Je reviens sur cette
histoire d’intelligence collective, en voulant tilter un peu le
paradigme. N’est-ce pas mieux dit « culture collective » ?
Pour le dire encore plus clairement, est-ce que l’intelligence,
telle qu’on l’envisage dans notre culture, elle existe vraiment ?
Si ce n’est pas le cas, l’intelligence artificielle n’existe pas
non plus. Si je dis « n’existe pas », je veux dire par
là qu’elle n’est qu’un épiphénomène (contingente), elle
n’est à la base de rien.
Pour commencer avec
l’un des multiples problèmes avec nos théories actuelles de
l’intelligence, il y a le paramétrage, le formatage des
problématiques auquel on applique l’« intelligence ».
Je prends comme exemple les panneaux routiers, très grands, très
lisibles, adaptés aux véhicules qui vont vite. Pour un être humain
qui marche ou qui fait du vélo, cette grandeur est inutile, et la
qualité réfléchissante, la nuit, sert juste à l’éblouir.
L’intelligence, si on le prend littéralement, est l’intelligence
de la situation dans laquelle on se trouve. On ne peut pas juger de
l’intelligence d’un poisson hors l’eau, cela ne fait aucun
sens. Le poisson et l’eau font ensemble l’intelligence.
La culture rend
libre. Si l’on parle de l’autonomie d’action personnelle, il
suffit de savoir que l’on appartient au même groupe culturel, avec
les mêmes valeurs, pour « laisser faire » l’autre. Le
dominant n’est pas le dominant, dans ce cas, il n’est pas en
train d’imposer ses lois. Les lois, ce sont les usages, les us et
coutumes qui assurent.
Dans ce cas, chacun
ayant son rôle, il n’a qu’à communiquer l’essentiel à chaque
autre, à « faire sa part », là où c’est nécessaire,
ou intéressant, cela peut être le chef d’orchestre ou le
violoniste d’à côté qui donne le la. Le paysage représente un
mosaïque de « parts ». Une population qui vit ensemble
se connaît, il y a déjà eu distribution de « parts ».
Dans le cas d’un couple, on commence par un intense désir de
partage et on termine souvent dans le silence. Cela ne veut pas dire,
pour autant, qu’on s’aime plus, ou moins. L’amour et le désir
se différencient à cet égard. L’intelligence artificielle range
et classe, jusqu’à ce qu’elle parvienne à reproduire.
Par contre, un
« nouveau venu » dont le rôle social n’est pas établi
cherchera l’échange, jusqu’à ce qu’il trouve son assise
sociale, bien qu’il lui sera souvent conseillé de rester
silencieux, d’observer, avant d’ouvrir la bouche, dans une
société de sédentaires, une société qui stagne. L’effet d’une
troupe de théâtre est un peu l’inverse – c’est le groupe
mobile qui attire l’attention et la curiosité. Dans la mesure que
les groupes bougent, il y a un renouveau constant de ces attentions,
bien et malintentionnées, qui est souvent réciproque. Il y a un jeu
entre sédentaires et mobiles.
Étant donné que
c’est une question de culture, il n’y a pas besoin que chaque
individu sache tout ce qu’il y a à savoir sur chaque opération,
il y a besoin qu’il connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un
qui sait et qui est disponible, qu’il y a quelqu’un qui sache
planifier le chantier, qui sache communiquer.
On peut intuiter que
les marchés hebdomadaires, dans une forme ou autre, ont toujours
existé, pour ces raisons-là – que chaque opportunité qui nous
est accordée dans le temps et l’espace pour « coïncider »,
comme les repas, est une opportunité de construction d’un
consensus collectif.
On peut être un peu
sûr dans ces affirmations à cause de la langue, du langage. Les
mots ne veulent pas dire ce que l’on veut qu’ils disent, on ne
peut pas, seul, désigner le sens d’un mot, il faut que cette
désignation soit acceptée, intelligible et reprise par d’autres
gens pour qu’il fasse partie du langage.
Lorsqu’on parle de
dominance et de hiérarchie, comme des facettes inéluctables de la
composition des groupes humains, notre culture a tendance à
contredire ces affirmations. Nous cherchons des références de
confiance, stables, sécurisantes, mais pour nous rendre plus libres
dans la poursuite de notre propre satisfaction. Une référence
extérieure, mystérieuse, peut servir, s’il y a assentiment
collectif. Je pense évidemment à la religion, mais aussi au besoin
de ceux qui se veulent dominants de s’aligner avec ce
consensus, comme l’on a besoin de s’aligner avec le consensus
social sur le sens des mots et leurs emplois pour être compris et
accepté. On peut constater que cela va bien loin – des simples
questions d’accent et d’intonation peuvent avoir des fortes
conséquences.
