Il y a le potentiel d’un industriel biologique, cela a déjà existé, il s’est presque éteint, là où il ne s’est pas rapetissé.

L’environnement, c’est l’environnement social, c’est ceux qui sont autour de nous, n’est-ce pas ? Moi, j’ai passé tellement de temps avec d’autres bestioles que je vous jure qu’ils se font des blagues. On a sévèrement sous-estimé l’intelligence des autres êtres vivants, comme par principe, il y a eu beaucoup trop d’objectivisation. Le vivant, il est subjectif et souvent proactif. On a sévèrement sur-estimé l’intelligence relative humaine – de certains d’entre nous. Mais il y a partage de l’intelligence entre tous les êtres vivants, bien plus qu’on a voulu le croire, en prenant ce cul de sac intellectuel. On continue d’avancer, c’est une science toute neuve, celle de l’intelligence biologique.

Ici, je suis dans une partie du monde qui s’appelle les Cévennes, ou tout le monde ou presque a une voiture. C’est ici, à coup sûr, qu’on est en train de tuer le monde. Et tout le monde ici avance des raisons qu’il pense bonnes pour continuer dans son usage de la voiture, évidemment. On aime la liberté, la liberté de choix ici. On ne voit pas, ou l’on ne veut pas voir, jusqu’à quel point nos choix, ici, condamnent d’autres, ailleurs, qui n’ont pas le choix. Nos choix s’imposent sur d’autres. C’est déjà la dictature, pour eux.

Pour nous, c’est de plus en plus difficile de maintenir le niveau de confort et d’aisance de vie auxquelles nous aspirons. La voiture nous assure ces possibilités, mais elle coûte « trop cher ». La liberté, elle s’achète, mais elle est hors de prix, pour la plupart d’entre nous.

Je suggère une autre voie envers la liberté. Nous libérer de notre dépendance sur la voiture. Nous remettre en synthèse avec la nature, notre nature, plus directement, de biote en biote. C’est logique. La technologie moderne est en train de nous tuer. Il ne faut pas en être dépendant, en faire le transmetteur-récepteur exclusif. Le moins que l’on puisse faire, c’est de nous libérer de cette dépendance et voir si c’est vraiment si nécessaire, si c’est vraiment le moins pire. Il y a plus moins pire que cela, je vis sans voiture, à vélo, à la marche. Cela me plaît plus, je n’aime pas ce que les voitures et les portables font de nous.

Notre dépendance est systémique, certains avancent l’idée que cela veut dire « à toutes les échelles à la fois », mais je préfère dire que c’est d’abord une question d’infrastructure, de ce qui est entre nous. C’est pour cela que la voiture est absolument centrale au débat. C’est pour cela qu’il nous faut tenter d’inventer un autre système qui marche.

Les Cévennes, c’est un très bon endroit pour faire cela, tout le monde croit dur comme fer que c’est impossible. Si on le faisait ici, personne ne pourrait s’obstiner à prétendre que c’est impossible. Le bruit court, les Cévennes, c’est très bien connecté.

Je pense, en toute justice, qu’avant de prononcer le mot « impossible », on devrait essayer. S’il existe une infrastructure sans bagnole, si on voit comment ça marche, on sera mieux placé pour juger, non ? La société des voitures nous a déjà désenclavé, les gens se mélangent à distance maintenant. Des circuits réguliers sans voiture peuvent recentrer ces groupes sociaux, distance, avec le « slow transit ».

Je me sens un peu con de me trouver là, à parler d’un sujet tabou à plein jour, même à la nuit des temps. Nous sommes dans l’entre nous – on est combien … ? Les touristes sont partis, c’est peut-être cela, la motivation, on a encore le temps de faire quelque chose, ou pas, cet hiver.

Le temps, on a le temps, bon, manière de parler. La Banquise, elle fond, visiblement. Et ici ? Il fait un peu plus chaud. En fait, ce qu’il faut craindre ici, c’est l’arrivée de réfugiés climatiques d’ailleurs, je veux vous effrayer ! Ne faudrait-il pas y penser, avant qu’ils n’arrivent ici ? Les circuits réguliers, à pied, à vélo, que je propose, c’est une vraie solution à cette problématique.

Historiquement, les Cévennes, comme d’autres renforts montagnards, ont eu des hauts et des bas démographiques. Actuellement, on est autour du plus bas depuis 800 ans, peut-être. Il y a des ruines, des habitats désoccupés partout, suite à une hémorragie démographique datant de la première époque industrielle – un genre d’écroulement écologique partant du milieu du 19ième siècle, reprenant après les Grandes Guerres. Le repeuplement de la campagne n’a guère commencé. C’est une époque pionnière.

Pour le moment, on s’y est habitué, à ce désert rural. On a pris goût à un paysage vide, où tous les trajets se font en voiture. Vous avez vu le nombre de voitures électriques, les quatre quatre, les camions et camping cars de luxe, les motos, les buggies ? C’est un vrai paradis pour la société mécanisée libre, la campagne, bien plus que la ville. Vous ne l’avez pas noté ?

A quoi sert une grosse voiture, si elle ne peut jamais montrer ses capacités ? J’ai l’impression que les touristes pensent que la campagne, c’est leur endroit de liberté. Leurs voitures, leurs motos, leurs chiens, ils veulent les laisser courir libres.

C’est un vrai point aveugle. Ils veulent être libres, sans dictature, mais je ne sais pas ce qu’en pensent les bêtes qui rencontrent ces chiens ? Ils veulent rouler à 90kmh, mais je ne sais pas ce qu’en pensent tous les autres usagers de la route ? Sans parler des agriculteurs, qui veulent également imposer leur sceau sur la biodiversité.

C’est quoi cette liberté de détruire et remplacer le monde du vivant ?

Cette « mobilité » va bien avec la liberté d’association, si on ne parle que de ceux qui sont dans les parages. On peut s’associer, librement, avec des gens de Mende à Saint Jean du Gard, d’Anduze au Vigan, de Millau à Alès, si l’on a la bagnole et l’essence. Toute l’apparence de l’association libre, ce qui va bien avec la culture rebelle cévenole. Et puis, comme avec les touristes, ceux qui ont des véhicules, ils ont des véhicules, ils ne laissent pas d’empreinte au sol, ils n’envahissent pas, ou peu, n’est-ce pas … ? Ils viennent avec de l’argent à la poche, ils contribuent. Ils achètent les maisons qu’ils occupent de temps en temps, avec leurs invités, au passage. Ils sont très bien connectés.

C’est quand que l’on va déclarer la fin de la récré ?

Si l’on adaptait les méthodes que je préconise, jamais. C’est le paradoxe. Je propose des méthodes d’adapter nos libertés à la réalité des autres. Pour nous laisser libres, à l’égalité de nos pairs.

Et ce n’est pas du tout ce que les gens croient – ils croient que les écolos comme moi, nous proposons de les priver de leurs libertés (voitures, portables). Ce n’est pas moi, ce n’est pas des gens comme moi qui sommes en train de les priver de leurs libertés. C’est eux-mêmes, c’est là où le bat blesse. Tout « bon » manager en Lozère, bouge en voiture, autour de son département.

On est en train de consommer le monde. Bientôt, dans les Cévennes, on aura des réfugiés de L’Hérault – pas des touristes, des réfugiés, sans argent. Qu’est-ce que l’on va en faire – est-ce qu’on a la moindre idée de ce que l’on va en faire ? On est tellement dans le monde des machines que l’on ne sait plus employer les gens. On est configuré pour n’accepter que les gens qui achètent et consomment, pour justifier leur existence.

Je propose déjà de mettre à disposition des jardins vivriers à cultiver et des gîtes de passage pour ceux qui peuvent offrir leur valeur de travail humain, qui serait plutôt prisée.

D’office. En fait, la fameuse générosité, l’esprit tellement accueillant des Cévenols, c’est typique de la campagne française. Vous aurez raison si vous avez noté le deuxième degré. Je parle d’aujourd’hui, en fait. Hier c’était mieux, on avait besoin de main d’œuvre. Et c’est pour cela qu’il nous faut ressusciter les éléments de base de cet accueil, non pas pour renforcer les liens d’affect entre de petits groupes de gens qui sympathisent, sinon pour accommoder, en termes d’égalité, tout venant.

J’insiste là-dessus. La meilleure manière d’induire le conflit, c’est le mépris. Le moins qu’on puisse faire, pour les gens qui viennent ici sans argent, à pied, à vélo, en mouvement, c’est leur fournir les moyens d’être là et de contribuer.

Ce n’est pas en acceptant, de manière presque symbolique, quelques réfugiés de pays en guerre, que l’on fera face aux réfugiés climatiques. C’est en multipliant, par deux, par trois, par quatre, la population rurale ouvrière, écologiquement productive. Sans voiture, donc.

La voiture est elle-même devenue une impossibilité en campagne. On peut supporter une grande population à la campagne, seulement si elle est utile sur place et elle n’a pas de voiture, électrique, diesel, ou autre. Il est vrai que les paysans du tiers monde, tout comme les gilets jaunes chez nous, nous donnent un signal clair, ils ne veulent pas ça, ils veulent le beurre et l’argent du beurre.

Il faut contester cette vision. Un paysan au tiers monde n’a pas besoin de tout cet argent s’il n’a pas à payer le prix pour nos biens technologiques, nos salaires super-gonflés, nous, faisant partie aussi d’une élite rurale qui insiste sur son droit d’utiliser des véhicules motorisés. L’élite rurale, elle n’est plus rurale, elle est partout, grâce à la voiture, l’avion, le train, … elle est à la fois touriste, habitant de résidence secondaire, artisan, citadin, grâce à ces modes de transport.

Ce n’est pas devenir décroissant de proposer un mode de vie qui nous permet de vivre encore. Si l’on regarde les progrès que nous avons déjà fait, technologiquement, on voit que l’efficacité de nos machines a augmenté, de manière astronomique. On voit bien l’axe de mouvement, de machines statiques, lourdes, hyper-polluantes, à vapeur, à charbon, à des machines mobiles, chaque fois plus légères et économes en carburant.

La prochaine étape est le vivant, le vivant super-économe, qui n’avait pas de prix dans les lois du marché humain , qui commence à être critique pour notre survie. On commence à payer le prix, en négativités. Ignorer le sort de ceux qui n’ont pas le privilège de vivre dans des endroits paradisiaques, à la ruralité française, c’est une folie, cela ne peut que nous revenir dans la gueule. Si nous ne savons pas ouvrir nos portes et nos cœurs, la nature les éclatera.

Le vivant n’est pas d’une élasticité à l’infini. Au delà d’un certain seuil, il s’éteint. Même les lois du marché ne sont plus nos amis. Avec l’épuisement des ressources, l’une après l’autre, les valeurs relatives changent. L’eau devient payante. On observe déjà que la valeur des humains diminue – sans voiture, sans machines, ils valent de moins en moins. C’est l’une des choses qui s’approche du point de rupture, on le sait – on ne peut pas donner une voiture à tout le monde, ou une tronçonneuse, ou une débroussailleuse, ou un tracteur – ou toutes à la fois.

Il faut percer la bulle dans laquelle nous vivons, ici. Nous le devons à tous les autres.

🖶

dimanche 29 octobre 2023 rev. mardi 14 novembre 2023

« La Banquise fond et ici on joue aux p’tites voitures »

De retord

Pendant le retour j’étais saisi d’une sorte d’irritation prononcée que j’avais du mal à m’expliquer, au premier abord. Pourquoi les en voulais-je autant, à ces gens de la ruralité française ? Qu’est-ce qu’ils m’avaient fait ?

Mais en réfléchissant, j’ai compris que mes sentiments étaient plutôt bien fondés, ou au moins fondés dans un certain vécu. Je viens de la campagne.

Comme beaucoup de ces choses – les sentiments – on dit que chacun d’entre nous s’est vu mouler par ses expériences (c’est une variante de « on ne peut échapper à son destin »). Si j’ai un destin, c’est d’être l’un des premiers fils de néoruraux de l’époque présente, jamais à sa place, placé partout, comme un fils de la DAS dans la Creuse, version diaspora celte. Premier paradoxe, donc, dans ce chemin de vie semé d’embûches, d’être des premières nations, honni par les colons qui se croient « chez eux », là où je suis, moi aussi.

Sur la montée, sept cents mètres de dénivelé à 5 % moyenne, mon état furibond m’a permis le plaisir Nietzschéen de pédaler sans arrêt, ou presque. J’ai fait le gros du trajet entre 13h et 15h30. Avec une pause à la Magnanerie, édifice Parc Nationalisée d’une mornitude cadenassée sans fin, dans un paysage sonore moutonnesque. Un seul mûrier chétif patrimonial devant elle, entourée de chênes verts, avec plusieurs magnifiques châtaigners du passé semant les cinq cents mètres de chemin, à 700 mètres d’altitude, de leurs bogues. Ce qui est bizarre, c’est qu’elles restent là, éparpillées. Apparemment, même la faune locale n’en voulait pas, peut-être parce qu’ils ont été tout simplement éthiquement nettoyés par les chasseurs du coin ?

La descente fut encore plus rapide, aidé dans mon élan par la pluie latente et les nuages bourgeonnantes. Ma roue voilée s’est mystérieusement dévoilée, au moins en partie, et les conditions ont été optimales pour prendre de la vitesse sans crainte.

Arrival avant cinq heures à Florac, pour témoigner des dernières spasmes de ce que j’ai fui, la Fête de la Soupe, une sorte de Harvest Festival à la dérive, où une fête ancestrale conçue pour célébrer la bonnté de dieu nature s’est transmutée en gros festin de sur-consommation, avec beaucoup de bière, dans un effort manifeste de renflouer les caisses en plumant les touristes avant de fermer pour l’hiver. On est en période hivernale maintenant. L’hôtel du coin a fermé « jusqu’à Pâcques ».

Un parc automobile de vingt millions d’euros qui se déplace pour se bourrer la gueule, sans autre finalité que de fraterniser et de consommer jusqu’à l’hébétude. C’est la musique amplifiée qui est le plus insupportable dans cet enfer. J’ai appris une astuce ce midi, à Sainte-Croix, je prétends à l’acouphène, j’ai ainsi dissuadé à un soixante-huitard pas encore crevé d’installer son sono à 50 centimètres de mes oreilles.

Si ce n’est le petit attroupement de camions de vie auprès du parc, avec leurs babas propriétaires+chiens, se faisant passer pour une tribu néandertalienne, alors qu’ils sont de l’évidence même fumés de fric.

La colère est non-feinte. Elle est saine. Un commentateur à la radio, qui a écrit un livre tout dernièrement, a eu du mal à préciser les grandes lignes de ce monde post-moderne, en attente de l’apocalypse. Serait-il bipolaire – l’Occident contre la Chine ? Ou totalitaire contre démocrate, autoritaire contre humaniste, pauvre contre riche ? « Un peu tout ça à la fois », c’est tout ce qu’il pouvait sortir, laissant entendre que son livre n’en faisait pas mieux, une balade autour du sujet, une œuvre éphémère.

Bref, ce sont sûrement les riches qui sont en train de tuer le monde, peu importe la variante. A la campagne, on a l’impression d’être dans une terre où le fric, il commande du respect.

Ma fureur chaque fois plus malcontenue à la vue de ces habitants ruraux avec lesquels je n’ai rien en commun, mais rien, et tout à la fois, est basée sur le même ordre de constat. La maladie est fractale dans le temps, et dans l’espace, et elle commence « chez nous », cette maladie du monde.

Elle est tout et son contraire, à la fois. Une campagne préservée pour l’usage exclusif des riches, les colons, qui se croient, ou qui font semblant de se croire chez eux. Qui font des liens chaque fois plus alambiqués entre leur droit d’être là et leur bienséance. Ne comprennent-ils pas que leur monde est terminé, que le sursis est déjà suranné ?

Methinks thee protest too much (Shakespeare)

J’ai compris, sur la montée, que si les petites villes de la campagne par lesquelles je suis passé ces dernières années ont une vie associative éblouissante, avec un affichage sans honte du « care » et de la « solidarité » qu’ils portent dans leurs cœurs avec les réfugiés et chaque groupe affligé du monde, c’est une manière de racheter l’indulgence, non pas de Dieu, mais de ceux dont ils ont peur (bien que à l’origine c’était « la peur de dieu », Catho, protestante ou autre), jusqu’à ce que ce système de valeurs soit également portée par des « Communistes » [ou athées].

Les « humanistes de gauche » ont chaud en ce moment. Ils vivent leurs contradictions.

Il faut agir en accord avec ses croyances, plutôt que de conniver dans le mal. Il y a des gens qui se disent anti capitalistes, mais il faut vivre et proposer d’autres systèmes, moins gouvernés par le capital, il ne suffit pas d’être anti-capital dans la parole, pro dans les actes quotidiens.

Il ne suffit pas de se prétendre humaniste de gauche si tout cela masque une réalité, que ta vie d’opulence est bâtie sur la misère, l’oppression et l’exclusion – le mépris – de la multitude. Et qui peut mieux remplir cette case qu’un travailleur humanitaire envoyé sur place dans un pays pauvre avec un salaire de 30 000, 40 000, 60 000 euros ? Ou un cadre du Parc National des Cévennes qui fait la soupe pour « aider les réfugiés » alors qu’il lui suffirait de sortir le centième de son salaire pour tripler la mise ?

C’est bien ici, à la campagne française, qu’on tue le monde du vivant, principalement par la surconsommation de combustibles. Le tourisme de consommation est notre seule véritable industrie, si ce n’est le touriste-fermier, également véhiculé, qui fait le tour de ses champs en tracteur. Qu’est-ce qu’on fera lorsque les touristes, ce sont les réfugiés climatiques des départements avoisinants ? Leur parler de nos droits de propriété ?

La Beauté

J’ai été saisi, la semaine avant-dernière, à partir de la crête qui surplombe la vallée de Saint Martin de Lansuscle, par la beauté, il n’y a pas d’autre mot, du paysage qui s’étalait devant moi. La beauté de la munificence. La châtaigneraie qui s’étale de tous bords, les montagnes qui se succèdent jusqu’aux horizons, l’accidentation, les petits hameaux imbriqués dans ce velours vert profond, châtaigne, escarpé, à tout niveau des vallées d’une éternelle profondeur.

Je suis en train d’essayer de faire une liste de toutes les raisons pour lesquelles on n’agit pas, ici, pour détourner le navire dans sa folle course envers la falaise du néant. J’essaie, vraiment, de me mettre dans la tête, de ne pas sous-estimer, de ne pas prendre à mal ou déconsidérer les gens d’en face. Il en va de ma propre crédibilité envers moi-même.

retours sur expérience

Et c’est pour cela que je deviens furax. Je bute contre une réalité qui me paraît incontestable, n’importe le sens dans lequel je le tourne.

Je suis tombé sur un exemple d’une manière de tourner la chose dans la tête. C’est l’argent. Genre : « Il faut bien de l’argent, si tu vis sans argent, tu profites du contribuable ». En effet, j’ai le CMU. Je contribues, moi aussi. Tout ne dépend pas de l’argent – qui n’est qu’un moyen d’échange entre autres. Il y a également échange et transmission de savoirs et travail productif humain, qui est à valoriser. L’argent ne se mange pas, c’est ce que l’on produit qui se mange.

Si je n’avais pas la carte de séjour, j’aurais l’AME – l’aide médical aux étrangers, également « grâce aux contribuables ». Il paraît que l’on va terminer avec tout ça, mieux laisser crever les gens dans la rue. Réalisme, on appelle ça. Si on avait une bonne appréciation des « contribuables », les humains, on s’occuperait de leur entretien, comme on le fait avec un véhicule, c’est un peu ça, l’aide médicale d’état ou le CMU. Lorsqu’on me le permet, j’aménage des jardins pérennes et je sème des fruits et légumes, entre autre. Il ne pourrait pas y avoir quelque chose de plus purement productif, de biodiversité, de réponses au réchauffement du climat, et de quoi alimenter le monde humain. Oui, je contribue.

Si le ton est acide, on peut également féliciter « les contribuables » pour leur contribution, à travers leurs « activités économiques », à la fin du monde, grâce au réchauffement global. Merci pour toutes ces millions de kilomètres de routes, goudronnées et bétonnés pour qu’on leur roule dessus, pour réchauffer la planète. Merci aux subventions gouvernementales pour ces milliards d’hectares de terre agricole compactée, sans vie, créant des inondations par ruissellement chaque fois plus intenses, avec une perte accélérée des sols.

Ce sont des adultes, quand même, ils ne sont pas bêtes. Si leurs justifications sont bidons, ils le savent, dans le fond. Et je dois les côtoyer.

Faîtes pas ci, faîtes pas ça. Faîtes quelque chose qui fait du sens, je veux croire en vous ! Dans le non-dit, les gens paraissent avoir élaboré des schémas mentaux du monde qui remplacent ce qui est devant leurs yeux. La culture de l’argent hypnotise.

Pendant ce marché de Sainte Croix VF, j’ai fait un stand nominal pour la première fois (ici). J’ai affiché les raisons de ma présence : remplacer la voiture, pour faire simple. J’ai commencé à avoir des retours, je pense en faire une sorte de question-réponse, les premiers jets d’un discours, avant qu’ils ne s’effacent dans ma mémoire.

Il y a eu des regards intempestueux, des aversions d’yeux, des comportements de dégoût.

Ici-bas le genre de commentaire :

- les politiciens ou socialites rodés estiment que les gens ne veulent pas y aller. Appelons cette attitude le « réalisme social ». Ils se pensent sages. Je pense que le débat n’est pas clos.

- il y a une seconde groupe de gens qui disent que les gens ne veulent pas y aller. Ce sont les gens qui ne veulent pas y aller, mais qui se pensent malins s’ils brouillent les pistes en disant que c’est « les gens » qui ne veulent pas y aller. Ces gens ont tendance à être de mauvaise foi. J’ai demandé, de face, à l’un de ceux-ci : « tu me soutiendras donc dans ma démarche – ce n’est pas toi, c’est moi qui les fait, les preuves d’amour pour mon prochain ? ». Il s’est vite effacé. Tout acte de charité, tout acte associatif, est calculé au millimètre près pour soutenir la bulle, la foule, qui masque sa propre incohérence égoïste. C’est l’argent qui obsède. Les politiciens ont raison de faire avec. Le vote, il est privé. On a bien les élus qu’on mérite.

- ensuite il y a le : « tu ne peux pas forcer les gens ». Variante : « tu ne peux pas obliger les gens ». J’ai l’habitude de prendre ce genre de déclaration avec un grain de sel, ceux qui le disent sont clairement de mauvaise foi, ou aveugles, ou un peu les deux, n’est-ce pas ? Pas acquis au débat, plutôt à l’engueulade. Ne voient-ils pas que je n’ai aucun rapport de force, aucune possibilité de contraindre qui que ce soit ? De quelle contrainte parlent-ils ? Ne voient-ils pas que je suis seul, face à une société qui n’a manifestement aucune sympathie avec ma cause ? Ils m’assurent que non, au contraire, la cause, elle est jolie, c’est moi qui m’y prends mal, … Mais dans ce cas, ils sont où, les autres ? C’est un sale boulot, ce que je fais.

Ou est-ce moi qui suis de mauvaise foi, en disant tout ça ? Je reconnais qu’il n’est pas strictement vrai que les gens n’ont « aucune sympathie avec ma cause ». J’ai plutôt la sensation qu’ils me regardent avec fascination, à dire les choses qu’ils n’osent pas dire, en public, à faire les choses qu’ils n’osent pas faire. Dire qu’on ne croit pas dans l’argent, aujourd’hui, c’est un peu comme dire qu’on ne croyait pas en Dieu, au dix-huitième siècle. C’était hautement sulfureux. Surtout à la campagne.

« Forcer les gens », c’est cela. N’importe que les mots ne veulent pas dire cela, c’est un peu comme se déclarer athée à la Mecque, cela ne se fait pas, il y a des limites. C’est l’une des choses qui fait surface la plus fréquemment, il faut le reconnaître. Bon, je fais mon boulot, devenu un peu anthropologique, à force. Et comme je le dis, il est manifeste, à la campagne, que comme un seul homme, personne n’a envie d’y aller, par le chemin que je propose. Sans voiture, sans débroussailleuse, ils seraient où ? Ils raisonnent presque exclusivement de manière auto-centrés, comme si c’était à d’autres, élus, administrateurs, de s’occuper de cela. Une élaboration de cette thèse, c’est l’idée qu’il ne serait pas « démocratique » d’imposer le point de vu d’une seule personne sur la majorité. Je n’impose rien. Il est vrai que le système que je propose, en agissant, peut s’imposer comme norme, les choses évoluent. C’est une proposition, pas une imposition.

Cette question, pour eux, il faut qu’elle reste rhétorique. Moi, je propose de la concrétiser – de donner des réponses pertinentes.

Ils ont l’habitude, les gens, tout-à-fait prédictible pour moi maintenant, de lancer une autre petite phrase tueuse, d’une stupidité sans bornes, « c’est ton choix » - l’objet paraît être de réduire tout à la seule prérogative individuelle, une sorte de libertarianisme totalitaire des plus nantis. Tous ensemble qui veulent la voiture, la monoculture, le confort de vie, l’indépendance de soi. Soi et ses amis. Grâce, non pas à la voiture, mais au combustible, à l’argent. A la campagne industrielle, c’est une évidence.

C’est, après tout, ici qu’on tue le monde, ici que l’on a le profile de consommation d’hydrocarbures le plus grand, pour les populations les plus riches. Paradoxe, une bonne partie de cette richesse s’écoule on essence. J’observe que ces populations font deux choses, ils exportent presque tout l’argent qu’ils gagnent en dehors du milieu rural, avec chaque visite à la station essence, c’est très efficace. Et à la fois, je constate, ils sont tous subventionnés, ils ne vivent aucunement du terroir. C’est juste un paysage. C’est très bizarre, de vivre sans argent à la campagne, tous les « bons bosseurs », ils vivent des subventions. Cela donne une sorte de société schizophrène, avec la valeur travail, les machines qui font le travail, le tourisme et les subventions – l’argent. Je ne demande pas le RSA. Le RSA est nécessaire pour alimenter la voiture en essence.

Pour cela que la beauté de ce paysage a quelque chose de tellement triste, même une latence menaçante, malsaine. Elle n’est que scène, en réalité. Fonctionnellement, elle n’existe déjà plus, son intelligence d’être se détisse avec une rapidité remarquable. Et elle est distante. Ce que l’on voit de près, c’est la route et les pancartes écrites en grosses lettres pour qu’on puisse les lire en roulant vite. On ne voit que des paysages.

Nous nous en prendrons, les uns contre les autres – les humains, ils sont comme ça, il doivent toujours trouver quelqu’un qui est le responsable de leur malheur. J’ai vu, à deux reprises, des mecs qui, si je ne me trompe pas, auraient bien voulu en découdre avec moi, pour la seule raison que j’ai affiché, en grosses lettres noires :

« La Banquise fond et ici on joue aux p’tites voitures »

suivi de

C’est quoi une vraie

« petite logistique » ?

… SANS VOITURE !

Je reconnais que c’était de la provoc, mais aussi, j’ai longuement réfléchi, et je ne savais pas mieux dire, en peu de mots, ce qui encapsulerait l’idée, sincère, de ce qu’il faudrait faire, de ce que je faisais, déjà.

L’autre occasion était lorsque j’ai dit, point blanc, à quelqu’un, un paysan, que non, je n’allais pas utiliser une débroussailleuse, j’allais utiliser une faucille. J’ai compris qu’il avait deux choses en tête, la première étant une vie de travail physique sans relâche, depuis l’enfance, où son père l’avait interdit le club de foot (adhésion trop chère) pour l’envoyer ramasser des châtaignes chaque jour, jusqu’au débordement des centaines d’hectares qu’il devait entretenir « tout seul », qui l’a cassé. La deuxième, c’était les connards qu’il a du subir, toute sa vie, qui ne comprenaient pas cette vie de dure labeur, qui proposaient des méthodes totalement maladaptives à la réalité administrative qu’il vivait.

Cette trame se répète, paraît-il, à l’infinie, chaque personne qui travaille ici, elle travaille « à distance » si elle est employée, pas toujours, mais disons que si tu te présentes pour un travail à la campagne, sans voiture, tu as peu de chance d’être embauché. C’est cette fameuse « réalité ». Et si tu veux travailler « avec la nature », on te mettra à coup sûr une débroussailleuse ou un volant entre les mains. C’est la réalité qu’il faut changer, et tout de suite, si le monde a un avenir. Mais dans cette campagne, on vit l’inverse, on vit la folie, grandeur nature.

En cela, je suis d’accord avec Arthur Ashe, que j’ai entendu à la radio, on vit une époque de folie collective où l’auto-défense se dresse surtout contre ceux qui osent proposer des systèmes, des infrastructures non-folles.