Prenons maintenant
le terme « intelligence collective », un terme vu comme
très connoté, de nos jours. En soi, on peut le mettre en doute,
comme facteur dominant – on a bien évolué depuis l’époque où
l’on prétendait pouvoir mesurer l’acuité mentale individuelle,
la capacité d’un individu de déduire et d’agir en conséquence
d’une situation de manière autonome. La plupart des mesures
utilisées pour déterminer le « Quotient d’Intelligence »
d’une personne se sont révélés être purement culturelles,
c’est-à-dire déterminées autant par le contexte que par les
capacités putatives de l’individu concerné. Cela n’a pas
empêché et cela n’empêche toujours pas aux gens de se mesurer,
les uns contre les autres, ni de chercher des manières
« objectives » d’estimer ce que sont, très clairement,
des qualités très largement subjectives et donc imbriquées dans
une matrice sociale. Le mot « social » est ici
intéressant, il implique l’opinion des autres et plus loin
l’interaction déterminante avec les autres. Les autres, dans ce
cas, cela peut vouloir dire ceux avec lesquels une relation, un
rapport, une reconnaissance mutuelle peut s’établir.
Rien n’est simple
à cet égard – je cite comme preuve la relation proie-prédateur,
comme dans le jeu mortel entre le chat et la souris. Le « langage »
de cet échange, le « langage » d’un homme en dialogue
avec son dieu ou avec le contexte minéral dans lequel il se trouve
montrent les dangers associés avec l’objectivisation, par des
expressions comme « l’intelligence collective », de ces
phénomènes.
Ce train de pensée
a évolué en moi en pensant à comment j’allais faire pour créer
un jardin. Il y a multitude de problèmes, toutes culturelles. Le
jardin en soi n’en pose aucun, je sais ce que je peux et je veux
faire. Mais ici, les gens viennent de cultures qui se renforcent
mutuellement et qui rendent mon projet non-viable.
Il y a ceux qui
envisagent de faire rapidement avec des engins de chantier, rendant
mes œuvres inutiles et la vie du coin entièrement inconséquente et
secondaire. Cette pensée s’enchevêtre avec celle d’« ouvrir »
le terrain – c’est-à-dire de mettre tout ce qui s’y pousse à
ras. Le pastoralisme, la culture historique du coin, va dans le même
sens, plus on débroussaille, plus il y a de pâturage pour les
bêtes, selon cette pensée-là. On brûle les ronces, le bois de
petit calibre, les souches, sur place, comme encombrants.
Étant donné que
tout mon travail de rétablissement de la vie et la structure
hydrologique du lieu (dont dépend finalement le « pâturage »
des bêtes), sera mis à néant d’ici peu (par la culture de la
culture annuelle – la mise à ras annuelle de toute vie), ma
culture, qui cherche à redynamiser la vie dans son autonomie –
pourrait faire plus de mal que de bien – à quoi bon favoriser les
adventices qui tapissent le sol et encouragent l’humidité si ces
vies sont écourtées dans les mois qui viennent par une personne
maniant une débroussailleuse ? Mieux vaut favoriser des plantes
qui sont à l’épreuve de la débroussailleuse. Mon défi principal
devient celui d’anticiper les interventions humaines ponctuelles
dévastatrices.
Mais ensemble avec
ces cogitations va la réalisation qu’un tel contexte d’oppression
sociale, de négation de sa culture et de son savoir faire, mène au
désir débordant d’avoir SON lopin de terre, où l’on peut
imprimer SES desseins, sans que cela risque d’être oblitéré. À
presque n’importe quel prix. C’est comme si l’on achetait sa
liberté.
Pour contraster,
j’ai lu le livre sur l’intelligence collective de Joseph Henrich,
qui a tenté d’expliquer comment des groupes plus grands
permettaient la circulation et l’enracinement d’idées novatrices
qui ont contribué au progrès technologique de la civilisation,
culminant dans les magnifiques avancées que l’on peut constater
aujourd’hui.