Je notes, donc, que oui, il est parfaitement possible, avec une faucille et une paire de sécateurs bien à point, bien affûtées, une scie à bois, une pelle-bèche, de s’attaquer au travail d’entretien d’un paysage, et que si l’on fait bien son travail, en formant les haies et les terrasses, on peut mettre le bétail pour faire le reste, à la bonne saison, cheptel réduit par un facteur de dix, bien sûr. C’est un travail qui se fait dans le détail, qui se combine avec beaucoup de jardinage, de production et de ramassage de fruits et légumes. De quoi ne pas être riche, comme dans le bon vieux temps. Tu veux être riche et mort, ou pas riche et pas mort ?

L’intérêt de ces méthodes est à deux coups, il donne de quoi vivre à l’humain et au reste du vivant – la biodiversité. Ce sont des méthodes qui augmentent la rétention de l’eau dans le sol et auprès du sol, qui diminuent la chaleur et encouragent les précipitations.

L’obstacle premier à ces méthodes, c’est le cadre administratif et règlementaire, qui vise à nous obliger, à nous contraindre à pratiquer une agriculture extensive et industrielle, qui tue le vivant. C’est intéressant de noter que, des deux côtés, on est d’accord sur l’objet de discussion, que l’on veut de l’essence moins chère, ou plus du tout, c’est bien le sujet à débattre.

L’agriculteur d’aujourd’hui est né avec ce camisole administratif, mais cela va bien plus loin, sa culture, productiviste jusqu’au dernier souffle, paraît similaire à celle de l’industrie extractiviste, ce n’est pas pour rien que l’agriculteur s’appelle « exploitant agricole ».

On ne peut pas revenir en arrière

Cette phrase est sortie, bien sûr, lorsqu’on propose de faire manuellement ce qui se fait à la machine – faucille contre débroussailleuse. Ensuite, les mots « développement » et « progrès » ne tardent pas à être prononcés. Mais en fait, la tragédie, c’est que ce capitalisme extractiviste, hors-sol, est très ancien. A l’époque moderne, il est féodaliste, mais on le voit également à l’époque de l’Empire Romain. C’est une colonialisme d’extraction, qui laisse souvent des territoires totalement détruits derrière lui. Actuellement, la priorité est de réhydrater le paysage et les sols, évoluer des techniques de survie pour la vie restante, lorsque les seuils de tolérance sont atteints, d’espèce en espèce.

Aujourd’hui, nous voyons bien que le monde n’est pas infini, que nous épuisons vite les ressources, atteignons les limites de la production. Mais ce n’est le cas que tout dernièrement. Avant, on pouvait exploiter à fond, jusqu’à l’épuisement, et passer à autre chose, ailleurs. Nous avons la culture de l’avant dans nos têtes, celui qui dit « je vais exploiter jusqu’à l’épuisement mes terres » et celui qui dit « moi, tout petit, je ne peux rien changer », toutes les excuses sont bonnes, sont mensongères, sont des codes sociaux.

Je suggère que l’on ne revient pas en arrière, à l’époque de l’agriculture industrielle, donc, mais que l’on crée des infrastructures où ceux qui passent et ceux qui vivent dans des lieux partagent l’ambition d’en nourrir la vie, à l’échelle humaine, plutôt que d’en extraire la substance vitale, avec des machines.

Tourisme : consommation ou production ?

C’est dans ce cadre que l’on peut revisiter l’idée du tourisme.

En ce qui concerne le gros du travail et de l’emploi à la campagne, il est dédié au tourisme, en France. Le tourisme est un intrant, il consiste en personnes qui viennent de l’extérieur, avec de l’argent. Tout comme le pétrole. Le touriste importe le pétrole.

Et c’est pour cela que lorsqu’on regarde bien, et bien objectivement, la campagne française d’aujourd’hui, on peut voir qu’elle est exsangue, elle n’existe que par les flux, essentiellement d’essence et de produits pétroliers. L’eau se fait rarissime. Les salaires des gens sont gonflés au niveau où il est possible de se payer les machines industrielles nécessaires pour faire perdurer ce modèle. On y récolte la mauvaise santé, le mal de vivre, la boulimie et le sourire idiot.

Si les gens n’avaient qu’à manger, niveau « énergie nécessaire pour vivre », ils redécouvriraient que ce qu’ils voient comme paysage est en réalité magnifiquement productif, pour des populations plusieurs fois plus grandes que celles qui existent actuellement.

Et c’est pour cela que ma fureur augmente, je vois que c’est la dernière chose que veulent les gens qui sont installés là. Ils veulent tout ça pour eux. Ils veulent « quelques réfugiés » mais pas trop. Ils ne se sentent pas en capacité d’accueillir toutes les misères du monde. Vas dire cela à un rwandais, il te rit au nez.

Comme tout le monde, quoi. Des enfants. Devenir adulte, c’est apprendre qu’on ne peut pas avoir tout ce qu’on veut, qu’il faut tenir en compte ce que veulent les autres. Je comprends que le droit à la propriété privée est l’un des principes de la Déclaration de Droits de l’Homme de la révolution française, qu’elle est, en partie, une réaction contre le pouvoir arbitraire de l’état absolutiste, mais cet état absolutiste y laisse ses traces. C’est comme si chaque adulte devenait un enfant irresponsable, qui dit « je fais ce que je veux chez moi, point barre ». Et c’est à l’état de lui assurer son rêve-fiction, sinon il se révolte, c’est juvénile.

Cette idée va bien plus loin dans les Cévennes, c’est comme si chaque petit bled imaginait que la vraie liberté, ce serait quand elle réalisait une autarcie communale totale, alimentée par des voitures.

Chaque segment de la population a ses propres raisons, croit-il, pour protéger son style de vie – les chasseurs, les anti-chasse, les éditeurs et vedettes à la semi-retraite, les pratiquants de médecine alternative avec des jeunes familles, les services à la personne qui s’occupent de la campagne EHPAD, la campagne HP, scolaire, sports pleine nature, et dans les Cévennes, la chaleur et la solidarité humaine, face à l’état, créent d’autres synergies d’auto-protection, un vaste immobilisme social qui augmente ma fureur.

C’est ici que l’on tue le monde. N’avez-vous pas noté, le tabou, dans tous ces questionnements, c’est de mettre en question la voiture à la campagne ? Macron l’a bien compris. Une interlocutrice m’a dit, aujourd’hui, qu’elle a voté écologiste pendant des années, jusqu’à ce que, selon ses dires, les écolos soient devenus « punitifs ».

C’est la même personne qui m’a posé la question « mais comment voulez-vous que je vienne visiter mes enfants de la Bretagne, sans voiture ? ».

Ou il y a « comment voulez-vous que j’amène mes enfants à la crèche, je vis sur les Causses ? ». Ou « comment veux-tu que je viennes à mon atelier, j’ai pris un an pour en trouver un, tellement il y a peu d’endroits à louer ? ».

Chacune de ces personnes a choisi de vivre là où il vit. Autour d’elle, des granges béantes, des ruines cadastrées, des pans de montagne entiers en friche à cause de la confusion multipropriétariale, victimes du système d’héritage fissile, et le Parc National, qui agit pour nier aux humains l’accès à l’habitat.

Pour les personnes qui essaient, à titre personnel, de créer un îlot de vraie fonctionnalité du vivant, sans les carcasses de voitures et de camions, il y a la menace de se faire détruire son habitat. On peut dire que dans la mesure que l’on vit en cohérence avec l’écologie, on vit en illégalité, ici. Lorsqu’on défend des arbres qui risquent de vivre des centaines d’années, on fait une bêtise. L’agriculture, c’est la destruction annuelle de tout ce qui vit. C’est un champs. Il faut que ce soit « nickel et propre » pour attirer les subventions. Tout est réduit en poudre, idéalement chaque année. Faucheuse, Moissonneuse-batteuse, Girobroyeuse, Débroussailleuse, ces noms laissent peu à l’imagination, leur boulot est de détruire le vivant, à répétition.

jeudi 2 octobre 2023

En fait, je me trouve face à une culture de plus en plus aliène. Je viens de voir un film, Anatomie d’une Chute, qui laisse en creux son sujet, au point de risquer d’être idéologique, dogmatique, enfin c’est mon doute. La question posée dans le film est, est-ce que le mari s’est suicidé ou est-ce qu’il a été tué par sa femme ? La réponse : il est responsable de ses propres actes. On a entendu leur dispute de la veille, où elle a été cruelle avec lui, ce qui expliquerait son élan suicidaire. Le film « ne juge pas ». Tout est question de responsabilité individuelle.

C’est le soir d’une grande tempête, sur l’ouest du pays. Sur France Info on a droit à une série d’experts qui recommandent de rester chez soi, pour ne pas répéter une autre grande tempête de 1999, qui a produit des fatalités, faute d’anticipation. Ici, dans les Cévennes, il ne pleut même pas et il n’y a aucun vent.

Les deux sujets se lient dans ma tête, par le biais de la responsabilité et les conséquences collectives. Ce qui a changé dans les 23 ans entre les deux tempêtes. D’abord la fiabilité des prévisions. Ensuite, la technologie des alertes par téléphone portable, vraiment très efficace, si tu as un téléphone portable et qu’il est géolocalisé. Mais il y a un problème,qu’est-ce qui se passe si tout le monde reçoit la mauvaise information ? Avec moins d’efficacité, voir des décisions dans des petits agglomérats de communicants humains, il pourrait y avoir plus de fatalités, mais aussi plus de chances que certains des groupes s’en sortiraient. C’est un peu ce que fait l’évolution.

Mais une société où tout est ou noir ou blanc ne permet pas cette flexibilité, ou elle tient, ou elle casse, elle est devenue « brittle », cassante. Comme nous n’acceptons plus la moindre fatalité, nous n’avons pas la moindre résilience. Nous ne courons plus de risques. Les individus ne se sacrifient pas, les uns pour les autres, tous travaillent pour qu’il n’y ait aucun risque. Un peu comme dans une guerre où aucun de ses soldats ne meure (et toutes les morts sont de l’autre côté).

Mais la mort, elle reste une fatalité, pour nous tous. Qu’est-ce qu’on aura gagné ? Il me paraît qu’il y a un glitch logique, de faire appliquer une logique de calcul des individus morts, pour généraliser sur une société où personne ne meure. La société n’est pas la somme des individualités. Est-ce que la réalité sociale chiffrée, par nombre d’individualités, a un sens ? Peut-être pas, peut-être la méthode de calcul est erronée.

Pour le film, la méthode de calcul est erronée, l’attitude de la femme pèse dans la mort de son mari, même si elle ne le tue pas. N’y a-t-il pas lieu déconsidérer une autre méthode de calcul, de calcul intriqué, pour résoudre ces équations ?

Pour la tempête, pour ceux qui aiment braver les vents, qui ne portent pas de portables, n-y a-t-il pas un risque de mort acceptable ? Le problème avec des chiffres simples, cumulatifs, c’est que l’idéal, c’est zéro morts, mais j’aurais tendance à croire que, vu les mesures qui doivent être prises pour atteindre cet objectif, mieux vaudrait proposer que l’idéal, c’est quelques morts, ou que l’idéal, il ne se mesure pas en morts.

Bletchley Park : IA générative, reconnaissance faciale. Mêmes thèmes, en quelque sorte. Le monde est tellement branché que tout le monde se jette sur le même sujet, avant que cela ne vrille, hors contrôle. Ils savent qu’il faut une seule instance d’une nouvelle idée technologique, pour que cela se répande à la vitesse de la lumière partout. De nouveau, ne serait-il pas de bon conseil de limiter la rapidité et l’échelle de ces mouvements ? Comment mesurer ce déclinaison ? Ce n’est pas un chiffre, c’est une modalité organisatrice.

Comme le langage. Comment mesurer l’efficacité du langage ? Je remarque que j’ai été troublé dès le début par la linguistique quantitative, mesurer le vocabulaire des gens, la fréquence des mots, même la configuration des mots – les mots en préfixe « co- » par exemple. Ce n’est pas ça, la langue. Ce n’est que le sens qu’il fait, la langue.

Ce n’est pas en utilisant peu de mots qu’on fait plus de sens, la breveté n’est pas censé être plus sensé. On peut proposer d’autres systèmes que la langue, pour penser, sans doute, ce n’est pas pour autant que ces autres systèmes ou méthodes font plus de sens, pour nous ou par leurs conséquences.

Et des langues, il en a toujours eu, pendant qu’on a été là. Donc, comme pour l’évolution, l’idée d’une langue universelle est un oxymore, le fait linguistique est autant construit sur l’incompréhension mutuelle que l’intelligibilité.

A moins que je me trompes, le but de ces intelligences artificielles est, en quelque sorte, de rendre intelligible, tandis que chez l’être humain, on chuchote, on parle d’autres langues ou du jargon, en baisse ou on monte la voix, tout dans le but de ne pas être compris par certains, et d’être compris par certains autres.

Question d’organisation, de nouveau, pas de quantités, de 0 à 20, négatives, positives, qui mesurent les résultats, pas les processus.

🖶

dimanche 5 novembre 2023

Erreurs

Pour reprendre, là où la Censure termine, il m’arrive de penser que l’errance est dans la nature de l’être humain et qu’en se le disant, on ne dit pas autre chose que l’algorithme est dans la nature.

Le décodage, la synthèse et la reproduction de phénomènes naturelles, n’est-ce pas le travail de la science et de sa technologie ?

Dans ce cas, en nous appliquant à nous-mêmes, nous n’avons qu’à faire d’une vice une vertu – de notre imperfection un atout.

L’émulation, l’algorithme, à la base, est une série d’itérations avec des checksums – des vérifications contre des valeurs référentielles, selon les buts recherchés.

On peut comparer ce processus au tir à l’arc – on tire, on note que la flèche est partie en haut, à gauche, on rectifie le tir, cette fois-ci la flèche se loge en bas, à droite dans le cible, on rectifie de nouveau, la flèche est planté dans le centre du cible.

Autre scénario, qui m’a été raconté, un groupe de jeunes s’en va en jungle avec des lance-pierres. Ayant perçu une proie dans les arbres, ils tirent tous dessus, l’une des pierres ou plusieurs atteignent la proie, qui tombe.

Ici il y a des actions et des interactions, parfois en parallèle, la proie a potentiellement le temps de réagir aux trajectoires qu’il perçoit, mais pas tous à la fois, la pierre qui l’atteint n’est pas nécessairement celle de celui qui a bien visé mais n’importe laquelle des pierres dans un rayon autour de l’animal.

Ceci est, il me semble, un processus algorithmique, composé d’erreurs. Il marche.

Peut-être ce qu’il nous faut apprendre, de nos jours, c’est qu’il n’y a pas d’intelligence supérieure à la situation dans laquelle elle se trouve – son contexte.

Pour autant, l’intelligence n’est pas une quantité mesurable en dehors de sa situation – là où elle se trouve au moment où elle s’y trouve. L’intelligence, dans le cas de la bande de jeunes à la jungle, est bien collective – c’est un ensemble situationnel. L'ensemble social, la mixité sociale, c'est essentiel.

Nous devons, en quelque sorte, nous délaver le cerveau, par rapport à la haute technologie, ne pas nous laisser prendre dans le filet des adorateurs d’objets – de gadgets, de manière semi-religieuse. Qui adore, qui adorer ?

🖶

vendredi 3 novembre 2023

Censure

Je lis l’article de la Quadrature du Net sur la loi de l’anti-arnaque ici. J’ai de la Schadenfreude. Pourquoi ? Parce que, selon moi, c’est à peu près inévitable qu’on arrive à ce point-là. La liberté du Net, épousé par la Quadrature du Net, est illusoire, cela a toujours été un mythe, au moins en termes absolus.

Cela a à voir avec la logistique des flux de l’information. La grande logistique n’est administrable qu’à partir des nœuds qui centralisent. C’est pour dire, dans la mesure qu’une information se répand sur des réseaux ubiquiteux, il n’est jamais contenable par des individus sans pouvoir, c’est même une contradiction implicite. Le Web, s’il est partout, tout le temps, à l’instant, sera, finalement, dans les mains de ceux qui administrent les nœuds d’accès aux réseaux. La Quadrature du Net le veut autrement, mais il ne suffit pas de vouloir. Elle risque d’être perçue, si elle continue sur cette ligne, comme l’une des participantes dans une révolte de palais.

La course poursuite entre VPN (réseaux virtuels privés) des « worm-holes » dans la fabrique internautique, et les autorités ressemble à ces guerres privées d’information entre services d’espionnage. Elle a comme critère de base une competition entre geeks, chacun qui espère se montrer plus malin que l’autre, avec la conséquence que monsieur ou madame tout-le-monde ne fait plus le poids.

Le monde du vivant a déjà résolu le problème, il a des acteurs vraiment autonomes. Un livre sur la révolte au Moyen Âge par Patrick Boucheran explique le concept – ce dont les classes dirigeantes avaient vraiment peur, à cette époque, c’était que les paysans s’en aillent. Pour cette circonstance, ils n’avaient pas de riposte. Il est vrai que cette menace existait dans un monde qui dépendait du travail humain encore, …

Le maillage du Web est si complet que, comme une coopération entre barons féodaux, il permet qu’il n’y ait aucun recoin, aucun refuge – tant que les gens sont obligés de passer par les portables ou les réseaux internet pour participer à la société. C'est un constat, c'est déjà le cas, essentiellement. Les caméras, l’IA et les drones quadrillent la terre, mais attention – il y a beaucoup de terre et ces machines ne peuvent pas tout, si ce n’est que pour des simples raisons de ressources terriennes limitées.

Le vivant a encore des bonnes ripostes, mais seulement si l’on accepte de constituer des sociétés basées sur nos propres recours, qui ne passent pas ou qui ne dépendent pas, viscéralement, de l’électronique, et c’est là que, fatalement, les ingénieurs du numérique ont leur point aveugle. Mais nous pouvons apprendre de la structuration informatique du vivant – qui est capable de se créer de multiples autonomies ou cohérences, localement, tout en retenant de la connectivité au long cours.

Les enjeux ont subtilement changé, entre temps – entre l’avenu du web et aujourd’hui. La frugalité dans le dépens énergetique, l’efficience énergétique, sont des enjeux sociaux partagés aujourd’hui, par le gros de la société. D’accord, on commence de bien loin et on est encore dans la société de la surconsommation, mais le consensus collectif n’est plus là, c’est même devenu ringard de brasser de l’énergie fossile.

C’est donc tout ce qui est mécanique et électronique qui aura, dorénavant, tendance à se trouver en dehors de la société et c’est ce que l’on perçoit comme étant à la marge – le vivant – qui deviendra de nouveau précieux et « dominant » - si ce dernier terme aura encore un sens. Quels sont les flux informationnels entre les êtres vivants, quelle est leur efficacité? Pas pour tout un chacun, mais demanière systémique ? Je crois que nous avons déjà nos intuitions là-dessus.

La bouche à oreille, la rumeur, le présentiel assumeront de plus en plus d’importance, et il deviendra un peu évident que ce que ne peut pas une Intelligence Artificielle, c’est d’être en train d’aller d’un endroit à autre tout en étant partout à la fois. Si elle nous remplace, nous ne sommes plus là, comme les paysans qui s’en vont. Où est-elle, donc ? L’information, c’est une interaction. L’IA peut chercher à s’imposer, à figer le vivant, comme les riches qui tentent de figer les pauvres dans leurs hameaux, mais c’est diablement difficile.Faire terre rase ? Oui, peut-être, mais il est difficile de levoir commeun acte amical. Si ce n’est que pour cela, les geeks doivent devenir un peu plus audacieux, ils doivent apprendre eux-mêmes à sortir et à rencontrer le commun des mortels sur leur terrain, les approvisionner en wormholes à leur échelle.

Parce que la technologie de l’information est en réalité à la portée de tous, nous sommes l’information que nous portons. L’échange que nous avons établi entre nous et les machines, machines de transport – voitures, drones ; machines de communication – portables, fibre-optique; machines de calcul – ordinateurs; machines de travail – robots, tronçonneuses; s’est fait avec des vastes compromis avec nos modes d’opération et d'être humains. On a supposé que le jeu vaut la chandelle - mais qui le croit vraiment encore ? Au mieux, il y aura quelques survivants qui en bénéficient, peut-être sur Mars, et d'une humanité méconnaissable. Je ne peux m'empêcher de citer le panneau qui se trouve sur l'écran d'à côté, dans cette médiathèque, il y est écrit « Rencontrer et converser avec vos proches ». Assis sur la chaise d'en face, un enfant d'environ 1 an, avec sa mère et son amie à proximité. Il mesembleque l'on sait déjà rencontrer et converser avec nos proches, l'idée qu'il nous faudrait un ordinateur pour y arriver n'est peut-être pas à l'apogée du progrès.

Les geeks activistes sont les premiers à critiquer la manière dont cette technologie a été détournée pour renforcer la mainmise du pouvoir, mais dans ce cas, ils devraient être les premiers à morcelliser le web, pour qu’il corresponde mieux aux intérêts et à l’autonomie du vivant. On pourrait dire, pour transmuter un dicton, que j’aime tellement le web que j’en voudrais plusieurs.

Et il ne faut pas arrêter là, il est parfaitement possible de nous désautarciser, individuellement, pour donner des accès groupés à internet ou à la technologie des portables. Horizontaliser le pouvoir, dans le jargon, c’est aussi repenser l’autonomie. L’assistance, le secretariat, la complémentarité, vues comme des valeurs positives. Les trous dans la raquette du numérique, les failles, comme des sources de richesse. Là où il y a absence d’information, absence de certitude, on a tout intérêt à poursuivre son entreprise.

C'est justement dans cette réalisation que l'humain n'est pas l'intelligence suprème, qu'il n'y a pas de génie propre, que nous pouvons, peut-être, prendre notre place dans la trame du pouvoir. C'est par nos erreurs que nous triompherons !

🖶

jeudi-vendredi 8 / 9 juin 2023

Scalar

Une question d’échelles ?

Je suis en train de rouler sur une route, dans l’occurrence l’avenue de Toulouse, à Montpellier. A vélo. Une colonne de trafic monte lentement la côté vers le grand M, il fait chaud, humide, la pollution est au max.

Je regarde par habitude le bord de route, où je trouve de temps en temps des toutes petites pièces, en cuivre. Je les ai toujours trouvé magiques et distrayantes, les bords de route, les lisières, ce sont comme des livres ouverts sur les histoires des « habitants » défilants. Plus rarement, des pièces en bronze. Très rarement, bimétalliques. Je me demande si leur rareté est dûe principalement à leur valeur relative, leur poids, leur visibilité, il y a sans doute une courbe de distribution qui s’explique par plusieurs facteurs, ce qui n’empêche pas qu’il y ait un ou eux facteurs qui sortent du lot, en termes de prévision.

Mes errances doivent paraître assez bizarres, du point de vu des conducteurs de voiture. Je m’arrête, j’attends que le file se mette en motion, je rebrousse chemin, je récupère, tout en essayant de n’avoir l’air de rien, comme le paysage. Je ne sais pas si c’est par pudeur, mais c’est une route que je fréquente, à des horaires assez habituels. Il se peut que je suis un personnage connu, dans les parages, pour cette seule tendance, alors que les autres véhicules restent mutuellement peu familiers, surtout que les couleurs noir et blanc et les formes très similaires rendent la tâche d’identification sans intérêt.

Mes errances vont plus loin. Je vois une rue parallèle sur laquelle je ne me suis pas encore aventuré, je m’y lance. C’est comme ça que j’ai trouvé une pièce de 2, oui je dis bien DEUX euros, sur une route que je n’ai jamais fréquenté auparavant. Juste parce que je suis allé voir ! Est-ce que je suis le seul collecteur de pièces comme ça, et qu’il eût fallu que moi, j’y passe, pour récupérer la pièce, restée plusieurs semaines sur place ?

Peut-être les détecteurs de métaux seront les premiers à utiliser des robots pour "tout prendre" et qu'ils ne sont pas passés par là parce que ce n'est pas sur google, encore.

Peut-être vaudrait-il mieux le considérer du point de vu de la volonté des parsemeurs de pièces – on les jette, on les perd, mais si la valeur est suffisante, on est plus attentif, on les retient et on les récupère. Dans des milliers de co-locs, un pot à pièces permet de condenser les pièces les plus humbles, comme leçon de vie, pour, dans un cas d’urgence, les compter et aller emmerder le commerçant du coin. Mais sinon, on les jette, on les perd, partout où on va. Quelle insouciance !

Mes errances, je le ressens, ressembleront probablement aux errances des fourmis ou des autres animaux qui cherchent du fourrage. Peut-être pas aux patrouilles des prédateurs, autour de leurs territoires – qui chercheront plutôt des points panoramiques, où l’on peut faire le guet, sentir le vent, écouter les sons. Ce sont, en tous cas, des « search patterns », ce qui n'est pas le cas pour les colonnes de voitures régimentées.

La route majeure sur laquelle je me trouve est dédiée à l’expédition à destination du maximum de véhicules par heure. Des « échoppes » essaient de choper le trafic au passage, en rajoutant des ronds-points aux ronds-points, des drives aux parkings, comme du camouflage culturel. Le rond-point du grand M a aussi son petit M, le Macdonalds, trois supermarchés, une salle de sports, un magasin de bricolage, … Le vacarme est terrible, jour et nuit les infra-sons nous vibrent.

Est-ce que, dans le monde non-artificialisé, il y avait de telles affluences, de telles populations mixtes ? Il y a le bruit des marées, des orages, des cascades et rapides, eau assourdissante à la longue, le bruit de la pluie sur la tôle, symptômes de l’entropisation et des franges d’interférence déchaînées.

Ou est-ce juste une folie passagère, d’essayer de faire se côtoyer des voitures, des camions, des bus, des motos, des vélos, des trottinettes ? On voit le stress que cela induit, de par la multiplication et la ségrégation des voies : trottoir, piste cyclable, voie de bus, route à voitures. Dans la version de luxe, on rajoute un ou deux tramways. La surface latérale devient tout simplement démesurée, jusqu’à cent mètres de large – ces voies prennent plus de place que leurs destinations, mais sans aucun but d'efficacité productive en perspective. La fin justifie les moyens, les moyens la fin … à perte d'horizons. On amène de la glace aux tropiques.

Niveau temps de parcours, il se passe quelque chose d’intéressant, c’est souvent le vélo qui prime. Les gens se plaignent que les vélos – et d’autant plus les trottinettes – ignorent le code de la route, ce qui est idiot – tout le monde ignore conscientieusement le code de la route, y inclus ceux qui la construisent – surtout ceux qui la construisent, par observation.

Sur l’avenue de Toulouse, on voit par exemple que la règle d’un mètre et demie de distance entre les voitures et les vélos varie – parfois la piste vélo s’arrête, coup net, comme si l’on avait abandonné la partie. Parfois on cohabite avec les bus, parfois non. On m’a expliqué que les voies de bus et pistes cyclables en rose, sont de couleur rose pour ne pas trop offenser les automobilistes – ils auraient l’impression qu’on les avaient envahi et volé « leur » route, si c’était du jaune. Petit à petit, on me dit, avec un sourire malicieux.

On « ignore » le code de la route pour des raisons de sécurité – si on ne l’ignorait pas, on mettrait tout le monde en insécurité. Chantier oblige.

Dans ce monde de flux circulatoires, ce sont les agents individuels – les voitures, les vélos, qui prennent les décisions. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de règles, au contraire, mais ce n’est pas le code de la route, tel qu’il est écrit, qui gouverne – cela est juste le début de l’affaire.

Et observablement, cela marche assez bien, il y a très peu de signes d’agressivité, dans un contexte qui est plutôt fait pour en créer. Les vélos et les piétons, on leur laisse la place, on ne les klaxonne pas. Peut-être le code de la route, il a servi à cela, au moins, à inculquer des valeurs, des valeurs aspirationnelles, de côtoiement sans fraternisation. Et les accidents, on les évite … c’est très dangereux, tu peux perdre ton permis, tu peux être démasqué. On pourrait même dire que sans culpabilité, sans peur d’être découvert, le système ne fonctionnerait même pas.

Mais ce qui se passe sur le trottoir est encore plus auto-réglant. Entre le bâti et le trottoir il existe des fissures. Et ces fissures servent d’autoroute pour les fourmis. Surtout à cette époque, d’essaimage et de division de colonies, dans la chaleur et l’humidité, l’activité est à son comble. Il y a plusieurs fois plus de fourmis, qui courent dans les deux sens, sur ces voies uniques, que de véhicules humains à leurs côtés. En les observant, tu te rends compte qu’ils ne décélèrent pas, mais qu’ils font des déviations, à toute allure, ce qui fait l’effet d’un débordement, sur les côtés, là où il pourrait exister blocage. Mais gare à l’humain qui fait ça, il risque d’être très mal vu !