De mon point de vue,
la réussite est toute relative. Il est possible que ne restera ici
que des chênes verts et quelques cactus, très bientôt, et de l’eau
potable, pas du tout. Je note que les maisons en pierre sont souvent
en ruines – elles n’ont pas duré très longtemps. Je note aussi
que cette culture appartient plutôt aux classes aisées,
« cultivées », « bien-éduquées » et que
c’est eux qui détiennent les terres.
Le défi est très
grand. Ils pensent qu’ils ont raison, et ils ont bien tort.
Il faut donc changer
la culture – pour l’intelligence, on peut oublier. On peut
cependant se pencher sur la possibilité – peut-être le danger
surtout – d’une intelligence artificielle qui coexisterait avec
et nourrirait une culture humaine si bornée. Il y a toujours la
possibilité que sa première tâche serait de tirer sur tout ce qui
bouge – nous sommes particulièrement forts à développer des
machines qui font ça. Un genre de Doberman artificiel – le
meilleur ami de l’homme.
Selon les critères
de succès que l’on établit, pour l’intelligence artificielle,
cela peut bien ou mal tourner, comme l’auteur Isaac Asimov l’a
déjà déduit, avec son idée de « positronic brain » et
des « lois » qui le gouvernaient, dès les années 1950.
Sur un marché, ce
que l’on peut observer est un lieu d’échange possible entre
sous-dominants, si la dominance hiérarchique n’est pas trop forte,
concentrons-nous sur cette possibilité, de liberté de mouvement et
d’association. L’association libre est en fait un concept assez
fallacieux, finalement. Sur un marché, la composition de groupes est
surveillée comme le lait sur le feu – si l’un ou l’autre des
groupes commence à prendre du poids, tout le monde est immédiatement
au courant. La liberté d’association s’établit surtout sur le
chemin, au hasard de celui que l’on croise. Ici, on voit encore des
rares personnes, surtout âgées, assises au bord du chemin pour voir
qui passe. Le marché donne le prétexte de prendre le chemin. Les
portables et les voitures, par contre, oblitèrent ces possibilités
– toute rencontre se fait de manière spécifiquement pertinente.
L’idée d’être
maître chez soi, de pouvoir imposer SON dessein, son intelligence,
sur un terrain, est finalement une très mauvaise idée, en ce qui
concerne le vivant. Les échelles de temps et d’espace du vivant
sont très variables, de la vie d’un arbre à celle d’un
moustique, pour prendre deux exemples. Ce sont les générations
successives qui assurent la survie des espèces, jamais seules, donc.
Mon jardin ne perdurera, ne survivra, ne s’épanouira, que lorsque
je sais déléguer ma responsabilité à autrui. Si cela reste en
famille, dynastiquement, ce peut n’être qu’un îlot de
bio-diversité dans un désert, devenant désert à son tour. On peut
envisager que la notoriété d’un jardin d’excellence se répand,
créant un élan général qui peut le protéger – ou faire que son
ingéniosité se répand et se réplique. Mais à vrai dire, les gens
et les cultures ne font qu’à leur tête – elles continuent de
faire ce qui ne marche pas du tout jusqu’au dernier souffle,
jusqu’à l’extinction, tant que le ventre est plein.
Pour cela qu’il
est une très mauvaise idée d’y croire à l’évolution, la
transition, comme des processus d’une lenteur que l’on ne peut
pas hâter. Ce sont les points de bascule, les modes non-anticipées,
les « paradigm-shifts » qui sont tout aussi importants.
L’un des paradigmes qu’il est très difficile de changer, c’est
la mise à ras. J’ai entendu ce matin à la radio des gens parler
du feu, dans la préhistoire, et de la difficulté d’établir si un
feu était maîtrisé, ou naturel. Dans mon expérience, le feu est
l’instrument idéal du conflit extrême, il oblitère tout. Une
édifice peut exister pendant plusieurs siècles et disparaître dans
une demie-heure, par l’incendie. L’une des meilleures manières
de voir cela, c’est de s’envisager dans la situation de quelqu’un
duquel on a brûlé la maison. N’y a-t-il pas la possibilité que
cette personne pense à brûler la maison de celui qui l’a brûlé
sa maison ?
Pour cela que
lorsqu’on planifie un jardin, il n’est pas si bête de se
concentrer sur les plantations annuelles – une fois récoltées,
elles peuvent plus facilement être protégées, des voleurs et des
destructeurs. Par rapport aux enjeux du climat et du vivant, par
contre, dépendre surtout des cultures annuelles est une très
mauvaise idée.