C’est cependant un peu ce qui se passe lorsque tu as plusieurs types de véhicules sur la même route, ils adaptent leurs parcours, de seconde en seconde, dans des équations et des calculs vectoriels chaque fois plus complexes, en apparence, mais qui obligent, à partir d’une certaine saturation, à réduire la vitesse, jusqu’à ce qu’elle s’approxime à celle des plus lents. La monoculture de la haute vitesse se plie à la monoculture de la vitesse constante, comme avec les fourmis, dans une certaine harmonie rythmique.

Il n’est donc pas par pur hasard que le vélo devient le véhicule le plus rapide, dans ce contexte. Il est le plus rapide si, dans le système globale « route », son existence est accommodée. Sans oublier les fourmis, qui avancent peut-être aussi rapidement que les voitures, en termes réelles, aux heures de pointe.

Après le grand M, cela devient une autre affaire, qui se ressemble à une voie express, qui s’attache à un autre rond-point où des vraies voies express et des vraies autoroutes commencent à s’établir.

Ici, les règles changent dramatiquement, le vélo n’a pas plus lieu d’être sur ces voies qu’un véhicule en contre-sens. L’affluent devient fleuve, à la confluence.

Ici, je décris une sorte d’écosystème qui émerge du seul diktat « route », route à voitures, route à faire que les voitures, elles roulent. Le reste, c’est du bric-à-brac, des vaines tentative de faire que la monoculture « voitures » existe encore, mais qui mettent en évidence tellement de variables externes que dans son expression même, la route ne ressemble plus guère à son objectif déclaré.

Maintenant, tournons le regard sur les variables quantifiées, parce qu’ici, de nouveau, les objectifs ont été subvertis. Les véhicules font pleuvoir des déchets sur la route, elles écrabouillent et rendent en poussière et en fumée des parties d’elles-mêmes, principalement les pneus et toutes les autres parties mouvantes, son essence. Celles-ci s’accumulent, s’incrustent dans la matière même de la route, créent des vernis, tuent les voisins, ce sont les « externalités » du système « route » qui deviennent, néanmoins et cumulativement, ce qu’est la route, noyée dans ses déchets.

Pour moi, ce sont des pièces de 2 centimes. Pour les fourmis, ce sont des miettes. Bien que j’ai vu une fourmis en train de manœuvrer une plume de vingt fois sa taille, cet après-midi, je méconnais les raisons, je ne sais pas ce qu’elle voulait en faire, de la plume. Mais je sais que les objets d’intérêt, pour une fourmi, sont tout autres que pour moi, au point que pour moi, ils sont invisibles.

Dans un contexte naturel, une piste, une route, un chemin, c’est un « centre de broyage ». Du fait, tout simplement, que l’on marche dessus, qu’on la piétine. Des êtres vivants se sont saisis de cette opportunité pour faire communauté. Les tubercules du trèfle, comprimés et piétinés, dégagent de l’azote, ce qui intensifie, avec les déjections des animaux, la fertilité aux deux lisières du chemin. On voit le même phénomène en archéologie. Dans les anciens habitats humains, on peut connaître les périmètres d’une hutte du fait que le sol est plus riche et noir – c’est ici qu’ont atterri les détritus de la vie de ses habitants.

Fatalement, sans plan, mais avec des résultats plutôt très utiles pour tout le monde. Il faut chercher dans les choses les plus banales et prosaïques, comme l’accumulation de débris autour des axes d’activité, la base d’écosystèmes et de formes de vie les plus complexes. Plus ça brasse, plus ça produit.

Plus c’est une route, plus ça produit, aux marges.

Sur un sentier, par exemple, on verra, à la bonne époque, des quantités innombrables de petits monts de granules – de sable, d’argile, avec des cratères. Ce sont les œuvres des fourmilions, qui se nourrissent des fourmis qui tombent dedans.

On se demande comment toutes ces bestioles arrivent à éviter d’être écrasées par les pieds de ceux qui passent. De nouveau, en étudiant les réactions des fourmis, comme celles des moustiques ou des mouches, on se rend compte compte du point auquel leurs jugements et leurs réactions sont finement jugés. Pour eux, le geste le plus rapide humain est d’une lenteur telle qu’il est facile de le prédire et de l’esquiver. La seule manière de leur tromper dans leur réactivité est de faire approcher l’objet – la main, le pied, de tous bords pareil, ce qui empêche le calcul d’un vecteur d’échappement, avant qu’il ne soit trop tard pour l’exécuter. La tue-mouches, blanche, avec ses plusieurs petits trous, profite du même phénomène – la mouche est obligé de calculer les plusieurs potentiels trous de secours, objets amovibles, pour s’y échapper, avant de se rendre compte que ces trous, malheureusement, sont trop petits pour elle. On l’a débordé d’information, pour la piéger.

théorie des catégories de nouveau

La théorie des catégories, dans la mesure que je la capte, ne parle pas d’échelle, mais de catégorie – dont l’échelle n’est que l’un des aspects déterminants potentiels.

globalisation

La globalisation est devenue un sujet de plus en plus en vue, dans les deux dernières décennies.

Il y a un entre deux – entre : « analyse catégorielle » et « analyse scalaire », que j’appelle « cohérences » - désolé s’il se trouve que c’est devenue toute une discipline, dont je n’ai rien entendu. En tous cas, l’échelle – la magnitude, la quantité des choses, d’un endroit à autre, est largement insuffisant comme trame d’analyse et les « scalars » (les mesures de volume, de vitesse, de masse, etc. ) servent, mathématiquement, comme bases pour une analyse vectorielle d’un système – ils sont les paramètres fixes qui permettent de mesurer la performance du système en mouvement, tout comme la route est la base statique qui permet le mouvement, les flux.

La globalisation est devenue un sujet brûlant parce qu’on a vu que le cumul des plusieurs choses que l’on fait à plus petite échelle, qui ont des impacts de plus en plus forts, potentiellement catastrophiques, au niveau global, c’est-à-dire pour nous tous.

D’autres mots qui s’invitent dans ce contexte, sont des mots comme « holiste » ou « dynamique », des analyses qui ont plusieurs référents, plusieurs échelles, des mailles, des nœuds, des interactions – ici on s’approche de la raison d’être d’une théorie des catégories.

En fait, une analyse « top-down », une analyse « réductionniste », une analyse avec des tenants et des aboutissants imbriqués dans sa définition, prenons l’exemple d’une « route à voitures », ce genre d’analyse et de projet est, on le voit bien maintenant, voué à l’échec. Tout ce qui a été considéré comme secondaire ou marginal au but central ne cesse d’accumuler – et de poser problème, de devenir LE problème.

De poser problème, surtout pour nous. La route, elle est clé, elle concentre l’accumulation de problèmes, elle est surtout une axe d’évolution rapide, où l’aptitude (« la survie du plus apte ») compte réellement pour quelque chose. On ne sait ni comment ni pourquoi, exactement, mais on sait que les fourmis choisissent de se mettre dans les fissures au bord non-route du trottoir, par exemple. Pour elles, cela évite de se faire écraser et cela donne l’accès aux deux côtés, aux surfaces des deux côtés de leur autoroute à elles. Il y a quelque chose de hypnotique à voir ces rubans d’apparence tressée, composées de milliers d’individus qui courent, la moitié à la verticale, sur les murs, et avec aplomb.

Mais c’est peut-être pour une raison tout autre, et plus fondamentale encore, qu’elles ont choisi le trottoir, côté maisons. C’est à cause de la gestion de l’eau – de l’humidité. La route est construite de telle manière qu’elle est supposée étanche, depuis le début du dix-neuvième siècle. L’eau de ruissellement pénètre dans les fissures au bord de la partie imperméable et c’est donc là que tout devient possible, niveau « vie », d’autant plus qu’il y a l’abri au sec, sous la route, tant recherché par les insectes. Ils se sont placées à la frange, à l’interface entre ces deux mondes, le seul accident de terrain qui compte, dans un écosystème route.

Les fourmilions (environ 2000 espèces d’insecte dans la famille névroptère des Myrméléontidés) donnent la contre-partie – de toute apparence, ils acceptent le risque et se distribuent là où ils peuvent, étant sédentaires, et s’il y a beaucoup de trafic, ils vont, fatalement, on pourrait dire, ceux qui survivent, se trouver plutôt aux bords du chemin, c’est la mérite d’être marginal. Si c’est elles qui sont là et pas quelqu’un d’autre, c’est que leurs trous donnent quand même un peu de protection contre la compaction des pas, et elles ont une source prolifique de nourriture (les fourmis). Leur cycle de vie, dont l’état larvaire ne fait qu’une partie, est rythmée aux cycles de pluie et de beau temps.

Au bord du chemin, le détritus, le sable, les nombreux éclats de verre, le kératine des milliards d’insectes brisées, le calcaire des escargots, l’hémoglobine du sang, s’accumule avec chaque crissement de pneus, pour devenir, grâce aux intervenants, terreau fertile, mobilisé, métabolisé. La vie se construit au bord des chemins et donc des routes, qui ont toujours été des broyeuses, des brasseuses de la vie et de la mort.

On peut voir que, en prônant une technique et pas une autre, pour accepter les charges chaque fois plus imposantes de nos véhicules sur nos routes, la technique du bitume et du calcaire zéro trente qu’est devenue cette technologie, bref, cette création d’une monoculture de fait a radicalement altéré l’« écosystème route », sans aucune intention de le faire et avec des conséquences, pour l’équilibre de cette vie des bords de route, tout à fait non-anticipées – ignorées ou dépréciées par les décisionnaires.

L’écosystème « route », je le dis, sachant qu’aucune reconnaissance officielle est accordée à ce concept, parce qu’elle n’est pas assez « matérielle ».

Si la seule finalité d’une route était d’expédier des véhicules avec de plus en plus de réussite, parce que de plus en plus efficaces, rapides et sécurisés, entre point A et point B, si c’était celui-là, le seul but de la route, elle serait comme elle est, on me dirait. Autrefois c’était pareil, on n’avait pas les moyens d’aujourd’hui.

Eh bin ? On a les quantités. L’artificialisation des sols, c’est la route. L’artificialisation des bords de route, d’autant plus. On dit que l’on vit dans l’Anthropocène, parce que c’est l’anthropos – l’Homme, qui a l’impact le plus dominant et durable sur la géologie – sur la Terre – il est devenu une « force naturelle majeure ». Du genre qu’on ne paye même pas les assurances pour ses dégâts ( ! ), ce qui relève de la déresponsabilisation collective, par incohérence. « L’être humain est comme ça, n’y a rien à y faire, … ».

Eh bin ? En termes physiques, c’est au bord de la route que se trouvent la plupart des impacts des humains sur l’environnement. Dans la mesure que l’on étend son rayon d’action, sa fréquence, sa vitesse, on multiplie la magnitude des conséquences, des impacts, de ses actes.

Je parle au singulier, mais les routes, c’est un effort conscient de démultiplier ces actes.

L’objectif des routes, c’est de faciliter le distanciel. L’écosystème « routes », existe parce que cette volonté démultiplicative existe. Et chaque point sur ces routes, ces réseaux routiers, est moulé autant par cette raison d’être que par sa réalité physique si transitoire.

On n’a qu’à considérer la culture romaine – connue pour son usage de béton et ses routes pavées et droites, toujours dans le but de connecter, à des distances de plus en plus grandes, à des échelles de plus en plus vastes, sa logistique de commande.

« Si la seule finalité d’une route était d’expédier des véhicules avec de plus en plus de réussite, parce que de plus en plus efficaces, rapides et sécurisés, [ … ] »
Je l’ai dit et je le répètes ici.

Parce que, très clairement, cela ne peut pas être le seul but. La globalisation veut dire « ça ». Comme un intrus à la fête.

C’est une manière de dire que tout est multifactoriel, et qu’il faut en tenir compte, lorsqu’on construit des infrastructures, surtout des infrastructures qui entretiennent ou font émerger une « monoculture ». On ne peut pas s’abstenir du débat, lorsqu’on se trouve face à une monoculture meurtrière.

Je peux convertir cette idée en termes dites « physiques » ou « concrètes » ou tangibles », avec des mots comme « biomasse », des volumes, des statistiques – mais est-ce que je dois vraiment le faire ? Est-ce que je n’ai pas déjà assez dit pour que l’on voit qu’une petite chose, une bifurcation dans l’évolution des fourmis qui les permet de choisir le trottoir, côté maisons, peut permettre à la « biomasse » des fourmis de monter, par des tonnes et des tonnes, et avoir son effet, également démesurée, sur l’infrastructure dite « route » ? On m’a raconté qu’à danser toute la nuit sur de la terre battue, une foule a baissé le niveau de cette terre par dix centimètres. Essayez une fois de vous placer près d’une route où passent des camions, allongés dans le sens de la route. Vous sentirez la terre fléchir, à chaque passage, de chaque essieu.

Ne ferais-je pas mieux d’étudier, de très près, les fourmis, si mon objet était de comprendre le fonctionnement de l’écosystème « route » ? Peut-être que oui, peut-être que non – les fourmis, mais quoi en dire des bactéries, ou des virus (!) ou de toutes les matières transportées, ou emportées, d’un lieu à autre, comme par une rivière ? Que dire du vent ? La liste de candidats est longue, aussi longue que la route, qui devient centrale à l’activité de la biote. N’oublions pas que la route, c’est aussi « les routes », là où des formes de vie ou de non-vie établissent un axe de mouvement, il y en a d’autres qui le parcourent et les humains, avec leurs œuvres routières, comme avec leurs chemins de fer et leurs canaux, ouvrent ou créent d’autres écosystèmes, dont profitent d’autres formes de vie.

Il y a enchevêtrement des cadres logiques d’analyse, et répercussions entre échelles, cela est clair.

Mais concentrons-nous sur les effets de l’humain. Heureusement, elles sont concentrées auprès des routes – si elles étaient également distribuées partout sur la terre, le défi serait d’autant plus grand, mais dans l’occurrence, la proportion de débris dans les sous-strates atteint des niveaux où il est possible de les miner – de les extraire. La pollution que nous avons créée, nous avons toute possibilité de la traiter, parce qu’elle est surtout aux bords des routes. Il est plus que probable que des formes de vie, comme les fourmis, sont déjà en train de faire ce sale boulot pour nous – pourquoi réinventer la roue ?

Traiter cette lisière comme un écosystème, c’est tout-à-fait logique. Cela positivise l’affaire – on refait vivre, on assainit dans le but de refaire vivre, avec toutes les réserves possible sur le sens de ce mot « assainir ».

Et où se trouve la voiture, dans ce mixte de priorités ? J’ai envie de dire « nulle part ». Ses atouts majeurs, telle qu’elles sont conçues actuellement, deviennent, écologiquement parlant, ses défauts principaux.

Elle va trop vite. Elle ignore tout sauf la destination. Elle ne fait pas partie, au contraire, elle coupe à travers l’écosystème, alors qu’avant, elle en était la force motrice, ce couloir de vie qui s’appelle une chemin, une voie, avec deux lisières.

La route est un écosystème comme les autres

La faute, notre faute d’intelligence collective, jusqu’à là, a été de considérer les écosystèmes comme des unités surfaciques, non-vectorielles, alors que tout indique le contraire – les surfaces s’étalent à partir des lignes – des trajets des êtres vivants – et rien n’empêche les surfaces elles-mêmes de bouger, de s’étaler, de se transposer d’un lieu à d'autres. Une réserve naturelle ne sert plus si elle est débordée de tous les côtés par un sol artificialisé.

Pour cette raison on parle de « corridors », de couloirs écologiques, qui permettent à se rejoindre aux îlots de biodiversité. On analyse la migration des oiseaux sous l’optique des gîtes de passage qui leur permettent de continuer ces rotations. Etc. Un exemple d’une réserve de biodiversité, c’est le mangrove, un écosystème très riche, très distinctive, qui protège les côtes de l’érosion.

A Toulouse, et dans d’autres villes, on essaie de récupérer les rives des rivières pour la ripisylve – « l’ensemble des formations boisées [ … ] qui se trouvent au bord des cours d’eau ». Ce sont, après tout, des voies publiques écologiques, ces rubans de végétation ininterrompus, au bord des flux d'eau. Dans un autre article ( textes des rives ), j’examine ces mêmes cours d’eau en tant que véritables routes ( thoroughfares - artères ) multifonctionnelles. Dans ce cas, c’est le milieu, l’eau elle-même qui bouge, constamment – il n’existe pas de plan d’eau – de l’eau qui stagne – sans qu’elle ait préalablement bougé.

Que les rivières, marais, anciens bassins de captage des moulins d'eau et autres milieux aquatiques ne soient pas un "ensemble d'écosystèmes à défendre", dans toute leurs diversités et complexités, ... comment ne pourraient-ils pas l'être, imbriquées comme ils le sont dans le paysage, enveloppées dans leurs ripisylves ?

Une mégabassine, dans cette analyse, est un archaïsme. Il est là pour "capter" des mêtres cubes d'eau, les enlever de tout dialogue avec le milieu. Comme les tuyauteries qui les abbreuvent, ils contiennent de l'eau morte.

Ce sont des véritables mètres cubes: la seule raison d'être de ces "conteneurs" est de contenir des volumes d'eau.

Sur un autre sujet, pas si anodyn, il y a la question de la production alimentaire - nourrir le monde - pour lequel l'accès à l'eau devient LE sujet à penser, avant tout. On parle de l'agroécologie. Mais c'est un peu comme le terme exploitant agricole, ou "agroforestrie", une contradiction dans ses termes. Une autre agriculture n'est pas possible, elle est à ce moment-là mal-nommée.

C'est du jardinage que ça traite, pas de la culture des champs mais de la culture des petits espaces, pas nécessairement horizontaux, des clairières, par exemple. On peut dire horticulture, si l'on veut (hortus=jardin) y mettre un mot en latin. Rien n'empêche, ..., mais pas agriculture, qui est une autre histoire.

Larzac est un bon causse parce que c'est comme s'il avait subi toutes les affres du destin et il est encore là. Toutes ces interventions de l'humain, en terre maigre et sèche, plein de cailloux. Et, dès qu'il y a un creux, de la vie enrichie. Les routes à voiture sont austères, droites, exposées aux éléments, dominent maintenant le paysage par leur horizontalité.

C'est de la fin de l'agriculture que ça traite, dans ces terres à la fois agricoles et jardinées. Plus de présence humaine ici produirait plus de par-vents, plus d'humidité, plus de milieux de vie, y inclu celui de l'eau à l'état liquide. Issue de notre ingéniosité, la vie est dure gagnée sur le Larzac, depuis des siécles.

Pour cela qu'ici, c'est le paysage même qui nous donne des indices et des prémonitions sur l'aridité et la garrigue qui nous attend, à l'avenir, ailleurs en France métropolitaine. Si l'écologie est une guerre, mieux vaut former les soldats écologiques dans ce terrain d'entraînement que le laisser à la zone militaire, c'est une question de vie et de mort !

Living Labs

... est une appellation officielle permettant l'opération d'"expériences écologiques" exemptées du cadre réglementaire normatif, pour des raisons de recherche et d'expérimentation. Cela permet l'étude, par exemple, d'habitats jardinés par des jardiniers de passage, avec des refuges de jardinage, analogues aux réfuges de montagne ou aux huttes de chantier dans leur fonctionnalité.

La mobilité douce ainsi proposée permet de tester ces habitats productifs adaptés à ces types de mouvement, à pied et à vélo. Une infrastructure écologique est une infrastructure qui a un bilan positif, écologiquement, et en particulier en termes de son bilan énergétique et dépendance industrielle.

🖶

mercredi 7 juin 2023

Internet Invasif

On pourrait parler d'architecture du système, de l'équilibre de pouvoirs, entre le citoyen et l'administration. Il y en a qui parlent de la futilité de s'en prendre contre les décisionnaires, alors que finalement, le système détermine bien plus que ses titulaires humains.

Ou bien, on peut commencer par aborder le caractère, la manière d'être des associations, des institutions d'aujourd'hui, qui est plutôt révélatrice d'une certaine malaise sociale.

Très peu de gens assistent volontairement à des réunions, des assemblées générales, et de moins en moins. Pendant un temps, j'ai pensé diviser les gens en types - ceux pour lesquels les réunions représentaient la normalité, ceux pour lesquels ils représentaient l'insupportable.

On se retracte, des réunions physiques, le distanciel est moins intense, plus facile à supporter.

Ce n'est pas vrai!

Ce qui est vrai, c'est qu'il y a délocalisation physique, une sorte d'interventionnisme colonial, un régime de clés, de cadenas et de clôtures, détenus par des ayants droits en distanciel. Il y a quelque chose qui fait rigoler là-dedans, quand même - les gens communiquent leurs codes par sms, pour fermer les lieux contre l'intrusion physique, alors que, informatiquement, ce sera toujours le captage de codes qui permettra l'ouverture des lieux. Le mystérieux malfaiteur, cambrioleur, squatteur, ... est une espèce en voie d'extinction, il n'a que sa présence physique pour se faire valoir, et ce n'est pas le suffisant.

Ceux qui ne sont présents que localement sont déscomptés.

artificialisation des sols

Quelle blague, cette histoire de zéro artificialisation des sols! La réalité est une augmentation de l'artificialisation des sols. Ces abus de langage nous laissent sans mots.

Plus loin, on se rendra compte que la mise en oeuvre de la "zéro artificialisation des sols" rend plus facile, plus lisse, la continuation de la destruction. Plus loin, on se rendra compte qu'à peu près chaque critère de l'artificialisation des sols est une masquérade, que les pavillons contiennent les dernières restes de la biodiversité, que les friches, désignées pour être développées, sont les plus riches niches de récrudescence de la vie, que les exotiques et les invasifs sont les seuls créatures qui restent assez costaudes pour engendrer la vie.

Vus sur la carte, donc, les seuls endroits qui donnent de l'espoir sont devenus indétectables et invisibles, puisque déjà considérés artificialisés.

carte topologique de notre déroute

Une autre manière de visualiser la nature de ce cataclysme, cette frénésie de destruction, presque à notre insu, c'est de nous considérer comme une espèce qui est en train de se fragmenter en plusieurs espèces, par des simples mesures de rayon d'action physique.

Il y a, selon cette vision des choses, des espèces qui restent locales, qui sortent très peu de l'habitat dans lequel elles sont physiquement localisées. Ensuite il y a les inter-métropolitaines, les internationales, les intercontinentales.

Chaque espèce forme des cercles de sociabilité qui ne se croisent guère, surtout qu'en mouvement, elles sont contenues dans leurs bolides, trains, cars, ... et que leurs instruments, supposément de communications, en réalité limitent leurs communications à leurs seules cercles de connaissances.

Le cadre naturel - l'environnement, a été complètement sous-estimé comme facteur d'influence sur la composition de la sphère sociale, on s'en est aperçu comme une limite du pouvoir, qu'une fois dépassé, ouvrirait de nouvelles horizons, de nouvelles possibilités dans l'exercise de sa volonté de puissance - par alliance ou attachement aux plus puissants - ceux qui sont capables de "s'imposer" sur le maximum de strates de l'écosphère.

Mais les interactions des plusieurs formes de vie sont déposées sur la terre comme des strates d'interconnectivité qui permettent l'émergence de formes stables - d'écosystèmes, qui ne sont autres que des systèmes d'autorégulation efficaces, parce qu'elles déploient toutes les forces présentes sur le terrain. En s'éloignant de cette autorégulation, on se met à la place d'un dieu qui n'a jamais existé.

Historiquement - et encore dans plusieurs têtes aujourd'hui, le monde est si manifestement une oeuvre d'une finesse magnifique qu'il lui faut un grand ingénieur, ou architecte. Mais au contraire, c'est l'absence de cette puissance suprème qui rend possible l'autocomposition telle qu'on l'observe, l'absence d'un dessein, l'absence d'une maquette, l'absence d'un système chiffré.

Qui profite le plus de cette éruption de modellisations - cette artificialisation d'un écosystème libre ? Surtout les architectes-paysagistes ! Ceux qui "savent", mais qui, en réalité, ne savent rien. Le concept même d'artificialisation communique cet abandon du savoir, puisqu'il fait naître son inverse, la terre laissée à "la nature", où, cette fois-ci, l'on abandonne toute prise sur le sol. C'est une politique de tout ou rien, nulle part est-ce que les êtres humains trouvent leur place, sans s'y imposer, selon cette diagnostique.

Mais ce n'est pas les humains en général qui imposent, sinon les architectes en particulier, ici et maintenant. C'est une guerre de modèles, le modèle hierarchisé contre le modèle autoconstructeur. Nous vivons dans une maquette d'architecte, c'est vrai, mais nous y faisons quoi? Comme les autres animaux, on fait ce que l'on peut.

🖶

vendredi 2 juin 2023

Intercalaire

squelette de page !

  • intercalaire
  • précarité
  • équilibre dynamique

Il y a des éléments de langage employés de nos jours qui n'avaient pas ces usages, lourds de sens, il y a quelques années.

A Montpellier, actuellement, où une bonne partie de la ville est en chantier, l"urban blight" ( fr : "environnement urbain dégradé") afflige de plus en plus de quartiers, laissant émerger, pendant quelques années, des îlots de biodiversité dans l'abandon qui seront ensuite détruits par les pelles mécaniques.

C'est le paradoxe. Pourquoi aspirer à un état figé (solid state) alors que, de toute évidence, la vie en général, et sa vie en particulier, est en constante évolution ? Pourquoi ne pas refaire vivre autrement ces endroits inintéressants pour les propriétaires et les capitalistes fonciers, même si ce n'est que pendant peu de temps ? Ce temps a la mérite d'être "en amont", après tout.

En Angleterre, le mouvement de "Reclaim the Streets" (à partir des années 1990 ) fait écho à cette envie de se réinvestir dans une vie harmonieuse qui repart des recoins abandonnées par l'exploitation financière et industrielle.

Tandis que la recherche de répit, produit du stress démographique, du burnout, des tiraillements d'une vie "en ligne", paraît expliquer assez largement le désir de repli, de paix, interne et externe, qui nous saisit, mais qui contient une menace latente ... la fatigue de la vie, l'abandon de l'autonomie, l'envie d'un cadre où on pense pour nous, ...

🖶

vendredi 2 juin 2023

café scientifique

Cafe Scientifique is a place where, for the price of a cup of coffee or a glass of wine, anyone can come to explore the latest ideas in science and technology. Meetings take place in cafes, bars, restaurants and even theatres, but always outside a traditional academic context.

The first Cafes Scientifiques in the UK were held in Leeds in 1998. From there, cafes gradually spread across the country. Currently, some seventy or so cafes (in the UK) meet regularly to hear scientists or writers on science talk about their work and discuss it with diverse audiences.

Cafe Scientifique is a forum for debating science issues, not a shop window for science. We are committed to promoting engagement with science and to making science accountable.
Source : café scientifique website

Je faisais partie de l'équipe de ces cafés, j'ai écrit les comptes rendus de nos rencontres et j'ai assisté aux conférences des bars de la science, à l'université de Lyon II, où l'établissement scientifique français avait un tout autre point de vue, que l'on peut appeler "la vulgarisation de la science", plutôt que sa mise en cause, qui perdure, j'ose dire, jusqu'à aujourd'hui. Prenons les écrits sur ce site de l'écowiki comme des tentatives d'auto-critique fidèles à l'esprit qui a animé les premiers cafés ...

la théorie des catégories

les marges, les cellules, les alvéoles, les franges d’interférence, les parois – osmotiques, perméables, semi-perméables, les marges, lisières et ornières, les rives, ponts et tunnels

Si tous ces catégories ont un point en commun, c’est que ce sont des visualisations conceptuelles ou analytiques du passage de l’information, des « formes » qui créent les paramètres de l’écoulement de l’information, de l’informatique.

Pour un « informaticien » qui travaille dans le numérique, les formes sont des abstractions, l’ordinateur est un « multitool », c’est ce que l’on appelle les logiciels qui créeront les formes et les structures – les « catégories ».

Mais à un niveau plus profond, ce n’est pas nécessairement le cas, la disponibilité d’un architecture physique économe en ressources, par exemple un processeur qui a plusieurs circuits en parallèle, permettra de traiter l’information visuelle en temps réel, parce qu’elle intègret une architecture qui accommode la rapidité, tout comme le système nerveux d'un poisson comme la truite.

Les limites (les paramètres) du système seront donc parfois quantitatives, parfois structurelles, et en vérité, toujours un mélange des deux.

Pour comprendre un système, il suffit d’en faire partie.

le modèle : fourmilière

C’est une hypothèse. La fourmi vaque à ses courses, ne connaissant qu’une partie infime de l’ensemble informationnel, le nid dont elle fait partie. Mais regardons le verre à moitié plein – elle est rigoureusement dans un contexte de « need-to-know » - elle n’a d’information que ce dont elle a momentanément besoin. Sa « mémoire » n’existe, en grande partie, qu’en dehors d’elle-même, ce sont des traces phéromonales codées, laissées par tous les fourmis qui passent. De nouveau, cette information, linéaire l’on peut dire, se concentre localement, n’est présent que localement, et de manière éphèmère.