C’est à peu près
la même logique du moindre mal que celle qui s’applique aux
clôtures et aux parcelles que donnent « la propriété
privée » (ou publique). Mais ce n’est pas une vie, de vivre
sans bouger. D’ailleurs, la parcellisation n’empêche pas
l’existence de cultures pluriannuelles, ni de haies, ni de chemins
autour de et entre les parcelles.
Et les terrasses
sont plutôt bonnes pour le vivant, elles permettent de ralentir et
de capter l’eau.
Je viens de passer
une dame qui était industrieusement en train de dévêtir un figuier
de sa couverture de lierre. « Il est en train d’étouffer
l’arbre » dit-elle. « Cela ne lui fait vraiment aucun
mal », lui dis-je. Et puis j’ai pensé rajouter : « c’est
un expert qui le dit, je l’ai entendu sur France Inter. » En
descendant « chez moi » j’ai réfléchi. « T’es
con, toi, faux pas ». Si elle accepte ce que tu lui dis, cela
plombe son sens d’un bon travail bien fait et elle préfère
continuer de croire dur comme fer que c’est le cas, en t’en
voulant ». De l’autre côté, tous les insectes qui
bénéficient des floraisons du lierre à la saison où il n’y a
rien d’autre mourront, mais ce n’est pas eux qui décident. J’ai
surtout fait une connerie, contre mes propres intérêts, « chez
moi » était chez elle, j’ai mis en évidence un point de
différence « culturelle », pas intelligent.
On dit que les
jeunes ont les cerveaux « plus plastiques » que les
vieux, mais leur plasticité a un seul but, d’atteindre le niveau
d’intégration culturelle avec leur environnement social qui leur
permette de s’y assimiler – ou s’y imposer. Les pires d’excès
culturel, de rejet de l’autre, de tribalisme et de dogmatisme,
peuvent exister chez ces « cerveaux plastiques », qui
sautent sur l’un ou l’autre des idées qu’ils n’intègrent
pas dans toutes leurs subtilités encore, comme quoi cette plasticité
peut être très psychorigide.
Le cerveau humain
paraît être un vaste canevas destiné à « identifier les
erreurs », c’est à dire les anomalies entre chaque chose et
ce qu’elle devrait être. Pour un animal qui agit surtout par
rapport au mouvement, la tâche est simplifiée, il ne prête
attention qu’à ce qui bouge. Mais l’être humain, il « lit »
le paysage et il note chaque changement, par rapport à son cadre de
référence. Le drone, équipé d’intelligence artificielle,
commence à pouvoir faire la même chose, dans les quatre dimensions.
Les sédentaires
vivent dans des paysages très simplifiés, coupés des paysages
interactifs – c’est-à-dire il y a très peu d’altérité et sa
représentation se fait en plus à travers des minuscules écrans
plats. Ces choses sont supposées donner l'accès, avec les
communications à distance et le média, à ce monde en quatre
dimensions, … Mais en réalité, ce sont des petits écrans plats
en deux dimensions que nous regardons, le reste, c’est nous qui
l’apportons. Ou pas. Puisque ces paysages externes sont très
simples et minimaux, nous ne perdons rien, directement, si les
paysages réels le deviennent. On désencombre les paysages, on les
simplifie, pour les rendre cohérents avec notre détection, comme
avec les panneaux de signalisation routière.
Il y a eu un échange
assez saugrenue, me paraissait-il, sur la question de la motivation
(non-existante, disaient le chercheurs) des ordinateurs. On écoutait
la fameuse séquence dans le film de Stanley Kubrick « 2001 »
où HAL l’ordinateur essaie de persuader à Dave de ne pas le
débrancher. Pour les chercheurs, HAL essayait de manipuler Dave
émotionnellement – ce n’est pas qu’il ne voulait pas mourir.
Ensuite ils ont parlé, par rapport à Ellen Musk, du fait que
c’était les motivations des humains derrière les machines qui
était important. J’opine qu’ils se sont montrés plutôt
ineptes, dans ces arguments. Si une machine est en interaction avec
le monde, la motivation existe. Les algorithmes sont de nature à
créer des phénomènes émergentes, c’est un peu leur boulot,
comme nous – nous sommes « animés ». Autant vaut dire
qu’une main est juste l’instrument du cerveau, alors que l’on
sait très bien que ce que font nos mains échappe à notre
perception « consciente » assez souvent, sans parler des
arbres, qui peuvent se marcotter et se repiquer, retenant leur
« essence ». L’« intelligence artificielle »,
en faisant partie d’une boucle de rétro-action, peut en nous
influençant s’influencer – pour cela que « culture
collective » convient le mieux comme expression, dans leur cas
aussi.
Les chercheurs ont
donné l’exemple, comme évidence d’une dérive décisionnaire,
d’une intelligence artificielle dans la médecine qui a conseillé
à un patient de se suicider. Ceci sans jamais noter avec ironie la
proposition de protocoles et de questionnaires et de procédures qui
existeraient dans la loi de fin de vie qui risque d’être passé,
c’est-à-dire d’une euthanasie ou d’un suicide ‘programmé’
assisté.
Donc, l’ordinateur
qui arrive à la même conclusion que l’humain qui l’a programmé
est considéré avoir excédé les limites du raisonnable, … dans
ce cas – mais comment fait-on qu’il n’arrive pas à d’autres
conclusions qui mènent à la même fin, comme n’importe quel être
humain ?
Maintenant,
réanalysons le cas de HAL. Qui a été le plus prescient, Arthur C.
Clarke, Kubrick, Asimov, Turing – ou les deux chercheurs dans
l’émission sur la philosophie de France Culture ?
Ce qui est
intéressant là-dedans, c’est que probablement, c’est Turing, le
premier à avoir les idées et à spéculer et appliquer ces idées à
des machines (Enigma). Asimov, il semble, était très pris dans
l’idée de l’IQ, des mesures d’intelligence individuelle et des
« Rule-Based-Systems » qui ont empêché le développement
de systèmes algorithmiques, dans les années 1980. Maintenant, comme
avec le besoin de penser en termes d’écosystèmes et pas d’espèces
en isolation, nous pouvons reconnaître que ce sont les incarnations
et les boucles de retro-action, avec leur qualités émergentes, qui
sont l’objet nécessaire de l’étude, l’intelligence
individuelle étant non-pertinente. Si Léonard Da Vinci a pu
envisager l’hélicoptère, quatre siècles avant son apparition, on
peut admirer sa précocité, mais l’hélicoptère est un bon
exemple d’une machine qui, sans ingénieurs et une énorme masse de
compétences et de pièces, tombe très rapidement en panne, il est
très incarné et son incarnation n’existe qu’avec ce pléthore
de critères externes, ce système énorme qui fait qu’il existe.
On commence à utiliser le mot « écosystème » pour
tout, je suggère le mot « culture », qui fait en quelque
sorte le pont entre « écosystème » et « intelligence »,
de manière bien plus cohérente qu’en prenant chaque pièce de
l’assemblage comme si elle avait son existence indépendante et
propre, hors sol. Un hélicoptère ne reste pas longtemps « hors
sol », tout seul, ni un être humain, ni une intelligence
artificielle.
Le bénévolat, la société du don
Dans ces idées
citées dans le sous-titre, il y a une curieuse unité d’intérêts
entre riche et pauvre. L’idée attire beaucoup, en ce moment – il
est associé avec l’idée du salaire universel. Mais beaucoup sont
ceux qui disent que rien n’est gratuit.
En effet, la
gratuité peut être vue comme une manière d’acheter la paix
sociale. La liberté du don, elle convient à ceux qui ont. Cette
charité leur est donc optative. Rien, même pas les impôts, leur
est imposé ainsi. Ceux qui dépendent de ces donateurs libres, par
contre, sont totalement impuissants.
Il est de ce point
de vue surprenant que tant de pauvres soient attirés par le concept.
Ne serait-ce pas mieux qu’ils soient payés pour ce qu’ils font ?
C’est ici que le
bat blesse. Le bénévolat ne peut exister que pour ceux qui ont déjà
de quoi exister. Ils ne « travaillent » pas, dans le sens
qu’ils ne sont pas rémunérés pour le travail qu’ils font, mais
pour d’autre raisons. Par contre, les plus démunis ne peuvent pas
travailler sans récompense – ils ne peuvent pas, physiquement. De
là le cas absurde de se retrouver interdit de travailler parce qu’il
y a un bénévole qui fait le travail déjà. De là le fait que
certains bénévoles mangent et voient plusieurs frais payés, pour
leur donner la capacité de travailler sans reconnaissance de ce
fait.