C’est vraiment très efficace.

Chaque cerveau humain peut atteindre des sommets de conceptualisation, par analogie, par allégorie, par des mots qui, comme dans la théorie des catégories, ont une réalité mathématique et conceptuelle traitable, par des équations.

Un humain, dans sa tête, peut tenter de faire un modèle du monde entier, universel, peut comprendre, par analogie, « comment ça marche ». Il a la tête pour ça.

On peut supposer qu’un fourmi « ne pense pas comme ça » - il n’a pas l’appareil neuronal adapté à cette tâche, que l’on appelle, souvent, et à tort, la pensée abstraite.

Il faut chercher cette capacité cognitive de la fourmi ailleurs, dans le collectif. D’autant plus que ce raisonnement collectif est fait des « raisonnements physiques » des parties constituantes, des actes de chaque membre de l’ensemble, des tracées laissées par chaque membre de l’ensemble, des seuils de détectabilité de ces tracées, de la coïncidence dans l’espace-temps des membres de cette sororité. La fourmi est l’une des « antennes » de la colonie, tout comme ses propres antennes servent à l’informer. Les colonies sont des comptoirs dans l’évolution chronologique et spatiale de l’espèce, à un autre niveau de logique combinatoire.

La cohérence de l’ensemble, imbriqué dans son « environnement », est particulièrement forte, dans le cas des insectes sociales.

La cohérence de l’ensemble des humains s’explique à travers l’internalisation marquée de ces mécanismes. Chaque individu de l’espèce a sa « carte mentale ». La carte mentale peut s’extérioriser, devenant une carte sur papier, ou sur un téléphone portable. Les concepts sont donc communicables, le langage est l’un des codages qui rendent possibles ces faits d’armes intellectuels, dans chacun des petits ordinateurs que nous sommes.

On internalise les instructions, les modes d’emploi, les normes, les étiquettes, … et on les extériorise, pour les internaliser, pour les extérioriser, ...

Et souvent, comme les fourmis, on se laisse emporter par la pensée des autres, bercer
par notre certitude, notre foi dans la légitime idéologie d'une masse culturelle, sans boussole, à part la loi du plus grand nombre, ...

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jeudi 1 juin 2023

Récits Écologiques

« On a besoin d’un récit. »

De l’Eau jaillit le Feu est un film (2023) qui donne un récit, le récit de la lutte contre les mégabassines et en particulier celui de Sainte-Soline (département des Deux Sèvres) au bord du Marais Poitevin.
http://www.cinemas-utopia.org/montpellier/index.php?id=4059&mode=film

https://www.youtube.com/watch?v=QwfI6FHOL7Y
est un documentaire sur le Newbury Bypass Protest (1996) en Angleterre. En regardant les deux, côte-à-côte, on voit des subtiles différences, mais aussi une forte similarité.

Et ici un autre documentaire sur Newbury, qui a l'air un peu plus chouette et authentique :
https://www.youtube.com/watch?v=-ScZN9z0U_Q

Cela vaut le coup de comparer les comportements et techniques dans ces deux contextes de confrontation. Le film sur Newbury met en lumière la gaieté, la créativité et les rigueurs qui peuvent accompagner la désobéissance civile, dans ces luttes et occupations de terrain de longue durée. Mais il met en évidence aussi un langage de corps, une proximité, entre les policiers et les manifestants, très peu visibles dans les luttes vénéneuses d’aujourd’hui en France. On peut l'expliquer en disant qu'il y a eu changement de doctrine policière (maintenez la distance!), mais ce n'est pas ça, à mon avis, et je prends pour témoin les expressions sur les visages, dans ces films. ACAB? Avançons masqués? On joue avec le feu, ou on fait feu ?

Le récit, si je ne me trompe pas, reste à peu près le même, c’est devenu une formule. Dans un film, on choisit un personnage central, ou quelques uns – des incarnations. A Newbury, c’était « Swampy », un très jeune, très petit activiste qui passait son temps dans des tunnels très étroits et inaccessibles, qui n’avait et ne voulait aucune autorité. Je reconnais certains des autres personnages, mais ce n’est pas ce qui intéresse, ce sont les scènes collectives qui impressionnent. C’est en fait un journal populiste de droite qui a choisi de mettre Swampy en avant, en accord rigolo avec les manifestants, qui ne voulaient ni leader, ni porte-parole. La taille et la corpulence de la classe dirigeante et des forces de l’ordre les a tout simplement interdit l’accès à Swampy qu’ils demandaient.

A la ZAD de Notre Dame des Landes, on n’a pas voulu de chef non plus. Tout le monde s’appelait Camille, pour rendre l’identification des « malfaiteurs » plus problématique pour les forces « de l’ordre ».

Mais les exigences de la propagande sont, à vrai dire, la raison d’être de ces oppositions contre des mégaprojets. On peut citer Larzac et José Bové (No Pasaran), qui, comme Daniel "Le Rouge", n'occupe plus du tout la même position idéologique que jadis ... Mais à Nantes, vers 2012-13, 10 000 gens de la ZAD ont manifesté sous le slogan « ZAD Partout », sans chefs et sans mots en -iste. Cette aspiration consensensuelle ne s’est jamais convertie, pourtant, en un vrai retissage de liens et d’actions au niveau local, partout. Cela reste à faire.

Le bilan de ces techniques – de chercher de la pub pour un récit emblématique qui va se transposer dans la sphère politique – est, pour tout dire, épouvantable, surtout que la violence – le sang - est à marchander pour rendre l’événement notable, aux yeux du média. Ce n’est pas étonnant – si c'est cette finalité qui justifie les moyens.

Nous parlons de 50 ans de luttes, ici, qui, dans un contexte catastrophique au niveau du climat et de la biodiversité, n’ont aucunement réussi à augmenter l’opposition (auto)organisée contre l’état industriel – qui l’ont plutôt fragmenté, cette opposition. C’est peut-être à cause de cette recherche trop manifeste, par quelques activistes de classe moyenne-supérieure qui essaient de faire foule, visiblement marginaux et excentriques, qui démotive le peuple et désarme l’écologie, laissant la voie royale aux solutions techniques. Et c'est à cause de ce vide de propositions concrètes d’infrastructure non-industrielle.

Pour changer, il faut du sang, paraît-il – il faut réagir contre le système, sans pour autant en proposer un autre. De là, le besoin d’événementiel et de vedettes, un peu comme pour un concert de rock, ou un festival, dont les ZADs sont les héritières, avec les raves. D’ailleurs, pourquoi n’existe-t-il plus, ou pas encore des circuits écologiques de festivals écologiques ? Les rainbows ? C'est souvent le camion qui a fait le gros du chemin.

Julien Le Guet, le « star » dans le documentaire De l’Eau jaillit le Feu, nous à parlé dans le cinéma de l’Utopia, après la séance, par viséo-conférence, d'une cave, au Marais Poitevin. Très particulière, cette expérience, lui qui occupait, Mélanchonesque, l'entiéreté d'un écran de projection, au ciné, et nous devant ...

Pour lui, l’une des clés du succès relatif de cette campagne contre les mégabassines et leur agriculture industrielle, c’était tout simplement de faire des réunions chaque semaine et aller sur les marchés pendant quelques années, d'être dans le détail de ces interactions, pour arriver à une équipe d’une douzaine à une trentaine de personnes en liaison utile, montant à soixante en période d'activité intense. Il y avait aussi le facteur d'un blog vidéo régulier, vu par plusieurs, qui a joué. Mais 30,000 d'arrivants, c'était un ordre de grandeur qui dépassait la logistique habituelle ...

On peut supposer que l’autre raison de fond pour le "succès", c’est que la recette et le menu proposés ont été d’une conventionnalité profonde, qui cochait toutes les cases d’un récit médiatique répété, dans diverses actions, depuis cinquante ans.

Un autre récit

Peut-être le récit que nous avons envie d’entendre est un récit social qui rend un autre monde possible. Mais de ce monde, nous n’en voulons pas – ou nous ne voyons pas bien comment ça pourrait marcher, cela génère des peurs.

Pour s’attaquer, donc, au problème du non-recevoir populaire, on prescrit de l’homéopathie, on s’applique à saper notre croyance dans les différents piliers du système industriel, les transports, l’usage de l’eau, les pesticides, le plastique, sans oser proposer de vraies infrastructures holistiques alternatives. On les appelle "monocultures", alors que le monde moderne loue le choix, le consentiment, la flexibilité ...

On devient des « défenseurs de la nature (dont nous faisons partie) », ce qui évite d’aborder frontalement le besoin pressant de changer de système. Le système, c'est une organisation hiérarchique, n'est-ce pas ?

D'autres vérités : "L'apoliticisme, c'est l'idéologie du statu quo" et « Les types qui se déclarent apolitiques, ce sont des réactionnaires, fatalement. » Simone de Beauvoir, 1954. ( source: resolez@lists.riseup.net https://mastodon.tetaneutral.net/@demoiselles 

Et l’autre récit continue de faire défaut. Pas de système pour remplacer le système. Cette situation ne peut qu'être transitoire, puisque la sécheresse s'impose sur nous de plus en plus - mais comment fait-on, sans rajouter au réchauffement ? Il n'y a pas assez de bras pour remplacer les machines, à la campagne. Les activistes écologiques risquent fort d’être oubliés, tellement ils n’ont pas abordé la question. Pour nier le stigmate de la radicalité, ils se laissent devancer par les politiciens conventionnels, mais dans ce cas, à quoi cela sert, tout cet activisme ?

Qui d’entre eux n’a pas accès à une bagnole, un téléphone portable ou un ordinateur branché sur internet ? Les fonctionnaires, l’équipe légale, la gestion publicitaire, deviennent même l’épine dorsale de la lutte. Ces grandes kermesses de l’écologie n’existeraient pas sans industriel – on peut même dire que le déplacement du parc auto d’une grande manifestation à la campagne coûte en général plus que l’œuvre à laquelle il s’oppose. A l’Occupation de Newbury, c’était même l’un des buts, de coûter cher, très cher, à l’état – mais les protestataires, ils venaient de partout dans le pays, en minibus. Bien que sur place, souvent de manière affichée, on soit dans les "petits gestes" écologiques.

Logiquement, pour ne pas être en contradiction évidente avec ses idéaux, on proposerait d’autres manières de se rassembler, mais il y a une sorte d’inertie dans cette attraction au grand événement, d’envergure nationale, ne serait-ce que pour répondre aux besoins des activistes de ne pas se sentir tous seuls dans leur coin.

Julien le Guet a mentionné que l’ambition cet été est de lancer une série de convois, composés de tracteurs et de vélos, venant de différentes parties de la France, en convergence vers Paris. Il a même suggéré que ce serait bien si le cinéma de l’Utopia installe des toilettes sèches. Mais, et il est bien placé pour le savoir, ce n’est pas cela qui compte, médiatiquement et politiquement. Ce qui compte, c’est l’événement – et son incarnation médiatique. Jusqu'au point où, dans la chaleur de l'action, on brûle du plastique !

Considérons maintenant pourquoi il est nécessaire, si ces luttes vont servir à quelque chose, de créer l’infrastructure qui les permette de faire boule de neige, partout, dans la durée – et rapidement, étant donné le peu de temps qu’il nous reste pour changer, radicalement, d'infrastructure, tous ensemble.

D’abord, si l’on veut que ces mouvements élargissent leur socle populaire, il faut qu’ils soient accessibles à la majorité d’entre nous, et pas aux seules minorités bénies de suffisamment d’argent pour faire des centaines de kilomètres en voiture en se passant de revenu, où les autres minorités suffisamment privilégiés pour avoir déjà un pied-à-terre à la campagne - ou des amis qui en ont ... la deuxième maison, la gîte saisonnière, ...

En réduisant les frais de l’entreprise, on la rend accessible à tous. C’est intelligent, aussi, de ne pas jouer des contextes où l’argent compte pour beaucoup – c’est justement la force majeure de l’état et de l’industrie qui sera déterminante dans ce cas.

Non, si l’on est sérieux, on marche et on fait du vélo, mais on n’amène pas de tracteurs. Sans transport motorisé, on réduit le rayon de chaque action, on augmente la durée, on crée une continuité, plusieurs mouvements, plusieurs actions qui se rejoignent, parsemés autour du pays.

Dans le cas de la mégabassine, un exploitant agricole un peu « anarchiste de droite » a décidé de mettre à disposition une partie de ses terrains pour accueillir les activistes, selon Julien. Avec un peu plus de continuité et de connectivité, il y aurait sans doute beaucoup de propriétaires terrestres prêts à mettre leurs terrains à disposition, mais pour cela il faudrait qu’ils soient en confiance avec le mouvement. Comment générer cette fiabilité ?

Ici, le récit nécessaire est une visualisation pragmatique d’un réseau d’accueil et d’orientation écologique, accessible à toute la population, et pas juste à une petite minorité.

Le danger, si l’on reste dans une bulle d’activistes, est qu’il n’y aura aucune légitimité démocratique à plus grande échelle. Lorsqu’on prêche aux convertis, c’est les convertis qui votent, … Lorsqu’on prêche la démocratie participative, il faut voir qui peut bien participer.

Julien le Guet a souligné le fait que son collectif n’était pas une assoc. juste des gens, et qu’il n’y en avait pas besoin puisqu’il n’y avait pas d’argent dans l’affaire. L’un des aspects de cette lutte est, justement, de penser à ce que les autorités publiques inventent des prétextes pour chercher le ou les « groupes de malfaiteurs » qui peuvent être attaqués en justice. De là la sensibilité à cette question associative, sans doute – mais est-ce vraiment la bonne tactique ?

Il se peut que plusieurs des hypothèses avancées ici sont mal fondées, mais elles sont basées sur une écoute attentive de ce qui est dit par Julien et dans le documentaire, et on pourrait également dire que, justement, le récit manque d’originalité à l'égard de sa force propositionnelle - est-ce qu'il y en a, des propositions ?

Il faut suivre cette logique un peu plus loin. Normalement, si l’on accepte la territorialisation de ces mouvements, l’un des actes fondateurs serait de se baser sur des axes de mouvement régulières, de créer une infrastructure fiable pour permettre à la population locale d’y accéder. La voiture et les télécommunications, au contraire, mettent un flou sur cet objectif.

Le fait d’imprimer son propre récit, sa propre culture, cette nouvelle vision, devient important. On sait que les toilettes sèches, ce n’est pas un sujet « sexy ». C’est pour cela qu’il faut faire l’effort – une force de proposition par les actes, la création d’infrastructure aussi généralisable que localisable – et vivable, il faut le vivre, pour en parler, pour créer le récit il y a besoin d'expérience du récit.