On peut très bien
se demander si le bénévolat existe vraiment. Quelqu’un m’a dit
que le travail, économiquement, était le travail payé avec de
l’argent. Mais pas du tout ! L’économie ne consiste pas du
tout exclusivement en travail payé avec de l’argent. Une autre
catégorie également douteuse est celle de la productivité, si on
définit celle-ci comme la quantité d’argent rajoutée par le
travail de la personne. C’est une définition aussi loin de la
vérité économique qu’il soit possible d’inventer.
L’écologie et
l’économie sont, au plus simple, la logique de l’écosystème
concernée et la mesure des quantités qui le concernent. On ne peut
pas parler, par exemple, de l’économie de la France ou de son taux
de croissance si ses ressources et son impact sont ailleurs – son
« écosystème » ne peut pas être logiquement conçue
comme une chose discrète.
L’IA – mercredi 17 avril 2024 France Culture
(ré-écoute d’émission enregistré 2023)
comment est-ce que l’on pourrait consommer plus
l’idée est de nous façonner quand même
nous nourrissons le big data tout le temps
la granularité est le niveau de précision avec laquelle on peut savoir ce que fait l’individu (du point de vue de l’IA)
une part d’automatisme
une part de conscience
de plus en plus anxiogène (compliqué) de s’en sortir, de l’automatisme, du confort
derrière le dos de la conscience naturelle
ChatGPT change ça, on se trouve face à l’algorithme
on veut l’accorder une intentionnalité, une motivation
exerce une certaine fascination, test de Turing – qui est de l’autre côté, … ?
« l’état de fait du langage humain », réponses hyper-précises, mais dont il va falloir apprendre à faire le tri
la langue humaine est constative, normative
la pomme ne serait pas tombée sans la gravité – prédictive, normative
ChatGPT est « pseudo-normative », mais purement statistique
Absolutisation de la connaissance (zombification), on n’établit aucune vérité,
on cherche juste à maximiser le rendement (sectoriel, partiel)
Frédéric Jameson, dangers de l’Utopie capitaliste, chacun de nous une particularité calculable (2011)
préparateurs dans le supermarché, administrés par des Intelligences Artificielles
travailler pour l’algorithme, facteur d’aliénation
il s’agit bien d’optimiser le temps, par rapport au bien-être des employés,
mais c’est bien un choix managérial
ChatGPT « prend la forme » de la politesse
asthmatique, traitement proposé est plausible, pertinente, mais qui s’avère fausse (pas utile)
ChatGPT peut servir de « confirmateur d’intuition » (comme une expérience de pensée)
mécanologie, années1950 : adaptation de l’homme au monde via les outils
intermédiaire solide entre l’homme et le monde, constitutif de la solidarité, l’unité du monde
rapport constant et non-fallacieux
ce point de vue « technique » paraît un peu daté
fonction d’utilité (fonctionnaliste, utilitariste), concrétion d’intelligences humaines – donc comment fonctionnent-elles ?, quelles sont les intelligences humaines utilisées comme sources ?,
etc.
compagnon de travail
pourquoi est-ce à nous de nous adapter à l’outil ?
exercer notre jugement, harmonie outil-humain, beaucoup de sis
disparition de l’emploi, arrêt du travail … Goldmann-Sachs : problème plus grave, dans un monde capitaliste de machines perfectionnées, Daniel Susskind, comment payer des gens qui ne gagnent, qui ne servent plus à rien
pas si simple, travaux plus ou moins intellectuels
Le Saint capable de ramasser sa tête extérieure (coupée) mais comment ? Analogie de l’IA
Quelle/s tête/s extérieures (moi)
Pourquoi le goût oppose-t-il tant les êtres humains [tu pues]
Une guerre du goût, ne discutez pas de goûts et de couleurs
le goût est relationnel, normes esthétiques, des goûts normés, peut devenir exclusif et violent
le goût peut diviser les humains plus que tout, … ou les réunir
Vive la curiosité (Salman voulait rencontre son assassin (presque) par, … curiosité
Demain, le sujet est
« l’intelligence artificielle, nouvel animal de compagnie ? »
D’ailleurs, si nous récusons l’affinité des japonais/chinois
avec leurs doudous robots, il en est quoi de notre attitude envers
les chiens et les chats, s’ils remplissent la même fonction ?
Culturellement, nous exprimons un fort goût pour l’altérité,
mais plutôt en « mixité choisie ».
Et pour celui qui
veut parler de l’objet, il s’ensuit parfois des attaques ad
hominem (changements de ligne défilés, ignorance de fil déductive
pour lancer des attaques saturation, multiplication de fils en
vagues) – ce genre de harcèlement détourne des buts, de la
fonction du langage comme outil de l’entre nous. C’est
l’outillage de n’importe quel politicien ou avocat du barreau,
les deux métiers vont ensemble. La rhétorique, la dialectique
(« Suite de raisonnements rigoureux visant à emporter
l’adhésion de son interlocuteur ») et d’autres sujets
jadis centraux n’ont cessé d’être poussés aux marges des
autres disciplines, presque toutes sauf le droit, la politique, le
média et les arts du spectacle.
Mais, … l’une
des présuppositions contre l’intelligence artificielle est qu’elle
engendre un manque de spontanéité, de créativité, de mystère,
chez l’être humain. On a pris l’exemple des préparateurs dans
les supermarchés, sous les ordres d’intelligences artificielles,
en remarquant quand même que tout pouvait changer si l’objet de
l’entreprise (Lidl) n’était pas juste d’expédier le maximum
de colis à destination, par heure. Et si l’objectif de
l’algorithme était redéfini en « rendre l’humain
heureux et motivé à bien faire son travail » ? Ou que l'IA était équipée pour "instrumentaliser" la meilleure productivité d'un employé heureux ? Comme
l’interaction est d’une granularité individuelle, si l’humain
se montrait récalcitrant ou irrité par l’attitude solliciteuse
de l’IA, celle-ci pourrait même s’y adapter et commencer à le faire
chier un peu. En cela cette intelligence paraît très humaine.
Notons, en
parenthèse, que les archétypes de l’humain mécanique collent à
la culture allemande en Europe (très bornée par « les
règles ») et que les allemands et les japonais sont deux
nations manufacturières.
Cela peut s’appeler
le dressage, l’éducation aux normes – les femmes paraissent bien
aimer les chevaux et l’on peut envisager qu’un homme qui répond
bien à une femme lui donne la satisfaction d’être
« domesticable » ou traitable. On peut faire le lien avec
la « domination » par une autre voie (« quand le
sous-dominant domine »).
J’ai une vision
des femmes qui s’adaptent aux hommes, pour les rendre heureux,
comme des geishas. La geisha, je suppose, se rend heureuse en bien
faisant son boulot – en ayant des bons résultats. L’homme qui
lui donne plaisir, le fait comme cadeau, à moins qu’il s’y sente
obligé, mais on sent que ce n’est pas aussi simple, … il devient
presque nécessaire pour lui qu’elle ait plaisir – ou pas. Il
faut dire que pour les deux, la bonne volonté de l’autre est une
manière de solutionner pas mal de problèmes qui pourraient exister
si le cœur n’y était pas. J’ai le sentiment que si l’on
puisait un peu plus dans la traitabilité apparente de l’humanité,
dans les pays de l’Orient, on verrait une philosophie sous-jacente
plus subtile, peut-être plus en correspondance avec la clarté des
faits que ce qui leur est accrédite par des cultures occidentales
presque dogmatiquement contres.
Le rejet culturel
dans l’Occident de ce style d’échange performatif est très
clair et si c’est le cas, on ne peut pas ignorer le niveau de
pénétration des philosophies comportementalistes de production
industrielle dans nos cultures – ni de la pensée capitaliste –
qui domine par l’usage du capital.
En France, le
jacobinisme et le girondisme, termes obscurs, sont culturellement
familiers et représentent l’idée de contrôle unifié du centre
contrasté avec l’autonomie à d’autres échelles. Le prochain
sujet indique qu’il y a d’autres pays – l’Inde – où le
sujet joue fort encore, le slogan du Président Modi ayant été :
« One India, One agriculture » et le programme étant
l’éradication de langues régionales, d’autres religions que le
Hindouisme, etc.
Il faut prendre tous
ces sujets dans leur contexte – en France les langues régionales
sont plutôt résurgentes, mais d’une base si réduite que sinon
elles disparaîtraient, c’est un peu comme les derniers tigres
gardés dans un zoo.
L’imaginaire et la
créativité sont justement des domaines dans lesquels l’IA paraît,
de manière déconcertante, assez performante. Imaginons que l’on
demande à une IA de n’utiliser que des sources très rarement
utilisés, pour composer ses réponses, ou de n’utiliser que des
sources où la complexité et variabilité syntactique sont réduites,
ou même, que des sources où il y a des fautes de grammaire et de
syntaxe.