Quoi de plus simple que d’aménager des lieux où on fait pousser sa propre nourriture, dans des jardins, sur son chemin ? C’est de l’or vert qu’on parle ici. De la France des campagnes repeuplée. Des lieux alternatifs existent, mais est-ce qu'ils sont accessibles, reliés, stables ?

Dans les conférences sur la crise de l’eau qui ont précédé le film, on a eu droit à des explications techniques du problème, reconnu comme multidimmensionnel, sans pour autant entendre des propositions sociales et politiques pour s’en sortir. Or, obliger les opposants à passer un temps interminable à réfuter des arguments détaillés, c’est l’une des tactiques classiques des industriels. L’autre étant la destruction ou l’absence de contre-exemples, d’information et d’études d’infrastructure, surtout infrastructure de voyage, alternative.

Mais, il faut les créer, les contre-exemples ! Le Marais Poitevin est intéressant, dans le sens qu’il a été un environnement artificiel ancien qui montrait une certaine réussite, un certain équilibre, autant pour la biodiversité que pour les humains, un exemple d’« artificialisation des sols » non-industrielle. Pour devenir, actuellement, une instance de la destruction d’un contre-exemple.

Dans cette situation, de résistance contre la destruction massive d'un écosystème, il faut de la mobilité – la capacité de bouger, de passer du temps sur place sans tuer la nature qu’on est censé protéger, de concentrer ses forces là où il y en a besoin et au moindre coût. On a des éléments, des ingrédients de ce menu, mais très peu coordonnés. Leur rentrée dans le quotidien de plus qu’une petite minorité est nécessaire. Cette pensée sur le transport, l’hébergement et le travail utile, maillés sur tout le territoire, est, en bref, ce qui manque.

Julien le Guet a proposé que pour lui, il fallait des violents et des non-violents, des conservateurs de la nature, des acteurs sociaux, des gens de tous bords avec des idées de tous bords. Peut-être, pour lui, c’est ce qu’il faut, pour la défense du marais.

Un melting pot et un endroit où les nouveaux peuvent se former. Mais est-ce que l’on a vraiment le temps ? Cela laisse un vide organisationnel qui permet aux associations les mieux constituées dans ce petit monde d’activisme écologique de prendre la part dominante réelle dans les stratégies suivies, des stratégies définies aussi par la finalité de leur propre recrutement et « succès » compétitif. Et tout cela sans aucune légitimité démocratique réelle, par rapport aux enjeux, qui nous touchent à tous.

Dans la réalité, la démocratie participative constituante – la force de proposition écologique, se constitue seulement lorsque cette infrastructure, qui permet des déplacements sans essence, existe. Sinon, les orgas, l'argent et les lobbies vont dominer l'affaire.

Sans ce déclic, il n’est pas étonnant que l’on se focalise sur la défense des paradis naturels, des intérêts et des sentiments des gens qui les habitent. Ce qui permet aux opposants de nous assigner le rôle de « doux reveurs ». N’oublions pas que ceux qui ont tendance à plus souffrir du changement climatique sont les pauvres et qu’ils vivent, en général, en centre-ville et en périurbain. Il n’est pas surprenant, pour autant, de voir qu’ils sont très peu investis dans les questions écologiques du monde rural.

Le repeuplement écologique de la campagne devient un vrai sujet. L’auto-constitution de corps délibératifs qui vaillent le nom, aussi. On oppose souvent l’intérêt local à l’intérêt général, mais dans un pays de deuxièmes résidences qui permettent aux riches de dominer la campagne, ce sont ceux qui utilisent le plus le transport motorisé qui décident pour tous. C'est en vélo que le peuple peut envisager de réhabiter la campagne.

L’un des conférenciers a souligné que le droit des propriétaires était très fort en France, mais il existe plusieurs possibilités, des baux, des droits de métayage, de travail saisonnier et itinérant, qui peuvent coexister dans ce cadre, sans parler des voies et places publiques et biens d'état. En exploitant ce potentiel, on peut très bien envisager une transformation du tourisme de consommation en tourisme de production, de biens écologiques.

Ici des liens envers des pages qui décrivent ou recommandent ce genre d’infrastructure.
http://www.cv09.toile-libre.org

https://ecowiki.inecodyn.org

Peut-être vous en avez, des idées ou des pratiques infrastructurelles, à proposer :
inecodyn@singularity.fr ( infrastructure écologique dynamique )

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vendredi 12 mai 2023

L’Agroécologie n’existe pas

Dans le futur, c’est ce que l’on dira – que l’agroécologie est un oxymore, une contradiction dans ces termes agro - « agriculture », la culture des champs, « écologie » - ce qui rend possible notre existence sociale et physique.

L’échelle nécessaire, c’est celle du jardinage. Les champs sont tous petits. Ils sont à vrai dire des des surfaces dédiées à la longue aux pluriannuelles. Ces "champs" sont des vergers en devenir, avec des haies et des arbustes. Ce ne sont pas des champs.

Le modèle écologique à suivre n’est tout simplement pas industriel. Il n’y a pas de tracteurs ou de motoculteurs – le sol ne se retourne pas. Il n’y a ni débroussailleuses, ni girobroyeuses, pas de tronçonneuses, ni de faucheuses – il n’y a aucun outil majeur à fossile, ni à électrique.

Il n’y a donc pas d’industrie verte, si par « industrie » on se réfère à l’échelle industrielle, ni, par conséquence, de développement industriel vert.

Cela n’existera pas, écologiquement parlant.

Si c’est ainsi, c’est parce que ce qui est écologique, c’est ce qui rend l’avenir, l’avenir proche, vivable pour le vivant et que c’est le vivant qui fait le travail. Ce n’est pas à travers la multiplication des instruments infernaux de notre destruction mutuellement assurée que nous allons survivre.

De même, pour ces travaux faramineuses, Dantesques, d’installation de tramways, d’infrastructure lourde, de voies cyclables à côté des autoroutes. L’investissement – le béton coulé, l’acier forgé, le bitume et l’agrégat transporté en camion, les pelles mécaniques plus grandes que des tanks, pour faire ces œuvres, ce travail est tout en amont. Le retour sur investissement tout en aval. Et en plus, tout cet argent, tous ces salaires renforcent l’intérêt des gens à faire ces boulots de merde, donnent la préférence et le pouvoir au moins responsables et éthiques d’entre nous – il les encourage, même.

Or, c’est maintenant qu’il nous faut cesser de creuser le trou dans lequel nous nous trouvons, pas d’ici 5, 10 ou 20 ans. Nous devons cesser de faire couler le béton, cesser de forger l’acier, cesser le transport routier lourd et même léger, maintenant, et surtout pas en rajouter.

Si nous ne le faisons pas, la raison est toute simple. Le politicien qui avance de telles politiques, qui prend de telles décisions, perdra à coup sûr les élections. Ses électeurs, qui dépendent pour leur vie quotidienne du travail dans le secteur industriel, ne voteront pas pour être au chômage. Tout cet édifice, profondément égoïste, est étayée par les syndicats, autant que par le patronat, par les services, les hôpitaux curatifs et non pas préventifs, ... Nous avons une politique de nous servir sur les dos des autres, d’utilisation de rapport de force, d’ex-pouvoirs coloniaux.

Peu importe qu’il y a toujours pire – ce n’est pas en tirant sur les super-riches que l’on masque la vénalité des classes moyennes, voir populaires, dans les pays riches.

On parle beaucoup des lobbies, de l’FNSEA, de l’industrie chimique, pharmaceutique, etc., et de leur influence décisive sur les législateurs.

Ces lobbies et les élus qu’ils ont choisis et subornés à leurs objectifs, ont crée une trame législative qui favorise massivement l’industriel. Et comme dans n’importe quel rapport de force, favoriser l’industriel peut s’accomplir en pénalisant, en défavorisant, en ignorant le non-industriel. La réalité est un contexte législatif et réglementaire qui rend presque impossible de pratiquer une vie écologiquement consistante. Essayez-la. Vous allez voir. Sans voiture, sans espoir de s'en sortir, à moins de vivre dans des endroits de population dense et stressé.

Gare à celui qui ose rejeter ce système, sans moyens – il sera accusé de parasitisme, il recevra mil encouragements à se trouver un boulot – n’importe lequel, pour ne pas « dépendre des autres ». Quelle blague ! Vent debout contre lui, un chauffeur de camion. Tuer le vivant, cela rapporte encore.

Dans une économie de marché, les contraintes législatives sont si draconiennes, si efficaces, que seulement des personnes de moyens indépendants peuvent s’installer en cohérence écologique.
Ceux qui ont moins d'argent et qui doivent vraiment gagner leur vie de leur propre production essaient de s’accommoder à la réalité réglementaire et se trouvent obligés d’utiliser des tracteurs, d’avoir des grands cheptels, de ne pas employer des gens, … et, chacun, d’avoir une voiture qui crée une empreinte écologique super-négative.

Et le résultat, c’est que l’on n’y croit point à l’écologie – qui n’est visiblement que pour les riches et performants.

Ce qui n’est absolument pas cohérent – qui ne fait aucun sens.

Le mot « Transition » a été inventé pour cela – pour faire que ce qui n’a aucun sens paraît en avoir un peu. « Sur la voie de, ... », « petit-à-petit, … »

Des gros mensonges.

Le déni, ce n'est pas le déni - c'est un mensonge. Et celui qui se ment, il a besoin de croire que les autres, ils mentent aussi, de former des coalitions de menteurs. Sans vérité, pas la peine de débattre. Pas la peine de se parler, donc, ce n'est que de la mauvaise foi - ça va ?

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Géopolitique du sol

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boutures en terrain inhospitalier

Il paraît que le sens racinaire du mot géopolitique relève de notre lien vital avec les reliefs et la géologie, la topographie de nos milieux de vie. Alors que l'emploi courant de ce mot communique la vision et l'hégémonie des grandes puissances mondiales.

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calaborie

Une géopolitique du sol prend le sous-strate de nos vies comme indice, cumulatif, de tous nos efforts et absences, afin de mesurer l'amélioration ou la détérioration de la qualité de nos sols. Par qualité on communique la vitalité - la présence de la vie, dans le sol. Un désert absolu, par exemple, c'est un sol sans vie parce que sans eau, même l'air il est sec. Une garrigue ou un maquis, c'est une vie réduite. Une savane, une vie adaptée à la sécheresse, les saisons. Chaque vie grapille, s'assoiffe, se désaltère, motivée - animé.

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chat devanture

Et cela à l'échelle du micro aussi bien que du macro.

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grapillement vertical

Nous sommes à l'époque de la pensée systémique, écosystémique. - notre démographie démultipliée dépasse la raison d'état. Ce n'est plus inter national. Les alliances des ONGs et des intérêts, des lubies et des éléphants blancs industriels, sont mondiaux.

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nature moitié morte

Au niveau d'une métropole, les autorités locales s'étant bien saisies de l'enjeu vital, on sectionne le cadastre par pourcentage de sols "artificialisés" et naturels.

Et en ce faisant, on artificialise tout, en toute innocence.

La vie se construit à partir du plus petit, les photons, les atomes, les molécules d'eau, la perspiration des gouttelettes sur une toile d'araignée à l'aube. Le rayonnement solaire tape chaque volume, chaque surface, ainsi pulse son énergie primaire pour se diversifier au ras du sol.

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tronqués

La métropole impose son plan quinquennal, pour le bien et pour le mal, son écosystème d'excès de vitesse, sur le tout, sur l'ensemble.

Les fractures dans le béton, les interstices entre les pavés, les craquelures et ondulations des racines sapinaires, amateurs du goudron.

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l'un desmil remakes de la place dela comédie

À eux seuls, ils représentent la surface cumulative la plus importante, dans nos métropoles, tous en train d'essayer de se rattacher, vainement dans la plupart des cas, de rétablir le courant, mais le jus se remet dorénavant à l'échelle métropolitaine - ça s'allume, ça s'éteint, comme un réverbère dans le désert, mais sur toute la surface, ensemble, en masse.

La vie est déboussolée, elle s'adapte aux rythmes de la navette, aux pulsations quotidiennes amplifiées, elle rentre en résonance, épileptiquement, en spasme.

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mangrove murale

La ville dort, elle se réveille, partout pareil, des pointes de lumière s'allument, des portables vrillent, des connexions étranges s'établissent entre fuseaux horaires, des machines se mettent en branle, un univers de vibrations, d'infrason assourdissant qui ne s'entend que subliminalement mais qui se voit sur les visages tendus et difformes.

Le sol n'y est pour rien. Pour ne prendre qu'un exemple, allons dans les pépinières situées aux bords des voies express à l'entrée des villes, leurs oliviers en pots fièrement mis en évidence, hors sol, empaquetés prêts à l'usage, livrés à l'instant en camion-grue, placés ci et là dans des parcs et jardins, comme des plots d'appoint visuel, des plants, expédiés à destination.

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mural

On dit souvent que les Utopistes, les irréalistes, ce sont les soulèvements de la terre, mais la vraie Utopie, on la vit maintenant, elle est industrielle, d'apparence, d'appareil, on la trouve là où les arbres font cette danse macabre, au rythme des translations, des flux de trafic, un grotesque simulacre.

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dimanche 30 avril 2023

Watershed

Des mots clés

watershed (en) : bassin versant (fr)

Deux expressions qu'il faut connaître ...

Comme l'idée d'un fleuve, une rivière, une rigole à qui en accord des droits, comme si c'étaient des humains - légaux, en plus. On ne rigole plus, on incarne, notre exosquelette, notre environnement chaque fois plus désarticulée, en articulations putatives.

Comme s'ils pouvaient avoir des sentiments, ces accidents de terrain, qu'ils pouvaient être lèsés, ... on sent la tension propriétariale monter, perplexe, ...

Qui sont les porteurs humains de cette autodéfense territoriale : ceux qui bougent avec les eaux, les fluviens ?

Un bassin versant, il n'est pas fixe, bien que géolocalisable, dynamique et évolutive dans l'axe du temps.

Cela déborde, la flaque s'étend, ce sont les nappes supérieures, les bassins versants, collinaires, la nappe phréatique qui les soutend qui se renfloue, ...

... mais voilà que l'artificialisation des nappes a lieu, par l'abstraction et la réinjection, par le pompage, la rédistribution de nappe en nappe, de bassin en mégabassine, de crue en étayage. Les poissonariat s'imbibe d'oxygène jusqu'au dernier soupir, sa chance de vie réglémentée, au robinet, du débit à la vanne.

''Des mots clés.''

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Société Toxicomane

à retrouver !