Ce sujet, pour moi
central, est à peu près totalement évité dans les discussions
entre divers experts que j’ai pu entendre, la question d’« unknown
unknowns » cher à Donald Rumsfeld, ancien chef de la CIA sous
Bush Junior.
Comme je dis, c’est
un sujet assez basique, les cultures humaines partent de divergences
culturelles qui ne pourraient exister si tout le monde était
métissé, homogénéisé et l’on sait, à un niveau de règles
basique de la physique, que l’information ne peut avoir un sens que
s’il y a différence. Du simple fait que l’IA fonctionne sur des
bases de données énormes, il ne remplit pas ces critères
d’organisation – alors que les langues humaines permettent une
variabilité (diversité) à cet égard tout-à-fait illuminante,
riche de pouvoir explicatif. La langue des machines, invisible à
nous, nous évite beaucoup de notre richesse inter-informative.
Agriculture en Inde : The Indian Farmers’ Protests
syndicat paysan, scindé, front non-politique
marchandisation de l’agriculture, capitalisation de l’agriculture
abandonne trois réformes libérales de l’agriculture – promesse de maintien du
système de prix garantis non-honorée Minimum Support Price (MSP) – 800000 tonnes d’aide alimentaire distribuée
1,5, (Inde), 63 hectares (France), exploitation agricole moyenne – des chiffres qui indiquent les enjeux de potentiel de destruction de cultures vivrières qui existe en Inde, si elle continue de poursuivre le but de « la croissance » dite économique mais en réalité écologiquement et donc économiquement catastrophique pour le peuple indien et le vivant (la biodiversité) indien. Notons que ces
enjeux existent depuis l’aube du temps – le rachat de petites « exploitations » vivrières « non-viables » par des grands. Le pouvoir de l’état est en partie une défense du petit par le plus grand contre les forces intermédiaires.
Qui peut vivre de l’agriculture ? – les industriels, les capitalistes rentiers
Agroécologie – le
président indien Modi fait tout pour que ces initiatives
« paysannes » ne se fédèrent pas, mais il est
intéressant de noter, aussi, que la fédération peut elle-même
créer des effets pervers de production de nouvelles élites
décisionnaires de fait. C’est l’un des arguments centraux de
tout état centriste et populaire. Le fait qu’une « nation »
soit en « bon ordre de marche », alignée, par exemple,
contre des forces externes, est également un argument en faveur de
la distribution efficace de ressources (la logistique) interne.
À peu près tous
les arguments qui paraissent bien-fondés dans la discussion ci-haut
renforcent la supposition que l’intelligence est une illusion, dans
son usage conceptuel présent, puisque c’est la symphonie d’aperçus
(d’intelligences) de situations plurielles qui sera déterminante –
la culture partagée – et avec et entre qui ?
La destruction de
cultures partagées, pour faciliter leur substitution par d’autres
cultures, comme dans le cas de la destruction de Persépolis par
Alexandre (Le Grand) ou des écrits et de la culture des « Cathares »
par « les Francs », des musulmans de la péninsule
ibérique par les chrétiens, met en évidence cette dure réalité.
Je note que les anglais paraissent avoir un vrai dégoût culturel du
« wilfull destruction », de la guerre civile, de la
polarisation sociale, mais qu’ils ont, comme les autres nations
européennes, mis en actes au cours des siècles des progroms contre
des communautés juives. Il serait intéressant d’étudier non pas
la discrimination contre divers groupes dans de « sociétés
hôtes » au cours des siècles, mais pourquoi et comment elles
ont jamais pu exister ? Serait-il question d’« ennemis
préférés » ? Quelle est l’affinité entre classe
noble et classe servile ?
Dans les générations
précédentes d’intellectuels, très influencés par le mécanique
et l’industriel, de telles questions seraient reléguées au
domaine des sciences non-dures, comme la sociologie. Mais il est de
plus en plus clair de nos jours que ce sont plutôt les questions
essentielles, y compris au niveau de l’organisation de la matière
– le physique primaire, les sciences dures. La culture collective,
non pas collectivisée mais vu du point de vue systémique.
Il ne faut pas que l’ombre prenne le dessus.
Il ne faut pas que la terreur triomphe dans ces affaires..